NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.416

18 mai 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 416ème SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,

le jeudi 4 mai 2000, à 10 heures

Président : M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Troisième rapport périodique de la Chine

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

GE.00-41875 (F)

La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l'ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique de la Chine (CAT/C/39/Add.2)

1.Sur l'invitation du Président, M. QIAO Zonghuai, Mme LI Yanduan, M. Stephen Wong, M. LIU Boxiang, M. LIU Xinsheng, M. ZHANG Weida, M. CHEN Lihua, M. ZHAO Liping, M. XU Hong, M. TENG Wei, M. LI Yuqian, Mme XUE Shulan, M. DONG Tonghui, M. REN Yisheng, M. WANG Xue-en, Mme QI Xiaoxia, M. ZHU Yong, M. CONG Jun, Mme LI Wen, M. John Dean, M. David Wong, Mme Eliza Yau, Mme Anita Ng et Mme Eva Wong (Chine) prennent place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à la délégation chinoise qui réunit à la fois des représentants du Gouvernement populaire central et du Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong et l'invite à présenter le troisième rapport périodique de la Chine.

3.M. QIAO Zonghuai (Chine) dit que la Chine attache une grande importance à l'obligation qui lui incombe d'établir des rapports au titre de la Convention contre la torture. La Chine a ratifié la Convention en 1988, un an après elle a soumis son premier rapport et l'a fait suivre en 1992 d'un rapport complémentaire. Le deuxième rapport périodique de la Chine a été présenté en décembre 1995. Le troisième rapport périodique dont le Comité est saisi a été élaboré en étroite consultation avec la Cour populaire suprême, le Ministère de la sécurité publique et le Ministère de la justice ainsi qu'un certain nombre d'ONG. Il a été établi conformément aux directives générales concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent présenter et il contient des réponses aux questions posées par le Comité lors de l'examen des rapports précédents.

4.Le Gouvernement chinois a toujours eu pour principe de s'opposer à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants et de les interdire. Il a pris des mesures efficaces en vue de prévenir la perpétration de tels actes par des fonctionnaires de l'État, notamment des auxiliaires de justice, et de punir leurs auteurs. Depuis qu'elle a ratifié la Convention en 1988, la Chine s'est acquittée scrupuleusement de toutes ses obligations au titre de la Convention et a poursuivi ses efforts tendant à améliorer sa législation et à appliquer les dispositions juridiques pertinentes contre la torture. Ainsi, depuis la présentation du deuxième rapport périodique de la Chine, l'Assemblée populaire nationale a adopté des amendements à la Constitution chinoise et a notamment approuvé une disposition prévoyant que le pays sera gouverné conformément au principe de l'État de droit. En 1996 et 1997, la Chine a révisé le Code pénal et le Code de procédure pénale de 1979 en y apportant certaines améliorations. Ces deux textes réaffirment les principes fondamentaux du droit pénal, notamment le principe selon lequel les infractions et les sanctions applicables sont définies par la loi et personne ne peut être déclaré coupable sans avoir été jugé conformément à la loi par un tribunal populaire. Ces textes contiennent également des dispositions plus explicites sur l'application par les organes judiciaires d'une procédure légale pour obtenir un témoignage et l'interdiction de l'extorsion d'aveux par la torture ou autres moyens illégaux. Ces dispositions visent aussi à renforcer le rôle des avocats dans la protection des droits légitimes et des intérêts des suspects. En outre, afin de prévenir la torture dans les procédures judiciaires, les organes exécutifs et judiciaires chinois ont formulé une série de mesures légales et institutionnelles. M. QIAO Zonghuai cite à cet égard le Règlement sur l'emploi par la police populaire des armes et des instruments policiers et le règlement sur le contrôle des organes de sécurité publique publiés par le Conseil d'État, respectivement en 1996 et 1997. Le Ministère de la sécurité publique a également publié un ensemble de règles de service pour le contrôle des forces de sécurité publique, dont le Règlement sur la procédure des organismes de sécurité pour le traitement des affaires pénales. Le Ministère de la justice a également adopté différentes règles sur les procédures des organes judiciaires et le parquet populaire suprême a élaboré un règlement sur l'établissement des infractions, l'interdiction d'appliquer des mesures coercitives à l'encontre des témoins, de prononcer une sanction avant l'engagement d'une procédure légale et sur le délai de détention.

5.M. QIAO Zonghuai mentionne une série de mesures contraignantes prises par la Cour populaire suprême et concernant les sanctions applicables au personnel judiciaire des tribunaux populaires lorsqu'ils ont enfreint la loi pendant un procès. Il indique qu'une campagne d'éducation et de réformes a été lancée dans tout le pays afin de veiller à ce que les membres de la profession judiciaire soient impartiaux, équitables, professionnellement compétents et strictement disciplinés. En 1999, 4 470 cours de formation ont été dispensés dans le pays à des représentants de la loi et suivis par 280 000 stagiaires. En outre, pour familiariser le personnel pénitentiaire avec les normes internationales des droits de l'homme, le Ministère de la justice a rassemblé dans des manuels tous les instruments pertinents des Nations Unies (Convention contre la torture, Déclaration universelle des droits de l'homme, Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, Code de conduite pour les responsables de l'application des lois) ainsi que les lois et règlements chinois.

