NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.499

9 janvier 2002

Original : FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 499e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 21 novembre 2001, à 15 heures

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Conclusions et recommandations concernant le quatrième rapport périodique de l’Ukraine

Troisième rapport périodique d’Israël (suite)

________________

*Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.499/Add.1.

________________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 15 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Conclusions et recommandations concernant le quatrième rapport périodique de l’Ukraine (CAT/C/55/Add.1; CAT/C/XXVII/Concl.2)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation ukrainienne reprend place à la table du Comité.

2.M. EL MASRY (Rapporteur pour l’Ukraine) donne lecture en anglais des conclusions et recommandations du Comité sur le quatrième rapport périodique de l’Ukraine (CAT/C/XXVII/Concl.2), dont le texte est le suivant:

«Le Comité se félicite de la présentation en temps voulu du quatrième rapport périodique de l’Ukraine. Il note que ce rapport n’a pas été présenté en parfaite conformité avec les directives du Comité pour l’établissement des rapports périodiques des États parties. Le Comité note aussi que ce rapport traite de dispositions juridiques et manque de renseignements détaillés concernant certains articles de la Convention ainsi que la suite donnée aux recommandations qu’il a faites à l’issue de l’examen du troisième rapport périodique. Cependant, le Comité tient à exprimer sa satisfaction des réponses approfondies et éclairantes données oralement par la délégation de l’État partie au cours de l’examen du rapport.

Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction:

a)L’action menée par l’État partie pour réformer sa législation, notamment l’adoption d’un nouveau Code pénal, qui contient un article qualifiant la torture d’infraction pénale spécifique, l’institution d’une nouvelle Cour constitutionnelle, la mise en vigueur d’une nouvelle législation relative à la protection des droits de l’homme et l’adoption d’une nouvelle loi sur l’immigration.

b)Le fait que l’État partie, bien qu’il ne soit pas partie à la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés, ni à son Protocole, a adopté en juin 2001 une nouvelle loi sur les réfugiés qui adhère, entre autres, à la définition du “réfugié” que donne ladite Convention. Le Comité se félicite aussi de l’adoption en janvier 2001 d’une nouvelle loi sur la nationalité qui a permis aux anciens déportés de revenir en Ukraine et d’obtenir la nationalité ukrainienne.

c)La suppression du champ d’application de la loi sur le secret d’État des infractions concernant les violations des droits de l’homme.

d)L’abolition de la peine de mort.

e)Les renseignements figurant dans le rapport selon lesquels, par une loi en date du 5 novembre 1998, l’Ukraine a reconnu la compétence du Comité sur son territoire, comme le prévoient les articles 21 et 22 de la Convention.

f)La création du Bureau du Commissaire aux droits de l’homme (Médiateur) chargé de la protection des droits de l’homme en Ukraine.

g)Les assurances données par le chef de la délégation selon lesquelles les rapports des trois visites effectuées par le Comité européen pour la prévention de la torture, qui ont eu lieu en 1998, 1999 et 2000, seront publiés.

Sujets de préoccupation

Le Comité est préoccupé par les éléments suivants:

a)Les nombreuses informations indiquant que la torture est toujours pratiquée régulièrement dans l’État partie et le fait que, selon le Commissaire aux droits de l’homme, 30 % des prisonniers subissent des tortures. Le rapport d’une organisation nationale non gouvernementale “Le Groupe de Kharkiv pour la protection des droits de l’homme” était particulièrement troublant car il contenait des renseignements détaillés sur environ 174 affaires de torture et de mauvais traitements infligés au cours de l’enquête préliminaire – dont 26 se sont soldées par la mort de l’intéressé.

b)Le renvoi forcé de quatre nationaux ouzbeks, membres de l’opposition ouzbèke, qui risquaient fort d’être soumis à la torture et dont le cas avait fait l’objet d’un appel urgent du Rapporteur spécial de l’ONU sur la question de la torture.

c)Le fait que des juges siègent aux côtés des représentants du Ministère de l’intérieur dans les “comités de coordination de la lutte contre la criminalité” nouvellement institués, situation qui peut compromettre l’indépendance de la magistrature.

d)Les nombreuses condamnations fondées sur des aveux et le critère retenu pour la promotion des enquêteurs, qui serait le nombre de crimes élucidés, ce qui peut conduire à torturer et maltraiter des détenus ou des suspects pour leur extorquer des “aveux”.

e)Le fait que les autorités ne mènent pas d’enquêtes rapides, impartiales et approfondies sur les allégations faisant état de tels actes et ne poursuivent ni ne punissent les responsables.

f)Le fait que le fisc a le pouvoir de confisquer des biens sans y être autorisé par une décision de justice.

g)Les informations reçues par le Comité selon lesquelles les parents et les avocats ne sont informés de la détention qu’après que la personne arrêtée a été transférée du lieu de garde à vue dans l’établissement de détention provisoire, procédure qui ne prend généralement pas moins de deux semaines. Le Comité est également préoccupé par l’absence de dispositions juridiques claires sur le moment exact où une personne détenue peut exercer son droit de consulter un défenseur, de subir un examen médical et d’informer un membre de sa famille de sa détention.

h)La durée de la détention provisoire, qui peut atteindre 18 mois selon la loi mais qui en pratique peut être prolongée jusqu’à trois ans, la durée de la détention administrative qui peut atteindre 15 jours et celle de la détention des “sans domicile fixe” qui peut atteindre 30 jours.

i)Les condamnations à de lourdes peines de prison pour diffusion non violente d’idées et d’informations.

j)Le surpeuplement, l’absence d’accès aux installations d’hygiène de base et à des soins médicaux adéquats ainsi que la forte incidence de la tuberculose dans les prisons et centres de détention provisoire.

k)La formation insuffisante des policiers et des gardiens de prison sur leurs devoirs en vertu de la loi et sur les droits des détenus.

l)En dépit de progrès certains, la pratique des brimades et du bizutage (dedovchtchina) visant les jeunes conscrits est toujours en vigueur dans les forces armées.

