NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.35413 janvier 2005

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt et unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 354e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le lundi 16 novembre 1998, à 10 heures

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial de la Yougoslavie (suite)

Troisième rapport périodique du Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et de ses territoires dépendants

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la Yougoslavie (suite) (CAT/C/16/Add.7)

Conclusions et recommandations du Comité

1.Le PRÉSIDENT note que le représentant de la Yougoslavie n’est pas en mesure de participer à la séance, et il invite le Rapporteur pour la Yougoslavie à donner lecture du texte des conclusions et des recommandations que le Comité a adoptées concernant le rapport initial de la Yougoslavie.

M. YAKOVLEV (Rapporteur pour la Yougoslavie) donne lecture du texte suivant:

«1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Yougoslavie (CAT/C/16/Add.7) à ses 348e, 349e et 354e séances, tenues les 11 et 16 novembre 1998 (CAT/C/SR.348, 349 et 354) et a adopté les conclusions et recommandations suivantes:

A. Introduction

2.La Yougoslavie a signé la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégra­dants le 18 avril 1989 et l’a ratifiée le 20 juin 1991. Elle a reconnu la compétence du Comité contre la torture pour recevoir et examiner des communications au titre des articles 21 et 22 de la Convention.

3.Le rapport initial de la Yougoslavie était attendu en 1992. Le Comité se déclare préoccupé de ce que ce rapport n’ait été présenté que le 20 janvier 1998. Il contient des informations générales, des informations sur les instruments internationaux, les autorités compétentes, les procédures disciplinaires et judiciaires à l’encontre de fonctionnaires de police et des renseignements sur l’application des articles 2 à 16 de la Convention.

B. Aspects positifs

4.Au nombre des aspects positifs, on peut mentionner que les dispositions de l’article 25 de la Constitution de la République fédérale de Yougoslavie interdisent toute violence à l’égard d’une personne privée de liberté ainsi que toute extorsion d’aveux ou de déclaration. Cet article proclame que nul ne doit être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements dégradants. La même norme figure dans les Constitutions des républiques constitutives de Serbie et du Monténégro.

5.Le Code pénal yougoslave définit les infractions pénales de privation illégale de liberté, d’extorsion d’aveux et de sévices infligés dans l’exercice de fonctions. Des dispositions analogues figurent dans les Codes pénaux de la Serbie et du Monténégro. La loi de procédure pénale, applicable dans toute la République fédérale de Yougoslavie, contient une disposition selon laquelle toute extorsion d’un aveu ou d’une déclaration d’un accusé ou de toute autre personne poursuivie est interdite et punie par la loi. Le Code stipule aussi qu’il est interdit de porter atteinte à la personnalité ou à la dignité de l’accusé au cours de sa détention.

6.Les règlements applicables à la police en Yougoslavie prévoient des mesures disciplinaires et autres, notamment la suspension et des poursuites pénales, sanctionnant les actes des agents de la police qui violent les dispositions de la Convention.

7.La réforme législative en cours dans le domaine du droit pénal, et plus particulièrement de la procédure pénale, envisage des dispositions spécifiques qui, espère‑t‑on, contribueront à une meilleure prévention de la torture en Yougoslavie.

C. Facteurs et difficultés entravant l’applicationdes dispositions de la Convention

8.Le Comité a tenu compte de la situation dans laquelle la Yougoslavie se trouve actuellement, notamment en ce qui concerne les troubles et les frictions ethniques qui secouent la province du Kosovo. Il souligne cependant qu’en aucun cas des circonstances exceptionnelles ne peuvent être invoquées pour justifier le non‑respect des dispositions de la Convention.

D. Sujets de préoccupation

9.Les principales préoccupations du Comité tiennent à la non‑conformité des textes législatifs avec la Convention et, plus grave encore, à la situation en ce qui concerne l’application de la Convention dans la pratique.

10.En ce qui concerne la législation, le Comité est préoccupé par l’absence dans le droit pénal yougoslave de dispositions définissant la torture en tant que crime spécifique conformément à l’article premier de la Convention. L’incorporation de la définition figurant à l’article premier de la Convention, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 et au paragraphe 1 de l’article 2, nécessite un traitement législatif spécifique autant que systématique en droit pénal positif. L’article 4 de la Convention exige que tout État partie veille à ce que tous les actes de torture constituent des infractions au regard de son droit pénal. L’incorporation mot pour mot de cette définition dans le Code pénal yougoslave permettrait de rendre la formule par laquelle celui‑ci définit actuellement “l’extorsion d’aveux” plus précise, plus claire et plus efficace.

11.L’un des moyens essentiels de prévention de la torture est l’existence, dans les lois de procédure, de dispositions détaillées sur l’irrecevabilité d’aveux obtenus illégalement et d’autres éléments de preuve viciés. Sur ce point, le rapport de l’État partie (par. 70) ne mentionne que les “principes généraux” de la législation pénale nationale. Or l’absence de normes procédurales détaillées sur l’exclusion des éléments de preuve viciés peut avoir pour effet de rendre plus difficile l’application concrète de ces principes généraux et d’autres normes pertinentes de la loi sur la procédure pénale. Quelle que soit la procédure légale, les juges qui statuent au principal ne devraient jamais être autorisés à connaître d’éléments de preuve obtenus en violation de l’article premier de la Convention.

12.Le fait de réglementer la détention avant jugement revêt une importance particulière pour la prévention de la torture. Deux questions sont déterminantes à cet égard, à savoir la détention au secret et l’accès à un défenseur. L’article 23 de la Constitution yougoslave prévoit que toute personne détenue doit pouvoir consulter rapidement un défenseur. Il semble en découler que l’accès à un défenseur doit être accordé immédiatement après l’arrestation. Or, l’article 196 de la loi de procédure pénale autorise, dans certains cas précis, la police à maintenir une personne en détention pendant une période de 72 heures sans que celle‑ci ait accès à un défenseur ou à un magistrat instructeur. Le rapport ne dit mot de la durée de la détention après la mise en accusation et avant jugement, qui ne devrait pas être indûment prolongée.

