NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.73212 janvier 2007

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 732e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genèvele vendredi 10 novembre 2006, à 10 heures

Président: M. MAVROMMATIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATIONDE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Quatrième rapport périodique de la Fédération de Russie

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Quatrième rapport périodique de la Fédération de Russie (CAT/C/55/Add.11; HRI/CORE/1/Add.52/Rev.1; CAT/C/RUS/Q/4; et CAT/C/RUS/Q/4/Add.1 (document en russe seulement))

1. Sur l’invitation du Président, la délégation russe prend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT indique que les réponses écrites à la liste des points à traiter n’ayant pas pu être traduites à temps, les membres du Comité n’ont reçu qu’un résumé en anglais établi par le secrétariat. Il invite donc la délégation russe à en citer des extraits lors sa présentation orale, de façon à ce que leur contenu soit pris en compte dans le procès-verbal de séance.

3.M. LOSHCHININ (Fédération de Russie) signale qu’en raison d’un empêchement de dernière minute, le fonctionnaire qui aurait dû représenter la Procurature générale au sein de la délégation russe n’a pas pu se rendre à Genève; cela étant d’autant plus regrettable que cette personne avait rédigé les réponses écrites aux questions posées dans la liste des points à traiter sur le rôle de la Procurature. Enfin, tout en reconnaissant leur présentation tardive, M. Loshchinin regrette que les réponses écrites n’aient pas été traduites.

4.La Fédération de Russie est partie à presque tous les principaux instruments relatifs aux droits de l’homme et maintient le dialogue avec les organes chargés d’en surveiller l’application, dont le Comité contre la torture. Depuis la présentation de son troisième rapport périodique sur la mise en œuvre de la Convention contre la torture, la Fédération de Russie a pris toute une série de mesures pour donner suite aux recommandations du Comité, dont en particulier l’incorporation dans le droit interne de la définition énoncée à l’article premier de la Convention. Bien que la définition de la torture qui figure dans le Code pénal russe ne soit pas tout à fait conforme à celle de la Convention, elle a une portée plus large du fait qu’elle établit la responsabilité pénale, dès l’âge de 16 ans, de tout auteur d’actes de torture, à savoir non seulement les agents de l’État, mais aussi tous les individus quel que soit leur statut.

5.En outre, le cadre juridique de la protection contre la torture des parties à une procédure est régulièrement revu et renforcé. En particulier, en 2004, la loi fédérale accordant la protection de l’État aux victimes, témoins et autres parties à une procédure pénale a été adoptée afin de compléter les dispositions du Code de procédure pénale, en interdisant le recours à la torture à tous les stades de la procédure pénale et en proclamant l’irrecevabilité des moyens de preuve obtenus par la torture. Le Code de procédure pénale contient des dispositions fixant avec précision le délai de garde à vue qui peut durer jusqu’à 30 jours, dans des cas exceptionnels énumérés dans la législation. L’arrestation de suspects doit s’effectuer conformément à la loi et tout cas de détention illégale ou d’enlèvement d’un suspect fait obligatoirement l’objet d’une enquête et, le cas échéant, de poursuites.

6.Le Gouvernement russe est toujours d’avis que le droit à une protection contre la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est un principe absolu et que ce droit ne saurait être limité quelles que soient les circonstances, y compris dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Ce principe est réitéré dans la nouvelle loi fédérale du 6 mars 2006 sur la lutte contre le terrorisme, laquelle contient une série de dispositions permettant de restreindre les droits des personnes pendant la durée d’une opération antiterroriste. Bien entendu, le recours à la torture est interdit même dans ce type de situation.

7.Par ailleurs, conformément aux recommandations du Comité, diverses mesures ont été prises pour améliorer la situation des détenus dans les prisons et dans les lieux de détention provisoire. En 2005, le Ministère de l’intérieur et le Ministère de la justice ont promulgué des directives concernant le règlement interne des locaux de garde à vue, des maisons d’arrêt et des établissements pénitentiaires afin d’améliorer l’accès des détenus aux soins médicaux et leurs conditions de détention, en particulier s’agissant des femmes et des mineurs privés de liberté.

8.En septembre 2006, le Gouvernement de la Fédération de Russie a adopté un programme pour la période 2007-2016 visant à mettre les conditions de détention en garde à vue et dans les prisons en conformité avec les normes internationales et la législation interne. Il a été prévu d’allouer 54 milliards de roubles (soit environ 2 milliards de dollars des États-Unis) à l’exécution de ce programme, dont 42 doivent être affectés à la construction et à la rénovation de centres de détention provisoire. Il est également prévu de créer plus de 33 000 places supplémentaires pour la détention des suspects et des inculpés. En outre, un projet de loi constitutionnelle fédérale prévoyant la création de tribunaux pour mineurs a été approuvé en première lecture par la Douma d’État.