6.Le Gouvernement chinois ne s'est pas limité à améliorer la qualité du personnel judiciaire, mais il a aussi renforcé le mécanisme de contrôle et d'inspection disciplinaire interne pour éviter notamment tout abus de pouvoir. Plus de 3 000 services ont ainsi été inspectés et plus de 13 000 membres de la profession judiciaire ont fait l'objet de poursuites pour actes de torture ou abus de pouvoir. Par ailleurs, les organes chargés de l'application des lois sont placés sous le contrôle de la Conférence consultative politique populaire. En outre, le recours à des jugements publics permet de dénoncer les actes de torture et d'extorsion d'aveux par la torture pendant la procédure pénale. Certains organes judiciaires ont mis en place des services (téléphoniques, sites Internet) pour renforcer la transparence de leurs travaux.

7.Dans le cadre de ses efforts visant à interdire la torture, le Gouvernement chinois a aussi renforcé sa campagne de sensibilisation à la loi et aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme par le moyen d'ouvrages et de publications par les médias. Le Gouvernement dispense des conseils juridiques et prête une assistance judiciaire aux citoyens afin de protéger leurs droits et leurs intérêts légitimes.

8.M. QIAO Zonghuai donne quelques exemples concrets illustrant les efforts accomplis par le Gouvernement chinois dans ce domaine. Ainsi, un numéro gratuit, mis en place par le Ministère de la justice, fournit des conseils et une assistance juridique par téléphone et l'exposition itinérante organisée à l'aide du parquet populaire suprême sur les fonctions et les pouvoirs des procureurs a eu des conséquences sociales bénéfiques dans le pays. Ces mesures ont permis une diminution importante des cas de torture au cours des cinq dernières années. Le nombre de personnes condamnées pour extorsion d'aveux par la torture et sévices physiques infligés aux détenus est passé de 193 en 1998 à 173 en 1999. En conclusion, M. QIAO Zonghuai rappelle que la Chine est un pays en développement qui compte 1,2 milliard d'habitants dont plus de 900 millions vivent encore dans des zones rurales. Le développement économique et social du pays est donc inégal; de plus, pour des raisons historiques, l'ordre juridique de la Chine, notamment le système de contrôle judiciaire, comporte certaines lacunes qui entravent l'éradication de la torture. Néanmoins, le Gouvernement chinois progresse sur cette voie et espère que les suggestions constructives du Comité permettront de mieux prévenir toute utilisation de la torture à l'avenir.

9.M. MAVROMMATIS (Rapporteur pour la Chine), abordant la première partie du rapport de la Chine, se félicite des amendements apportés en 1999 à la Constitution chinoise et qui prévoient que la Chine sera désormais gouvernée conformément à la loi, c'est‑à‑dire conformément à la législation nationale, au droit coutumier, au droit conventionnel international et par conséquent à la Convention contre la torture. Il sera utile de savoir par la suite si les lois et les pratiques en vigueur sont conformes à ces nouvelles dispositions constitutionnelles. M. Mavrommatis se félicite en outre de l'esprit de coopération dont la Chine a fait preuve en présentant les différents rapports périodiques, dont le rapport complémentaire et le document de base, qui sont tous d'une excellente qualité et qui ont été établis conformément aux directives générales du Comité concernant la forme et le contenu des rapports, et en tenant compte des questions soulevées ainsi que des conclusions et recommandations formulées par les membres du Comité lors de l'examen des rapports antérieurs. À cet égard, il serait utile que le prochain rapport périodique de la Chine se fonde aussi sur les informations fournies par les ONG nationales, dont la contribution est essentielle.

10.M. Mavrommatis note avec satisfaction que la Chine a révisé le Code pénal et le Code de procédure pénale de 1979. Les résultats ne sont certes pas encore très tangibles, mais il est indéniable que la Chine s'est engagée sur la voie du processus d'harmonisation de sa législation nationale avec les normes internationales. Ces deux textes, qui sont en vigueur depuis environ trois ans, offrent aux autorités compétentes la possibilité de vérifier que les procédures appliquées sont conformes aux normes internationales, et d'éradiquer la torture qui a existé pendant des décennies. M. Mavrommatis est néanmoins préoccupé par le caractère arbitraire de la détention administrative (dans les cas où la marge entre le délit réel et la simple erreur n'est pas nette) et invite le Gouvernement chinois à mettre un terme à cette pratique et à se fonder sur le principe selon lequel la détention ne peut être que le résultat d'une procédure légale ou judiciaire.

11.Par ailleurs, M. Mavrommatis demande des explications sur les "autres affaires pénales" dont connaissent les tribunaux militaires, comme il est indiqué au paragraphe 36 du document de base (HRI/CORE/1/Add.21/Rev.1), et précise que ces derniers ne devraient pas, sauf circonstances exceptionnelles, statuer sur des affaires civiles. Il aimerait aussi savoir s'il existe des dispositions de la loi, comme le paragraphe 52 du même document pourrait le laisser entendre, qui ne sont pas fondées sur le principe de la primauté du droit international sur le droit interne. M. Mavrommatis s'interroge en outre sur l'absence totale dans ce rapport d'informations relatives aux formes particulières de torture à l'encontre des femmes, sur la violence domestique, sur l'incidence de ces phénomènes et sur les mesures prises par le Gouvernement chinois pour y faire face. Il souhaiterait également connaître les raisons pour lesquelles la grande majorité des orphelins en Chine sont des filles et avoir de plus amples renseignements sur le planning familial en Chine.

