COMITÉ CONTRE LA TORTURE
Vingt-neuvième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 537e SÉANCE
tenue au Palais des Nations, à Genève,
le vendredi 15 novembre 2002, à 15 heures
Président: M. BURNS
SOMMAIRE
EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION
Rapport initial de l’Estonie (suite)
QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES
_______________
Le présent compte rendu est sujet à rectifications.
Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.
Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.
La séance est ouverte à 15 heures.
EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)
Rapport initial de l’Estonie (CAT/C/16/Add.9) (suite)
1. Sur l’invitation du Président, la délégation estonienne reprend place à la table du Comité.
2.Mme KALJURAND (Estonie) précise tout d’abord qu’en droit estonien les instruments internationaux ratifiés par le Parlement l’emportent sur la législation nationale. En cas de conflit, ce sont les dispositions du traité qui sont appliquées et l’article 27 de la loi sur les relations extérieures oblige le Gouvernement à rendre la loi nationale conforme à l’instrument international. Il est déjà arrivé que les tribunaux estoniens appliquent directement des dispositions d’instruments internationaux, en particulier de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Dans plusieurs cas, les tribunaux ont retenu une qualification pénale pour des faits qualifiés délits par un instrument international mais non par la législation pénale nationale. Cette pratique signifie que le délit de torture psychique pourrait être retenu contre un individu.
3.En ce qui concerne l’article 5 de la Convention, la compétence universelle est prévue par le Code pénal, qui dispose que les juridictions nationales peuvent connaître des infractions commises en dehors du territoire estonien si celles‑ci constituent une violation d’un instrument international auquel l’Estonie est partie. Les auteurs d’actes visés par exemple dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, les Conventions de Genève relatives au droit humanitaire et la Convention contre la torture peuvent ainsi être punis en Estonie indépendamment de leur nationalité, du lieu où l’acte a été commis ou de la nationalité de la victime. À ce jour, six personnes ont été reconnues coupables de crime contre l’humanité: cinq pour avoir ordonné illégalement des mesures d’exil et une − un agent secret soviétique − pour avoir tué trois membres d’un groupe de résistance au régime soviétique d’occupation. La juridiction de première instance avait conclu que des résistants à un régime d’occupation ne constituaient pas un groupe pouvant être victime du crime de génocide mais la Cour suprême a établi le contraire et l’intéressé a été condamné en dernier ressort pour crime contre l’humanité. Actuellement, 10 autres affaires sont en instance.
4.La Constitution estonienne dispose que l’extradition de nationaux est décidée par le Gouvernement en vertu d’accords internationaux. L’extradition d’étrangers est du ressort du Ministère de la justice. Elle peut être refusée pour les motifs énoncés à l’article 3 de la Convention, puisque le Code de procédure pénale dispose que ses dispositions sont directement applicables sauf dispositions contraires d’un instrument international ratifié par l’Estonie. En 2001, l’Estonie a reçu 23 demandes d’extradition, dont 12 concernaient des nationaux estoniens. Depuis le début de l’année 2002, elle a reçu 17 demandes d’extradition, dont 13 pour des nationaux, et présenté 34 demandes. À ce jour, l’Estonie n’a jamais refusé d’extradition, et aucune extradition ne lui a été refusée par d’autres États.
5.Mme HION (Estonie) dit que les motifs justifiant la privation de liberté sont énoncés à l’article 20 de la Constitution (voir le paragraphe 57 du rapport). En vertu de l’article 21 de la Constitution, toute personne privée de liberté doit être informée sans délai, dans une langue et d’une manière qu’elle comprend, des raisons de cette mesure ainsi que de ses droits, et avoir la possibilité d’avertir ses proches. Toute personne soupçonnée d’une infraction pénale doit également avoir rapidement la possibilité de choisir un avocat et de s’entretenir avec lui. Le droit d’aviser ses proches ne peut être restreint que dans le cas et selon les procédures prévues par la loi pour sanctionner une infraction pénale ou aider à la manifestation de la vérité dans une procédure pénale. Ces droits sont garantis par la personne ayant procédé à l’arrestation et aucune autorisation supplémentaire d’un supérieur hiérarchique n’est nécessaire.
6.Nul ne peut être maintenu en garde à vue pendant plus de 48 heures sans autorisation spécifique d’un tribunal. La décision du tribunal doit être communiquée dans le plus bref délai à l’intéressée, dans une langue et d’une manière qu’elle comprend. Une personne est placée en garde à vue en tant que suspect en cas de flagrant délit ou s’il y a des témoignages ou des indices suffisants pour la désigner comme l’auteur de l’infraction. Elle a le droit de porter plainte si elle estime avoir subi un préjudice de la part du responsable de l’enquête préliminaire, de faire des déclarations et de présenter des requêtes. Elle a également le droit de prévenir au moins une personne de son choix. Elle bénéficie de toutes les garanties prévues dans les instruments de défense des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne les déclarations qu’il peut faire. L’enquêteur est tenu de notifier le Procureur dans les 24 heures du placement en détention, en précisant dûment les motifs et les circonstances. Le suspect est interrogé dans les 24 heures suivant son arrestation et doit être libéré sans délai s’il est établi qu’il n’y a pas matière à poursuivre. Dans le cas contraire, il est inculpé et bénéficie de tous les droits garantis en matière de procédure, qui lui sont dûment expliqués au début du procès.