9.Par ailleurs, les mesures prises pour donner suite aux recommandations du Comité concernant la prévention et l’élimination de la torture et des mauvais traitements au sein des forces armées ont eu des résultats encourageants. En effet, au cours des dernières années, les tribunaux militaires ont examiné un grand nombre de plaintes pour bizutage («dedovshchina») au sein de l’armée, ce qui montre que la hiérarchie et le parquet militaires sont davantage résolus à mettre en lumière ces actes, à ouvrir rapidement des enquêtes et à traduire en justice les auteurs. En outre, les forces armées organisent régulièrement des cours de formation sur la législation interne et le droit international humanitaire dans le cadre desquels les dispositions établissant la responsabilité pénale des auteurs d’actes de violence sont expliquées aux soldats.

10.En 2006, un décret présidentiel a été adopté en vue de créer au sein des ministères et départements fédéraux des conseils composés de membres de la société civile. Le conseil qui sera attaché au Service fédéral chargé des établissements pénitentiaires aura notamment pour tâche d’inspecter les centres de détention provisoire et d’autres lieux de détention. Il convient d’ailleurs de préciser que l’avis et les recommandations des organisations de la société civile sont de plus en plus largement pris en considération lors de l’élaboration de nouvelles lois et de l’application de la législation contre la torture.

11.Évoquant le meurtre récent de la journaliste et militante des droits de l’homme Anna Politkovskaïa, M. Loshchinin dit que le Rapporteur spécial sur la question de la torture, M. Nowak, a envoyé une lettre aux autorités russes laissant entendre que cette femme a été assassinée parce qu’elle enquêtait sur la torture dans la région du Nord-Caucase. Ces allégations n’ont pas encore été confirmées, mais l’enquête suit son cours. Le tribunal municipal de Moscou a été dessaisi de l’affaire, qui a été déférée à la Procurature générale de la Fédération. Par ailleurs, la mission que le Rapporteur spécial devait effectuer en Fédération de Russie a dû être reportée en raison de divergences de vues concernant les modalités de sa visite. Toutefois, les autorités russes ne sont nullement opposées à la venue de M. Nowak et espèrent parvenir à s’entendre avec lui afin que cette mission puisse avoir lieu dans un avenir proche.

12.M. SEMENYUK (Fédération de Russie) indique que plusieurs changements importants sont intervenus dans le système pénitentiaire fédéral depuis 2004. La Direction de l’Administration pénitentiaire du Ministère de la justice a été restructurée en Service fédéral chargé des établissements pénitentiaires, qui a désormais le statut d’organe fédéral du pouvoir exécutif et est donc doté de nouvelles compétences en matière d’application de la loi. Ce service relève comme son prédécesseur du Ministère de la justice, ce qui signifie que des questions comme la nomination des cadres supérieurs et la coopération avec la Cour européenne des droits de l’homme continueront d’être du ressort de ce ministère.

13.Dans le cadre des activités menées pour mieux asseoir sur des bases juridiques le système pénitentiaire, la législation a été modifiée en vue d’améliorer la situation des suspects en garde à vue, des inculpés en détention provisoire et des détenus exécutant une peine de prison. En particulier, conformément à la décision no 205 du Gouvernement de la Fédération de Russie en date du 11 avril 2005 portant définition des normes minimales relatives aux rations alimentaires et aux objets d’usage quotidien que doivent recevoir les personnes condamnées à une peine privative de liberté ainsi que les suspects et les inculpés qui sont placés dans les centres de détention provisoire du Service fédéral chargé des établissements pénitentiaires, des normes ont été adoptées afin que les détenus aient droit aux mêmes rations que les soldats des forces armées.

14.En ce qui concerne les conditions de détention des femmes qui exécutent une peine de prison, un certain nombre de modifications ont été apportées à la législation. En particulier, les femmes qui ont un enfant peuvent désormais bénéficier d’un sursis à exécution de leur peine jusqu’à ce que ce dernier ait atteint l’âge de 14 ans, alors qu’auparavant l’âge de l’enfant était fixé à 8 ans, le nombre de lettres et de paquets que les détenues peuvent recevoir est désormais illimité, les femmes enceintes ont droit à des allocations de maternité, l’accès à des soins médicaux est garanti aux détenues enceintes avant et après l’accouchement et les femmes qui ont des enfants de moins de 3 ans et qui sont détenues dans un quartier spécial et celles qui sont exemptées des travaux en raison d’une grossesse ne peuvent pas être placées dans une cellule de punition ou dans une cellule spéciale.

15.S’agissant des mineurs en conflit avec la justice, la pratique a été modifiée de sorte que, sur les 12 types de peines prévus dans le Code pénal, seuls 6 sont exécutoires, et ce, avec une remise de peine. En règle générale, la peine maximale ne dépasse pas dix ans d’emprisonnement, même en cas de cumul de peines. Si le mineur est âgé de moins de 16 ans au moment des faits, il ne peut pas être condamné à une peine de plus de six ans et, dans le cas des infractions les plus graves telles que le meurtre et le terrorisme, la peine maximale est de dix ans. Pour ces infractions, le seuil minimal prévu dans le Code pénal correspond à la moitié de la durée de la peine.