12.Passant aux questions d'ordre général, et notamment à la question du Falungong, M. Mavrommatis dit que le Comité contre la torture s'est intéressé à la question des sectes bien avant même qu'elle ne soit inscrite à l'ordre du jour des organisations de défense des droits de l'homme. À ce sujet, il aimerait avoir des précisions sur le cas de Mme Chen Zixiu, adepte du Falungong de la province de Shandong, qui aurait été victime de tortures, comme le rapporte une ONG intitulée "Human rights in China". Une enquête aurait été ordonnée par l'Organisation mondiale contre la torture sur les circonstances du décès de cette femme et M. Mavrommatis souhaiterait connaître les résultats de cette enquête.

13.M. Mavrommatis rappelle que la peine capitale n'est interdite ni par la Convention, ni par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ‑ même si ce dernier tend à favoriser son abolition. En revanche, les circonstances entourant une exécution et les méthodes utilisées pour appliquer cette peine peuvent être contraires aux dispositions de l'article 16 de la Convention. Il est vrai qu'à la suite d'une recommandation du Comité, les autorités chinoises ont introduit la pratique de l'exécution par injection mais, selon certaines informations, cette méthode resterait l'exception et des anciennes pratiques ‑ défilé du condamné dans les rues, peloton d'exécution par exemple ‑ subsisteraient : le Gouvernement central devrait faire en sorte que ces recommandations soient appliquées dans toute la Chine.

14.L'État partie s'est efforcé d'incorporer à son droit interne des dispositions reprenant la définition qui figure à l'article premier de la Convention. Il semble toutefois d'une part que ces dispositions visent uniquement les fonctionnaires au sens strict du terme et d'autre part que, selon un règlement de 1999, c'est seulement en cas de décès de la victime ou de blessures graves que des poursuites peuvent être engagées à l'encontre de tortionnaires; en particulier, les tortures psychologiques ne seraient pas prises en considération. Il serait donc nécessaire de corriger ces lacunes, qui sont aussi incompatibles avec les dispositions de l'article 2 de la Convention. À propos de celui‑ci, M. Mavrommatis voudrait des éclaircissements sur la question de savoir si les ordres d'un supérieur peuvent être invoqués comme excuse pour des actes de torture (la question se posant de manière plus cruciale encore dans le cas de Hong Kong).

15.De l'avis de M. Mavrommatis les renseignements fournis dans le rapport précédent en ce qui concerne l'article 3 ne sont pas suffisants. Compte tenu d'un cas tout récent d'extradition réciproque entre la Chine et la Russie, le Comité a besoin de connaître les dispositions légales ainsi que la procédure garantissant aux personnes qui courent éventuellement le risque d'être torturées dans leur pays qu'elles n'y seront pas renvoyées. Il serait également utile de savoir si la procédure prévue en matière d'extradition, de refoulement et d'expulsion comporte des dispositions permettant d'introduire un recours ou de faire réexaminer par une autre juridiction la décision prise. À propos de l'article 4 de la Convention, il y a lieu de rappeler que tout acte de torture au sens de l'article premier, doit être expressément considéré comme une infraction passible de poursuites et de condamnations appropriées.

16.L'article 5 de la Convention ne tend pas seulement à ce que les États parties établissent leur compétence pour des actes commis sur leur territoire ou par leurs ressortissants, mais bien pour tous actes de torture, où qu'ils aient été commis. Il serait donc important de savoir si la législation chinoise comporte des dispositions permettant à l'État partie d'arrêter, de juger ou d'extrader, indépendamment de tout traité d'extradition, un tortionnaire avéré qui se trouverait sur son territoire. Par ailleurs, l'article 7 ayant pour but d'assurer à chacun un traitement équitable au cours de la procédure, M. Mavrommatis demande si la législation chinoise comporte des dispositions allant dans ce sens, et garantissant par exemple à chacun le droit d'être traduit rapidement devant l'autorité judiciaire et/ou de se faire conseiller par un avocat. À ce propos, il souhaiterait savoir s'il existe un système d'aide judiciaire dans l'État partie permettant à l'accusé, surtout s'il encourt une peine de prison, de disposer des services d'un avocat, y compris dans la phase préliminaire de la procédure qui suit immédiatement l'arrestation et qui est la période où le risque d'être torturé est le plus grand. Pour ce qui est du paragraphe 21 du rapport à l'examen, le Comité n'avait pas tant besoin de savoir avec quel pays la Chine a conclu des traités d'extradition que d'apprendre comment les dispositions de l'article 8 sont appliquées lorsqu'il n'y a pas d'accord d'extradition. De même, il serait utile de savoir, à propos de l'article 9, ce qui se passe en matière d'entraide judiciaire entre États en l'absence de traité d'entraide.

17.M. SILVA HENRIQUES GASPAR (Corapporteur pour la Chine) remercie lui aussi la délégation chinoise pour le dialogue franc et fructueux qui s'engage. Tout d'abord, il tient à féliciter l'État partie pour les efforts qu'il a déployés en vue de développer la formation et l'étude obligatoire de procédures et méthodes appropriées d'interrogatoire, afin de prévenir l'extorsion d'aveux par la force. Il convient aussi de louer l'État partie pour les changements récemment apportés au Code de procédure pénale dans le but d'améliorer les normes de protection des droits des suspects et des accusés en instaurant une procédure contradictoire avec audience publique et en abolissant certaines pratiques anciennes en matière d'internement et autres mesures de coercition administrative. Les efforts entrepris pour faire cesser l'usage de la force dans les interrogatoires, évoquée au paragraphe 27 du rapport, sont également à encourager et il serait intéressant d'apprendre quelles mesures concrètes ont été prises et quels en ont été les premiers résultats.