Recommandations

Le Comité fait les recommandations suivantes:

a)L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour empêcher les actes de torture et les mauvais traitements sur son territoire compte tenu des informations persistantes selon lesquelles la torture y est toujours régulièrement pratiquée.

b)L’État partie devrait déposer auprès du Secrétaire général de l’ONU sa déclaration d’acceptation de la compétence du Comité en ce qui concerne les articles 21 et 22 de la Convention et retirer la réserve qu’il a faite à propos de l’article 20.

c)Les autorités compétentes de l’État partie devraient respecter strictement le principe de non-refoulement, conformément à l’article 3 de la Convention.

d)L’État partie devrait établir sa compétence pour juger les infractions de torture même si l’auteur n’est pas un national de l’État partie, mais se trouve sur tout territoire placé sous sa juridiction, et dans le cas où il ne l’extraderait pas.

e)L’État partie devrait simplifier les dispositions peu claires et quelquefois contradictoires concernant le moment où une personne détenue a le droit de consulter un défenseur et veiller à ce que ce droit soit exercé dès le moment de l’arrestation.

f)L’État partie devrait veiller à ce qu’il soit interdit par la loi de faire subir un interrogatoire à un détenu en l’absence d’un défenseur de son choix.

g)L’État partie devrait prendre les mesures voulues pour garantir l’indépendance des juges et des avocats et l’objectivité des procureurs dans l’exercice de leurs fonctions conformément aux normes internationales.

h)L’État partie devrait étendre la supervision des autorités judiciaires et civiles aux activités des institutions chargées de l’application des lois.

i)L’État partie devrait garantir dans la pratique le respect absolu du principe de l’irrecevabilité des éléments de preuve extorqués par la torture.

j)L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour instituer un mécanisme pleinement indépendant d’enquêtes sur les plaintes pour veiller à ce que les allégations de torture fassent l’objet d’enquêtes rapides, indépendantes et complètes.

h)L’État partie devrait veiller à ce que ses autorités compétentes mènent sans tarder une enquête impartiale sur les 174 cas de torture et de mauvais traitements signalés par l’organisation non gouvernementale “Le Groupe de Kharkiv pour la protection des droits de l’homme” dans le rapport qu’elle a présenté au Comité le 2 novembre 2001.

l)L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour améliorer les conditions de vie dans les prisons et les centres de détention provisoire, notamment en ce qui concerne l’espace vital, les installations et l’hygiène, et établir un système d’inspection des prisons et des centres de détention par des inspecteurs indépendants dont les conclusions seraient publiées.

m)L’État partie devrait raccourcir la durée actuelle de la détention provisoire (72 heures) au cours de laquelle les détenus peuvent être placés en cellule d’isolement avant d’être traduits devant un juge.

n)L’État partie devrait améliorer les conditions de détention dans les centres de détention provisoire et les prisons, notamment en ce qui concerne l’espace vital, les installations et l’hygiène.

o)L’État partie devrait accélérer le processus de formation des responsables de l’application des lois et du personnel médical en ce qui concerne leurs pouvoirs et leurs devoirs vis‑à‑vis des personnes privées de liberté.

p)L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour empêcher et punir la traite des femmes et les autres formes de violence à l’égard des femmes.

q)L’État partie devrait adopter un système plus efficace pour mettre fin à la pratique des brimades et du bizutage (dedovchtchina) dans les forces armées, grâce à la formation et à l’éducation, et poursuivre et punir les auteurs de ces infractions.

r)L’État partie devrait instituer une procédure visant à fournir réparation aux victimes de la torture et à leur octroyer une indemnisation équitable et suffisante.

s)L’État partie devrait poursuivre son programme de lutte contre la tuberculose dans les prisons et les centres de détention provisoire.

t)L’État partie devrait diffuser largement dans le pays les conclusions et recommandations du Comité, dans toutes les langues appropriées.»

3.Mme MARKINA (Ukraine) exprime sa reconnaissance au Comité pour l’analyse détaillée qu’il a faite de la situation en Ukraine et lui donne l’assurance que ses conclusions et recommandations seront dûment transmises aux autorités ukrainiennes, très soucieuses de poursuivre leur collaboration avec le Comité.

4. La délégation ukrainienne se retire.

La séance est suspendue à 15 h 30; elle est reprise à 15 h 35.

Troisième rapport périodique d’Israël (CAT/C/54/Add.1) (suite)

5. Sur l’invitation du Président, la délégation israélienne reprend place à la table du Comité.

6.M. ISRAELI (Israël) souligne que les autorités israéliennes ont toujours fait grand cas des recommandations formulées par le Comité à l’occasion de l’examen de précédents rapports et qu’il en ira de même pour le rapport à l’examen. Malgré la complexité de la situation au Moyen‑Orient, bien comprise par le Comité, Israël s’est toujours acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. M. Israeli laisse aux autres membres de la délégation le soin de répondre aux questions du Comité.

7.M. SCHAFFER (Israël) dit que les autorités israéliennes sont parfaitement conscientes du fait que l’interdiction de la torture est un principe absolu qui ne souffre aucune dérogation, quelles que soient les difficultés rencontrées par un pays. D’ailleurs, l’interdiction de la torture fait partie intégrante de la législation nationale et de la jurisprudence des tribunaux israéliens. En aucun cas les méthodes d’interrogatoire utilisées en Israël ne sauraient être considérées comme relevant des actes visés par la Convention. Le terme de torture doit être réservé aux pires actes infligés à un être humain, sources de douleurs et de souffrances intenses. Pour connaître en détail les méthodes d’interrogatoire autorisées, le Comité est invité à se reporter au nouvel arrêt rendu en septembre 1999 sur ce sujet par la Cour suprême (voir par. 13 et suiv. du rapport). Si les termes de l’article 2 de la Convention ont une valeur absolue et ne sont pas sujets à interprétation, il n’en va pas de même pour ceux de l’article 16 qui porte sur les autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, lesquels ont une valeur relative. L’interprétation qui leur est donnée est fonction des circonstances et les personnes chargées des interrogatoires peuvent être amenées à prendre des mesures minimales pour obtenir des aveux d’un suspect lorsqu’il s’agit de sauver la vie de citoyens innocents menacés par un acte terroriste. Ces mesures ne doivent pas être assimilées à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui sont interdits par la législation israélienne et dont l’auteur s’exposerait immanquablement à des poursuites judiciaires. Cependant, le recours exceptionnel, répondant à une nécessité, à l’usage de pressions physiques au cours d’un interrogatoire ne peut être considéré ni comme une violation de l’article 16 de la Convention ni comme une violation des dispositions du Code pénal israélien. Le critère de nécessité pour sauver la vie des innocents répond à un impératif moral au même titre que l’interdiction de la torture, et l’interprétation de la Convention doit permettre la coexistence de ces deux impératifs.