7.L’article 73 du Code de procédure pénale dispose qu’un suspect, un inculpé ou un prévenu peut être placé en détention provisoire pour l’empêcher de se soustraire à la procédure pénale, de commettre d’autres infractions ou pour assurer l’exécution d’une décision de justice. En pareil cas, il est traité comme un suspect ou un inculpé et bénéficie par conséquent de tous les droits voulus. Un procès‑verbal est établi pour tout interrogatoire, quel que soit le titre auquel l’intéressé est placé en garde à vue ou en détention. La durée maximale d’une détention aux fins d’enquête pénale est de six mois, prorogeable jusqu’à un an en cas de complexité particulière ou d’extension d’une affaire pénale, sur décision du Procureur de la République. Si une personne placée en garde à vue ou en détention a des enfants mineurs laissés sans surveillance, ils sont placés sous la responsabilité d’un curateur ou d’une institution appropriée. La personne qui fait l’objet d’une mesure préventive, son avocat de la défense ou son représentant légal a le droit de former un recours contre une décision de placement en détention provisoire ou de prorogation de cette détention dans les cinq jours qui suivent. Le responsable de l’enquête préliminaire, le Procureur ou le tribunal doit lever la mesure préventive si elle n’est plus justifiée ou bien la modifier et choisir une nouvelle mesure. L’autorisation du tribunal est nécessaire pour commuer une mesure préventive en détention. Le procureur a le droit de proposer par écrit au responsable de l’enquête préliminaire d’annuler une mesure préventive, de lui en substituer une autre ou de décider une mesure préventive si tel n’a pas été le cas. Cette proposition est contraignante pour le responsable de l’enquête préliminaire. Le placement en détention provisoire, ou toute autre mesure préventive décidée par le Procureur ou par le responsable de l’enquête préliminaire, ne peut être annulé ou modifié par ledit responsable qu’avec l’accord du Procureur. Une mesure préventive décidée à l’encontre d’un prévenu peut être modifiée ou annulée par la juridiction qui mène la procédure pénale ou par une juridiction supérieure. Toute personne placée en garde à vue ou en détention doit être immédiatement informée de ses droits et obligations. Les détenus sont autorisés à porter leurs vêtements personnels et à acheter, par l’intermédiaire de la prison, des denrées alimentaires, des produits de toilette ou d’autres articles autorisés selon la procédure prévue par le règlement interne de la prison. Ils ont accès aux quotidiens nationaux, aux livres et aux périodiques de la bibliothèque. Ils peuvent également disposer d’un poste de radio ou de télévision personnel dans leur cellule sur autorisation du directeur de l’établissement. Tout mineur détenu depuis au moins un mois doit être autorisé à poursuivre sa scolarité conformément au programme national correspondant. Les détenus doivent être autorisés à passer au moins 1 heure par jour en plein air s’ils le souhaitent. En cas de maladie, si la prison ne peut pas assurer le traitement requis, le détenu est transféré dans un établissement médical approprié. Le directeur de la prison doit alors en informer immédiatement le responsable de l’instruction ou le tribunal si une procédure pénale est en cours. Les détenus ne sont pas autorisés à choisir leur médecin.
8.Le nouveau Code pénal prévoit que les infractions mineures peuvent être sanctionnées par une peine de prison, d’une durée maximale de 30 jours. Les détenus ne sont pas tenus de travailler mais ils peuvent s’ils le souhaitent prendre part à des travaux d’intérêt collectif. Ils ont droit à la visite de leurs proches une fois par semaine. Aucune restriction n’est imposée quant aux visites de leurs avocats. Il est interdit de les interrompre et elles ont lieu en présence mais non à portée d’oreille des surveillants de la prison. Les personnes suivantes sont autorisées à entrer dans les établissements pénitentiaires: chancelier de justice, avocats, personnel médical, représentants du bureau d’inspection sanitaire, ministre du culte, agents consulaires, membres du Comité européen pour la prévention de la torture et autres personnes ayant obtenu une autorisation de visite, parmi lesquelles les représentants d’ONG. Les détenus reçoivent une nourriture répondant à un certain nombre de critères sanitaires et diététiques, des soins médicaux, des médicaments; ils peuvent prendre un sauna et prendre un bain ou une douche une fois par semaine. En cas de maladie grave ou de décès d’un parent, ils peuvent obtenir jusqu’à trois jours de permission de sortie. À leur arrivée au centre de détention, ils passent une visite médicale, à l’issue de laquelle un certificat est établi et joint à leur dossier personnel. S’ils le souhaitent, ce certificat peut leur être remis ou transmis à leur avocat. Si un détenu affirme qu’une blessure ou un problème de santé découle de mauvais traitements ou s’il présente des lésions corporelles graves, une enquête est ouverte. De façon générale, les conditions de vie des détenus se sont nettement améliorées, même si certains établissements doivent encore être rénovés. Tous les centres de détention sont aménagés de façon à recevoir la lumière du jour et les problèmes de ventilation ont été en grande partie résolus. On dénombre au total 17 établissements pénitentiaires en Estonie, dont un (celui de Tartu) est neuf. Une rénovation complète des centres de Järva et Lääne‑Viru a été entreprise à la suite de la dernière visite des représentants du Comité européen pour la prévention de la torture; certains travaux sont pratiquement achevés. Un nouvel établissement doit être construit dans le comté de Ida‑Viru, pour remplacer l’ancien centre pénitentiaire. Le problème du surpeuplement des prisons devrait être réglé lorsque l’établissement de Tartu commencera à fonctionner au maximum de sa capacité.
9.Mme RAIG (Estonie) dit que la loi sur les tribunaux, adoptée le 19 juin 2002 et entrée en vigueur le 29 juillet 2002, a porté création de plusieurs nouveaux organes destinés notamment à renforcer l’indépendance des juges. Le premier, le Collège plénier, est un organe indépendant composé de tous les magistrats d’un même tribunal. Il répartit les tâches entre les différents magistrats, donne son avis au Ministère de la justice en ce qui concerne la nomination du président du tribunal, adresse à ce dernier des recommandations concernant le projet de budget du tribunal et l’utilisation des crédits, et s’acquitte de toute autre fonction prévue par la loi ou le règlement du tribunal. L’Assemblée de la magistrature est également un organe indépendant, composé de tous les juges estoniens. Elle tient sa session annuelle le deuxième vendredi de février. Elle peut également se réunir en session extraordinaire sur convocation du Ministre de la justice ou du Président de la Cour suprême. Elle élit pour trois ans les cinq juges d’appel et les cinq juges de première instance qui prendront part aux délibérations de la chambre disciplinaire de la Cour suprême. Elle élit également les magistrats titulaires et auxiliaires du jury d’examen de la magistrature, les membres du Comité d’évaluation de l’aptitude professionnelle des avocats, du jury d’examen des procureurs et du jury d’examen des agents de probation, ainsi que les membres du Conseil consultatif pour l’administration de la justice et les membres du Conseil de la formation. De plus, elle approuve le Code de déontologie des magistrats, reçoit des rapports du Ministère de la justice et du Président de la Cour suprême concernant le développement de l’appareil judiciaire, examine les problèmes ayant trait à l’administration de la justice et les autres questions se rapportant au travail des tribunaux et des magistrats. Elle est présidée par le Président de la Cour suprême, sauf si elle en décide autrement. Les tribunaux de première et de deuxième instance sont administrés par le Conseil consultatif pour l’administration de la justice, en collaboration avec le Ministère de la justice. Ce dernier n’exerce aucun pouvoir décisionnel ou disciplinaire sur les magistrats. Le Conseil est convoqué par le Président de la Cour suprême, qui le préside, ou par le Ministre de la justice. Son approbation est nécessaire notamment pour définir la compétence territoriale des tribunaux, déterminer leur structure, établir le nombre de magistrats et de juges non professionnels, nommer et révoquer les présidents des tribunaux. Le Conseil rend un avis préalable à l’élaboration du budget annuel des tribunaux. La loi sur les tribunaux définit plus clairement les principes visant à garantir l’indépendance budgétaire des tribunaux. Elle dispose que chaque tribunal administre la justice en toute indépendance, en d’autres termes que chaque juge est libre d’administrer la justice conformément à la loi et en son âme et conscience. Les juges sont nommés à vie, ce qui constitue l’une des principales garanties de leur indépendance. Les juges de première instance et les juges d’appel sont nommés par le Président de la République, sur proposition de la Cour suprême en formation plénière, compte tenu de l’opinion émise par le Collège plénier du tribunal pour lequel la personne est candidate. Les juges de la Cour suprême sont nommés par le Parlement, sur proposition du Président de la Cour. Ce dernier est nommé pour neuf ans par le Parlement, sur proposition du Président de la République. Les juges non professionnels ont les mêmes prérogatives que les magistrats en matière d’administration de la justice. Ils sont nommés pour quatre ans par un comité dont la composition est approuvée par le Président du tribunal. Ils ne peuvent exécuter que deux mandats consécutifs.