13.En ce qui concerne la situation effective en Yougoslavie, le Comité est extrêmement préoccupé par les nombreuses relations d’actes de torture commis par les forces de la police d’État que lui ont faites des organisations non gouvernementales. Parmi les informations fiables communiquées au Comité par des organisations non gouvernementales figurent de nombreuses descriptions d’actes de brutalité et de torture perpétrés par la police, notamment dans les régions du Kosovo et du Sandjak. Les actes de torture commis par la police et plus particulièrement par ses unités spéciales consistent notamment en coups de poing, coups de gourdin ou de matraque métallique, principalement sur la tête, dans la région des reins ou sur la plante des pieds, entraînant des mutilations et même la mort dans certains cas. Il y a eu des cas de torture par électrochocs. Par ailleurs, le Comité est préoccupé de ce que, selon des informations fiables, des aveux obtenus par la torture ont été admis comme élément de preuve par des tribunaux, même dans les cas où le recours à la torture avait été confirmé par les examens médicaux effectués avant le jugement.

14.Le Comité est aussi profondément préoccupé de l’absence d’enquête, de poursuites et de sanction suffisante de la part des autorités compétentes (art. 12 de la Convention) à l’égard des tortionnaires présumés ou des individus soupçonnés de violer l’article 16 de la Convention, ainsi que des réactions insuffisantes aux plaintes des victimes, qui se traduisent par une impunité de facto des auteurs d’actes de torture. L’impunité de jure des auteurs de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants résulte notamment des amnisties, suspensions de peine et rétablissements dans leurs fonctions d’agents suspendus qui ont été accordés par les autorités. Nulle part dans le rapport ni dans la déclaration orale de la délégation yougoslave on ne trouve mention de ce que fait le Gouvernement yougoslave pour réadapter les victimes de la torture, du montant des indemnités qu’elles reçoivent ou de la véritable étendue des réparations qui leur sont accordées.

15.Le Comité espère qu’à l’avenir, il sera possible d’effacer cette divergence déconcertante entre le rapport yougoslave et l’apparente réalité des abus commis. Toutefois, le Comité est également inquiet de ce que l’État partie semble ne pas avoir la volonté politique de se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

E. Recommandations

16.Le Comité invite l’État partie à honorer les obligations légales, politiques et morales auxquelles il a souscrit en ratifiant la Convention. Il compte que le deuxième rapport périodique de la Yougoslavie, qui aurait déjà dû être présenté, traitera des allégations de torture sous juridiction yougoslave et y répondra directement. Il compte en particulier que l’État partie fournira des informations sur toutes les allégations spécifiques de torture communiquées à ses représentants au cours du dialogue qu’ils ont eu avec le Comité. Conformément aux articles 10, 12, 13 et 14 de la Convention, le Comité serait heureux de recevoir des informations sur toutes les activités éducatives que le Gouvernement yougoslave a l’intention d’entreprendre en vue de prévenir la torture et les violations de l’article 16 de la Convention. En outre, le Comité accueillerait avec intérêt toute information sur les mesures législatives et pratiques que l’État partie a l’intention de prendre pour fournir aux victimes de la torture les réparations, les indemnités et la réadaptation appropriées.

17.Le Comité recommande que l’expression crime de torture soit incorporée à la lettre dans les codes pénaux yougoslaves. Pour réduire la fréquence de la torture en Yougoslavie, il recommande à l’État partie de garantir dans la loi et dans la pratique l’indépendance de la magistrature, de garantir la possibilité de consulter sans restriction un défenseur immédiatement après l’arrestation, de réduire la durée de la garde à vue à une période maximale de 48 heures, de réduire la durée de la détention avant jugement et après mise en accusation, de déclarer strictement irrecevables tous les éléments de preuve obtenus directement ou indirectement par la torture, d’octroyer des réparations civiles effectives et d’engager des poursuites pénales vigoureuses dans toutes les affaires de torture et de violation de l’article 16 de la Convention.

18.Enfin, le Comité invite l’État partie à présenter son deuxième rapport périodique avant le 30 novembre 1999.».

La séance est suspendue à 10 h 20; elle reprend à 10 h 30.

Troisième rapport périodique du Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et territoires dépendants (CAT/C/44/Add.1; HRI/CORE/1/Add.62 et HRI/CORE/1/Add.5/Rev.2)

2.Sur l’invitation du Président, M. Pearson, M. Steel, M. Carter, M. Harbin, M me  Menaud ‑Lissenburg, M. Beeton, M me  Todd, M. Rogers et M. Miller ( Royaume ‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ) prennent place à la table du Comité.

3.Le PRÉSIDENT invite la délégation de l’État partie à présenter le troisième rapport périodique du Royaume‑Uni (CAT/C/44/Add.1).

4.M. PEARSON (Royaume‑Uni) dit que le troisième rapport rend compte des faits nouveaux survenus depuis l’examen du deuxième rapport, en novembre 1995, ainsi que de certains faits nouveaux importants qui ont eu lieu depuis la soumission du troisième rapport quelques mois auparavant.

5.Il est indiqué dans le rapport que le Gouvernement a présenté un projet de loi visant à donner effet à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. M. Pearson est heureux d’annoncer que la loi sur les droits de l’homme a reçu la sanction royale le 9 novembre 1998. Une copie de la loi sera distribuée aux membres du Comité. Une différence importante entre l’exemplaire du projet de loi qui avait été envoyé au Comité avec le troisième rapport du Royaume‑Uni et le texte définitif de la loi tient à l’ajout du Protocole no 6 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le Parlement a pris la décision d’ajouter à la loi le Protocole no 6 en mai 1998, confirmant ainsi l’abolition de la peine capitale pour toutes les infractions civiles. Le Gouvernement a ensuite annoncé qu’il abolirait la peine capitale pour les infractions militaires en temps de paix et en temps de guerre. Des dispositions sont actuellement prises en vue de la ratification du Protocole no 6.