18.Les autorités chinoises ont aussi fait beaucoup d'efforts pour appliquer les dispositions des articles 12 et 13 de la Convention et prendre les mesures qui s'imposent en cas d'utilisation de la torture par des agents de l'État, ainsi qu'il ressort notamment des paragraphes 37 à 39 du rapport. À cet égard, le rapport fournit des chiffres relatifs au nombre de plaintes déposées et de sanctions imposées, mais ceux‑ci paraissent très faibles au regard des très nombreuses allégations contenues dans les documents émanant d'organisations non gouvernementales qui ont été portées à l'attention du Comité et de la délégation : cette dernière pourrait-elle fournir des informations sur la nature des sanctions appliquées et commenter ce qui paraît être un important décalage entre les multiples allégations de torture et mauvais traitements et les enquêtes effectivement menées et les sanctions appliquées, qui sont beaucoup plus rares ?

19.L'article 15 de la Convention impose aux États parties de considérer comme irrecevable toute déclaration ou preuve extorquée par la torture, et cette exigence ne concerne pas seulement les preuves directes, mais aussi les preuves obtenues indirectement : les tribunaux chinois en tiennent‑ils compte et considéreront‑ils comme irrecevables, par exemple, des preuves venues au jour à la suite d'un aveu obtenu de façon illicite ? Quelle sera l'attitude des tribunaux face à une allégation de torture faite à l'occasion d'un procès non public, lorsqu'un secret d'État est en cause par exemple ? En pareil cas, comment s'assure-t-on que les obligations découlant de l'article 15 ont été remplies, alors que les audiences n'étaient pas publiques et qu'aucun contrôle externe n'a pu s'exercer ? Enfin, il serait utile de savoir si les accusés ont le droit de garder le silence.

20.L'expérience montre que c'est à l'occasion des détentions arbitraires et non soumises à un contrôle adéquat que les risques de violations de l'article 16 de la Convention sont les plus grands. À cet égard, on peut s'inquiéter de l'existence d'un régime de détention administrative et d'autres mesures privatives de liberté telles que la rééducation par le travail. M. Silva Henriques Gaspar souhaiterait avoir des éclaircissements, du point de vue de l'application de l'article 16, sur des mesures administratives qui ne semblent assujetties à aucune garantie susceptible de prévenir efficacement les peines ou traitements cruels; il semble que les comportements non criminels justifiant l'application de telles mesures sont mal définis, qu'il n'existe aucun contrôle judiciaire de ces mesures et aucune possibilité pour les intéressés de faire appel à un avocat. Il serait également utile d'obtenir des précisions sur le régime d'internement coercitif des malades mentaux. Enfin, il est question aux paragraphes 54 et 56 du rapport à l'examen de condamnations à mort avec sursis à exécution de deux ans; il est précisé que la peine capitale peut alors être commuée en prison à vie si le condamné n'a commis aucun crime durant la période de suspension : cette disposition laisse perplexe, car on peut se demander quelles infractions pourraient être commises par une personne sans aucun doute placée en détention durant toute cette période.

21.Quelques questions concrètes se posent par ailleurs. Tout d'abord, quelles sont les conditions d'accès des détenus à un médecin : peuvent-ils être examinés sur leur demande par un praticien choisi soit par eux, soit par leurs proches, ou sont-ils vus par un fonctionnaire du service médical de la prison ? En second lieu, on sait bien que la période où les personnes privées de liberté sont le plus exposées à la torture est la garde à vue, c'est‑à‑dire la période qui s'écoule entre l'arrestation et le moment où l'intéressé est présenté à une autorité judiciaire indépendante qui décide de la légalité de la privation de liberté; abréger cette période est l'un des meilleurs moyens de prévenir la torture et les mauvais traitements dans les locaux de la police. Or des informations reçues donnent à penser que la garde à vue peut être très prolongée en Chine, et aller jusqu'à 10 jours, voire 37 jours selon certaines sources : M. Silva Henriques Gaspar voudrait des précisions à ce sujet, et savoir aussi quels sont les droits des personnes gardées à vue : ont-elles accès à un avocat de leur choix, à quel moment de la procédure peuvent‑elles le rencontrer, est‑il présent dès le premier interrogatoire ? Il serait aussi utile de savoir dans quelles conditions se passent les entretiens avec l'avocat : en privé, en présence d'un fonctionnaire mais dans des conditions de discrétion acceptables, ou sous surveillance rapprochée ? Selon certains renseignements, les rencontres avec l'avocat seraient filmées. Enfin, il serait important de savoir si la présence d'un avocat peut être refusée et, dans l'affirmative, à quelles conditions et dans quel cas; que se passe t-il, par exemple, lorsqu'une affaire est réputée relever du secret d'État ?

22.En vertu des articles 12 et 13 de la Convention, tout acte de torture commis par un agent de l'État doit systématiquement faire l'objet d'une enquête prompte et impartiale. Or une directive du Procureur général en date du 16 septembre 1999 dispose que les infractions visées à l'article 247 du Code pénal ne doivent donner lieu à l'ouverture d'une enquête que dans les cas les plus graves, c'est‑à‑dire par exemple lorsque des aveux ou dépositions ont été extorqués par la violence à de plus de trois personnes ou en plus de trois occasions : on voit mal comment cette directive est compatible avec l'obligation d'ouvrir une enquête dans chaque cas.