16.L’âge du mineur est considéré par les juges comme une circonstance atténuante. En cas d’infraction légère, le mineur peut être exonéré de sa responsabilité pénale et faire l’objet de mesures rééducatives. Ainsi, conformément au paragraphe 2 de l’article 92 du Code pénal, le mineur qui a commis une infraction d’une gravité moyenne à grave peut être libéré de l’obligation d’exécuter sa peine et placé dans un établissement fermé de rééducation et d’enseignement. Compte tenu des dispositions et mesures susmentionnées, un faible pourcentage des mineurs jugés pour une infraction sont condamnés à une peine privative de liberté. Ceux qui exécutent une peine de ce type sont détenus séparément des adultes dans des établissements prévus à cet effet: les colonies pénitentiaires. À l’heure actuelle, seuls 14 500 mineurs y sont retenus, alors que la capacité totale d’accueil est de 27 000 places.

17.Le 16 novembre 2006, la Cour suprême devrait adopter une décision tendant à recommander aux juges de ne prononcer une peine privative de liberté à l’encontre d’un mineur que dans les cas extrêmes, lorsqu’ils ne peuvent pas choisir de mesure moins sévère. S’agissant des jeunes filles, les juges sont invités à étudier de très près toutes les circonstances de l’affaire et toutes les données disponibles sur les intéressées.

18.Actuellement, la plupart des délinquants qui sont mineurs au moment des faits sont condamnés à une peine avec sursis ou font l’objet d’une mesure de substitution n’entraînant pas leur mise à l’écart de la société. Des organes spéciaux, les services de surveillance de l’exécution des peines, sont chargés de vérifier que les sanctions sont correctement appliquées et de suivre l’évolution du comportement des mineurs condamnés à une peine avec sursis.

19.En 2005, l’Administration pénitentiaire estimait à plus de 96 000 le nombre de mineurs délinquants passés en jugement, dont 93,2 % ont été condamnés à des peines non privatives de liberté. Des fonctionnaires de l’Administration pénitentiaire effectuent régulièrement, en collaboration avec les commissions chargées des affaires des mineurs du Ministère de l’intérieur, des visites dans les familles des mineurs pour vérifier que ceux-ci sont correctement encadrés. Des programmes d’enseignement et de formation professionnelle ainsi que des services spécialisés dans les problèmes d’alcoolisme et de toxicomanie sont également ouverts à ces jeunes.

20.L’amélioration des conditions de détention est l’une des priorités du Gouvernement, en particulier dans les centres de détention provisoire qui, avec un taux d’occupation de 108,6 % au 1er octobre 2006, présentent un problème grave de surpopulation. Dans son arrêt no 5 du 10 octobre 2003, la Cour suprême fait obligation aux tribunaux de tenir compte de la capacité d’accueil théorique et réelle des centres de détention provisoire avant d’ordonner le placement d’une personne suspectée ou accusée d’avoir commis une infraction dans ce type d’établissement. Depuis 2004, la capacité d’accueil des centres de détention provisoire a été considérablement augmentée (avec 14 000 places supplémentaires créées en 2005, 8 430 au début de 2006 et 6 451 d’ici à la fin de 2006). En outre, la surface au sol par détenu est passée à 3,6 m2 au début de 2006, et devrait être portée à 3,8 m2 d’ici à la fin de l’année, sous réserve de fonds budgétaires suffisants. En septembre 2006, le Gouvernement a adopté un vaste programme de réforme du système pénitentiaire pour la période 2007-2016. Outre la rénovation des installations existantes et la construction de nouveaux lieux de détention conformes aux normes internationales, le programme prévoit l’application de mesures axées sur le respect des droits fondamentaux des détenus. Certains droits sont déjà garantis à l’heure actuelle, par exemple le droit à des soins médicaux, entériné par une ordonnance conjointe du 17 octobre 2005 du Ministère de la santé et du Ministère de la justice. Par ailleurs, une attention croissante est accordée à la préparation du retour des détenus à la vie en société. Les établissements pénitentiaires travaillent de plus en plus en réseau avec les services de protection sociale et d’autres services publics qui informent les détenus des prestations qui leur sont ouvertes et les aident dans leurs démarches.

21.La Fédération de Russie s’efforce de collaborer dans un esprit d’ouverture et de confiance mutuelle avec les organismes internationaux de protection des droits de l’homme et de tirer parti de ce dialogue pour améliorer la situation sur son territoire. À cet égard, elle a accueilli avec beaucoup d’intérêt le rapport établi par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) à l’issue de sa dernière visite effectuée en septembre 2006, notamment la constatation selon laquelle les conditions dans les centres de détention de la République de Tchétchénie étaient meilleures et qu’aucun cas de mauvais traitements infligés par le personnel aux détenus n’avait été signalé. En application des recommandations formulées par le CPT, plusieurs directives visant à protéger les droits et les intérêts des personnes placées en détention ont été incorporées dans les instructions données aux personnels des établissements concernés. En outre, une surveillance régulière est exercée par les services de la Procurature générale. Il est également de pratique courante que les médias, les organisations gouvernementales et non gouvernementales russes et internationales, et les organismes de défense des droits de l’homme se rendent dans les lieux de détention. La Douma d’État a approuvé en première lecture un projet de loi relatif au contrôle des lieux de détention par des commissions dont les membres seraient nommés par le Commissaire aux droits de l’homme de la Fédération de Russie. En 2004, un Conseil social auprès du Ministère de la justice a été créé, dont les membres se rendent dans les établissements pénitentiaires. La création de conseils similaires dans chacune des républiques de la Fédération de Russie est en cours. Par ailleurs, des modifications ont été apportées à la législation régissant le fonctionnement des établissements pénitentiaires afin de lever toute censure sur la correspondance des détenus, qui peuvent de cette façon adresser des plaintes en toute confidentialité. Le Gouvernement est par ailleurs conscient que la sensibilisation du personnel pénitentiaire au respect des droits de l’homme est indispensable pour mettre fin aux pratiques illégales telles que la torture, les manœuvres d’intimidation, l’utilisation abusive de moyens de contrainte, etc. C’est pourquoi il a mis en place un programme de formation continue et de séminaires sur les normes internationales en la matière.