8.En ce qui concerne la charge de la preuve, les autorités israéliennes acceptent d’avoir à justifier l’arrestation de toutes les personnes détenues sur le territoire national mais elles considèrent en revanche qu’il appartient au Comité d’apporter la preuve que tel ou tel article de la Convention n’a pas été respecté. Depuis la présentation, en 1997, du rapport spécial d’Israël au Comité (CAT/C/33/Add.2/Rev.1), la situation a beaucoup changé puisque, dans l’arrêt qu’elle a rendu en septembre 1999, la Cour suprême a déclaré illégal l’usage systématique de certaines méthodes d’interrogatoire, dénoncées à l’époque par le Comité comme contraires aux dispositions de la Convention. Depuis septembre 1999, Israël n’a jamais justifié par l’état de nécessité le recours à des moyens physiques durant un interrogatoire. Il n’est toutefois pas exclu que le Comité ait à l’avenir à examiner des plaintes pour recours à des pressions physiques. Le Comité devra alors examiner chaque cas individuellement, sans idées préconçues, et s’assurer que les auteurs des communications ont bien épuisé tous les recours internes. En effet, le Comité a eu connaissance d’affaires dont plusieurs n’ont jamais été déposées devant les tribunaux nationaux et de dossiers ne comportant pour seule pièce que la déposition d’un détenu, sans la moindre preuve médicale. Parmi les cas transmis au Gouvernement israélien par le Rapporteur spécial sur la torture de la Commission des droits de l’homme et figurant dans le document E/CN.4/2001/66, 13 n’ont jamais été portés devant les tribunaux nationaux, 8 concernent le Liban et 7 ont fait l’objet d’une enquête par le Département des enquêtes sur le personnel de police (DIPP) du Ministère de la justice, au terme de laquelle elles ont été déclarées sans fondement. Les auteurs, dûment notifiés, n’ont pas fait appel des décisions. Si Mustafa Dirani (par. 653 du document E/CN.4/2001/66) n’a pas été libéré après l’arrêt rendu par la Cour suprême, c’est parce qu’il est à l’origine de nombreux attentats terroristes contre Israël et qu’il continue à faire peser une lourde menace sur la sécurité de l’État. Les autorités israéliennes démentent l’allégation selon laquelle il aurait subi des violences sexuelles durant sa détention. Il est étonnant que, parmi les sévices les plus graves qu’aurait, selon le Rapporteur spécial, subi M. Dirani, aucun ne figure dans la plainte déposée par la prétendue victime devant le tribunal de district de Tel Aviv et actuellement à l’examen. L’enquête pénale a d’ailleurs été abandonnée faute de preuve. Le DIPP n’a pas effectué d’enquête sur le cas de Rami Za’ul puisqu’une juridiction pénale en était déjà saisie. Si des pratiques répréhensibles de la part de la police étaient mises en évidence, l’examen de l’affaire serait repris par le DIPP. M. Za’ul a reçu des soins à l’hôpital durant la période qu’il a passée en détention et non pas six mois plus tard comme il a été allégué. M. Za’ul est parfaitement autorisé à consulter son dossier médical, conformément à la loi de 1996 sur les patients. Il est surprenant à cet égard que le rapport de B’Tselem (Centre israélien d’information pour les droits de l’homme dans les territoires occupés) ne fasse mention d’aucun dossier médical concernant cette affaire.

9.Pour ce qui est de la question de la langue dans laquelle les aveux sont recueillis, M. Israeli précise que les fonctionnaires de police parlent l’arabe; ce sont eux qui traduisent les dépositions en hébreu et aucun problème de mauvaise traduction n’a jamais été rencontré. Enfin, les autorités israéliennes n’ont aucun moyen de faire des investigations sur le cas du jeune Sadam Ali Ayed Awad qui n’a fait l’objet d’aucune plainte. D’une manière générale, les enfants arrêtés pour avoir participé à des émeutes violentes sont libérés dans un délai de quelques heures. Il s’agit d’enfants palestiniens cruellement exploités par des adultes à des fins politiques et qui n’hésitent pas à faire usage de leurs armes contre des citoyens israéliens.

10.Deux membres du Comité ont demandé des éclaircissements concernant M. Abbas Thabet, soupçonné d’avoir participé à l’assassinat de deux soldats israéliens dans un commissariat de police de Ramallah. Aucune affaire ne pourrait mieux illustrer le professionnalisme et l’impartialité du DIPP. En effet, sept policiers israéliens accusés de brutalités et de menaces à l’encontre de M. Thabet ont été cités à comparaître devant un tribunal de Jérusalem (affaire 2478/01) et ils risquent, en cas de condamnation, une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 10 ans. Des statistiques relatives aux actions disciplinaires ou pénales engagées à l’encontre de fonctionnaires reconnus coupables d’abus de pouvoir dans l’exercice de leurs fonctions figuraient dans le rapport initial soumis par Israël au Comité des droits de l’homme (CCPR/C/81/Add.13), auquel les membres du Comité sont invités à se reporter. Pour l’année 2000, les statistiques sont les suivantes: 3 137 plaintes pour brutalités policières ont été enregistrées; 164 procédures disciplinaires et 190 procédures pénales ont été engagées par le DIPP. Les médecins ne sont pas employés par le service général de sécurité (SGS) mais par les services pénitentiaires ou par la police. Ils ne participent jamais aux interrogatoires. Leur présence dans les centres de détention répond au seul objectif d’assurer des soins médicaux immédiats en cas de nécessité. Tous les dossiers médicaux sont tenus à la disposition des détenus et fréquemment communiqués à des ONG, notamment à l’association Doctors for Human Rights. Les individus soupçonnés de préparer des attentats terroristes imminents ne peuvent recevoir de visites durant les premiers jours de leur détention, étant donné le caractère intensif des interrogatoires. Les détenus sont toutefois examinés par des médecins de la Croix‑Rouge. Pour des raisons de sécurité, les membres du SGS ne se présentent pas sous leur véritable identité lors des interrogatoires mais sous des pseudonymes, quasiment toujours connus des détenus qui peuvent ainsi, le cas échéant, porter plainte contre des personnes précises. Si un détenu est soupçonné de détenir des renseignements sur des attentats terroristes imminents, les communications avec son conseil peuvent être interdites pendant une courte période. L’interdiction a une validité de quelques jours seulement et est soumise à un contrôle judiciaire strict. Dans l’affaire 5129/00, la Cour suprême a examiné à huis clos, le 19 juillet 2000, sur la demande de l’avocat du plaignant, des renseignements secrets qui lui avaient été communiqués concernant M. Abdel Aziz. Elle a statué que pour des raisons de sécurité les informations ne pouvaient pas être communiquées au plaignant et a confirmé le jugement de la juridiction inférieure. Il est regrettable que ces dernières années des avocats aient été impliqués dans la transmission d’informations entre des détenus et le monde extérieur, participant ainsi – sciemment ou non – à des actes terroristes meurtriers. Plusieurs enquêtes sont en cours.

