COMITÉ CONTRE LA TORTURE
Trente‑neuvième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 802e SÉANCE
tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 19 novembre 2007, à 15 heures
Président: M. MAVROMMATIS
SOMMAIRE
QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES
Procédure de suivi des communications (suite)
Examen des observations d’Amnesty International concernant la nouvelle procédure d’établissement des rapports des États parties
La première partie (privée) de la séance commence à 15 h 5.
QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (point 3 de l’ordre du jour)
Procédure de suivi des communications (CAT/C/39/R.1) (suite)
1.Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à reprendre l’examen du rapport intermédiaire sur les activités de suivi des communications individuelles, contenu dans le document CAT/C/39/R.1.
2.M. MARIÑO MENÉNDEZ (Rapporteur pour le suivi des communications) rappelle que, dans l’affaire Tebourski c. France (communication no 181/2001), l’État partie avait refusé de prendre des mesures provisoires, alors que le Comité le lui avait demandé, et avait expulsé l’auteur de la requête. En conséquence, le Comité a conclu que l’État partie avait violé l’article 3 de la Convention. Étant donné que les autorités françaises s’efforcent actuellement de vérifier le bien-fondé des informations fournies par les autorités tunisiennes concernant la situation actuelle de l’auteur, le Rapporteur propose que le Comité continue de suivre cette affaire en attendant que l’État partie lui communique le résultat de ces vérifications.
3.Dans l’affaire Guengueng et consorts c. Sénégal (communication no 181/2001), le Comité avait conclu que l’État partie avait violé les articles 5 et 7 de la Convention dans la mesure où il n’avait pas fait le nécessaire afin d’établir sa compétence pour juger le responsable présumé des tortures subies par les auteurs de la communication, à savoir l’ancien Président tchadien, Hissène Habré, qui se trouvait sur le territoire sénégalais, et n’avait pas non plus modifié sa législation pour que M. Habré puisse être extradé vers un État compétent pour le juger. Résumant les arguments respectifs de l’État partie et des auteurs de la requête (p. 7 à 9 du document CAT/C/39/R.1), le Rapporteur fait observer que l’État partie a fait valoir que l’adoption en novembre 2006 de deux nouvelles loi avait mis fin au vide juridique empêchant les tribunaux sénégalais de connaître de l’affaire Habré, qu’il comptait honorer ses obligations conventionnelles mais qu’il devait encore évaluer le coût de ce procès. Les auteurs ont souligné quant à eux que le respect de ces obligations ne devait pas être subordonné à l’octroi d’une aide financière et se sont dits préoccupés par le fait qu’aucune poursuite pénale n’avait été engagée, alors que dix-sept mois s’étaient écoulés depuis la décision du Comité. Or, le temps pressait car l’un des requérants était déjà décédé des suites des mauvais traitements subis sous le régime d’Habré. Le Rapporteur indique par ailleurs que, par l’entremise du secrétariat, il a contacté récemment l’ambassade du Sénégal à Genève afin de rencontrer des représentants de l’État partie avant la fin de la session en cours et de leur demander lui-même dans combien de temps le procès d’Hissène Habré pourra avoir lieu. Il signale en outre que l’Union européenne a promis d’accorder une aide financière au Sénégal afin que M. Habré puisse être jugé au Sénégal plutôt qu’extradé vers la Belgique. En effet, la tenue de ce procès en Afrique revêt une importance symbolique car ce serait la première fois qu’un dictateur africain serait jugé par une juridiction de ce continent. En outre, le Président sénégalais semble avoir particulièrement à cœur que le procès ait lieu dans son pays. Compte tenu de tous ces éléments, le Rapporteur a bon espoir que l’État partie donne prochainement une suite concrète à la décision du Comité. M. Mariño Menéndez propose par conséquent que le Comité remercie l’État partie des renseignements qu’il lui a communiqués, l’exhorte à appliquer tous les éléments de sa décision dans les meilleurs délais et le prie de le tenir régulièrement au courant de l’évolution de la situation.