22.M. TERESHENKO (Fédération de Russie) dit que le Ministère de la défense s’emploie activement à lutter contre certaines pratiques contraires au code de conduite militaire qui sont utilisées à titre de sanctions disciplinaires dans les forces armées. La Douma d’État a adopté un projet de loi sur les procédures applicables en matière de sanctions disciplinaires qui entrera en vigueur en janvier 2007. En outre, un mécanisme de recueil des plaintes a été mis en place de manière à permettre aux soldats de dénoncer les infractions en gardant l’anonymat. Entre 2001 et 2005, 21 163 militaires ont été condamnés par des tribunaux militaires pour conduite contraire au règlement. En 2005, on a constaté un recul du nombre d’exactions commises au sein des forces armées par rapport à 2004. Le nombre de suicides de soldats a également diminué. Par ailleurs, le Gouvernement a adopté en 2004 un programme intitulé «Professionnalisation d’un certain nombre de grandes unités militaires et de corps de troupe» dont la mise en œuvre devrait être achevée en 2007. La durée du service obligatoire devrait également être ramenée à 18 mois à partir du 1er janvier 2007, puis à 12 mois à compter du 1er janvier 2008.

23.M. MILEHIN (Fédération de Russie) dit que le Ministère de l’intérieur veille particulièrement au respect des prescriptions de la loi fédérale no 103 du 15 juillet 1995 concernant la détention avant jugement des personnes soupçonnées ou accusées d’avoir commis une infraction. Plusieurs maisons d’arrêt déclarées non conformes à la loi à l’issue de visites d’inspection ont ainsi été fermées. Il existe par ailleurs un règlement intérieur des maisons d’arrêt qui énonce un certain nombre de garanties telles que l’examen médical obligatoire des détenus à leur arrivée et à leur sortie en vue de détecter d’éventuelles lésions corporelles. En outre, conformément à l’article 96 du Code de procédure pénale, l’arrestation d’un suspect doit être notifiée immédiatement à un parent proche de celui-ci. Le suspect doit également être informé des droits que lui confère l’article 46 du Code de procédure pénale.

24.Les activités du Ministère de l’intérieur et des autorités locales et régionales visant à améliorer la situation dans les centres de détention provisoire et les conditions de transfert des détenus sont menées en étroite collaboration avec le représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme et le Bureau du Médiateur pour les droits de l’homme en Fédération de Russie. Plusieurs visites d’inspections conjointes effectuées en 2005 et 2006 ont permis de mettre en lumière un certain nombre de déficiences et d’infractions aux normes et règles en vigueur, suite à quoi des mesures immédiates ont été prises. Dans plusieurs centres de détention, les cellules ont été rénovées et réaménagées, ainsi que les installations sanitaires et médicales. Des dispositions ont également été prises pour améliorer l’état des cours de promenade et pour que les prisonniers puissent écouter la radio et avoir accès à des bibliothèques.

25.Le Ministère de l’intérieur attache également une grande importance à la collaboration avec les organismes nationaux et internationaux de défense des droits de l’homme. Plusieurs domaines de coopération ont été définis, parmi lesquels la surveillance des activités de la police et des forces de l’ordre aux fins du respect des droits constitutionnels et des intérêts légitimes des détenus. Chaque rencontre avec les membres du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) s’est avérée positive et fructueuse. Conformément aux recommandations du CPT, des lieux de détention provisoire ont été fermés, et d’autres sont en cours de réfection ou de construction.

26.Beaucoup reste à faire aux fins d’améliorer les conditions pénitentiaires même si des moyens importants ont déjà été mis en œuvre dans ce domaine. Selon les estimations, il faudra une quinzaine d’années pour résoudre tous les problèmes existants. Le Ministère de l’intérieur a mis sur pied un plan pour la période 2005‑2008 énonçant des mesures prioritaires pour la construction et la rénovation de centres de détention provisoire. Les dépenses engagées en 2005 au titre de ce plan ont été 3,5 fois supérieures à celles des cinq années précédentes et les activités entreprises en 2005 et 2006 dans le cadre de son application ont permis d’achever la construction de 16 centres de détention provisoire, d’en réaménager 19 et de réaliser des travaux de réfection dans plus de 400. Un programme a en outre été adopté pour la mise en conformité aux normes de 40 % des lieux de détention provisoire d’ici 2009. Par ailleurs, des mécanismes rigoureux de contrôle des transferts de détenus sont mis en place.