23.M. YAKOVLEV dit que l'évolution du système juridique d'un État en dit long sur les avancées d'une société et constate avec plaisir les progrès accomplis dans la bonne direction par le grand pays qu'est la Chine. Cependant, les textes sont une chose et la réalité en est un autre; promulguer une bonne loi n'est qu'un début et tout juriste sait bien que sa mise en œuvre peut être compromise par la façon dont elle sera interprétée. C'est ainsi que l'article 247 du Code pénal, qui réprime de manière satisfaisante les actes de torture, a été interprété d'une manière inquiétante par un commentateur chinois, Sun Qian – qui, il est vrai, n'exprimait pas le point de vue officiel – dans un article paru en 1998 dans une revue juridique et signalé par Amnesty International : M. Yakovlev cite cet article, où l'auteur fait valoir que les brutalités sont compréhensibles et acceptables lorsque les circonstances l'exigent et qu'elles sont motivées par l'intérêt général, et que dans certains cas urgents, la torture est nécessaire. Pour M. Yakovlev, cette affirmation est très grave car elle suppose que la torture peut être non seulement tolérée, mais aussi reconnue nécessaire. Certes, le point de vue précité est celui d'un commentateur, mais l'on sait que la doctrine reflète la pratique ou est censée la guider. Quoi qu'il en soit, ce point de vue est tout à fait contraire à la Convention. Il serait bon en conséquence que la délégation chinoise donne des éclaircissements sur le problème soulevé et sur l'application dans la pratique de l'article 247 du Code pénal.

24.M. EL MASRY, se référant à l'alinéa a) du paragraphe 7 du troisième rapport périodique selon lequel l'abolition du système de la détention pendant l'interrogation est une des mesures qui a été prise pour renforcer les garanties contre la torture, demande si des mesures ont été prises en ce qui concerne les détentions dans les camps de rééducation par le travail. De nombreuses organisations non gouvernementales ont dénoncé l'existence de tels camps dans la Région autonome de Ouïghoure du Xinjiang, dans lesquels des prisonniers ouïghours seraient contraints de travailler dans des conditions extrêmement pénibles. Il serait intéressant de savoir si les programmes de formation destinés au personnel chargé de l'application des lois sont dispensés à tous les agents de la force publique, y compris ceux qui n'appartiennent pas au système judiciaire pénal.

25.Mme GAER pense que la réforme de la législation mise en œuvre en Chine constitue une étape capitale. Néanmoins, elle craint, comme certaines organisations non gouvernementales, que cette réforme, en particulier en matière pénale, porte davantage sur la procédure que sur le fond. Il est indéniable que des mesures telles que l'abandon du raisonnement par analogie en droit sont un grand pas en avant, mais l'absence de changements dans d'autres domaines, par exemple l'existence de lieux de détention extérieurs au système judiciaire pénal, demeure un sujet de préoccupation, et on peut se demander si sur ce point la Convention est pleinement appliquée.

26.Il est dit au paragraphe 9 du troisième rapport périodique que le Règlement sur l'emploi par la police populaire des armes et des instruments policiers définit précisément les circonstances dans lesquelles les instruments et les armes de la police doivent être utilisés. À ce sujet, Mme Gaer souhaiterait savoir quels instruments utilisés par la police sont considérés comme réglementaires. En effet, certaines organisations non gouvernementales ont signalé que la police utilisait quelquefois des aiguillons ou des bâtons électriques : ces instruments sont-ils réglementaires et dans quelles circonstances peuvent‑ils être utilisés ?

27.Mme Gaer constate qu'il est dit au paragraphe 10 d) du troisième rapport périodique que la Cour populaire suprême a publié des dispositions qui demandent que toutes les affaires soient jugées en public, sauf celles qui concernent les secrets d'État, la vie privée ou les mineurs. Ces restrictions constituent un motif de préoccupation et posent la question générale de la transparence de la procédure judiciaire pénale. Une organisation non gouvernementale déplore par exemple que les informations sur les détentions et les condamnations ou encore les comptes rendus d'audience ne soient pas systématiquement rendus publics, et que l'assistance à un procès soit encore soumise à une autorisation officielle. Ces faits sont-ils exacts ?

28.S'agissant de l'article 7 de la Convention et de l'accès à un avocat, Mme Gaer demande ce qu'il en est si une personne n'est pas accusée d'une infraction pénale, mais est placée en détention administrative, dans un centre d'internement ou dans un camp de rééducation par le travail. Cette personne peut-elle consulter un avocat ? Est-il exact que dans la procédure pénale, l'accusé ne peut s'entretenir avec un avocat qu'après la première phase de l'enquête ? Si tel est le cas, cette situation est extrêmement préoccupante car c'est pendant la première période de la détention que les personnes arrêtées sont les plus vulnérables.

29.Il est dit au paragraphe 64 du troisième rapport périodique que le Code pénal chinois définit l'auteur de la torture d'une manière plus large que la Convention et ne fait pas la différence selon que la torture est infligée par un agent de la fonction publique ou une autre personne. Pourtant, selon certaines sources, les dispositions sur la torture et les mauvais traitements ne s'appliqueraient pas aux agents de la fonction publique affectés aux centres de détention ou aux camps de rééducation. Il serait utile que la délégation chinoise donne des éclaircissements sur ce point et indique si, le cas échéant, des agents de cette catégorie ont fait l'objet de poursuites et de sanctions pour actes de torture. Par ailleurs, Mme Gaer se félicite des données fournies au paragraphe 68 du troisième rapport, relatives aux enquêtes menées par l'inspectorat chinois. Si cela est possible, elle aimerait avoir ces mêmes chiffres ventilés, par type de crime, par région, selon le sexe de l'auteur du crime ou le sexe de la victime, etc.