10.Les juges ne peuvent être relevés de leurs fonctions que sur décision de justice. Le juge reconnu coupable d’une infraction pénale ou faisant l’objet d’une décision de révocation prise par la chambre disciplinaire de la Cour suprême est réputé démis de ses fonctions le jour de la condamnation ou de la prise d’effet de la décision. Les juges ne peuvent faire l’objet de poursuites pénales qu’avec l’approbation de la Cour suprême réunie en séance plénière. En outre, une action pénale ne peut être engagée contre le juge d’un tribunal de première instance ou d’un tribunal d’appel en cours de mandat que sur la proposition de la Cour suprême réunie en séance plénière et avec l’accord du Président de la République. Les juges de la Cour suprême ne peuvent être déférés devant la justice pénale que sur la proposition du Chancelier de justice et avec l’accord de la majorité des membres du Parlement. Un certain nombre de mesures peuvent être prises dans le cadre d’une procédure pénale impliquant un juge: mise en détention, mesures préventives, perquisition, astreinte, saisie de biens. Les mesures disciplinaires à l’encontre d’un juge sont décidées par une chambre de discipline de la Cour suprême composée de cinq de ses membres.
11.C’est le Ministre de la justice qui approuve le budget des tribunaux de première instance ou des tribunaux d’appel, dans les deux semaines qui suivent le vote du budget de l’État. En cours d’exercice budgétaire, il peut modifier, si cela se justifie vraiment, les allocations budgétaires d’un tribunal après avoir consulté le président du tribunal concerné et dans le respect des principes formulés par le Comité chargé de l’administration des tribunaux. Le budget de la Cour suprême est adopté conformément à la procédure décrite dans la loi sur le budget de l’État.
12.La définition de la torture telle qu’elle est énoncée à l’article premier de la Convention contre la torture n’est pas reprise dans le Code pénal estonien. Toutefois, les actes de torture sont couverts par d’autres infractions visées par le Code pénal, en ses articles 120 à 122 relatifs aux actes de violence, tels que les menaces, les violences physiques et la torture. Sont également applicables les dispositions de l’article 322 (coercition exercée pour obtenir de fausses déclarations), de l’article 323 (violence exercée contre toute personne participant à quelque titre que ce soit à un procès) et de l’article 291 (abus d’autorité). Il serait certes préférable d’adopter une définition de la torture dans le droit juridique interne, mais en l’état actuel de la législation quiconque commet le crime de torture ne resterait pas impuni.
13.En ce qui concerne le nombre de personnes condamnées en 2000, il y a eu 51 condamnations en vertu de l’article 113 du Code pénal, 2 en vertu de l’article 114, 2 en vertu de l’article 172 et aucune en vertu de l’article 171. En 2001, 24 affaires ont été portées devant les tribunaux en vertu de l’article 113, 7 en vertu de l’article 114 et aucune en vertu des articles 171 et 172.
14.M. LUMI (Estonie) dit que l’article 18 de la Constitution proscrit la torture et les autres peines ou traitements inhumains ou dégradants. Deux lois distinctes ont été adoptées, la loi sur la situation d’urgence et la loi sur l’état d’urgence, qui régissent de manière plus détaillée la restriction des droits et des libertés fondamentales en tant de guerre et pendant l’état d’urgence. L’article 4 de la loi sur l’état d’urgence dispose qu’un certain nombre de droits et de libertés des citoyens peuvent être restreints dans l’intérêt de la sécurité nationale et de l’ordre public pendant l’état d’urgence. Toutefois, le même article prévoit que la restriction des droits et libertés des personnes ne peut entraîner la torture, un traitement cruel ou dégradant ou des sanctions illégales, la privation de la liberté de pensée, de conscience et de religion ou une atteinte arbitraire à la vie. En outre, toute personne dont les droits et libertés ont été violés a le droit de saisir la justice. La torture est donc interdite quelles que soient les circonstances.
15.En vertu de la loi sur la fonction publique, il est interdit à un supérieur de donner à l’un de ses subordonnés un ordre qui oblige à commettre un acte illégal; le fonctionnaire qui doute de la légalité de l’acte qui lui a été ordonné doit immédiatement le faire savoir à celui qui a émis l’ordre et à son supérieur. Le règlement intérieur des forces armées dispose qu’un membre des forces armées est tenu d’exécuter tout ordre qui lui est donné par un supérieur, à moins qu’il ne constitue une infraction à la loi, auquel cas il doit s’abstenir d’exécuter l’ordre et en référer au supérieur hiérarchique de son propre supérieur. Si l’ordre a été exécuté, l’officier qui l’a donné est responsable au même titre que celui qui l’a exécuté. En cas de génocide ou de crime contre l’humanité, de crime de guerre ou d’atteinte à la sécurité internationale, il est impossible d’invoquer le devoir d’obéissance. La loi sur la police oblige les personnes responsables du maintien de l’ordre et de la sécurité publics à respecter les principes d’humanité et de légalité. Elle interdit expressément tout recours à la violence physique ou psychique et à tout traitement inhumain ou dégradant.
16.Mme KALJURAND (Estonie) dit que faute de moyens, les rapports et recommandations du Comité n’ont été jusqu’à présent diffusés qu’en anglais. Depuis environ deux ans, à la demande du Gouvernement, tous ces documents sont traduits en estonien; l’idée de les traduire également en russe est très intéressante, et devrait être facile à concrétiser puisque le russe est une des langues officielles de l’Organisation des Nations Unies.