27.M. LEBEDEV (Fédération de Russie) rappelle que les déclarations obtenues par la torture ne peuvent pas être utilisées comme éléments de preuve et que les dépositions faites en l’absence d’un procureur et non confirmées devant un tribunal ne sont pas recevables. En outre, les inculpés doivent pouvoir participer à tous les stades de la procédure les concernant. Un système de garanties leur permet de dénoncer à tout moment tout acte ou tentative de torture à leur encontre. En 2005, 4 850 membres du personnel des centres de détention provisoire et des maisons de redressement ont fait l’objet de poursuites administratives, à l’issue desquelles 72 ont été démis de leurs fonctions.

28.La peine de mort n’est plus appliquée en Russie depuis 1996. Si une personne fait l’objet d’une demande d’extradition vers un pays où la peine capitale peut être prononcée, les autorités russes exigent l’assurance que cette peine ne sera pas appliquée. La législation nationale et la Convention de Minsk ne contiennent pas de dispositions spécifiques interdisant l’extradition lorsqu’il existe un risque de torture. Toutefois, le Code pénal dispose que l’extradition ne peut avoir lieu si un tribunal rend une décision énonçant des motifs suffisants pour interdire cette mesure.

29.Les organes de la procurature de la République de Tchétchénie veillent au plein respect de la législation pénale, notamment en ce qui concerne l’obligation de déférer toute personne arrêtée devant un juge dans les 48 heures qui suivent son arrestation et d’enregistrer dûment toute garde à vue dès les premières heures. Une des priorités du procureur militaire est d’enquêter sur la participation des forces armées aux crimes commis contre la population locale en Tchétchénie dans la cadre de la lutte antiterroriste. Une unité d’enquête spéciale a été mise sur pied à cet effet.

30.M. GOLTYAEV (Fédération de Russie), rappelant qu’une définition de la torture a été intégrée au Code pénal (art. 117 et 302), souligne que les agents de l’État responsables d’actes de torture ou de mauvais traitements encourent de lourdes peines. Le recours à la torture pour obtenir une déclaration est considéré comme une violation de la procédure régulière et constitue à ce titre une infraction entraînant deux à huit ans d’emprisonnement. En 2005, 824 personnes ont été inculpées en vertu du paragraphe 2 de l’article 117 du Code pénal, et 481 d’entre elles ont fait l’objet d’une condamnation avec sursis. La même année, 1 564 personnes ont été inculpées en vertu du paragraphe 1 dudit article, et 961 ont fait l’objet d’une condamnation avec sursis. En revanche, aucune affaire n’a été portée devant un tribunal en 2005 au titre de l’article 302.

31.Il n’existe pas de disposition spéciale établissant la responsabilité pénale de celui qui donne l’ordre de torturer, mais un tel acte peut être sanctionné en vertu des paragraphes 2 et 3 de l’article 286 du Code pénal, qui réprime l’abus de pouvoir. Les statistiques sur le nombre de personnes condamnées au titre de cet article ne contiennent pas de données détaillées sur le nombre de condamnations ayant un rapport avec la torture.

32.La torture étant érigée en crime universel, la législation pénale protège aussi bien les citoyens russes que les ressortissants étrangers et les apatrides.

33.Les tribunaux avec jury existent à présent dans tout le pays, sauf en République de Tchétchénie, où ils seront institués le 1er janvier 2007. Ces tribunaux ont examiné 572 affaires pénales en 2004, 608 en 2005 et 333 pendant le premier semestre de 2006. Ils ont prononcé des acquittements dans 17 % des cas, le plus souvent au motif d’infractions au Code de procédure pénale, commises en particulier au stade de l’enquête préliminaire. Les statistiques ne précisent pas combien de ces acquittements sont liés à l’obtention de déclarations par la torture. Un nouveau verdict peut être rendu dans les affaires examinées par ces tribunaux dès lors que le jugement est cassé par la Cour de cassation.

34.Les personnes victimes d’actes de violence commis par des agents de l’État peuvent obtenir réparation pécuniaire, y compris pour le préjudice moral subi. De même, tout préjudice causé par une condamnation ou une mise en détention illégales constitue un motif de recours. Par ailleurs, des aveux de culpabilité ne peuvent servir de seul fondement à une condamnation. Ils doivent obligatoirement être corroborés par d’autres éléments, sans quoi le jugement rendu peut être infirmé par une instance supérieure.

35.Des tribunaux pour mineurs ou des chambres spécialisées dans les affaires pénales impliquant des mineurs sont en cours d’établissement en vertu d’une nouvelle loi constitutionnelle fédérale.