4.Concernant l’affaire Agiza c. Suède, le Rapporteur indique que, d’après des informations reçues en mai et en octobre 2007, l’État partie a notamment fait valoir que l’auteur de la communication a reçu 46 visites au total du personnel de l’ambassade de Suède au Caire, que sa demande de permis de séjour était encore pendante devant le Conseil des migrations et qu’un accord concernant son indemnisation devait être négocié avec le Ministère de la justice. En juillet 2007, le conseil du requérant a fait savoir au Comité que ces visites avaient lieu en présence de surveillants de la prison et étaient enregistrées sur bande vidéo et que le traitement médical que recevait M. Agiza était insuffisant et que ce dernier souffrait notamment de troubles neurologiques. Le Rapporteur fait observer que, dans l’hypothèse où la demande de permis de séjour du requérant serait acceptée par le Conseil des migrations de l’État partie, les autorités égyptiennes ne le laisseraient probablement pas sortir du pays et exécuter le restant de sa peine en Suède. Compte tenu de ce qui précède, le Rapporteur propose que le Comité fasse savoir à l’État partie qu’il a pris note avec satisfaction des mesures prises à ce jour pour surveiller la situation en détention de M. Agiza et qu’il l’enjoint de poursuivre ces activités en veillant particulièrement à ce que le requérant ait accès à des soins médicaux adéquats et puisse contacter sa famille plus régulièrement.
5.M. GROSSMAN, appuyé par le PRÉSIDENT, propose que le Comité demande également à l’État partie de l’informer du résultat de la procédure pendante devant le Conseil des migrations lorsque cet organe aura rendu sa décision.
6.M. MARIÑO MENÉNDEZ (Rapporteur pour le suivi des communications) n’y voit pas d’inconvénient.
7.Le PRÉSIDENT dit que, s’il n’y pas d’objections, il conclura que le Comité souhaite faire siennes les propositions du Rapporteur.
8. Il en est ainsi décidé.
La séance est suspendue à 15 h 35; elle est reprise à 16 h 5.
Examen des observations d’Amnesty International concernant la nouvelle procédure d’établissement des rapports des États parties
9.Le PRÉSIDENT dit que deux lettres lui ont été adressées par Amnesty International au sujet de la nouvelle procédure d’établissement des rapports des États parties; il demande à Mme Morales de bien vouloir en présenter brièvement le contenu.
10.Mme MORALES note que dans sa lettre datée du 30 juillet 2007, Amnesty International se félicite des efforts déployés par le Comité pour favoriser l’élaboration de rapports plus ciblés et se dit convaincue que la réussite dans cette initiative dépendra étroitement de la capacité du Comité à recueillir des renseignements auprès des ONG, ce qui requiert que celles-ci soient contactées à temps. Il importe donc que la liste des pays, dont les rapports sont attendus en 2009, qui opteront pour la nouvelle procédure soit publiée suffisamment tôt pour permettre à ces dernières et à d’autres parties prenantes de faire part de leurs observations et pour que celles-ci puissent être prises en considération à l’occasion de l’élaboration des listes de points à traiter. Enfin, Amnesty International considère que la nouvelle procédure n’est pas adaptée à la situation des États parties qui n’ont jamais présenté de rapport en temps voulu et qui ne se sont jamais conformés aux directives concernant leur élaboration.
11.Dans sa deuxième lettre, datée du 2 novembre 2007, Amnesty International regrette de ne pas avoir été officiellement informée de la modification de la liste des États dont les rapports doivent être examinés selon la nouvelle procédure, et espère qu’à l’avenir tout changement pourra lui être communiqué en temps voulu. L’organisation insiste de nouveau sur le fait que la nouvelle procédure ne sera vraiment efficace que pour les États ayant présenté au moins un rapport établi conformément aux directives du Comité.
12.Amnesty International considère, par ailleurs, que pour déterminer les domaines qui appellent un examen plus approfondi, le Comité devrait établir une liste type de points à aborder pour chacun des articles de fond de la Convention. Enfin, l’organisation exhorte le Comité à diffuser le plus rapidement possible la liste complète des États concernés par la nouvelle procédure dont les rapports sont attendus en 2009 et en 2010. Cela permettrait aux organisations non gouvernementales et à d’autres parties prenantes de recueillir des renseignements dont le Comité pourrait se servir utilement lors de l’élaboration de la liste des points à traiter. Il est également essentiel que les organisations non gouvernementales, dont le rôle a essentiellement consisté jusqu’à présent à fournir des informations avant l’examen des rapports, soient informées de l’élaboration de la liste des points à traiter suffisamment tôt ainsi que de la nature des renseignements qui seraient les plus utiles pour le Comité.