30.La question de la mort en détention est un sujet de grave préoccupation. Les chiffres donnés par Amnesty International sur ce point sont très inquiétants. Étant donné qu'apparemment un tiers seulement de tous les cas de torture sont portés devant les tribunaux, il y a lieu de se demander si seules les affaires dans lesquelles les détenus ont été particulièrement maltraités ou sont décédés en détention sont portées devant les juridictions. Un autre sujet de préoccupation concerne la violence entre les détenus. Selon certaines sources, certains détenus joueraient le rôle de chefs et feraient régner la violence dans les prisons. Existe-t-il des règlements qui répriment ce type de comportement ? Si un détenu est maltraité, voire tué par un autre détenu, qui est responsable ? Dans un tel cas, les autorités ouvrent-elles une enquête ?

31.La violence peut aussi prendre des formes particulières en fonction du sexe. Il serait intéressant de savoir si des plaintes ont été enregistrées pour violence sexuelle et comment est composé le personnel de surveillance des femmes détenues. Selon des ONG, plusieurs femmes tibétaines, en particuliers des religieuses, auraient été violentées et violées, et certaines seraient mortes en prison à la suite d'abus sexuels. Les personnes qui subissent de telles violences peuvent‑elles porter plainte et demander une indemnisation et une réadaptation ? Des agents de la fonction publique ont-ils été poursuivis et sanctionnés pour avoir commis des violences sexuelles ? Le problème de la violence fondée sur le sexe a-t-il été incorporé dans les programmes de formation des fonctionnaires ? Il semble en outre que des organes peuvent être prélevés sur des personnes exécutées. Or, ce prélèvement est en principe soumis au consentement préalable de la personne condamnée ou de sa famille. Comment la population pénitentiaire est-elle informée et consultée sur ce sujet ? Enfin, la question se pose de l'accès aux mécanismes de plainte. Selon une source, dans la région autonome du Xinjiang, de nombreux accusés se plaignent d'être soumis à des actes de torture mais les juges ne tiennent pas compte de leurs plaintes et ne les transmettent pas au procureur. Comment le Gouvernement chinois protège-t-il le droit des détenus de porter plainte ?

32.M. CAMARA soulève la question du droit au silence pour une personne arrêtée ou interrogée. Il croit comprendre en effet qu'un débat est actuellement en cours en Chine, dans le milieu des spécialistes du droit pénal, sur cette question. Il souhaiterait que la délégation chinoise donne des précisions à ce sujet, car ce droit est fondamental et constitue une garantie contre la torture. Se référant à l'article 48 du Code pénal (par. 54 du rapport), il s'étonne qu'une personne puisse être condamnée à la peine de mort avec sursis, sanction qui doit être très dure à supporter sur le plan psychologique. Cette peine peut-elle être commuée en une peine plus légère ?

33.M. RASMUSSEN souligne, à propos de l'application de l'article 14 de la Convention, qu'il existe actuellement plus de 200 centres de réadaptation des victimes de torture dans le monde. Il croit savoir néanmoins qu'il n'existe pas de tels centres en Chine et que les autorités chinoises justifient cela par le fait que les victimes de torture peuvent être traitées dans le cadre du système de santé général. Cependant, la réadaptation des victimes de torture exige un savoir-faire particulier. C'est ainsi que de nombreux États, reconnaissant l'importance de la réadaptation des victimes de torture, apportent un soutien financier aux centres de réadaptation ou contribuent au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture. Or, il semble que la Chine fait partie des quatre ou cinq pays qui n'ont encore jamais contribué à ce Fonds. Quelle est actuellement la position du Gouvernement chinois sur la question de la réadaptation des victimes de la torture ?

34.Le PRÉSIDENT, s'exprimant à titre personnel, voudrait savoir avec précision quelle est la place du régime de la détention administrative en Chine et quels mécanismes assurent la protection des droits des personnes détenues. En ce qui concerne la peine de mort, il est particulièrement préoccupé par le fait que les exécutions peuvent avoir lieu en public. Ayant appris que le nombre d'exécutions effectuées l'an passé n'a pas diminué, et aurait même augmenté, il voudrait connaître le nombre exact de personnes exécutées.

35.Il semble, d'après le rapport établi par le Rapporteur spécial sur la torture de la Commission des droits de l'homme (E/CN.4/2000/9) que des changements substantiels se sont produits en Chine depuis les 20 dernières années et que si la pratique des mauvais traitements n'a pas disparu, elle a beaucoup diminué. Il est cependant alarmant de constater, lorsqu'on regarde de près l'identité des personnes torturées, qu'il s'agit souvent de personnes appartenant à des groupes minoritaires, que l'appartenance minoritaire soit d'origine idéologique, religieuse ou nationale. Le recours à la torture par l'électricité est aussi mentionné par le Rapporteur spécial. À ce sujet, il serait intéressant d'avoir des précisions sur le cas signalé par le Rapporteur spécial, au paragraphe 216 de son rapport, concernant la mort sous la torture d'un major de l'armée de l'air arrêté en 1998, et le fait que l'enquête aurait conclu que les allégations de torture étaient dénuées de fondement. Si la délégation chinoise ne connaît pas précisément cette affaire, il conviendrait qu'elle réponde ultérieurement par écrit. Enfin, étant donné les nombreuses allégations de mauvais traitements et de torture concernant des Tibétains et des habitants de la région du Xinjiang, il serait bon que la délégation donne des informations sur les mesures qui sont prises pour remédier à cette situation et prévenir de tels actes.