36.Mme GAER (Rapporteuse pour la Fédération de Russie) remercie l’État partie pour les nombreuses réponses apportées à la liste des points à traiter. Elle précise qu’elle s’attachera dans son intervention à appeler l’attention sur les questions restées sans réponse et pour lesquelles elle souhaiterait un complément d’information. Ainsi, reprenant les points 2 d) et 2 e) de la liste, elle demande pour quel motif les trois avocates engagées pour défendre des jeunes arrêtés à Nalchik en octobre 2005 ont été dessaisies, et s’il serait possible de connaître des exemples d’affaires dans lesquelles les dispositions législatives établissant qu’aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier la torture ont été appliquées par les tribunaux russes.

37.Tout en accueillant avec intérêt les renseignements concernant les inspections réalisées dans les centres de détention (point 6), Mme Gaer dit qu’elle souhaiterait plus de détails sur le déroulement et les conclusions de ces inspections. Notant que seul un rapport du CPT sur ses visites en Tchétchénie a été publié alors que sept de ces visites ont été effectuées entre 2000 et 2006, elle demande quelles en sont les raisons. Dans la mesure où elle‑même vient de citer le dernier rapport du CPT pour faire valoir la sûreté des conditions de détention en Tchétchénie, la délégation pourrait‑elle préciser si le Gouvernement a l’intention de publier ces rapports et, le cas échéant, quand?

38.La question de la violence au foyer contre les femmes n’a pas été abordée dans les réponses de l’État partie (point 8) et il serait donc utile que la délégation fournisse des renseignements sur les mesures prises ou envisagées dans ce domaine.

39.Aucune donnée statistique n’a été fournie sur le nombre d’assurances diplomatiques demandées et reçues dans les affaires d’extradition (point 12). Dans le cas des extraditions vers ou depuis les États parties à la Convention de Minsk, la question semble se poser différemment puisque cet instrument ne prévoit pas une telle procédure. Une affaire récente illustre bien ce problème particulier: il s’agit de l’extradition de 14 Ouzbeks arrêtés en juin 2005 à Ivanova et accusés d’avoir pris part aux événements d’Andijan en mai 2005. Il serait intéressant d’avoir des précisions sur la procédure suivie et les garanties demandées dans le cadre de cette extradition. De façon plus générale, en l’absence d’assurances diplomatiques, d’autres mesures sont‑elles prises avant une expulsion ou une extradition pour veiller à ce que la personne concernée ne soit pas exposée au risque d’être soumise à la torture? De nombreux témoignages font état de violations des formes régulières dans les procédures d’extradition et d’expulsion. Il serait intéressant de connaître les raisons de cet état de fait et de savoir quelles mesures sont prises dans la pratique pour empêcher de telles violations.

40.D’après les renseignements fournis par l’État partie, aucune plainte faisant état de tortures n’a été déposée par un prisonnier auprès des autorités compétentes. La délégation pourrait‑elle préciser quelles sont les conditions d’enregistrement de ce type de plainte (point 26)?

41.Mme Gaer souhaiterait également savoir s’il existe des mécanismes de protection des témoins pour les victimes de tortures et si des militaires responsables d’actes de torture ou de mauvais traitements ont déjà été transférés dans d’autres unités (point 30). Elle demande en outre des précisions sur les mesures prises pour améliorer l’efficacité des enquêtes concernant la torture et sur les éventuelles modifications apportées au système de promotion de l’application des lois (point 31).

42.Dans sa réponse, l’État partie n’a pas donné de renseignements sur les cas où une réparation a été ordonnée par un tribunal et effectivement versée à des victimes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (point 32). Il n’a pas non plus indiqué quelles mesures concrètes ont été prises pour garantir dans la pratique le respect du principe de l’inadmissibilité des preuves obtenues par la torture (point 34).

43.En ce qui concerne le meurtre d’Anna Politkovskaïa, qui fait actuellement l’objet d’une enquête, Mme Gaer rappelle que cette journaliste avait déjà fait l’objet de menaces et de tentatives d’attentat. Dans son dernier article, publié dans la Novaïa Gazeta, la journaliste décrivait une affaire d’extradition d’un Tchétchène, M. Beslan Gadaev, arrêté en août 2006 en Ukraine. Elle y reproduisait le témoignage de cet homme sur les tortures qu’il affirme avoir subies dans un commissariat de police de Grosny, ainsi qu’une lettre reçue de mères de jeunes Tchétchènes détenus évoquant les traitements inhumains dont ceux‑ci seraient victimes. Il serait intéressant de savoir si les faits allégués dans cet article ont depuis fait l’objet d’une enquête.

44.D’après les renseignements reçus tant de source gouvernementale que de source non gouvernementale, la présence des forces fédérales en Tchétchénie a évolué, avec la tchétchénisation du conflit. Il serait donc utile, pour aider le Comité à mieux comprendre la situation actuelle, que la délégation apporte des éclaircissements sur le statut actuel des troupes russes et des forces locales sous contrôle fédéral. La délégation pourrait notamment préciser quels sont les effectifs de ces troupes et quelle est leur mission exacte. Elle pourrait en outre indiquer quelle autorité est chargée de les inspecter et d’enquêter sur les allégations de torture. Face aux très nombreuses allégations portant sur les détentions illégales et les disparitions de personnes, les ONG russes ont commencé à rassembler systématiquement les renseignements leur parvenant à ce sujet et à établir une base de données s’y rapportant. Les autorités ont‑elles de leur côté entrepris d’établir des listes des personnes concernées et de tenter d’établir leur sort?