11.M. Israeli souligne que le SGS prend scrupuleusement acte des arrêts rendus par la Cour suprême et que, à ce jour, aucune injonction de la Cour n’a été nécessaire. Des inquiétudes, parfois justifiées, ont été exprimées dans le passé concernant les exactions dont pouvaient être victimes les détenus placés au secret; ces inquiétudes n’ont plus lieu d’être, aucune violation n’ayant été enregistrée au cours des deux dernières années. Il existe dans les établissements pénitentiaires des quartiers spéciaux pour les mineurs, qu’ils soient israéliens ou palestiniens. La situation dans la prison de Migido, où des Palestiniens âgés de 16 à 18 ans sont parfois détenus avec des adultes, sera examinée très prochainement. En collaboration avec le CICR, les Forces de défense israéliennes délivrent des permis de visite spéciaux aux parents vivant dans la bande de Gaza des mineurs incarcérés en Israël. Les parents vivant en Cisjordanie des mineurs détenus ont parfois des difficultés à obtenir un permis de visite mais les autorités s’emploient à trouver une solution à ce problème, en coopération avec le CICR.

12.Le projet de loi sur le SGS a été soumis à une commission parlementaire conjointe après avoir été adopté en première lecture par la Knesset. Il serait prématuré d’évoquer le contenu de cette loi, qui fournira un cadre juridique général aux activités du SGS.

13.La délégation israélienne a pris note de la recommandation du Comité concernant la nécessité d’incorporer la Convention dans le droit interne et la transmettra au Gouvernement.

14.Mme SCHONMANN (Israël) dit que le Comité a posé à la délégation des questions sur l’application de l’article 16 de la Convention qui, à son avis, ne relèvent pas du champ d’application de la Convention. De la lecture de rapports soumis au Comité par des ONG on retient l’impression que tout ce qui se passe en Cisjordanie et dans la bande de Gaza relève des dispositions de la Convention contre la torture. Or il n’en est rien. Tout d’abord le point de l’ordre du jour dans le cadre duquel s’inscrivaient les travaux d’élaboration du projet de convention portait sur la protection des personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement. Le lien entre torture et privation de liberté est d’ailleurs explicite dans les articles 10 et 11 de la Convention. Ainsi, cet instrument vise essentiellement à protéger les individus qui purgent une peine d’emprisonnement, sont en détention avant jugement ou en garde à vue. Il ne vise pas d’autres comportements. Le Comité n’a pas adopté à l’égard d’autres États parties une interprétation nouvelle, plus large, de l’article 16 et on peut se demander pourquoi il le ferait à l’égard d’Israël.

15.En ce qui concerne la possibilité d’appliquer la Convention aux territoires occupés, le Gouvernement israélien conteste l’avis que le Bureau des affaires juridiques du Siège de l’ONU à New York a donné, à la demande du Comité, dans lequel il conclut qu’Israël est tenu, en tant que puissance occupante, d’appliquer la Convention dans les territoires occupés. En effet, le Bureau ne prend pas en compte le statut unique, sui generis,de ces territoires, qui découle des accords signés entre Israël et les Palestiniens; le Gouvernement israélien n’a pas eu la possibilité de présenter son point de vue. Les références qu’il contient à la genèse de la Convention ne reflètent pas certains éléments importants.

16.Le PRÉSIDENT demande à la délégation de bien vouloir passer aux questions qui lui ont été posées par les membres du Comité. Il n’est pas nécessaire de faire un long exposé sur l’avis du Bureau des affaires juridiques. Le Comité a bien compris quel est le point de vue de l’État partie sur la question de la juridiction dans les territoires occupés et sur la compétence du Comité et il lui suffit de savoir que l’État partie n’approuve pas l’avis du Bureau des affaires juridiques. Ce qu’il veut entendre, c’est une réponse aux questions qu’il a posées.