6.La loi sur les droits de l’homme est un élément essentiel du vaste programme de réformes constitutionnelles entrepris par le Gouvernement. Conformément à cette loi, toute personne qui considère qu’une autorité publique a violé ses droits protégés par la Convention pourra saisir les tribunaux nationaux et n’aura plus besoin de porter son cas devant les instances européennes. Si le tribunal donne raison au plaignant, il pourra lui accorder toute réparation à laquelle il peut prétendre, y compris des dommages‑intérêts.

7.Il incombera aux tribunaux d’interpréter la loi d’une façon compatible avec les droits énoncés dans la Convention. En cas d’incompatibilité de dispositions du droit dérivé, les tribunaux seront généralement habilités à les déclarer nulles. En outre, un ministre du Gouvernement devra désormais faire une déclaration concernant la compatibilité avec la Convention de toute nouvelle loi proposée par le pouvoir exécutif, ce qui devrait permettre de prendre davantage en compte les aspects relatifs aux droits de l’homme dans l’élaboration des textes législatifs. La nouvelle loi contribuera à renforcer la culture des droits de l’homme au Royaume‑Uni. Les droits énoncés dans la Convention seront pris en compte à tous les échelons des pouvoirs exécutif et législatif, ce qui devrait avoir à terme des effets très importants. Le Gouvernement n’a pas encore décidé à quelle date la loi entrera en vigueur, compte tenu de l’ampleur du travail à accomplir en amont. Tous les tribunaux et toutes les cours devront, par exemple, recevoir une formation qui leur permettra de traiter comme il convient les aspects relevant de l’application de la Convention dans les affaires dont ils auront à connaître.

8.Dans la pratique, l’Écosse, le pays de Galles et l’Irlande du Nord seront les premiers touchés par la nouvelle situation. Conformément aux dispositions de la législation relative au transfert de certains pouvoirs, les institutions de ces parties du Royaume-Uni auxquelles certaines responsabilités auront été dévolues − par exemple le Parlement et l’exécutif écossais et l’Assemblée d’Irlande du Nord − ne pourront prendre aucune décision incompatible avec la Convention. Les administrations auxquelles les responsabilités en question seront transférées commenceront de fonctionner en été 1999.

9.La situation en Irlande du Nord a évolué très rapidement au cours des derniers mois. La nouvelle loi sur les droits de l’homme s’appliquera dans cette partie du Royaume, dont la population jouira des droits énoncés dans la Convention. Les conditions particulières en Irlande du Nord justifient toutefois l’adoption de mesures spéciales visant à protéger les droits prévus par la nouvelle loi, et peut‑être la création de droits supplémentaires qui ne seraient accordés qu’en Irlande du Nord.

10.Les droits, les garanties et l’égalité de chances constituaient un thème central de l’Accord qui a été signé à Belfast le jour du vendredi saint de 1998. Outre qu’il a créé une Assemblée à laquelle certains pouvoirs ont été transférés, l’Accord visait également à mettre en place une nouvelle institution, qui s’appellera la Commission des droits de l’homme de l’Irlande du Nord. Celle‑ci aura pour mission, entre autres, d’évaluer régulièrement la pertinence et l’efficacité des lois et des pratiques, d’adresser des recommandations au Gouvernement en tant que de besoin, d’offrir une information et de mener une action de sensibilisation en matière de droits de l’homme, d’examiner les projets de loi qui lui seront soumis par la nouvelle Assemblée et, le cas échéant, de saisir la justice ou d’offrir une assistance aux particuliers qui le feront. La Commission offrira également ses conseils sur l’opportunité d’établir une nouvelle «Charte des droits de l’homme» pour l’Irlande du Nord.

11.L’Accord de Belfast appelle à la création d’une commission indépendante de surveillance de son application en Irlande du Nord, qui serait présidée par le Très Honorable Chris Patten, et à un vaste réexamen de la justice pénale qui serait conduit en parallèle par le Gouvernement mais auquel seraient associés plusieurs experts indépendants. L’Accord prévoit que le rapport Patten sera soumis d’ici l’été 1999 et que le réexamen de la justice pénale sera achevé en automne 1999. L’élaboration du rapport et le réexamen sont en cours et devraient être menés à terme dans les délais.

12.La société en Irlande du Nord a toujours été divisée, et l’origine de cette division remonte à loin. L’Accord a reconnu les aspirations légitimes de l’une et l’autre tradition, afin d’assurer à l’égard de tous les individus une stricte impartialité qui tienne compte de la diversité des identités et des traditions et soit fondée sur les principes du plein respect des droits civils, politiques, sociaux et culturels et de l’égalité dans ce domaine, de la non‑discrimination pour tous les citoyens, de l’égalité de considération et de la nécessité d’accorder à chacune des deux communautés un traitement juste et égal de son identité, de sa philosophie et de ses aspirations.

13.Il s’est produit également des faits nouveaux au regard de certaines questions ayant fait l’objet de recommandations du Comité, qui sont exposés dans l’introduction du troisième rapport. Le Gouvernement n’a pas encore publié la note d’information sur la législation antiterroriste couvrant de façon permanente l’ensemble du territoire du Royaume‑Uni, qui est mentionnée à l’alinéa a du paragraphe 10 du rapport, mais il devrait le faire prochainement. Les questions en jeu sont complexes et la note d’information analysera également les mesures prévues dans la nouvelle loi sur la justice pénale (terrorisme et complot) de 1998, qui a été présentée après l’attentat à la bombe qui a eu lieu à Omagh le 15 août et a fait 29 victimes, et elle sollicitera les commentaires sur les mesures en question.