17.D’après le recensement de 2000, l’Estonie compte 1 370 100 habitants, dont 80 % ont la nationalité estonienne, 7 % sont étrangers et 13 % apatrides. Le nombre total de personnes en possession d’un permis de séjour est d’environ 270 000. Depuis 1994, les résidents non citoyens se voient octroyer des titres de voyage ou un passeport de résident étranger qui leur permettent de voyager ou d’étudier à l’étranger ou de se présenter devant les services de l’immigration. Quelque 167 000 passeports de ce type ont été délivrés. Depuis l’entrée en vigueur, en 1992, de la loi sur la citoyenneté, 117 000 personnes ont obtenu la citoyenneté estonienne. En 2001, 3 090 personnes ont été naturalisées. Le taux de naturalisation s’est stabilisé à environ 2 % du nombre de résidents non citoyens par an. Ce taux est certes faible, mais il s’explique en partie par le manque de motivation de la part des non‑citoyens à passer les tests en vue de leur naturalisation, estimant que les avantages qu’ils en tireront sont en deçà des efforts que demande la préparation des tests. De plus tous ceux que la nationalité intéressait au premier chef ont fait les démarches immédiatement après l’indépendance. L’État a permis à ceux qui voulaient demander la citoyenneté de le faire, mais cette démarche est volontaire. D’après certaines enquêtes, la naturalisation n’est pas très recherchée parce que les principaux droits socioéconomiques sont garantis à tous, sans distinction de nationalité. Le Gouvernement n’en poursuit pas moins ses efforts de sensibilisation, par le biais de grandes campagnes, dans les médias notamment, à l’importance d’obtenir la nationalité. En 2001, l’État a alloué 3,4 millions d’euros à la mise en œuvre de son programme d’intégration pour 2001‑2007, qui met l’accent sur l’éducation. Dans le cadre du programme Phare de l’Union européenne pour l’enseignement de l’estonien, les frais de scolarité sont remboursés à concurrence de 50 % à 100 % aux personnes qui en ont besoin. Les groupes sociaux les plus vulnérables, comme les chômeurs, bénéficient de cet enseignement gratuit. La page d’accueil du Conseil estonien de la citoyenneté et des migrations sur l’Internet présente des informations en trois langues − estonien, anglais et russe − sur la procédure et les conditions qui régissent la demande de permis de séjour et de permis de travail. Il est possible de délivrer un permis de séjour permanent à un étranger qui a résidé en Estonie au titre d’un permis de séjour temporaire pendant au moins trois ans au cours des cinq dernières années, à condition que ce permis de séjour soit en cours de validité et que l’étranger ait un domicile et des moyens de subsistance légaux en Estonie. Toute demande de permis de séjour permanent doit être présentée un mois avant l’expiration du permis de séjour temporaire. Si le dossier est complet, elle est enregistrée le jour même du dépôt et le Conseil estonien de la citoyenneté et des migrations prend la décision.
18.La loi sur les réfugiés régit le statut et les bases légales du séjour en Estonie des demandeurs d’asile et des réfugiés conformément à la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et à son Protocole de 1967. Les demandeurs d’asile et les réfugiés jouissent des droits et libertés consacrés dans la Constitution et la législation estoniennes. Le regroupement familial des demandeurs d’asile et des réfugiés est régi par la loi sur les étrangers et la loi sur les réfugiés. Un permis de séjour peut être octroyé au conjoint ou à la conjointe d’un ou d’une réfugiée au même titre qu’au conjoint ou qu’à la conjointe d’un résident permanent. Il en va de même pour les enfants. Un passeport de résident étranger peut être délivré à un étranger titulaire d’un permis de séjour en cours de validité, à condition qu’il prouve qu’il ne possède pas de titre de voyage d’un autre pays et qu’il ne lui est pas possible d’en obtenir un. Les statistiques relatives à la délivrance, par le Conseil estonien de la citoyenneté et des migrations, de différents documents officiels seront mises à la disposition des membres du Comité. Soucieux d’informer les personnes en situation irrégulière sur les démarches à effectuer pour se procurer des papiers, le Conseil estonien de la citoyenneté et des migrations a lancé un vaste programme, qui a permis de régulariser la situation de 80 % des personnes concernées, 11 % étant toujours en attente de papiers, étant décédées ou ayant quitté l’Estonie. On estime actuellement à moins de 10 000 le nombre de personnes résidant illégalement sur le territoire.
19.Mme HION (Estonie) rappelle que l’Estonie a des frontières communes avec la Lettonie et la Russie, pays avec lesquels elle échange régulièrement des données relatives à l’immigration et procède à une analyse constante de la situation dans ce domaine. Il faut regretter que les ressources humaines et financières soient insuffisantes pour que la structure mise en place entre ces pays soit réellement opérationnelle. En 2001, il y a eu 12 demandes d’asile, contre 3 en 2000, 17 personnes sont entrées clandestinement en Estonie, contre 27 en 2000 et enfin 3 femmes ont été victimes de trafic en 2001. Le 31 août 1999, le Gouvernement estonien a adopté une procédure simplifiée de traitement des demandes d’asile, conformément à la loi sur les réfugiés. Désormais les gardes frontière effectuent la procédure simplifiée au poste de contrôle frontalier. La procédure doit aboutir au plus tard sept jours après le dépôt de la demande, sauf dans certains cas exceptionnels où le délai est fixé à 30 jours. Une décision motivée est communiquée par écrit au demandeur, et si nécessaire, traduite dans sa langue. Un représentant du demandeur, un interprète ou un représentant du Haut‑Commissariat pour les réfugiés peuvent suivre la procédure. En attendant la décision, le demandeur est logé, nourri et a accès à des services médicaux. Le garde frontière est tenu de communiquer tous les documents au Conseil estonien de la citoyenneté et des migrations dans un délai de cinq jours. La procédure simplifiée repose sur les mêmes critères que la procédure générale. Si, au cours de la procédure, il s’avère que le dossier présente des difficultés particulières, notamment que la personne risque d’être torturée ou maltraitée dans son pays d’origine, les gardes frontière renvoient le dossier au Conseil estonien de la citoyenneté et des migrations qui le traite selon la procédure habituelle. L’article 21 de la loi sur les réfugiés stipule que la République d’Estonie n’expulsera ni ne renverra un demandeur ou un réfugié vers un État où sa vie ou sa liberté seraient menacées en raison de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de son appartenance à un groupe social donné ou de ses opinions politiques. Aucun étranger ne peut être expulsé vers un pays où il risque la torture, une peine ou un traitement inhumain ou dégradant ou la mort.
20.L’Estonie a accordé l’asile à quatre personnes et a délivré un permis de séjour à sept autres. Dix personnes, dont trois mineurs, ont présenté une demande d’asile et attendent la réponse des autorités. Tous les réfugiés vivent dans un centre d’accueil réservé aux demandeurs d’asile. Les étrangers frappés d’une mesure d’expulsion sont placés dans des établissements de détention.