13.Le PRÉSIDENT considère que plusieurs observations faites par Amnesty International méritent d’être prises en considération et que le Comité doit effectivement veiller à ce que les ONG soient pleinement associées à la nouvelle procédure d’établissement de rapports.
14.Mme GAER relève tout d’abord que pour Amnesty International, la nouvelle procédure ne doit pas être appliquée aux États qui accumulent un retard important dans la présentation de leurs rapports périodiques. Or, c’est précisément pour examiner les rapports de tels États que cette procédure a été instituée. D’autre part, il est effectivement de la plus haute importance que les ONG soient informées bien à l’avance de la date de l’élaboration des listes de points à traiter par le Comité afin qu’elles aient le temps de lui fournir des renseignements. Pour ce qui est de l’élaboration des listes de points à traiter, il serait utile pour le Comité de disposer de données analytiques compilées par le secrétariat et souligne que les rapporteurs par pays devraient être dûment informés de toute activité concernant le suivi.
15.M. GROSSMAN dit que le Comité doit s’efforcer d’anticiper les problèmes susceptibles de se poser dans le cadre de sa nouvelle procédure d’établissement de rapports et qu’à cette fin, il serait utile de se doter d’un mécanisme pour en surveiller l’application. Il accueille favorablement la proposition d’Amnesty International tendant à ce que soit établie une liste type des points à aborder dans le cadre de l’examen de l’application par l’État partie concerné de chacun des articles de fond de la Convention et pense que dans cette optique, il serait utile de tenir compte du rôle joué par les juridictions régionales dont la compétence est reconnue par les États concernés.
16.Mme SVEAASS pense que c’est en fonction du nombre de rapports présentés plutôt que du retard accumulé dans la présentation des rapports que les États auxquels la nouvelle procédure sera appliquée devraient être sélectionnés.
17.Le PRÉSIDENT demande au secrétariat de rappeler au Comité comment ont été jusqu’à présent sélectionnés les pays dont les rapports doivent être examinés selon la nouvelle procédure.
18.Mme MORALES reconnaît tout d’abord que les ONG n’ont pas bénéficié d’un délai suffisant pour informer le Comité sur la situation des États parties dont les rapports doivent être examinés en 2009 dans le cadre de la nouvelle procédure. Elle tient à les rassurer sur le fait qu’elles auront plus de temps pour les rapports dont l’examen est prévu en 2010. S’il n’a pas été possible d’informer les ONG suffisamment à l’avance, c’est que certains des 13 États auxquels il a été décidé d’appliquer la procédure, à savoir, ceux qui n’avaient pas encore soumis leur rapport initial et qui devaient présenter leur deuxième rapport périodique en 2009, ont entre-temps transmis leur rapport initial au secrétariat. Or le Comité s’étant fixé pour règle de ne pas appliquer la nouvelle procédure aux pays ayant un rapport initial en retard, ils ont été retirés de la liste.
19.Pour ce qui est des modalités de sélection appliquées, Mme Morales indique qu’une fois qu’elles auront été approuvées par le Comité à la présente session, les listes des points à traiter seront envoyées aux États concernés avec une note verbale leur demandant de préciser, avant la session du Comité de mai 2008, s’ils acceptent d’établir leur prochain rapport selon la nouvelle procédure. La liste de ces pays devrait par conséquent être connue à la prochaine session, même si elle peut encore être modifiée pour les raisons évoquées précédemment. Pour que les listes finales des points à traiter puissent être élaborées et traduites à temps pour être adoptées à la session de novembre 2008 du Comité, les organisations non gouvernementales auront jusqu’au milieu de l’été 2008 pour communiquer leurs informations, soit un délai de six mois, ce qui semble raisonnable.
20.Le PRÉSIDENT rappelle que les États parties qui refuseront de suivre la nouvelle procédure seront tout de même tenus, en plus d’établir leur rapport périodique, de répondre à une liste de points à traiter. Selon toute vraisemblance, la majorité d’entre eux préféreront établir un seul rapport ciblé plutôt qu’assumer cette double charge de travail.
21.Mme BELMIR dit que la nouvelle procédure, bien que présentant des avantages certains, ne résout pas le problème de l’insuffisance du nombre de membres du Comité par rapport à la charge de travail.