14.La loi spéciale sur la Commission des recours en matière d’immigration (al. c du paragraphe 10 du rapport) est entrée en vigueur en août 1998, et la Commission devrait connaître de ses premières affaires d’ici quelques mois. La loi de l’Irlande du Nord de 1998 sur les dispositions relatives à l’état d’urgence prévoit l’enregistrement sur bande magnétique de l’interrogatoire de police des personnes soupçonnées de terrorisme (al. f du paragraphe 10 du rapport). L’enregistrement non sonorisé sur magnétoscope de ce type d’interrogatoire est devenu obligatoire le 10 mars 1998, mais la police recourt à ce procédé sous couvert de dispositions administratives depuis janvier 1998.

15.Le rapport rend aussi compte des efforts qui ont été déployés pour réduire la surpopulation carcérale. Les projections à court terme dans ce domaine permettent d’être plus optimistes quant aux possibilités de ramener la surpopulation à des taux plus faibles, d’organiser la détention plus près du domicile et d’améliorer les programmes de construction. D’ici deux ans, l’augmentation de la population carcérale devrait ralentir, mais l’expérience montre que de telles projections sont très aléatoires. La question continuera d’être suivie de près.

16.Le Comité a certainement suivi avec intérêt l’évolution récente de la situation concernant le sénateur Pinochet. La Chambre des lords a achevé l’audition des communications mais ne s’est pas encore prononcée sur les questions relatives à son arrestation.

17.M. Pearson s’efforcera de répondre à toute question portant sur les rapports des territoires dépendants de la Couronne et transmettra aux autorités insulaires les observations qui seront faites à ce sujet. Il convient de noter que, conformément à la loi sur les droits de l’homme, les îles de Guernesey et de Jersey ainsi que l’île de Man sont toutes les trois tenues de se doter d’une législation pour donner effet à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et elles ont prévu de présenter des projets de loi dans ce sens au Ministère de l’intérieur d’ici la fin de l’année.

18.M. STEEL (Royaume-Uni), présentant la troisième partie du troisième rapport périodique, qui porte sur les territoires d’outre‑mer dépendants, dit que les lois et pratiques de tous ces territoires sont globalement conformes à la Convention. Le rapport signale les difficultés ou lacunes sur tel ou tel aspect et indique les mesures prises pour remédier à la situation.

19.En particulier, la délégation du Royaume-Uni peut confirmer une nouvelle fois, comme elle l’a fait lors de l’examen des deux rapports précédents, que, à ce jour, aucune personne n’a été accusée d’avoir commis des actes de torture ou toute autre infraction équivalente dans aucun des territoires. De surcroît, aucun territoire n’a reçu de quelque pays que ce soit une demande d’extradition qui viserait une personne accusée de torture, et aucune personne n’a été expulsée ou refoulée d’aucun territoire vers un autre pays où il y a des motifs de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

20.Un certain nombre de faits nouveaux se sont produits plus récemment. Premièrement, l’examen d’ensemble des relations du Gouvernement britannique avec les territoires d’outre‑mer (par. 163 à 167) est bien avancé. Un Livre blanc retraçant plus en détail le point de vue des autorités britanniques sur la question devrait paraître prochainement, et tout laisse à penser qu’il reproduira la position qui a déjà été exposée devant le Comité.

21.L’achèvement du processus de mise à jour de la législation relative à l’extradition (par. 165 à 167) a pris un léger retard. Il reste à finaliser le projet de décret visant à harmoniser les dispositions régissant les extraditions qui mettent en jeu des États membres du Commonwealth, c’est‑à‑dire l’extradition d’un territoire d’outre‑mer vers un autre ou d’un territoire d’outre‑mer vers le Royaume-Uni proprement dit, vers un autre territoire du Commonwealth ou vers la République d’Irlande, mais le Gouvernement espère avoir mis au point ce projet de décret d’ici la fin de 1998 ou le début de 1999. Comme il est indiqué dans le rapport, le décret ne modifiera pas la teneur de la législation existante.

22.Le Parlement d’Anguilla est toujours saisi du projet de loi sur la santé mentale mentionné aux paragraphes 170 et 171, qu’il devrait adopter prochainement. Le projet de loi visant à interdire les châtiments corporels (par. 174) a été adopté et est devenu l’Ordonnance de 1998 sur l’abolition des châtiments corporels. En ce qui concerne l’utilisation d’enregistrements sur bande magnétique et sur magnétoscope dans les interrogatoires de police aux Bermudes (par. 177 a)), l’arrêté concernant le code de conduite en matière d’enregistrement sur bande magnétique a été publié et entrera en vigueur dès que la police se sera dotée des équipements et installations nécessaires. En outre, le Bureau chargé d’examiner les plaintes déposées contre la police est en fonction depuis le 5 octobre. La modification du système de l’aide juridictionnelle et l’amélioration des installations de façon à détenir séparément les jeunes délinquants sont encore en cours.

23.Dans les îles Vierges britanniques, le projet de loi portant modification de la loi sur les prisons et le projet de nouveau règlement pénitentiaire doivent encore être soumis pour approbation au Conseil exécutif du territoire. Le nouveau règlement pénitentiaire devrait, on l’espère, entrer en vigueur en 1999. Le Conseil exécutif a approuvé récemment une recommandation tendant à mettre en place un système d’aide juridictionnelle, et un mémorandum d’accord entre le Gouvernement du territoire et l’Ordre des avocats des îles Vierges britanniques concernant la mise en œuvre de ce système est en cours d’élaboration. Le budget du territoire pour 1999 prévoit des crédits pour le fonctionnement d’un modeste bureau d’aide juridictionnelle qui relèvera du Ministère de la santé et de la protection sociale.

24.En ce qui concerne les îles Caïmanes, les travaux portant sur le règlement pénitentiaire révisé ne sont pas encore achevés. Toutefois, l’adoption par l’Assemblée législative, le 18 septembre 1998, de la loi de 1998 portant modification de la loi sur les prisons a permis de supprimer du recueil des lois les dernières dispositions qui mentionnaient les châtiments corporels relevant d’une décision judiciaire.