21.Les demandeurs d’asile et les réfugiés sont informés de leurs droits dans une langue qu’ils comprennent, peuvent se faire représenter par un conseil et rencontrer des représentants du HCR et d’autres organisations pour les réfugiés. Dès que l’asile est accordé, l’intéressé quitte le centre d’accueil et bénéficie des mêmes avantages sociaux que les résidents permanents, notamment des prestations de chômage.
22.L’expulsion peut être contestée conformément à la procédure établie par le Code de procédure administrative. Le recours n’a pas d’effet suspensif. Les personnes frappées d’une mesure d’expulsion ne sont pas retenues dans les mêmes quartiers que les condamnés ni dans les mêmes centres que les demandeurs d’asile. Les familles sont regroupées dans le même centre et les mineurs bénéficient d’aménagements particuliers. Actuellement, aucune famille, aucun mineur ou mineur non accompagné n’est détenu dans le centre d’expulsion; en 2000, il y avait une famille d’origine albanaise. En 2001 et 2002, 17 personnes ont été expulsées.
23.Mme RAIG (Estonie) dit que les membres du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) ont accès à tout moment aux établissements pénitentiaires sur présentation d’un document officiel. La police ne restreint pas l’accès à d’autres organisations de défense des droits de l’homme, mais ces dernières sont tenues de notifier leur intention d’effectuer une visite. L’administration pénitentiaire autorise et encourage les visites d’ONG et la loi relative à l’emprisonnement souligne l’importance des contacts sociaux et de la réadaptation sociale des prisonniers. Les autorisations de visite sont délivrées soit par le directeur de l’établissement pénitentiaire soit par le Ministère de la justice. Les aumôneries et travailleurs sociaux, en coopération avec les Églises et les associations bénévoles, apportent une aide matérielle aux détenus et à leurs familles. Des activités et des spectacles sont également organisés à leur intention. Les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire sont soumis tous les trois ans à une procédure d’évaluation par des comités relevant de l’autorité du Ministère de la justice. Les dossiers concernant les surveillants de prisons sont conservés au Ministère de la justice qui est habilité à prendre des mesures disciplinaires. Le service militaire ne concerne que les hommes et peut être remplacé par un service civil (dans les hôpitaux, écoles, etc.). L’obligation militaire est jugée nécessaire en raison de la formation spéciale qui y est dispensée, notamment sur l’utilisation des armes à feu. En vertu de l’article 71 de la loi relative à l’emprisonnement, l’utilisation des armes à feu par les officiers de police est autorisée dans certaines circonstances précises. La prison centrale de Tallinn sera définitivement fermée à la fin 2002 et seul l’hôpital de la prison continuera à fonctionner en attendant la construction en 2003 d’un nouvel hôpital pénitentiaire à Viljandi. Le Gouvernement a prévu de construire une nouvelle prison régionale à Jõhvi (pour 1 000 détenus) et à Viljandi (pour 400 détenus). Sous réserve de financement, la construction de cette prison débutera en 2003 et les anciens locaux de l’établissement pénitentiaire pourront alors être fermés ou réaménagés en prisons ouvertes. Pendant les interrogatoires et le procès, les jeunes bénéficient de l’assistance d’enseignants ou de psychologues, ce qui peut être aussi le cas, dans certaines circonstances, pour les adultes. Toute personne partie à un procès a le droit d’être assistée d’un avocat, si nécessaire au titre de l’aide judiciaire.
24.Pour ce qui est de la question des perquisitions en vertu du Code pénal, une perquisition peut être diligentée par le responsable chargé de l’enquête préliminaire avec l’approbation du procureur. La décision du procureur peut toutefois faire l’objet d’un recours auprès d’un tribunal administratif. Récemment, la jurisprudence a changé de façon notable puisque toute personne qui allègue que ses droits fondamentaux ont été violés peut porter plainte, y compris lorsque ces violations ont eu lieu pendant les perquisitions.
25.Le nombre de lettres reçues par le Ministère de la justice est passé de 20 à environ 10 lettres par jour en 2002. Bon nombre d’entre elles concernent des décisions de justice, mais ne relèvent pas de la compétence du Ministère de la justice. Cette année, il n’y a eu aucune lettre dénonçant des violences physiques par des surveillants de prison. Certaines lettres sont des demandes d’information sur la procédure pénale, les conditions de détention ou les droits des prisonniers. Depuis quelques années, les lettres concernent également la libération conditionnelle. Certaines émanent du Bureau du Chancelier de justice. Si elles sont suffisamment étayées, le Ministre de la justice peut engager une procédure disciplinaire. Le directeur de la prison de Tallin a ainsi été condamné à une amende pour inobservation du règlement. S’agissant de la question du médiateur, Mme Raig dit que le Chancelier de justice est un magistrat indépendant chargé de vérifier que les textes adoptés par le pouvoir législatif ainsi que par le pouvoir exécutif et les administrations locales sont conformes à la Constitution et aux lois (art. 139 de la Constitution). Il analyse les propositions qui lui sont faites au sujet de l’amendement de certaines lois, l’adoption de nouvelles lois et les activités des services de l’État et, si nécessaire, fait rapport au Riigikogu. Le Chancelier de justice exerce aussi les fonctions de médiateur. Chacun a le droit de s’adresser à lui pour lui demander de contrôler des activités des services de l’État, notamment en ce qui concerne la garantie des droits constitutionnels et des libertés. Il n’y a pas de censure et les plaintes envoyées au Chancelier de justice par un prisonnier, un conscrit ou par une personne internée dans un hôpital psychiatrique ou se trouvant dans un établissement de soins spécialisés lui sont adressées directement. Toutefois, en 1999, le Chancelier de justice a commencé à recevoir des lettres de détenus qui avaient été lues et auxquelles une lettre de l’administration pénitentiaire était jointe. Il a donc adressé au Ministère de la justice un mémoire pour demander des explications et des sanctions, ce qui a été fait. Cette violation ne s’est plus reproduite. Le Chancelier de justice engage une procédure visant à contrôler les activités d’un organe de l’État, sur plainte d’un particulier ou de sa propre initiative. Il prend également les mesures nécessaires pour parvenir rapidement à un règlement juste. Il accorde une attention particulière aux accusations à l’encontre de la police, du procureur général, des prisons, des autorités douanières, des gardes frontière ou du Conseil de la citoyenneté et des migrations ou d’autres organes de l’État. Il s’intéresse tout particulièrement aux personnes qui ne peuvent défendre elles-mêmes leurs droits ou dont la liberté est limitée (enfants, personnes en établissements de soins et hôpitaux psychiatriques, prisonniers, conscrits). Le Chancelier de justice peut exiger des informations des organes de l’État et des autorités locales, même s’il s’agit de secrets d’État, conformément à la procédure prévue par la loi. Il peut aussi demander des explications écrites à un organe de l’État. Il peut entendre des témoins. Il dispose d’un accès illimité et immédiat aux documents en possession des organes de l’État énoncés dans la loi. S’il estime qu’un fonctionnaire a violé la Constitution ou la loi, il le fait savoir par écrit à un organe d’enquête ou à un autre organe compétent en joignant si nécessaire toutes les informations et les documents dont il dispose.