22.M. MARIÑO MENÉNDEZ pense comme le Président que la plupart des États parties opteront pour la nouvelle procédure. Il souhaiterait savoir si les autres organes conventionnels envisagent d’adopter une procédure similaire. La liste de questions relatives à l’article 14 proposée par Amnesty International ne lui semble rien apporter de nouveau par rapport aux préoccupations régulièrement exprimées par le Comité. L’établissement d’une liste type de questions pour chaque article de la Convention pourrait avoir son utilité mais des adaptations seraient inévitablement nécessaires en fonction de l’État concerné. M. Mariño Menéndez est également d’avis qu’étant donné le rôle essentiel que jouent les organisations non gouvernementales dans le suivi de l’application de la Convention par les États parties, il est logique de les associer à la mise en œuvre de la nouvelle procédure et de s’efforcer de répondre à leurs attentes à cet égard, par ailleurs tout à fait légitimes. En ce qui concerne le manque de prévisibilité du processus lié aux différents stades de présentation des rapports des États parties, les cas de figure possibles ne sont pas si nombreux qu’on ne puisse pas prévoir de solution pour chacun d’eux.
23.Le PRÉSIDENT rappelle que l’idée de cette nouvelle procédure n’a pas été lancée par le Comité; elle avait déjà été évoquée lors d’une précédente réunion intercomités et le Comité l’a ensuite développée. À la dernière réunion intercomités, les autres organes conventionnels ont manifesté un vif intérêt pour cette procédure et ont demandé que le Comité contre la torture les tienne informés de sa mise en œuvre et de ses résultats. La nouvelle procédure a reçu le même accueil favorable lorsqu’elle a été présentée à la réunion des présidents des organes conventionnels ainsi qu’à la réunion avec les États parties.
24.M. WANG Xuexian dit que la nouvelle procédure en est encore au stade expérimental et que le Comité doit attendre d’avoir un peu de recul pour déterminer ce qui peut et doit être amélioré. Le souhait des organisations non gouvernementales d’être associées à sa mise en œuvre est parfaitement légitime et ne devrait pas être difficile à satisfaire. Concernant le contenu même des listes de points à traiter, il serait bon de réfléchir à la manière de cibler davantage les questions et de les renouveler en fonction des faits nouveaux intervenus depuis l’examen du précédent rapport. Il serait également souhaitable de ne pas déborder le cadre de la Convention et d’éviter par conséquent d’aborder des thèmes traités par d’autres organes conventionnels.
25.Le PRÉSIDENT dit qu’en fonction des résultats de la nouvelle procédure, il pourra être utile d’élaborer des lignes directrices concernant l’établissement des rapports sur la base des listes de points à traiter, voire sur l’élaboration des listes elles-mêmes.
26.Mme GAER estime que la nouvelle procédure n’est pas seulement avantageuse pour les États parties; elle devrait également simplifier le travail du Comité.
27.M. GALLEGOS CHIRIBOGA dit que la nouvelle procédure ne doit pas avoir pour seul objectif de simplifier le travail des États parties et du Comité mais aussi et surtout de renforcer leurs capacités respectives de surveillance de la mise en œuvre de la Convention. À cet égard, la participation des organisations non gouvernementales est fondamentale, et des efforts supplémentaires devraient être faits pour recueillir davantage d’informations auprès de celles dont les activités sont moins en vue.
28.Le PRÉSIDENT conclut des différentes remarques des membres du Comité qu’ils sont d’accord pour associer pleinement les organisations non gouvernementales à la mise en œuvre de la nouvelle procédure. Il dit qu’une lettre sera adressée à Amnesty International pour la remercier de ses suggestions et lui faire part de l’intention du Comité de prendre les dispositions nécessaires pour tenir les organisations non gouvernementales dûment informées de l’avancement de la mise en œuvre de la nouvelle procédure. Il indique qu’Amnesty International avait été informée de l’intention du Comité de discuter ses propositions en séance publique et avait exprimé le souhait d’être présente. En raison du calendrier très serré du Comité, la date de la réunion a malheureusement été décidée à trop brève échéance pour pouvoir être annoncée et permettre à Amnesty International de s’y faire représenter.
29.Mme MORALES (Secrétariat) invite les membres du Comité, qui ont des propositions de modifications à faire au sujet des projets de listes de points à traiter, à en faire part au rapporteur concerné qui les transmettra au secrétariat afin qu’elles soient incorporées aux projets et que ceux-ci puissent être adoptés avant la fin de la session.
30. Il en est ainsi décidé.
La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 20.
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