45.Selon de nombreuses informations, des personnes seraient détenues illégalement et torturées à Grozny dans les locaux du Bureau des opérations et recherches, qui relève de la Direction générale du Ministère de l’intérieur chargée de la lutte contre le crime organisé. L’ancien Président de la République de Tchétchénie, M. Ahmed Kadarov, avait lui‑même porté de graves accusations à l’encontre du personnel de cet organe. Elle invite la délégation à indiquer quelle est l’autorité chargée du placement en détention dans cet établissement et à donner des informations sur la durée maximale de la détention et sur les motifs pouvant justifier sa prolongation. Des indices d’actes de torture ont été constatés sur des personnes détenues illégalement lors de leur admission dans des centres de détention provisoire (SIZO). Les certificats établis ont pu être utilisés en tant que preuves devant les tribunaux mais il reste que des actes de torture ont été commis. La question de l’existence de mécanismes de contrôle est donc posée et Mme Gaer souhaiterait savoir si les fonctionnaires du Bureau des opérations et recherches sont tenus de faire rapport aux services du Procureur général ou à toute autre autorité compétente. La délégation est également invitée à préciser les mesures qui pourraient être prises pour que les suspects soient enregistrés dès leur arrestation. D’autre part, vu les nombreuses allégations faisant état de la détention de proches de personnes suspectées d’activités terroristes, elle souhaite savoir si l’État partie envisage de prendre des mesures pour mettre fin à cette pratique que rien ne saurait justifier.

46.Mme Gaer regrette que le Rapporteur spécial sur la question de la torture n’ait pas pu se rendre en Fédération de Russie. Elle ne comprend pas en quoi sa visite serait contraire à la législation de l’État partie, d’autant qu’une mission de la Rapporteuse spéciale chargée de la violence contre les femmes a été autorisée. Nombre de représentants d’organisations non gouvernementales ont eu accès à des centres de détention à travers le pays et le Comité européen pour la prévention de la torture a effectué plusieurs visites en Fédération de Russie. Soulignant l’importance capitale des mécanismes de prévention de la torture, Mme Gaer souhaiterait que les négociations relatives à la visite du Rapporteur spécial sur la question de la torture reprennent pour que ce dernier puisse enfin effectuer une visite dans le pays dans des conditions garantissant le libre exercice de son mandat.

47.Mme Gaer relève, à propos de l’article premier de la Convention, que la définition de la torture énoncée à l’article 117 du Code pénal ne vise pas de façon expresse les agents chargés de l’application de la loi. Les enquêteurs qui commettent des actes de torture lors d’interrogatoires sont certes passibles de poursuites en vertu de l’article 302 du Code pénal mais l’État partie pourrait envisager d’inclure une référence à l’ensemble des agents de l’État. Cela permettrait de renforcer la protection des suspects au cours de la période précédant leur inscription sur les registres de la police et leur éventuelle mise en examen, c’est-à-dire au moment où le risque de torture est le plus important. L’article 302 du Code pénal prévoit deux à huit ans d’emprisonnement à l’encontre des enquêteurs ou des fonctionnaires judiciaires reconnus coupables d’actes de torture. Notant qu’aucune procédure n’a été engagée en 2005 en vertu de cet article, elle demande à la délégation de préciser si des statistiques existent à l’échelon national sur les fonctionnaires reconnus coupables d’actes de torture au cours des années précédentes.

48.Mme Gaer rappelle que dans l’affaire Mikheïev c. Russie, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à une violation de l’article 3 (interdiction de la torture) et de l’article 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les officiers de police impliqués dans cette affaire ont finalement été sanctionnés mais dans son arrêt, la Cour retient que l’enquête préliminaire avait été clôturée puis rouverte plus de 15 fois, ce qui pose une nouvelle fois la question de l’existence de mécanismes de contrôle et de l’obligation qu’ont les agents de l’État de rendre compte de leurs actes. Mme Gaer souhaiterait, par ailleurs, savoir si parmi les 2 388 condamnations prononcées en application de l’article 117 du Code pénal certaines visaient des fonctionnaires et, dans l’affirmative, combien de fonctionnaires ont été condamnés. En outre, les noms de quatre hauts responsables de l’armée ont été mentionnés dans différents arrêts rendus par la Cour européenne sur des faits de torture. Des précisions à propos du contrôle exercé par les autorités civiles sur l’armée et les organes chargés d’enquêter sur les actes de torture commis par des militaires et de poursuivre leurs auteurs seraient donc les bienvenues.

49.Amnesty International et d’autres organisations non gouvernementales ont informé le Comité de l’existence de dispositions législatives limitant l’accès des personnes placées en garde à vue à un avocat et à leurs proches, ce qui est contraire aux mesures de prévention de la torture que les États parties sont tenus de prendre en application de l’article 2 de la Convention. La délégation est invitée à présenter ses observations à ce sujet ainsi qu’à commenter les informations faisant état de la mise au secret de détenus, de l’absence d’enquêtes sur des actes de torture et de représailles contre des défenseurs de victimes de tels actes.