26.Le Chancelier de justice envoie ses avis et propositions à un organe supérieur, au Gouvernement ou au Riigikogu et informe aussi l’opinion publique. Il peut soumettre une demande d’action disciplinaire à l’encontre du fonctionnaire qui ne lui apporte pas la coopération nécessaire. S’il estime qu’un fonctionnaire a violé la Constitution ou la loi, il le notifie aux autorités chargées de l’enquête ou à d’autres autorités compétentes. Il fait rapport au Riigikogu une fois par an. Les plaintes relatives aux droits des détenus ont représenté 18 % des lettres reçues par le Chancelier de justice en 1999, et 27 % en 2000.
27.M. LUMI (Estonie) dit qu’il traitera de la question des actes de violence perpétrés par la police. Des ONG ont dénoncé le cas d’une personne soupçonnée à tort d’avoir tué un jeune officier de police, et qui avait subi des mauvais traitements graves. Les deux inspecteurs responsables ont été condamnés à une peine d’emprisonnement avec sursis et ont été définitivement radiés. En 1998 et en 1999 des agents de la préfecture de Pärnui avaient recruté parmi les condamnés un «indicateur» pour extorquer des aveux à des prévenus. Cette affaire, dont 34 détenus ont été victimes, est toujours en cours devant les tribunaux. La violence dans les forces armées est très rare (un à deux cas par an). Les infractions commises dans les forces armées sont essentiellement des désertions. Les auteurs d’actes de violence sont punis des arrêts ou d’une amende, voire d’un emprisonnement lorsque cet acte est cumulé à d’autres infractions. Le Code pénal réprime également les menaces ou les violences exercées à l’encontre d’un militaire en service actif.
28.La loi sur la responsabilité de l’État vise à protéger et rétablir les droits qui ont été violés par des agents de l’État dans l’exercice de leurs fonctions, et établit la procédure pour obtenir l’indemnisation du préjudice causé, que l’atteinte porte sur des biens ou sur l’intégrité physique ou sur un droit intangible comme la dignité, la réputation, la liberté, l’honneur, la vie privée ou le caractère confidentiel d’informations. La demande d’indemnisation est déposée auprès de l’organe administratif responsable du préjudice ou auprès d’un tribunal administratif.
29.Après la visite du CPT, en 1999, le centre social de Valkla a été considérablement amélioré et de 2000 à 2002, 8 millions de couronnes estoniennes (500 000 dollars des États-Unis) ont été investis pour rénover le bâtiment et améliorer les conditions de vie. Les parties vétustes désignées par le CPT ont été fermées et un autre bâtiment a été complètement rénové de façon à répondre aux normes internationales. Un troisième bâtiment est en construction et un crédit supplémentaire de 7 millions de couronnes sera dégagé. Les travaux seront achevés en 2005 et le centre pourra accueillir 262 personnes. Des mesures importantes ont été prises pour offrir aux patients des conditions comparables à celles d’un foyer. Les patients ont également la possibilité de pratiquer diverses activités, en fonction de leurs aptitudes. Les relations entre les patients et les habitants du village de Valkla se sont nettement améliorées et le village a été proclamé plus beau village du comté de Harju. Toutes les allégations de violence à l’égard des patients ont été examinées par le gouverneur du comté qui a conclu qu’elles étaient dénuées de fondement. Aucun cas de violence sexuelle n’a été signalée au cours des dernières années.
30.En ce qui concerne la protection des témoins, tous les ans, il y a entre 15 et 20 affaires pénales où l’anonymat des témoins est conservé. S’agissant de l’équilibre entre les droits de l’accusé et du témoin anonyme, les tribunaux estoniens ont pris acte de l’avis de la Cour européenne des droits de l’homme qui a établi qu’une condamnation ne peut pas être prononcée sur la foi de la déclaration d’un témoin anonyme et qu’il faut d’autres preuves. Dans un arrêt du 18 octobre 2002, la Cour suprême estonienne a statué que la comparution d’un témoin anonyme devait être motivée dans chaque cas en fonction des circonstances.
31.Une ONG a dénoncé divers cas d’abus de pouvoir de la part de l’administration. Il y a eu effectivement un cas et le fonctionnaire en cause a été démis de ses fonctions. Les allégations de l’ONG concernant des actes véritablement sauvages n’ont pas été confirmées. En revanche, les agents de transport, qui étaient mis en cause, se plaignent de travailler dans l’insécurité.
32.Le Ministère de l’intérieur a organisé différents séminaires sur le thème des droits de l’homme à l’intention des fonctionnaires de police, magistrats et juges, notamment sur les situations de conflit dues aux préjugés raciaux ou ethniques. Un stage de formation a également été organisé en avril 2002 avec l’appui du Royaume‑Uni sur la déontologie de la police et les droits de l’homme et a porté à la fois sur la Convention européenne des droits de l’homme et sur le Code de conduite des Nations Unies pour les responsables de l’application de la loi. En 1995, un bureau d’information du Conseil de l’Europe a été ouvert à Tallinn, à la Bibliothèque nationale, afin de présenter les activités et objectifs du Conseil de l’Europe et de mettre ses documents et publications à la disposition des Estoniens. Tous les établissements d’enseignement supérieur comprennent des programmes de droit international et sur la protection des droits de l’homme. Des projets de coopération entre la police et les travailleurs sociaux ont été mis en place en vue de prévenir la violence et d’aider les victimes. Une quinzaine de séminaires se sont déroulés et ont porté tout particulièrement sur la violence à l’encontre des femmes. L’Estonie participe à l’enquête internationale sur la violence à l’égard des femmes, menée par l’Institut pour la prévention du crime et la lutte contre la délinquance. L’École estonienne de la fonction publique et tous les établissements de formation professionnelle ont également des programmes d’enseignement des droits de l’homme.
33.Mme KALJURAND (Estonie) présente des statistiques sur les personnes condamnées en 2000, 2001 et 2002, ventilées par tranche d’âge, par origine nationale et par nationalité.
34.Le PRÉSIDENT (Rapporteur pour l’Estonie) relève le nombre disproportionné de 1 710 détenus de nationalité russe (contre 1 324 Estoniens) au vu du faible pourcentage de Russes (30 %) en Estonie.
