Nations Unies

CAT/C/SR.1064

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

7 septembre 2012

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante-huitième session

Co mpte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 1064 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 10 mai 2012, à 10 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Troisième rapport périodique de l ’ Arménie

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Troisième rapport périodique de l’Arménie (CAT/C/ARM/3; CAT/C/ARM/Q/3 et Add.1)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation arménienne prend place à la table du Comité.

2.M. Kirakosyan (Arménie) dit que le troisième rapport périodique a été élaboré par un groupe de travail interinstitutions créé sur décision du Premier Ministre et composé de représentants des institutions et ministères concernés. Au cours des dernières années écoulées, la législation arménienne a été régulièrement mise en conformité avec la Convention. En particulier, des propositions de modification du Code pénal, notamment une nouvelle définition de la torture conforme à celle énoncée à l’article premier de la Convention, sont actuellement examinées par le Parlement. En outre, des activités sont en cours afin de préciser le sens juridique de l’expression «préjudice grave».

3.L’Arménie continue de renforcer les garanties protégeant les droits des personnes privées de liberté. En particulier, elle a élaboré des projets de modification du Code de procédure pénale tendant à instaurer de nouvelles règles en vertu desquelles un procès-verbal devrait être établi dès le début de la garde à vue. Les réformes en cours au sein de la police prévoient la création d’un réseau national de rapports de police informatisés qui comprendrait un registre électronique de tous les suspects arrêtés par la police. Il est envisagé de publier des manuels en arménien, en russe et en anglais sur les droits des personnes retenues dans les postes de police. En outre, des lignes directrices ont été établies sur les droits et obligations des forces de l’ordre lors de l’arrestation des suspects.

4.Au cours des dernières années écoulées, la Cour de cassation a été saisie de plusieurs affaires dont l’issue a contribué à renforcer les droits des personnes privées de liberté. Sa jurisprudence dans ce domaine revêt une grande importance car elle comble des lacunes du droit interne. La coopération entre le Ministère de la justice et le barreau est excellente et des modifications ont été apportées à la législation afin de renforcer l’indépendance des avocats. En outre, un plan stratégique de réforme du système judiciaire a été adopté afin d’appuyer les activités du Bureau du Défenseur des droits de l’homme, institution indépendante qui met gratuitement les services d’un avocat à la disposition des personnes démunies. Le Défenseur des droits de l’homme, qui est défini par la loi comme un mécanisme national de prévention indépendant, a déployé des efforts considérables pour renforcer les garanties procédurales.

5.Le Service des enquêtes relevant du Ministère de la défense a été créé afin de combattre les infractions commises dans l’armée. Cet organe collabore étroitement avec le Bureau du Procureur militaire, la police militaire du Ministère de la défense et d’autres organes. Un projet de loi sur le service de remplacement dont les dispositions témoignent d’une attitude plus clémente à l’égard des objecteurs de conscience tels que les Témoins de Jéhovah est en cours d’examen.

6.L’Arménie a accompli des progrès considérables dans la lutte contre la discrimination à l’égard des femmes et la violence contre les femmes et les enfants. Elle a élaboré un projet de loi sur la violence dans la famille qui est en cours d’examen par diverses institutions et qui devrait être adopté dans un avenir proche.

7.Les actions conjointes menées par divers organes chargés de l’application des lois, dont la police et le Bureau du Procureur général, ont contribué à réduire le taux de délinquance juvénile au cours des dernières années écoulées. En outre, avec la participation de la société civile, le Gouvernement a mis en œuvre des politiques de prévention de la traite prévoyant d’offrir des possibilités d’hébergement, des soins médicaux, un accompagnement psychologique, une éducation et une formation aux victimes de la traite. L’Arménie a signé plusieurs instruments internationaux et régionaux relatifs à la traite des personnes, au travail forcé et au travail des enfants. Elle a également conclu plusieurs accords multilatéraux et bilatéraux d’entraide judiciaire et d’extradition dans le cadre du Conseil de l’Europe.

8.Bien que des progrès notables aient été réalisés en matière de prévention de la torture dans les prisons et d’autres lieux de détention, l’état déplorable de l’infrastructure du système pénitentiaire continue de représenter un problème majeur, raison pour laquelle un programme visant à construire de nouveaux centres de détention et à rénover les établissements existants a été lancé. Une prison est en cours de construction à Armavir et la fin des travaux est prévue en 2013, ce qui devrait contribuer à atténuer le problème du surpeuplement carcéral.