25.Les autorités examinent actuellement la question des châtiments corporels dans les écoles des îles Falkland, qui sont encore autorisés à l’égard des garçons âgés de plus de onze ans et sous réserve du consentement parental.

26.Après que la prison de Plymouth, Montserrat, a été détruite par la terrible éruption volcanique, les détenus ont été installés dans un bâtiment privé. Mais le nombre des personnes placées en détention provisoire étant par moments supérieur à celui des places disponibles, la prison a été transférée dans trois bâtiments de construction récente, qui sont loin d’être parfaits et n’offrent pas une sécurité absolue. Toutefois, les autorités peuvent maintenant séparer les prévenus des condamnés et les femmes des hommes. La construction d’une nouvelle maison d’arrêt devrait être achevée en mars 1999. À la fin d’octobre 1998, cinq personnes, dont le recours était pendant ou qui purgeaient de courtes peines, se trouvaient en détention provisoire à Montserrat, les détenus purgeant de longues peines ayant été transférés vers les îles Turques et Caïques, les îles Vierges britanniques ou le Royaume‑Uni.

27.M. PEARSON (Royaume‑Uni) assure le Comité que les observations qu’il a formulées seront transmises aux autorités britanniques et largement diffusées.

28.Le PRÉSIDENT, parlant en qualité de Rapporteur pour le pays, dit que le plan du rapport du Royaume‑Uni est très utile, en particulier les références, quand il y a lieu, aux mesures prises pour donner effet aux observations et recommandations que le Comité avait formulées à l’issue de l’examen du deuxième rapport périodique.

29.Le Comité est préoccupé par le fait qu’il continue d’exister des centres de détention en Irlande du Nord et en particulier par les conditions dans le centre de détention de Castlereagh, même s’il reconnaît que des améliorations considérables ont été apportées. Il engage instamment le Gouvernement à fermer les centres de détention, compte tenu tout particulièrement des faits positifs qui sont intervenus récemment en Irlande du Nord. Il est peut-être temps de substituer à ces centres les installations dont disposent les postes de police ordinaires.

30.Notant la politique actuelle consistant à procéder à l’enregistrement non sonorisé sur magnétoscope ou à l’enregistrement sur bande magnétique des interrogatoires de personnes soupçonnées de terrorisme, M. Burns voudrait savoir ce qui empêche de combiner les deux méthodes. Serait‑ce parce que l’enregistrement non sonorisé sur magnétoscope permet au policier d’avoir un comportement ambivalent, par exemple de proférer des menaces tout en souriant au suspect?

31.M. Burns croit comprendre que la pratique actuelle consistant à détenir une personne pendant une première période de 48 heures, puis, sur requête, pendant une durée maximale de sept jours sans que la personne ait accès à un conseil est contraire aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. À l’instar de la Commission européenne des droits de l’homme, le Comité considère que de telles pratiques n’ont pas leur place dans une démocratie. De l’avis de M. Burns, elles constituent une violation de l’article 16 de la Convention. Le Comité constate également avec une vive préoccupation que, en application de la loi de 1998 sur la justice pénale (terrorisme et complot) qui a été promulguée récemment et est considérée comme encore plus draconienne que la loi qu’elle a remplacée, il appartient au prévenu de faire la preuve que ce qui paraît être un aveu a été en réalité extorqué par la torture ou des mauvais traitements. En outre, contrairement à la recommandation du Comité tendant à ce que toute personne accusée puisse avoir accès au conseil de son choix dans les 48 heures suivant son placement en détention, le principe du choix du conseil aurait été ignoré dans le projet de système de conseils commis d’office dans les centres de détention. L’intégrité de tels conseils n’est pas en cause, mais le fait de ne pas offrir la possibilité de choisir le conseil nuit à l’impression d’équité et d’objectivité.

32.La lecture du rapport ne permet pas de déterminer si les quartiers de haute sécurité destinés aux détenus particulièrement dangereux ont été supprimés ou s’ils ont été maintenus sous une autre appellation.

33.Il est très regrettable que des femmes qui étaient accusées ou soupçonnées d’activités terroristes, en particulier Róisín McAlisky et Elaine Moore, aient été détenues dans des établissements réservés aux hommes. Mme McAlisky était enceinte de quatre mois à l’époque. Par la suite, le Ministre de l’intérieur a rejeté une demande d’extradition de Mme McAlisky qui avait été présentée par l’Allemagne pour des raisons humanitaires. La délégation pourrait‑elle exposer son point de vue sur ces affaires et sur la question des installations pénitentiaires pouvant accueillir des détenues particulièrement dangereuses? M. Burns souhaiterait également de plus amples informations sur l’état de l’enquête conduite par la police écossaise sur les mauvais traitements qui auraient été infligés à David Adams pendant sa garde à vue en Irlande du Nord.

34.Un membre de l’Armée républicaine irlandaise (IRA), Diarmuid O’Neill, a été tué lors d’une opération de police en 1996. Il est apparu par la suite qu’il n’était pas armé au moment des faits. Dans une autre affaire, un jeune asiatique, Amer Rafiq, a été blessé au cours de son arrestation et a perdu l’usage d’un œil. Où en sont les enquêtes sur ces deux affaires?

35.Les paragraphes 110 à 116 du rapport contiennent des statistiques sur les plaintes qui ont été traitées par le Bureau chargé d’examiner les plaintes déposées contre la police et sur les sanctions disciplinaires qui ont été prises en conséquence. La proportion de sanctions infligées à des agents de la police par rapport au nombre de plaintes est, respectivement, de 1,8 %, 1,3 % et 1,7 % pour les trois années considérées en Angleterre et au pays de Galles de 0,7 %, 3,8 %, 2,2 % et 1,1 % pour les quatre années considérées en Irlande du Nord, et de 24,5 %, 24,3 % et 24,7 % pour les trois années considérées en Écosse. M. Burns demande à la délégation de bien vouloir commenter les écarts entre les proportions indiquées. Pour quelles raisons les chiffres relatifs à l’Écosse sont‑ils si élevés? Est‑ce parce que les autorités écossaises traitent ces plaintes avec plus de sérieux ou parce qu’elles ont donné une définition différente de la compétence du bureau chargé des enquêtes? D’après ce qui est dit au paragraphe 116 du rapport, la Commission indépendante chargée d’examiner les plaintes déposées contre la police en Irlande du Nord supervise les enquêtes conduites dans les affaires portant sur des allégations de blessures graves. Comment définit‑on une blessure grave, qui décide qu’une blessure est grave et le même critère est‑il appliqué dans les autres parties du Royaume-Uni?