35.Mme GAER (Corapporteuse pour l’Estonie) demande des précisions sur la situation des personnes détenues en attente d’expulsion et des apatrides. Elle voudrait aussi connaître le pourcentage d’étrangers qui détiennent un passeport de résident étranger et savoir s’ils sont pris en compte dans les statistiques. Enfin, elle demande si les documents du Comité contre la torture sont traduits en russe et en estonien.
36.Mme KALJURAND (Estonie) dit que sur un total de 4 775 détenus, 3 270 sont condamnés et 1 505 sont en détention provisoire. Seuls les résidents étrangers en Estonie qui ont obtenu une réponse favorable à leur demande de permis de séjour et qui souhaitent aller à l’étranger peuvent obtenir un passeport de résident étranger. Les autres détiennent une carte d’identité où figurent toutes leurs données personnelles ainsi que le type de permis de séjour délivré.
37.Mme RUEDA-CASTAÑON (Secrétaire du Comité) indique, au sujet de la traduction des documents du Comité contre la torture, que les réponses données en anglais par la délégation estonienne dans le cadre de l’examen du rapport initial de l’Estonie ne seront pas traduites en russe, mais qu’elles seront reflétées dans le compte rendu analytique de la séance consacrée à l’Estonie qui, lui, devrait être traduit vers le russe.
38.Le PRÉSIDENT remercie la délégation estonienne de la qualité de son rapport initial ainsi que de l’exhaustivité et la clarté des réponses fournies oralement et l’invite à revenir à une séance ultérieure pour entendre les conclusions et recommandations du Comité.
39. La délégation estonienne se retire.
La séance est suspendue à 17 h 10; elle est reprise à 17 h 30.
QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES
Élaboration d’observations générales au sujet de la Convention
40.Le PRÉSIDENT indique que M. Mariño Menéndez souhaite aborder la question de la l’élaboration éventuelle d’observations générales sur les dispositions de la Convention.
41.M. MARIÑO MENÉNDEZ estime que le moment est venu pour le Comité d’envisager de rédiger des observations générales sur divers aspects de la Convention. Il faudrait commencer par réfléchir aux diverses options qui se présentent pour entreprendre un tel travail − la première étant, selon lui, d’examiner tels ou tels articles particulièrement importants pour l’ensemble de la Convention. Le paragraphe 1 de l’article premier paraît particulièrement indiqué, car les États parties sont susceptibles d’avoir des opinions très divergentes sur la façon d’interpréter la définition de la torture qu’ils sont appelés à incorporer à leur droit interne, en particulier en ce qui concerne la finalité de l’acte commis et ce que recouvre la notion d’agent de la fonction publique. D’autres articles mériteraient aussi d’être interprétés; le paragraphe 1 de l’article 2, par exemple, appellerait des précisions quant à la nature exacte de l’obligation des États parties de prendre des mesures pour empêcher la torture. Ou encore, il y aurait lieu de préciser la signification, à l’article 13, de la notion d’examen impartial et immédiat de la cause du plaignant et, à l’article 14, celle de la notion de réparation équitable et adéquate. Une autre possibilité serait de faire une observation générale sur des aspects évoqués dans diverses dispositions de la Convention et qui se révèlent le plus fréquemment controversés. Par exemple, à propos du paragraphe 1 de l’article premier, il serait utile de réfléchir à la nature des actes visés et à la place qu’il convient de donner à ceux qui suscitent le plus de débats, tels que les châtiments corporels, la destruction de logements, les violences sexuelles, la non‑assistance médicale, ou les actes commis lors de conflits armés. Une troisième possibilité serait que le Comité s’intéresse à une question d’ordre général appelant une interprétation systématique dans l’ensemble de la Convention, par exemple les droits conférés par la Convention aux particuliers, et que ceux‑ci peuvent invoquer devant les tribunaux.
42.Pour ce qui est des méthodes de travail, le mieux serait peut‑être que le Comité désigne un rapporteur qui serait chargé de préparer un projet, lequel serait ensuite communiqué aux membres du Comité puis ferait l’objet d’un débat. Cette première étape pourrait être suivie de consultations avec d’autres organes des Nations Unies créés en vertu de traités relatifs aux droits de l’homme, puis avec d’autres organismes, œuvrant dans le cadre régional par exemple et, enfin, avec les États parties. Le secrétariat pourrait servir de centre de coordination et de recherche sur les pratiques des différents organes pertinents; il pourrait diffuser les informations et apporter un soutien administratif. Tout au long de ce processus, il conviendrait de demeurer dans le cadre de la Convention, en interprétant ses dispositions afin d’éclairer les États parties d’une part et les victimes de la torture d’autre part, à la lumière du droit international applicable.
43.M. YAKOVLEV convient que l’on pourrait faciliter la tâche du Comité en faisant un travail d’interprétation de la Convention, mais il faudrait tout d’abord s’efforcer de repérer dans quels domaines il existe vraiment des lacunes à combler, pour éviter de consacrer trop de temps à des aspects non controversés. Par exemple, il faudrait déterminer les éléments de l’article premier qui présentent des difficultés et suscitent le plus de débats. Un travail préparatoire de mise en perspective et de sélection permettrait de dégager les points faibles, les contradictions et les malentendus – en tirant éventuellement des enseignements de l’expérience d’autres organes.
44.M. EL MASRY partage l’avis de M. Yakovlev: il n’y a pas lieu d’envisager la rédaction d’une gamme complète d’observations générales sur l’ensemble de la Convention. Il faudrait procéder au cas par cas, en recherchant les difficultés qui ont été rencontrées puis en s’attachant simplement à un ou deux aspects qui appellent une mise au point. La question de l’adoption par les États de la définition figurant à l’article premier, par exemple, a fait l’objet de controverses et suscité un intéressant débat, à une session précédente, entre M. Henriques Gaspar et la délégation brésilienne au sujet de la ligne de conduite à adopter lorsque la définition de la torture donnée par l’État est selon lui plus complète que celle de la Convention. Dans le même ordre d’idées, M. El Masry a lui‑même tenté de faire valoir auprès des autorités égyptiennes que, puisque la Convention faisait partie intégrante du droit national, il n’y avait aucune raison de ne pas incorporer cette définition dans la législation. Cette démarche ciblée serait sans doute plus utile que toute une série d’observations générales.