La séance est suspendue à 12 h 5; elle est reprise à 12 h 15.

36.Le PRÉSIDENT invite le Comité à examiner la deuxième partie du rapport de la Chine portant sur l'application de la Convention dans la Région administrative spéciale de Hong Kong.

37.M. QIAO Zonghuai (Chine) rappelle que Hong Kong est devenu Région administrative spéciale le 1er juin 1997 et que le Gouvernement chinois est désormais responsable des affaires étrangères de cette région et assume la responsabilité des obligations internationales qui découlent de l'application de la Convention pour Hong Kong. Il ajoute que, conformément à la Loi fondamentale, la Région a son propre système juridique et administratif, qui sera maintenu pendant 50 ans, si bien que l'application de la Convention n'est pas strictement la même qu'en Chine continentale. C'est donc le Gouvernement de la Région administrative spéciale qui s'est chargé de l'élaboration de cette partie du rapport et la même procédure s'appliquera à Macao, qui a été rendu à la Chine le 20 décembre 1999.

38.M. WONG (Chine), présentant la deuxième partie du rapport concernant la Région administrative spéciale de Hong Kong rappelle que, lors de la présentation du rapport de Hong Kong, en 1995, il avait indiqué que la Loi fondamentale, devenue le document constitutionnel de Hong Kong, garantissait que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels allaient rester en vigueur. Par ailleurs, l'article 28 de la même Loi fondamentale interdit expressément la torture et Hong Kong continue de jouir de toutes les protections des droits de l'homme qui sont en place depuis longtemps et qui sont décrites dans le rapport.

39.M. Wong a la satisfaction d'informer le Comité que la procédure d'observation du Conseil indépendant d'investigation des plaintes contre la police est bien établie et qu'elle a même été renforcée par la nomination, comme observateurs indépendants des recherches effectuées par le Bureau des plaintes contre la police, d'anciens membres de ce Conseil et d'autres personnalités locales. Par ailleurs, concernant la question des réfugiés vietnamiens, que le Comité avait évoquée dans ses conclusions et recommandations, du 17 novembre 1995, M. Wong indique que la décision à été prise en février 2000 de permettre à tous les réfugiés et aux non-ressortissants ainsi qu'aux membres de leur famille, de demander la résidence permanente à Hong Kong, si bien que le centre d'accueil de Pillar Point sera définitivement fermé.

40.Pour ce qui est des cas des quatre officiers de police reconnus coupables de violences sur la personne d'un toxicomane, afin de lui extorquer des aveux, M. Wong rappelle que la décision de ne pas juger ces derniers selon la Crimes Ordinance (ordonnance relative aux délits) avait été vivement contestée. À cet égard, il indique qu'à Hong Kong, comme dans tout pays régi par la common law, la décision de poursuivre en justice et les raisons pour le faire, dépendent des circonstances existant au moment où la décision doit être prise et qu'il est parfois préférable d'opter pour des chefs d'accusation moins graves, s'ils offrent une meilleure chance de parvenir à une déclaration de culpabilité. En l'occurrence, les preuves rassemblées ne permettaient pas à son avis de justifier une condamnation en vertu de la Crimes Ordinance .

41.Abordant la question de l'indépendance des tribunaux et l'État de droit, et plus particulièrement des plaintes déposées au sujet du droit de séjour, M. Wong donne l'assurance que l'interprétation de la Loi fondamentale par le Comité permanent de l'Assemblée populaire nationale était légale et constitutionnelle et concordait pleinement avec l'État de droit. Enfin, en réponse aux préoccupations du Comité concernant l'indépendance du système judiciaire, M. Wong réaffirme la volonté des autorités de Hong Kong de respecter ce principe fondamental ainsi que leur engagement total à l'égard de l'application de la Convention et se déclare prêt à répondre à toutes les questions du Comité.

42.M. MAVROMMATIS se déclare très satisfait de la décision prise par la Chine de continuer à appliquer les instruments internationaux après la rétrocession de Hong Kong à la Chine. Faisant référence à l'article 21 de la Convention, il souligne que les dispositions qui y sont énoncées existent dans bon nombre d'instruments internationaux, mais qu'elles n'ont jamais été invoquées. De telles dispositions pourraient tout au plus être applicables dans le cadre, par exemple, du Conseil de l'Europe ou de l'Organisation des États américains. La protection que cet article est censée assurer ne serait donc que théorique. En revanche, l'article 22 de la Convention est important à ses yeux et il souhaiterait voir la Chine et la Région administrative spéciale de Hong Kong faire une déclaration commune en vertu de cet article. En effet, la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne devient une réalité que si certains mécanismes sont institués, sous forme, par exemple d'un organe chargé de transmettre des communications ou des pétitions individuelles, d'une commission nationale des droits de l'homme, d'un médiateur, etc.