17.Mme SCHONMANN (Israël) répond que des explications préliminaires sont nécessaires pour comprendre pourquoi le Gouvernement israélien juge que certaines questions n’entrent pas dans le champ de la Convention. Dans son avis, le Bureau des affaires juridiques considère que le terme de «territoire» utilisé au paragraphe 1 de l’article 2 de la Convention englobe tout territoire occupé par un État partie et que, partant, l’État occupant est tenu de respecter ses obligations conventionnelles dans ces territoires également. Or, le Bureau des affaires juridiques ne cite que deux extraits des débats du groupe de travail chargé de l’élaboration de la Convention et seulement certaines parties des comptes rendus des débats de la Commission des droits de l’homme, omettant les opinions divergentes qui avaient été émises à l’époque de la rédaction de la Convention. Il s’agit notamment de celle du représentant des États-Unis d’Amérique, qui avait insisté sur le fait que la Convention n’était pas conçue pour s’appliquer aux conflits armés mais uniquement aux actes commis dans le cadre de la détention et qu’elle n’était donc pas censée remplacer la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre de 1949 (quatrième Convention de Genève) et les Protocoles additionnels y relatifs de 1977. Le représentant de la Suisse avait le même point de vue et le représentant d’Israël avait déclaré devant l’Assemblée générale, au moment de l’adoption de la Convention contre la torture, que son pays s’était rallié au consensus étant entendu que la Convention ne remplacerait pas les Conventions de Genève en tant qu’instrument applicable en cas de conflit armé. Le Gouvernement israélien estime que l’expression «tout territoire sous sa juridiction» employée dans plusieurs articles de la Convention ne doit pas être interprétée comme s’appliquant à la Cisjordanie et à la bande de Gaza car les événements qui s’y produisent sont des conflits armés et donc ne relèvent pas de la Convention. En effet, il existe en droit international deux domaines distincts: le droit international humanitaire, qui protège les civils en cas de conflit armé et d’occupation militaire, et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont fait partie la Convention contre la torture, qui s’appliquent en temps de paix. Ces deux ensembles de textes, qui ont certes le même objectif, s’appliquent dans des circonstances différentes et ne sauraient être appliqués simultanément. Les instruments relatifs aux droits de l’homme ne contiennent aucune définition permettant de distinguer les civils des combattants et ne précisent pas dans quelles circonstances un civil peut être légitimement pris pour cible. Ainsi, pour ce qui est des territoires occupés, où l’on peut dire que règne un état de guerre, le Comité n’a donc pas compétence pour surveiller la situation car ce sont le droit humanitaire et les accords entre l’OLP et Israël qui y sont applicables. Même à supposer que la Convention contre la torture puisse en théorie s’appliquer, encore faudrait‑il que la Cisjordanie et la bande de Gaza relèvent de la juridiction d’Israël, ce qui n’est pas le cas. En effet, en raison du statut juridique particulier de ces zones découlant de la conclusion de l’Accord intérimaire israélo-palestinien sur la Cisjordanie et la bande de Gaza de 1995, les pouvoirs qu’avait Israël sont progressivement transférés à l’Autorité palestinienne. Cela signifie que l’ensemble des Palestiniens de la bande de Gaza et 98 % des Palestiniens en Cisjordanie sont actuellement placés sous le contrôle total de l’Autorité palestinienne. Dans la bande de Gaza et les zones A en Cisjordanie, la majorité des pouvoirs et des responsabilités ont été transférés à l’Autorité palestinienne, qui est notamment chargée d’assurer la sécurité intérieure, alors que, dans les zones B, Israël conserve la responsabilité de protéger la population du terrorisme. Les deux catégories de zones sont définies dans l’Accord intérimaire comme relevant de l’Autorité palestinienne, et le Gouvernement israélien ne s’immisce pas dans les affaires intérieures de cette dernière dans ces zones. On ne saurait dire qu’il y exerce un contrôle effectif car, si tel était le cas, il n’aurait pas toléré les incitations à la violence dans les écoles, les médias et les mosquées, aurait confisqué des armes, interdit l’entraînement paramilitaire de jeunes et leur endoctrinement en vue d’attentats suicides et se serait opposé à la libération de terroristes détenus dans les prisons palestiniennes.

18.Le PRÉSIDENT demande à la représentante d’Israël de bien vouloir répondre maintenant aux questions du Comité.

19.Mme SCHONMANN (Israël) répond que plusieurs questions posées par le Comité portent sur la Cisjordanie et la bande de Gaza.

20.Mme GAER, prenant la parole pour une motion d’ordre, dit qu’elle a elle‑même soulevé les questions traitées par Mme Schonmann et que celle‑ci doit pouvoir achever sa réponse.

21.Le PRÉSIDENT répond qu’il n’entend pas empêcher la délégation d’achever sa réponse, mais qu’il souhaite simplement qu’elle soit moins longue.

22.Mme SCHONMANN (Israël), poursuivant son analyse, dit que le Gouvernement israélien n’exerce aucun contrôle sur les zones A et B où il applique les dispositions de l’article 6 de la quatrième Convention de Genève, qui sous-entendent une situation de transfert progressif du pouvoir à la population locale et prévoient explicitement que la puissance occupante n’est liée par la Convention que pour les fonctions qu’elle continue d’exercer dans le territoire concerné. Telle est d’ailleurs la façon dont le Comité international de la Croix-Rouge considère ces zones, c’est‑à‑dire non pas comme des territoires occupés, mais comme des zones sous la responsabilité et le contrôle de l’Autorité palestinienne. Quant aux zones C, l’Autorité palestinienne y est compétente pour ce qui est de toutes les questions civiles, sauf en matière foncière, relativement aux Palestiniens qui y vivent (qui ne constituent que 2 % environ de la population totale). Ces zones relèvent de la juridiction israélienne et sont régies par l’Accord intérimaire et par le droit humanitaire. Le Bureau des affaires juridiques ne fait aucune mention dans son avis de ce transfert des pouvoirs et responsabilités, alors que cet élément est déterminant. En fait, même si la Convention était applicable dans ces zones, la responsabilité de sa mise en œuvre n’incomberait pas au Gouvernement israélien. Par conséquent, l’avis du Bureau des affaires juridiques ne peut pas servir de fondement aux travaux du Comité. Par ailleurs, il n’entre pas dans le mandat du Comité de s’occuper de questions politiques qui doivent être laissées aux parties elles‑mêmes et aux nombreux autres organismes des Nations Unies compétents dans ce domaine.

23.Le Gouvernement israélien n’est pas moins soucieux de respecter les droits de l’homme que ses détracteurs; paradoxalement, son ouverture et sa volonté de transparence jouent en sa défaveur. Il est ainsi devenu la cible de critiques de la part d’États généralement non démocratiques dans lesquels sont utilisées des méthodes violentes d’interrogatoire mais qui le nient. Le travail des organisations non gouvernementales mérite certes d’être salué, mais cette source officieuse de renseignements doit être utilisée avec circonspection.

24.Pour ce qui est de la préoccupation de membres du Comité concernant des terroristes abattus sur sol palestinien par les forces israéliennes, Mme Schonnan dit que le Gouvernement israélien s’est déjà exprimé à ce sujet de façon circonstanciée en de nombreuses occasions, devant des organes politiques de l’ONU et dans d’autres contextes. Elle demande s’il n’est pas légitime d’attendre des forces de sécurité israéliennes qu’elles utilisent ces moyens pour empêcher des attentats terroristes. Par exemple, le 1er novembre 2001, elles ont permis d’éviter un attentat suicide de grande ampleur en tirant sur le terroriste; celui‑ci avait été arrêté par les Palestiniens pour le meurtre de deux Israéliens mais il avait été remis en liberté par l’Autorité palestinienne qui avait refusé de l’arrêter, malgré les demandes du Gouvernement israélien.