50.Les règles régissant la conduite d’opérations antiterroristes en Tchétchénie sont évoquées par l’État partie aux paragraphes 36 à 46 de son rapport. Mme Gaer souhaiterait toutefois quelques éclaircissements sur la nouvelle loi fédérale antiterroriste adoptée le 6 mars 2006 et notamment sur les procédures de contrôle de la légalité de l’emploi de la force pour les opérations antiterroristes qui causent des décès ou des atteintes à l’intégrité des personnes ou aux biens. Elle souhaite également savoir si l’application de l’article 12 de la loi définissant les modalités du déclenchement d’une opération antiterroriste fait l’objet d’un contrôle judiciaire et s’il existe une autorité chargée de vérifier la légalité de l’opération, sachant qu’en vertu de la loi de telles opérations ne sont autorisées qu’en dernier recours. La délégation est invitée à préciser si les personnes arrêtées ou détenues en application de la loi susmentionnée perdent le bénéfice des garanties de droit commun prévues par le Code de procédure pénale. Des précisions sont également souhaitées sur les garanties dont bénéficient les personnes interrogées en application de la loi fédérale no 18 du 22 avril 2004 portant modification de l’article 99 du Code de procédure pénale, notamment à propos du droit à l’assistance d’un avocat et du droit de garder le silence. Elle souhaite également savoir si les rapports de la Douma sur le suivi de l’application de la loi seront rendus publics.

51.Mme Gaer remercie la délégation de ses nombreuses informations sur l’indemnisation des victimes d’actes de torture. Tout en se réjouissant que l’État partie ait mis fin au «bizutage» dans l’armée, elle souhaiterait savoir si des membres de l’armée ont déjà été sanctionnés pour ne pas avoir exercé de poursuites en présence d’un acte présumé de torture. Elle voudrait également des précisions sur le nombre d’affaires relatives à des actes de torture non élucidées faute d’éléments de preuve suffisants.

52.La Rapporteuse spéciale chargée de la violence à l’égard des femmes indique, dans son rapport (E/CN.4/2006/61/Add.2), que des femmes sont victimes de disparitions forcées, d’exécutions sommaires ou arbitraires, d’actes de torture et de viols dans lesquels sont impliqués des membres de la police dans le Nord-Caucase. Selon le paragraphe 56 de ce rapport, des femmes seraient également victimes de fouilles à corps humiliantes en présence de membres de leur famille, effectuées par des militaires de sexe masculin aux postes de contrôle. Mme Gaer souhaite savoir si l’État partie a pris ou envisage de prendre des mesures pour mettre fin à de telles pratiques et traduire en justice leurs auteurs.

53.Enfin, Mme Gaer note que le double mandat du Procureur continue de poser problème, celui-ci étant chargé à la fois d’engager les poursuites et de surveiller le bon déroulement de l’enquête. Elle souhaite savoir si l’État partie envisage de créer un mécanisme de contrôle indépendant, conformément aux recommandations du Comité contre la torture de 2002 (CAT/C/CR/28/4).

54.Mme BELMIR se réjouit de l’esprit d’ouverture dont fait preuve l’État partie et de la sincérité avec laquelle la délégation rend compte de l’application des engagements souscrits par la Fédération de Russie en matière de droits de l’homme, tant au plan international que régional. Les différentes informations portées à la connaissance du Comité mettent en évidence la volonté des autorités de s’acquitter de leurs obligations et l’État partie doit être encouragé à persévérer dans cette voie. Cela dit, les mesures adoptées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme suscitent de nombreuses observations. L’adoption de nombreux textes qui dérogent aux règles de droit commun énoncées dans le Code pénal et le Code de procédure pénale et la mise en place d’une procurature militaire dans le Nord-Caucase en 2002 donnent à penser qu’un état d’urgence est en vigueur dans certaines régions du pays. Qu’en est‑il exactement?

55.Malgré les réformes entreprises par l’État partie, les questions de l’indépendance, de l’efficacité et de l’impartialité du pouvoir judiciaire restent posées, tout comme celle de sa corruption. Mme Belmir attire l’attention de l’État partie sur le fait que la nomination et la révocation de certaines catégories de juges par l’exécutif est contraire au principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le fait que les enquêtes sur les actes de torture soient confiées aux services du Procureur général est source de préoccupation, cette instance étant également chargée d’engager les poursuites. En ce qui concerne l’administration de la justice pour mineurs, Mme Belmir souhaiterait des informations complémentaires sur les mesures prises par l’État partie pour faire en sorte que les délinquants mineurs et adultes soient détenus séparément. Elle souhaiterait également des précisions sur les motifs et les circonstances de l’arrestation de mineurs en République de Tchétchénie. La délégation est également invitée à indiquer les mesures prises pour prévenir les atteintes à l’intégrité physique des femmes détenues et pour garantir leur accès à la justice.

56.Le PRÉSIDENT remercie la délégation russe et l’invite à revenir à une séance prochaine afin d’entendre la suite des questions orales.

La séance est levée à 13 heures.

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