45.Mme GAER, soulignant que la discussion suscitée par M. Mariño Menéndez est extrêmement éclairante, souhaite revenir sur l’importante intervention de M. Yakovlev. La question est de savoir si le Comité décidera de rédiger des observations générales par principe, pour la simple raison que d’autres organes l’ont fait, ou parce qu’il a rencontré des obstacles dans son dialogue avec les États parties du fait qu’ils interprétaient la Convention de façon différente. Il faut adopter une démarche pragmatique et s’attacher dans un premier temps aux seuls aspects du travail du Comité qui doivent être améliorés. À cet égard, elle appuie sans réserve le point de vue de M. Yakovlev et de M. El Masry, selon lequel il convient de rechercher tout d’abord les points qui sont source de difficultés; on pourrait demander au secrétariat de procéder à une analyse des comptes rendus des séances du Comité, de ses rapports à l’Assemblée générale et de ses conclusions et recommandations relatives aux rapports des États parties, afin de dégager les aspects de ses travaux qui ont suscité des problèmes. Enfin, un problème de méthodologie se pose car, eu égard à la politique des États parties en matière de rémunération des experts, la plupart des membres du Comité n’ont pas les moyens de se consacrer longuement à cette activité. Or si l’on décide de consulter les autres organes conventionnels et même d’autres organes sur toutes sortes de questions, ce travail pourrait prendre des années. Mieux vaudrait par conséquent se limiter dans un premier temps à recueillir l’avis des seuls membres du Comité.
46.Le PRÉSIDENT dit qu’il ressort de cet utile échange de vues que la proposition de M. Mariño Menéndez suscite l’intérêt, mais qu’il convient de se montrer prudents et de ne pas se lancer dans une tentative d’interprétation exhaustive de la Convention. En effet, le Comité risquerait ensuite de se trouver lié par des clauses trop restrictives parce qu’il n’aurait pas anticipé certaines situations. En revanche, une analyse bien menée lui permettrait de rationaliser et de systématiser sa pratique en lui faisant discerner les règles auxquelles il a coutume de se référer dans l’accomplissement de sa mission sans en avoir véritablement conscience. Cela présenterait beaucoup d’avantages pour lui‑même, mais aussi pour les États parties, les ONG et les victimes de la torture. On pourrait procéder comme l’a suggéré Mme Gaer, en priant le secrétariat d’examiner la documentation du Comité en vue de repérer les questions et les articles de la Convention qui ont retenu le plus l’attention, de discerner et d’analyser les grandes tendances de son travail et les types de problèmes revenant le plus souvent.
47.De l’avis du Président, ce serait une grave erreur que de vouloir formuler une observation générale au sujet de l’article premier, car pour en arriver à un texte bénéficiant de l’accord de tous les membres du Comité, on opterait nécessairement pour une interprétation restrictive du champ d’application de cet article. Dès lors, il deviendrait difficile de se montrer créatif à propos d’un article qui est celui qui suscite le plus de problèmes d’ordre politique, tant au sein du Comité qu’avec les États parties; que l’on se rappelle par exemple les difficultés rencontrées à son sujet avec l’Arabie saoudite, qui l’interprétait d’une manière très éloignée de celle des membres du Comité. Il existe en revanche d’autres articles présentant un caractère fonctionnel et opérationnel, sur lesquels le Comité pourrait utilement se pencher; l’article 2 par exemple, qui dispose qu’aucune circonstance exceptionnelle, ni l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité, ne sauraient être invoqués pour justifier la torture, pourrait faire l’objet d’une observation générale sur laquelle les membres du Comité tomberaient d’accord sans difficulté, puisque la Convention ne souffre aucune exception à cette règle. Une fois que le travail du secrétariat aura permis de discerner quels articles il y aurait lieu d’interpréter en priorité, le Comité pourra les examiner afin de voir comment s’atteler à cette tâche. Mme Gaer a fait observer à juste titre qu’il ne sera pas nécessaire de consulter d’autres instances. Le Comité est un organe indépendant qui a sa propre doctrine. Certes, lorsqu’il réfléchira à des notions également importantes pour d’autres organes, il devra tenir compte de leur point de vue afin de ne pas en arriver à des conclusions incompatibles avec les leurs. Mais si le Comité des droits de l’homme, par exemple, se détermine au sujet d’une question, sa position ne s’appliquera pas nécessairement au Comité contre la torture, qui se réfère à un instrument différent.
48.Pour M. MARIÑO MENÉNDEZ, une des missions du Comité est de s’employer à éclaircir certaines dispositions de la Convention dont les modalités d’application ne sont pas évidentes. C’est notamment le cas de l’article premier, quelles que soient les raisons politiques qui s’opposent à une telle démarche. Il est bien établi que les châtiments corporels sont contraires à la Convention, qu’on les considère comme des actes de torture ou comme des formes de traitement cruel. Le Comité, en tant qu’organe des Nations Unies, n’a pas à se laisser guider par des considérations d’ordre politique lorsqu’il traite de problèmes aussi importants, et s’il n’est pas tenu de se déterminer en fonction de la position d’autres organes conventionnels à l’égard de la torture, il ne peut pas ignorer leurs travaux. On se rappellera qu’à une réunion des présidents des organes créés en vertu de traités relatifs aux droits de l’homme, la question des observations générales a été abordée. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas lieu d’engager une polémique à propos de l’article premier, et le Comité peut fort bien s’intéresser à l’article 2 par exemple. Pour ce faire, la méthode suggérée par Mme Gaer est intéressante, à ceci près que si l’on charge le seul secrétariat de la lourde tâche de rechercher dans l’ensemble de la documentation du Comité les cas où des divergences ou contradictions sont apparues, cela retardera considérablement les travaux. Il vaudrait mieux, tout en sollicitant son aide, aller de l’avant et examiner la question de savoir, par exemple, ce que recouvre la notion d’indemnisation équitable ou celle d’examen impartial d’une plainte, et s’il y a lieu de l’approfondir.
49.M. MAVROMMATIS estime que le Comité, qui n’a encore aucune expérience en la matière, devrait s’atteler à l’examen d’un article dont l’interprétation ne s’annonce pas trop délicate, plutôt qu’à l’un de ceux qui pourraient susciter toutes sortes de difficultés. L’article 2 paraît convenir, d’autant plus qu’il ne devrait pas donner trop de travail au secrétariat, déjà très sollicité par ailleurs.
50.M. EL MASRY est d’avis que procéder article par article ne s’impose pas. Le Comité pourrait se pencher sur une série de questions de doctrine se rapportant à l’ensemble de la Convention. Ainsi, on se rappellera que le Conseiller juridique avait été consulté sur la question de savoir si cet instrument était applicable dans les territoires occupés par Israël: le Comité peut s’interroger sur la question de savoir comment la Convention s’applique à ces territoires ou encore, par exemple, sur la façon dont il faut interpréter la notion d’agent de la fonction publique dans des régions où des exactions sont commises et qui sont contrôlées par des «seigneurs de la guerre».
51.Le PRÉSIDENT invite le Comité à réfléchir à ces questions, sur lesquelles il reviendra à une séance ultérieure.
La séance est levée à 18 h 5.
-----