25.S’agissant de l’affaire Thabet, le Gouvernement israélien rejette catégoriquement l’allégation selon laquelle il y aurait eu d’autres moyens d’arrêter cette personne à l’époque des faits. Quoi qu’il en soit, cette question est actuellement examinée par la Cour suprême. Pour ce qui est du bouclage des territoires occupés, il est incontestable que la vie quotidienne des personnes qui y vivent a été considérablement affectée, à la suite de la vague d’attentats terroristes organisés depuis les territoires sous contrôle palestinien. Toutefois, le Gouvernement israélien a la responsabilité d’assurer la sécurité des Israéliens qui y habitent et des colonies de peuplement et, pour ce faire, il peut, en vertu de l’Accord intérimaire de 1995, fermer les points d’entrée en Israël et interdire ou limiter l’entrée des personnes et des véhicules en provenance de Cisjordanie et de la bande de Gaza. En réponse aux membres qui se sont dits préoccupés par le comportement des soldats aux points de passage, vis-à-vis des femmes enceintes et des malades, Mme Schonmann dit que les plaintes déposées ont fait l’objet d’une enquête et que des enseignements ont été tirés depuis. Il existe désormais des instructions prévoyant clairement que ces personnes doivent être traitées avec humanité. Des renseignements ont déjà été fournis à ce sujet par le Gouvernement israélien, notamment à la Commission d’enquête créée à la suite du Sommet de Charm el-Cheikh.

26.Pour ce qui est des démolitions de maisons palestiniennes, la délégation n’a pas compris si les questions du Comité portaient sur les mesures administratives prises à la suite de la délivrance illégale de permis de construction, sur les mesures préventives prévues dans la réglementation d’urgence de 1945, qui n’ont pas été appliquées depuis plusieurs années, ou sur les destructions qui peuvent se produire en temps de guerre. Quoi qu’il en soit, selon le Gouvernement israélien, cette question ne relève pas de la Convention.

27.Il a été affirmé au début de l’examen du rapport qu’il existerait plusieurs types de terrorisme. Mme Schonmann estime qu’un membre du Comité, censé être indépendant et impartial, ne devrait pas prendre position politiquement, et qu’une discussion tendancieuse n’a pas sa place dans le dialogue avec le Comité. Le terrorisme ne saurait être justifié par quelque motif que ce soit et cet argument dangereux, qui a été avancé tout récemment lors de l’Assemblée générale des Nations Unies, a été unanimement rejeté. Paradoxalement, c’est au moment où Israël s’est montré le plus disposé à négocier que les actes terroristes se sont multipliés.

28.M. SHAFFER (Israël) dit que l’internement administratif est pratiqué avec réticence et que le nombre de personnes faisant l’objet de cette mesure a beaucoup diminué en général. Toutefois, il est passé de 7 à 34 en octobre avec la recrudescence de la violence. Les forces de police israéliennes respectent les dispositions de la loi de procédure pénale relatives à l’arrestation, même si les conditions matérielles de détention ne sont pas toujours conformes aux normes en matière de droits de l’homme. Un certain nombre de mesures ont été prises pour remédier aux insuffisances, un projet de rénovation des locaux est en cours et il y a tout lieu d’espérer que d’ici un à deux ans, les centres de détention satisferont aux exigences requises par la loi. Pour ce qui est de Cheikh Obeid, un des chefs terroristes du Hezbollah détenu depuis 1989 en Israël, la légalité de son maintien en détention a été confirmée par les tribunaux israéliens et réaffirmée par la Cour suprême, qui ont statué que sa libération ferait peser une menace grave pour la sécurité de l’État d’Israël. Les conditions de détention de Cheikh Obeid sont conformes aux normes internationales. De plus, il a accès gratuitement aux services d’un avocat qui le représente devant les tribunaux de district et la Cour suprême. La presse fait régulièrement mention des procédures publiques le concernant. Cheikh Obeid reçoit les soins médicaux dont il a besoin. Il convient d’indiquer que les soldats israéliens en captivité au Liban ne disposent pas de tels droits.

29.Mme SCHONMANN (Israël) répondra aux questions relatives à la traite des femmes, pratique sévèrement condamnée par Israël et qui fait l’objet d’une attention particulière de la part des responsables de l’application des lois, du parquet, du Procureur de l’État, du Ministère de la sécurité intérieure et de la police. La législation existante dans ce domaine interdit expressément la traite des êtres humains aux fins de prostitution. En juillet 2000, la Knesset a adopté une modification du Code pénal qui fait de l’achat et de la vente d’être humains aux fins de prostitution une infraction pénale passible d’une peine d’emprisonnement maximale de 16 ans. Avant la promulgation de cette loi, les trafiquants étaient poursuivis pour des infractions connexes (viol, incitation à la prostitution, enlèvement aux fins de prostitution, tenue de maisons de prostitution, confiscation illégale de passeports et proxénétisme) et encouraient de ce fait des peines d’emprisonnement moins lourdes (d’une durée maximale de cinq ans). On peut distinguer deux éléments qui peuvent constituer cette infraction pénale; d’une part, la vente ou l’achat d’une personne pour la livrer à la prostitution ou pour servir d’intermédiaire à cette fin, passible d’une peine d’emprisonnement d’une durée maximale de 16 ans et, d’autre part, le fait de contraindre une personne à quitter le pays où elle vit aux fins de prostitution. Le deuxième cas prévaut tout particulièrement en Israël où la majorité des victimes de la traite proviennent de l’étranger. Le nombre d’enquêtes portant sur des affaires de traite de femmes a considérablement augmenté et les organes responsables de l’application des lois optent de plus en plus pour une approche axée sur l’aide à la victime. C’est ainsi que les autorités israéliennes ont décidé de ne plus placer en détention avant leur expulsion les victimes prêtes à témoigner, mais de les héberger dans des foyers ou hôtels en leur versant une certaine somme pour pouvoir vivre . En juillet 2001, la police a ainsi pris en charge le séjour en foyer de 30 femmes placées sous sa protection. De plus, ces femmes ne sont pas poursuivies pour être entrées et séjourner illégalement en Israël ni pour d’autres infractions connexes. Bien que cette récente loi soit déjà largement mise en œuvre ainsi qu’il ressort des décisions des tribunaux qui se montrent implacables à l’encontre de la traite et refusent l’octroi d’une libération sous caution à leurs auteurs. En novembre 2000, un comité interministériel a été chargé d’élaborer des recommandations et de prendre toutes les mesures voulues pour lutter contre ce phénomène, et une commission d’enquête parlementaire a été constituée en juin 2000. Les procureurs de district ont pour instructions de recueillir rapidement les dépositions des victimes pour ne pas prolonger leur séjour dans le pays et, en juillet 2001, les services du Procureur général ont distribué des directives détaillées sur la question. Dans le cadre des efforts visant à sensibiliser l’ensemble des forces de l’ordre à ce problème, le Ministère de la sécurité intérieure a organisé un séminaire sur la traite des femmes à l’intention des divers services intéressés. Au plan international, Israël a signé le 14 novembre 2001 le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants ainsi que le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. De plus, la police israélienne coopère avec Interpol et les représentants de la police étrangère et Israël envisage d’accroître la coopération dans ce domaine avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). En juin 2000, de nouvelles directives internes de la police ont été émises visant à assurer un renforcement de l’ordre et à procéder annuellement, à un contrôle du comportement de la police face au problème de la traite des femmes.