43.La question qu'il a posée au sujet de la violence domestique et de la traite des femmes est restée sans réponse et M. Mavrommatis souhaite en conséquence obtenir des précisions sur la manière dont sont abordés ces problèmes. Par ailleurs, il se félicite de l'issue heureuse du problème des réfugiés vietnamiens à Hong Kong, mais il souhaiterait savoir si, en règle générale, le contrôle judiciaire existe même après décision du chef de l'Administration et du contrôle hiérarchique.

44.De l'avis de M. Mavrommatis la définition du "comportement autorisé" est beaucoup trop large et il faudrait la préciser et la restreindre. En outre, M. Mavrommatis se félicite de ce que l'article 39 de la Loi fondamentale incorpore certaines dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels mais regrette qu'aucune définition complète de la torture ne s'y trouve, permettant de poursuivre et de punir les auteurs de tous les délits décrits. De même, il se félicite de la création du Conseil indépendant d'investigation des plaintes contre la police, mais il s'étonne d'apprendre qu'aucune plainte n'ait été déposée. Quelles peuvent en être les raisons ? Est-ce une définition inappropriée, l'ignorance, la lourdeur des procédures rendant difficile l'établissement des preuves ou le manque de confiance dans le processus d'investigation ?

45.Se référant au cas des quatre officiers de police mentionné par M. Wong, même s'il est pleinement conscient qu'il est parfois préférable d'opter pour des chefs d'accusation moins graves, s'ils offrent une meilleure chance de parvenir à une déclaration de culpabilité, M. Mavrommatis trouve que, dans ce cas spécifique, l'argumentation avancée est très peu convaincante et risque de porter atteinte à l'efficacité de la justice.

46.À propos de la question du regroupement familial, M. Mavrommatis s'interroge sur les problèmes de discrimination qui peuvent se poser lorsque, par exemple, deux enfants d'une même famille sont nés l'un à Hong Kong et l'autre en Chine continentale. Il souhaite obtenir des éclaircissements à ce sujet.

47.Enfin, l'objectif principal étant de réduire le nombre de cas de torture, M. Mavrommatis suggère certaines actions pour y parvenir; il estime qu'il faut redoubler d'efforts pour assurer une formation plus efficace de la police par les méthodes scientifiques innovatrices existantes, afin qu'elle ne recoure pas à la violence par incompétence. Un système d'investigation indépendant, rapide et efficace devrait être instauré, qui permette d'examiner les plaintes et de procéder aux poursuites; il faudrait infliger des peines sévères aux coupables, s'assurer par des visites fréquentes et non annoncées aux lieux de détention qu'il n'y ait pas recours à la violence et, finalement, assurer la transparence.

48. M. SILVA ENRIQUES GASPAR, se référant tout d'abord aux articles 12 et 13 de la Convention, précise qu'une enquête impartiale présuppose l'intervention d'une entité dont la composition et les compétences garantissent l'indépendance de l'enquête. Or, il doute que le Bureau des plaintes contre la police remplisse ces conditions, compte tenu des compétences limitées du Conseil indépendant d'investigation des plaintes contre la police. La délégation pourrait-elle donner des précisions sur ce point ? Deuxièmement, le système juridique de Hong Kong semble répondre de façon générale aux exigences de l'article 15 de la Convention puisque, dans certains cas, les tribunaux ont déclaré irrecevables des preuves obtenues par la torture. M. Silva Enriques Gaspar craint cependant que ces données statistiques ne soient que la partie visible de l'iceberg.

49. MME GAER fait sienne la préoccupation exprimée par M. Mavrommatis au sujet de l'absence de mention de traitements cruels, inhumains ou dégradants dans la Loi fondamentale et dans les définitions de la torture. Même si la loi n'interdit pas explicitement ces traitements, il ressort du rapport et des faits constatés que la torture n'est pas limitée aux actes commis par des fonctionnaires, mais qu'il s'agit aussi d'actes commis par des personnes dans l'exercice de leurs fonctions officielles. Mme Gaer souhaiterait recevoir des éclaircissements quant au type de fonctions mentionnées. Elle aimerait aussi savoir, compte tenu d'une certaine ambiguïté dans la Loi fondamentale, s'il est possible d'être accusé de torture et finalement condamné pour violences. En outre, la délégation est-elle en mesure de confirmer que, si une personne peut prouver qu'elle était au bénéfice d'un comportement autorisé pour commettre des actes de torture, cela annulerait l'interdiction de torturer ?

50. Le rapport révèle qu'une forte proportion d'aveux est jugée irrecevable par les tribunaux car ils pourraient avoir été obtenus sous la contrainte. Mme Gaer demande si des statistiques plus précises sont disponibles et aussi si certaines des recommandations faites ‑ comme la création d'une commission chargée de la réforme législative et la pratique de l'enregistrement des interrogatoires sur bande vidéo – ont été appliquées. Enfin, concernant la violence sexuelle dans les prisons, Mme Gaer souhaite savoir s'il existe des mesures de sécurité et de contrôle, si la procédure de dépôt de plaintes est suffisamment simple et s'il y a une sensibilisation particulière aux problèmes de la discrimination sexuelle. Y a-t-il, en outre, des mécanismes de réparation, d'indemnisation et de rééducation pour les victimes de ces sévices, ou des cas répertoriés de sanctions pour les coupables.

51.Le PRÉSIDENT indique que la délégation chinoise sera invitée à répondre aux questions supplémentaires des membres à une prochaine séance du Comité.

La séance est levée à 13 heures.

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