36.Depuis l’examen par le Comité du deuxième rapport périodique de l’État partie, la situation s’est sensiblement améliorée dans les territoires d’outre‑mer dépendants, surtout en ce qui concerne la question des châtiments corporels. Toutefois, les territoires dépendants qui ont maintenu dans leur recueil des lois des dispositions prévoyant la possibilité d’infliger des châtiments corporels par décision de justice doivent être instamment engagés à les abroger.

37.Il y a lieu de se féliciter du fait que l’expérience du juge Tumim, ancien Inspecteur général des prisons pour l’Angleterre et le pays de Galles, a été mise à profit pour formuler des recommandations concernant les conditions pénitentiaires dans les îles Caïmanes, dont un grand nombre ont été mises en œuvre. M. Burns se félicite également de la révision du système de justice pénale aux Bermudes et des mesures prises pour donner effet aux recommandations y afférentes.

38.La peine capitale a‑t‑elle été maintenue dans l’un quelconque des territoires dépendants de la Couronne? M. Burns croit comprendre que les châtiments corporels ne font pas partie des sanctions infligées dans les territoires dépendants et il souhaiterait que cela lui soit confirmé.

39.Une demande d’extradition du général Pinochet, ancien chef d’État du Chili, a été adressée par les autorités espagnoles. La demande était fondée, entre autres, sur des allégations de crimes de torture qui auraient été commis alors que le général Pinochet était le chef de l’État. L’arrêt rendu par la Cour suprême d’Angleterre est irréprochable sur le plan du raisonnement et sa conclusion ne pouvait pas être différente compte tenu de la législation du Royaume-Uni. Elle s’appuie sur deux lois, la loi de 1989 sur l’extradition et la loi de 1978 sur l’immunité des États, en vertu desquelles il est interdit d’extrader une personne qui est accusée d’avoir commis, hors du territoire de l’Angleterre, une infraction ne visant pas des ressortissants du Royaume-Uni et qui était un chef d’État à l’époque où l’infraction a été commise. Comment les autorités du Royaume-Uni concilient‑elles le régime établi par le droit interne avec les obligations que leur font les instruments internationaux, en particulier les articles 4 et 5 de la Convention? Le Royaume-Uni a mis en place un double système en vertu duquel les instruments internationaux ne sont applicables que s’ils sont incorporés dans la législation interne. La Convention a‑t‑elle été incorporée, en tout ou en partie, dans le droit interne? M. Burns appelle l’attention en particulier sur les dispositions du paragraphe 2 de l’article 5, qui imposent à tout État partie de prendre les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des infractions visées à l’article 4 dans le cas où l’auteur présumé de celles‑ci se trouve sur tout territoire sous sa juridiction et où il a décidé de ne pas l’extrader vers un autre État. De l’avis du Comité, les dispositions de ce paragraphe confèrent aux États parties une compétence universelle à l’égard des tortionnaires qui se trouvent sur leur territoire, que ceux‑ci soient ou non d’anciens chefs d’État, dans le cas où ils ne peuvent pas ou ne veulent pas les extrader. La décision d’engager des poursuites dépend des éléments de preuve disponibles, mais les États parties doivent à tout le moins exercer leur compétence pour examiner la possibilité de les engager. Le problème est que la législation interne du Royaume-Uni est incompatible avec cette obligation.

40.D’après certains organes de presse, l’un des arguments avancés par le conseil du général Pinochet est qu’un chef d’État ne peut exercer comme il se doit son autorité souveraine s’il encourt des représailles quand il se rend à l’étranger. Le conseil a cité l’exemple de la baronne Thatcher et fait valoir que cette dernière n’aurait pas pu défendre correctement les îles Falkland si elle avait craint d’être extradée par la suite vers l’Argentine. De toute évidence, l’argument est absurde, puisque le Comité n’avait pas à connaître de la conduite du Gouvernement britannique pendant le conflit des îles Falkland. De la même façon, la conclusion logique du raisonnement de la Cour suprême serait que le Royaume-Uni n’aurait pas été compétent pour juger Adolf Hitler si celui‑ci s’était rendu en Angleterre après la Deuxième Guerre mondiale. La règle absolue de l’immunité souveraine a été fortement battue en brèche par la pratique de tel ou tel État et la pratique internationale au cours des 25 dernières années. Si la législation interne du Royaume‑Uni ne permet pas de poursuivre, ou d’envisager de poursuivre, d’anciens chefs d’État, elle devrait être mise en conformité avec les dispositions de la Convention.

41.M. SØRENSEN félicite le Royaume-Uni pour son troisième rapport périodique (CAT/C/44/Add.1) et pour les progrès accomplis depuis la soumission du rapport initial. En ce qui concerne la question des demandeurs d’asile, qui est traitée aux paragraphes 10 c), 18 à 29 et 99, le Comité prend note avec satisfaction de la loi spéciale de 1997 sur la Commission des recours en matière d’immigration, qui répond à une préoccupation que le Comité avait exprimée lors de l’examen du deuxième rapport périodique. L’annonce que la loi sur les droits de l’homme entrera prochainement en vigueur est une autre bonne nouvelle. Cette loi, qui s’inspire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, ne traite toutefois pas la question de la torture d’une façon pleinement conforme aux dispositions de l’article 3 de la Convention. Dans ces conditions, comment l’application de l’article 3 sera-t-elle garantie en matière d’examen des demandes d’asile, qu’il s’agisse d’une première demande ou d’un recours? La nouvelle loi sur les droits de l’homme prévoit-elle l’obligation de respecter les dispositions de l’article 3 de la Convention? Il semble que la Convention de Dublin ne reflète pas non plus pleinement ces dispositions, ce qui soulève des questions en ce qui concerne le refoulement vers un pays tiers sûr (par. 23). Le Royaume-Uni n’ayant pas fait la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention, les demandeurs d’asile dans cet État partie ne peuvent pas saisir le Comité contre la torture. Le Comité encourage l’État partie à faire cette déclaration.