30.Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à poser à la délégation israélienne toute question qu’ils jugeraient utile.

31.M. YAKOVLEV (Corapporteur pour Israël) demande si une preuve de culpabilité indépendante, découverte à la suite d’aveux irrecevables, reste recevable.

32.M. SHAFFER (Israël) répond qu’en droit israélien, comme dans d’autres systèmes juridiques dont celui des États-Unis, une preuve de culpabilité indépendante est recevable– par exemple une arme à feu découverte à la suite d’aveux.

33.M. YAKOVLEV se dit très préoccupé par l’application de la clause de nécessité prévue à l’article 34k du Code pénal qui, à son avis, n’a jamais été conçue pour être appliquée pendant un interrogatoire; le but ne peut qu’être préventif, c'est-à-dire viser à éviter le pire en cas de «nécessité». Il veut espérer que la «clause de nécessité» ne sera jamais invoquée pour justifier le recours à la force pendant un interrogatoire, mais le risque est réel.

34.M. SHAFFER (Israël) reconnaît que la plus grande circonspection s’impose dans l’application de l’article 34k. Toutefois, l’usage d’une pression physique modérée (tordre le bras par exemple) se justifie dans le cas de personnes dont les autorités ont lieu de croire qu’elles détiennent des renseignements sur des attentats imminents contre l’État pouvant entraîner la mort de citoyens innocents, en détournant un avion par exemple. Le recours à cette force modérée se justifie uniquement lors d’interrogatoires menés à titre préventif, comme moindre mal, mais n’est jamais justifié pour des interrogatoires concernant des infractions commises dans le passé. Il importe d’établir une claire distinction entre l’article 2 de la Convention, qui ne souffre aucune dérogation, et l’article 16 qu’Israël accepte dans certaines circonstances bien précises en accordant une importance capitale à l’interprétation du terme «inhumain».

35.Le PRÉSIDENT, prenant la parole en tant que Rapporteur, dit que les arguments avancés sont cohérents. Il souhaiterait savoir par quel moyen une personne détenue au secret peut saisir la Cour suprême et demande s’il est des cas où un détenu est placé au secret sans que les membres de sa famille en soient informés.

36.M. SHAFFER (Israël) répond que, dans la pratique, la famille du détenu ou une ONG s’adresse à un avocat, qui saisit la Cour suprême. De facto, de nombreuses affaires sont portées devant les tribunaux. Toute arrestation fait l’objet d’une notification.

37.M. EL MASRY se dit très préoccupé par le fait qu’Israël ne reconnaisse pas l’applicabilité des principes du droit humanitaire (Conventions de Genève) ni des dispositions de la Convention contre la torture dans le cas des territoires occupés. Il s’inquiète de ce que l’État partie limite la Convention contre la torture aux personnes placées en détention et exclut un nombre considérable de pratiques du champ d’application de l’instrument. En outre, il demande s’il est vrai que l’enquête sur un agent du SGS à la suite d’une plainte formée à son encontre est menée au sein même du SGS.

38.M. SHAFFER (Israël) dit qu’une plainte à l’encontre d’un enquêteur du SGS fait l’objet d’un examen approfondi par un juriste de haut rang des services du Procureur général conformément à des directives régissant la question. Cette méthode s’est révélée jusqu’ici efficace et les services du Procureur général jouissent d’une très bonne réputation.

39.Le PRÉSIDENT, prenant la parole en tant que Rapporteur, objecte que le seul fait qu’une enquête contre un membre du SGS soit menée par un autre membre du même service suffit à décourager les éventuels plaignants, ce qui pourrait expliquer pourquoi, comme l’a dit la délégation, les plaintes sont très peu nombreuses. Le sérieux des services du Procureur général n’est pas en cause: c’est l’organisation de l’enquête, confiée à un membre du SGS, qui est en cause.

40.M. SHAFFER (Israël) répond que l’avantage de cette modalité est que l’enquêteur connaît bien le domaine et que les conseils d’un juriste extérieur au SGS garantissent l’indépendance de l’enquête.

41.M. EL MASRY dit qu’il n’est pas convaincu par de tels arguments. Il insiste en outre sur le fait que l’occupation et l’humiliation des Palestiniens sont assimilables à des mauvais traitements relevant de l’article 16 de la Convention.

42M. RASMUSSEN demande si le Gouvernement israélien accepte, dans certaines circonstances (menace d’explosion d’une bombe, par exemple), de violer les dispositions de l’article 16 de la Convention.

43.M. SHAFFER (Israël) dit que le recours à des pressions modérées n’emporte pas violation des dispositions de l’article 16 dont l’interprétation dépend du sens donné au terme «inhumain». Selon le droit israélien, toute atteinte à la dignité et à la liberté constitue une infraction pénale qui doit être justifiée, même si elle n’équivaut pas à une violation de l’article 16. Selon la pratique actuelle de la Cour suprême, aucun recours à la force n’est autorisé; mais au regard du droit international, les pressions physiques minimales appliquées telles qu’elles le sont en Israël ne représentent pas un traitement inhumain au sens de l’article 16, article qui de plus ne contient pas une interdiction absolue.

44. M. RASMUSSEN dit qu’il comprend qu’un policier puisse être obligé de mettre les menottes ou de tordre le bras à un suspect en état d’arrestation qui tente de s’enfuir, mais voudrait savoir si ce genre de traitement est autorisé pendant l’interrogatoire.

45.M. SHAFFER (Israël) dit qu’il a déjà répondu à cette question. Pour le Gouvernement israélien, le recours à une pression physique modérée pendant un interrogatoire ne constitue pas une violation de l’article 16 de la Convention si elle est utilisée pour éviter le pire (état de nécessité).

46.Le PRÉSIDENT dit qu’il s’agit là d’une question de définition.