42.La proportion de 1,5 % indiquée au paragraphe 99 du rapport renvoie-t-elle seulement aux personnes qui demandent l’asile ou inclut-elle également celles qui l’ont obtenu? Le Comité a reçu des informations différentes, selon lesquelles en réalité la moitié des demandeurs d’asile seraient placés en détention. Il est dit dans le rapport que les demandeurs d’asile ne sont détenus qu’avec des prisonniers qui n’ont pas été condamnés, mais le Comité ne pense pas que la prison soit un lieu approprié pour détenir des personnes qui ne sont soupçonnées d’aucune infraction. Qui plus est, la prison n’est certainement pas l’endroit adéquat pour abriter les mineurs demandeurs d’asile, qui ont souvent besoin d’une protection particulière. Il semble heureusement que les demandeurs d’asile ne restent pas détenus longtemps dans les postes de police.

43.En ce qui concerne l’article 10 de la Convention (par. 35 à 44), M. Sørensen note avec satisfaction les activités entreprises pour la formation des fonctionnaires de police, des gardiens de prison, du personnel médical des prisons et des fonctionnaires des services de l’immigration, ainsi que pour le recyclage des fonctionnaires de police en Irlande du Nord. Le diplôme en deux ans récemment créé en médecine pénitentiaire (par. 41) est une innovation particulièrement importante. La question de l’interdiction de la torture est‑elle systématiquement traitée dans le cadre de la formation professionnelle obligatoire des médecins, des infirmiers et autres personnels médicaux, comme le prévoit l’article 10 de la Convention?

44.Les renseignements fournis concernant l’application de l’article 11 étant particulièrement détaillés, le seul point sur lequel M. Sørensen souhaite de plus amples informations est le suivi des travaux de l’inspection générale de la police sur la question des relations raciales (par. 63). Les conclusions de cette procédure figureront‑elles dans le quatrième rapport périodique ou seront‑elles disponibles plus tôt? Le nombre des décès en garde à vue (par. 64 à 68) n’est pas inquiétant, mais il faudrait décourager le recours à des méthodes d’autodéfense et de contrainte comme l’immobilisation et l’utilisation d’entraves en maintenant le suspect face contre terre, qui peuvent présenter de grands risques. Le Comité a déjà indiqué qu’il considère que les matraques en matière plastique sont particulièrement dangereuses (par. 70 et 71) et il s’inquiète de voir qu’elles ont été utilisées davantage en 1997. Pour ce qui est des services pénitentiaires (par. 72 à 98), les améliorations apportées dans ce domaine sont tout à fait remarquables. Eu égard à la question des traitements inhumains ou dégradants auxquels pourraient être soumises les six personnes actuellement détenues dans des quartiers de haute sécurité (par. 76), il serait utile de savoir combien d’heures ces personnes sont seules dans leur cellule. Là encore, il est indiqué au paragraphe 86 que la population quotidienne moyenne des prisons de l’Angleterre et du pays de Galles a augmenté de 25 % entre 1994 et 1997, ce qui correspond à l’augmentation du nombre de procès dans cette période. Le taux de récidive étant généralement estimé à 90 %, cela voudrait dire que le nombre de délinquants potentiels a augmenté d’environ 22 %. Il est communément admis que la prison ne règle pas les problèmes d’ordre public. Le nouveau Gouvernement considère‑t‑il, à l’instar du gouvernement précédent, qu’un régime pénitentiaire plus strict et plus rigoureux serait souhaitable?

45.Pour ce qui est de l’application des articles 12 et 13 de la Convention (par. 110 à 125), M. Sørensen note que le Royaume‑Uni s’est doté de l’un des meilleurs systèmes d’inspection de la police au monde, et il fait siennes les observations que le Président a formulées à cet égard. Il se félicite de la contribution notable du Royaume‑Uni au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture, mais relève qu’une contribution plus importante a été versée à la Fondation médicale d’aide aux victimes de la torture. En ce qui concerne l’article 16 de la Convention (par. 131 à 136), le Comité espère que le Gouvernement explicitera la législation pour faire en sorte que les châtiments corporels ne puissent pas être utilisés pour infliger une peine dégradante ou dommageable à un enfant (par. 131). Nul doute en outre que la protection des jeunes détenus fait l’objet de la plus grande attention.

46.En ce qui concerne M. Pinochet, conformément à l’article 6 de la Convention, les autorités du Royaume‑Uni auraient dû simplement prendre toutes les «mesures juridiques nécessaires pour assurer sa présence». Pour ce qui est de l’exigence d’un examen des renseignements dont on dispose, lorsque le Comité a examiné le premier rapport présenté par le Chili, la délégation de cet État partie avait estimé que près de 100 000 personnes avaient été torturées, ce qui paraît être un motif suffisant pour «assurer la présence» de M. Pinochet.

47.M. CAMARA dit qu’il n’a jamais eu connaissance jusqu’ici de chiffres aussi élevés concernant les décès en garde à vue (par. 64 à 68), chiffres qu’il considère être très préoccupants, et il voudrait savoir si le rapport d’enquête dont il est fait mention au paragraphe 113 est disponible. Compte tenu des termes de l’article 12 de la Convention, et sachant que s’il y a décès en garde à vue ou pense immédiatement que cela pourrait être dû à des actes de torture ou des mauvais traitements, les autorités compétentes ouvrent‑elles des enquêtes avec toute la diligence voulue?

48.Bien que la législation interne n’autorise apparemment pas le Gouvernement à faire droit à la demande d’extradition de M. Pinochet, le Royaume‑Uni considère‑t‑il qu’il a satisfait à la règle prévue par l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, étant donné qu’il n’a pas appliqué la Convention contre la torture dans l’affaire Pinochet et n’en a mentionné aucune disposition dans sa décision? M. Camara voudrait savoir comment, de l’avis des autorités de l’État partie, le Royaume-Uni s’est acquitté des engagements auxquels il a souscrit au titre de la Convention de Vienne sur le droit des traités et, par extension, de la Convention contre la torture.

49.M. EL MASRY demande pourquoi l’enquête sur la mort d’un certain M. O’Neill pendant une descente de police à Londres a été menée par le corps de police qui était impliqué dans l’incident. Plusieurs autres cas d’exécutions extrajudiciaires ont été portés à l’attention du Comité. M. El Masry croit savoir qu’une Commission de la Chambre des communes a recommandé une réforme du système d’enquête visant à le rendre plus indépendant, plus rapide et plus efficace. Il serait utile de connaître le fonctionnement du système actuel et la nature des réformes proposées. Pour ce qui est des chiffres donnés au paragraphe 64 du rapport pour le nombre de décès ou de suicides en garde à vue, quelle est l’origine ethnique des intéressés et plus précisément s’agit‑il de personnes appartenant aux minorités ethniques africaine et asiatique?

50.D’après les renseignements disponibles, des éléments terroristes dangereux profitent de certaines failles de la législation du Royaume-Uni pour commettre des actes de terrorisme dans d’autres pays et le Gouvernement s’efforce de supprimer ces failles. La loi sur les droits de l’homme, et en particulier les dispositions qui imposent des restrictions aux activités politiques des étrangers, permet‑elle de régler le problème?

51.M. ZUPANČIČ félicite le Royaume-Uni d’avoir soumis un rapport très complet. Lu avec le premier et le deuxième rapports périodiques, il donne une excellente base de discussion. M. Zupančič a deux questions d’ordre juridique à poser. Premièrement, aux paragraphes 29 à 32 du rapport initial (CAT/C/9/Add.6), figure une définition du délit de torture, à laquelle il est fait référence dans le troisième rapport périodique. Le Comité souligne toujours la nécessité pour les États de reprendre dans leur législation interne la définition de la torture donnée à l’article premier de la Convention. La question se pose de savoir si les dispositions du droit pénal citées dans ces paragraphes couvrent véritablement tous les éléments constitutifs de la torture tels qu’ils sont énoncés à l’article premier. M. El Masry a fait allusion à la discrimination qui pourrait être présente dans les cas de mauvais traitements. Les dispositions pénales relatives à la torture reflètent rarement le principe énoncé dans l’expression «pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit», élément essentiel de l’article premier de la Convention. Il serait utile de savoir quelles dispositions de la législation pénale britannique reprennent chacun des éléments distincts de la définition contenue dans cet article essentiel. Au paragraphe 31 du rapport initial, les dispositions pénales régissant le délit de complot en vue de torture sont énoncées. La définition légale de ce délit couvre‑t‑elle le consentement exprès ou tacite − élément important de la définition de l’article premier − ou prévoit‑elle un rôle plus actif?

52.Deuxièmement, chacun sait que le meilleur moyen d’empêcher les mauvais traitements par la police est d’exclure les preuves douteuses. Si M. Zupančič se souvient bien, une Commission royale a examiné en 1979 la question de l’éventualité d’adopter une disposition excluant rigoureusement l’utilisation de ce genre de preuves mais a décidé de ne pas le faire. Dans aucun des rapports il n’est spécifié clairement dans quelle mesure les preuves sujettes à caution peuvent ou ne peuvent pas être utilisées dans un procès pénal. Les dispositions régissant l’exclusion des preuves portent‑elles uniquement sur les aveux obtenus par la torture ou visent‑elles aussi d’autres renseignements obtenus ainsi? Le fait de ne pas interdire l’utilisation de preuves obtenues de façon irrégulière dans un procès pénal constitue une violation du droit de ne pas déclarer contre soi‑même et, à son avis, compromet la légitimité de la procédure pénale. Si des preuves douteuses arrivent à la connaissance du jury, cela constitue‑t‑il un motif pour annuler un jugement pour vice de procédure? Enfin, les règles prévoyant l’exclusion de preuves sont‑elles applicables également aux procédures administrative et civile et en matière d’immigration?

53.M. YU Mengjia demande tout d’abord quelles mesures l’État partie a pu prendre pour faire baisser le taux de récidive, en particulier chez les jeunes détenus. Ensuite, le Comité sur l’administration de la justice a signalé dans les observations qu’il a faites au sujet du troisième rapport périodique, que sur les 5 500 plaintes environ déposées contre la police, une seule avait été déclarée fondée. La délégation est invitée à expliquer ces chiffres étonnants, qui ne correspondent pas aux renseignements donnés par le Gouvernement.

54.M. YAKOVLEV demande à la délégation de faire connaître au Comité les résultats de la suite donnée à l’inspection des services de police et des relations raciales, signalée au paragraphe 63 du rapport, et de l’enquête sur les décès en garde à vue, évoquée au paragraphe 113.

55.M. SILVA HENRIQUES GASPAR demande quels sont les pouvoirs du Directeur des poursuites (ministère public). Il serait utile en particulier de connaître les critères sur lesquels il se fond pour déterminer que des preuves recueillies pendant l’enquête préliminaire sont suffisantes pour permettre l’ouverture de poursuites pénales.

56.Le PRÉSIDENT invite la délégation du Royaume-Uni à répondre aux questions posées par les membres du Comité à la séance suivante.

57.La délégation du Royaume-Uni se retire.

La partie publique de la séance prend fin à 12 h 25.

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