47.M. MAVROMMATIS reconnaît que la situation est très complexe car la démarcation est peu nette entre les aspects techniques et les différences d’interprétation politique. Les informations émanant des ONG ne peuvent en aucune manière remplacer l’examen des plaintes individuelles mais Israël n’a pas accepté la compétence du Comité pour ce faire. À l’aide des documents émanant d’ONG le Comité cherche à déterminer si les pratiques israéliennes révèlent un ensemble de violations et quand il présente des informations à un État partie, il attend une réponse permettant d’infirmer ou de confirmer les allégations.

48.En ce qui concerne les démolitions de maisons construites sans permis de construire, M. Mavrommatis demande pourquoi les Israéliens procèdent à ces destructions si, comme ils l’affirment, ces territoires relèvent de l’Autorité palestinienne. Si ces actes sont perpétrés à titre de châtiment, ils relèvent bien de l’article 16 de la Convention.

49.M. SHAFFER (Israël) répond que les opérations de démolition au moyen de tanks entrent dans le cadre des hostilités et des actions militaires en cours en Cisjordanie et dans la bande de Gaza et ne relèvent aucunement de l’article 16 de la Convention. Par ailleurs, M. Shaffer dit qu’il ne convient pas de tirer des conclusions à partir d’affaires, comme celles qui sont décrites dans le rapport du Rapporteur spécial sur la torture de la Commission des droits de l’homme, dont la plupart n’ont jamais été portées devant les tribunaux israéliens. Il ne peut défendre des accusations et des généralisations qui n’ont jamais fait l’objet de plaintes individuelles au niveau national.

50.Le PRÉSIDENT fait observer que le Rapporteur spécial, tout comme les membres du Comité, ne portent pas d’accusations, mais posent des questions. Ils attendent de la délégation qu’elle confirme ou qu’elle conteste l’exactitude des informations dont le Comité est saisi. Les membres du Comité sont animés par un esprit de dialogue et non d’opposition et pourront se contenter de réponses écrites données après la session si la délégation ne peut répondre immédiatement.

51.Mme GAER a appris avec satisfaction qu’Israël a signé les deux protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant. À sa connaissance, ce sont les premiers instruments facultatifs de ce genre qu’Israël a accepté de signer; elle espère que ce sera un heureux précédent et demande si l’État partie envisage de retirer sa réserve à l’article 20 ou de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention. Par ailleurs, Comme elle le fait systématiquement, Mme Gaer avait demandé des renseignements concernant les violences sexuelles en prison: elle voudrait savoir si les autorités exercent une surveillance dans ce domaine et quels en sont les résultats.

52.Mme Gaer avait demandé, à propos d’un règlement de 1993 concernant les procédures que devait suivre la police pour ouvrir le feu et pour intervenir lors de manifestations, si ce règlement avait été actualisé et s’il s’appliquait uniquement à la police régulière. Or il n’a pas été répondu à cette question, mais la délégation israélienne a cité plusieurs cas de policiers ayant été inculpés parce qu’ils avaient enfreint les règles applicables en la matière: il serait utile de disposer de statistiques sur le nombre de policiers ainsi inculpés et le cas échéant condamnés. Enfin, à propos de la «clause de nécessité» qui a beaucoup retenu l’attention du Comité, la délégation israélienne peut‑elle confirmer que depuis l’arrêt de la Cour suprême de 1999, cette clause n’a jamais été invoquée?

53.M. SHAFFER (Israël) ne peut apporter immédiatement des précisions au sujet du règlement de police de 1993 évoqué par Mme Gaer. Il précise cependant que la réglementation concernant les conditions dans lesquelles la police est autorisée à ouvrir le feu fait l’objet d’un réexamen extrêmement poussé depuis les émeutes de 2000. Lorsque ce réexamen sera achevé, des informations complémentaires seront communiquées au Comité. Il est indiqué dans le rapport qu’au cours de l’année écoulée, il y a eu quelques cas isolés de recours à des pressions physiques. Deux années ont passé depuis l’arrêt rendu par la Cour suprême à ce sujet; la première a été calme mais malheureusement, du fait des violences survenues la deuxième année, quelques cas isolés ont été signalés où un interrogateur avait eu recours à des pressions physiques, extrêmement modérées toutefois: des plaintes ont été déposées à ce sujet et des enquêtes sont en cours.

54.Mme SCHONMANN (Israël) confirme que son pays vient de signer les protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant; avant de les ratifier, Israël va devoir adapter sa législation interne, processus qui est déjà engagé. En ce qui concerne les articles 20, 21 et 22 de la Convention, les autorités ont réexaminé la situation et estimé qu’à l’heure actuelle, Israël n’est pas prêt à être lié par ces articles.

55.M. EL MASRY, tout en reconnaissant que la délégation a apporté quelques réponses aux questions qu’il avait posées, relève qu’il n’a reçu aucun éclaircissement concernant certains points spécifiques. En particulier, le problème n’est pas de savoir si le docteur Thabet était innocent ou non, mais il faut établir pourquoi les autorités ne l’ont pas arrêté alors qu’il passait chaque jour aux points de contrôle et que rien n’eût été plus facile.

56.M. SHAFFER (Israël) nie catégoriquement que les autorités israéliennes aient eu la possibilité d’arrêter le docteur Thabet. Cette affaire est actuellement pendante et n’a nullement fait l’objet d’un non‑lieu; elle sera examinée par la Cour suprême le 28 janvier 2002 et à cette occasion, l’État répondra aux accusations portées par la veuve du docteur Thabet; il rejettera l’affirmation selon laquelle celui‑ci passait chaque jour les points de contrôle et aurait pu être arrêté et l’affaire sera tranchée par la Cour. M. El Masry peut avoir l’assurance que chaque fois que les forces de sécurité ont la possibilité d’arrêter quelqu’un plutôt que de le tuer – et de telles arrestations ont eu lieu à plusieurs reprises ces dernières semaines – elles le font même au péril de leur vie: intercepter des voitures destinées à exploser dans des zones très peuplées situées à moins de 10 km de là est toujours dangereux et n’est pas toujours possible, faute des informations nécessaires. Cela a été impossible dans le cas du docteur Thabet, ainsi qu’il sera prochainement exposé devant la Cour suprême.

57.Le PRÉSIDENT remercie la délégation pour les échanges très intéressants qui viennent d’avoir lieu et l’invite à revenir à une prochaine séance pour entendre les conclusions et recommandations du Comité.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 35.

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