9.Dans le cadre de réunions internationales de haut niveau, dont le Conseil des droits de l’homme, l’Arménie a exprimé des préoccupations sur la campagne systématique de propagande anti-arménienne et d’incitation à la haine menée à grande échelle par les autorités azerbaïdjanaises, avec leur soutien financier. Le Gouvernement arménien déplore que le site Web du Comité ait été utilisé pour diffuser cette propagande et ces discours de haine. Des organisations de défense des droits de l’homme ont fait part de leur inquiétude concernant la chasse aux sorcières évidente lancée par le Gouvernement azerbaïdjanais contre les personnes d’origine arménienne. Il rappelle que l’objectif du dialogue en cours est de débattre de l’application de la Convention et non de questions liées aux relations entre États.

10.M me Gaer (Rapporteuse pour l’Arménie) accueille avec satisfaction les renseignements fournis par la délégation sur les projets de loi en cours d’examen, dont le projet de modification du Code de procédure pénale, mais elle aurait naturellement préféré que ces projets soient déjà adoptés. Elle se dit frappée par plusieurs contradictions patentes, dont celle existant entre les efforts déployés pour mener des réformes législatives de grande ampleur et le climat d’impunité régnant au sein de la hiérarchie inférieure de la police et du pouvoir judiciaire. Elle relève également une contradiction entre les élections présidentielles tenues en février 2008 et les arrestations, les violences et les pertes en vies humaines qui les ont suivies. Quelque quatre ans après ces événements, l’enquête ouverte sur ces décès est encore en cours. La Rapporteuse note que le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a exprimé des préoccupations dans ses travaux de recherche sur l’application de la Convention par les tribunaux arméniens. Bien qu’un programme national visant à combattre la violence contre les femmes ait été élaboré, l’État partie ne s’est pas encore doté d’une loi sur la violence dans la famille. D’après des informations portées à la connaissance du Comité par d’autres organes des Nations Unies ainsi que par divers experts, la corruption serait répandue dans l’État partie, la population ne ferait guère confiance à la police et à la justice, les actes de violence resteraient impunis et la police aurait des réticences à enquêter sur les plaintes. Les enquêtes, lorsqu’il y en a, seraient souvent infructueuses et ne déboucheraient pas sur l’ouverture de poursuites.

11.Se référant à l’arrêt en date du 18 décembre 2009 rendu par la Cour de cassation dans l’affaire Gagik Mikaelyan, dans lequel cette juridiction a défini les modalités du placement en garde à vue, la Rapporteuse souligne que toute personne amenée au poste de police devrait bénéficier immédiatement des garanties juridiques pertinentes, dont le droit de s’entretenir avec un conseil, même si le procès-verbal d’arrestation correspondant n’a pas encore été établi. D’après des informations émanant d’organisations non gouvernementales (ONG), la police ne tiendrait pas compte de l’arrêt susmentionné au motif qu’il s’agit d’une instruction et que celle-ci n’est pas codifiée dans la législation interne. Mme Gaer demande ce que fait le Gouvernement arménien pour s’assurer que les fonctionnaires appliquent cet arrêt et s’il prévoit de modifier les lois pertinentes de façon qu’elles stipulent clairement que toutes les personnes arrêtées ont le droit de s’entretenir avec un avocat, compte tenu en particulier de l’affaire N. Poghosyan citée dans les réponses écrites. D’autres renseignements émanant notamment du Civil Society Institute (CSI), de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et du Défenseur des droits de l’homme lui-même montrent que la police ne respecte souvent pas le délai de trois heures fixé par la loi en ce qui concerne l’enregistrement des personnes arrêtées, même lorsque celles-ci sont officiellement considérées comme des suspects. La police néglige souvent de consigner l’heure d’arrivée des personnes amenées au poste pour y être soumises à un interrogatoire. Le Défenseur des droits de l’homme et le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) ont recommandé à l’État partie d’effectuer un enregistrement vidéo des individus amenés au poste de police, ce qui permettait d’avoir une trace de l’heure d’arrivée des intéressés et contribuerait à normaliser le processus.

12.La Rapporteuse prend acte avec satisfaction de l’instruction mentionnée au paragraphe 54 des réponses écrites à la liste de points à traiter, qui fixe la durée maximale du maintien des suspects dans les centres de détention temporaire. Toutefois, l’application de cette instruction demeure un motif de préoccupation. La délégation est invitée à citer des affaires dans lesquelles des membres des forces de l’ordre ont été condamnés ou sanctionnés pour n’avoir pas dûment consigné les renseignements relatifs aux suspects placés en détention provisoire, en violation de la décision gouvernementale no 574-N. Mme Gaer souhaiterait savoir si des membres des forces de l’ordre ont été punis pour n’avoir pas transféré des suspects retenus en garde à vue dans les locaux de la police vers un établissement pénitentiaire dans le délai de trois jours imposé par la loi.

13.En outre, d’après des informations, l’accès des suspects aux services d’un avocat laisserait à désirer. Le nombre moyen d’affaires traitées par les défenseurs publics a plus que doublé depuis 2007 et, d’après des informations, il arriverait que 30 affaires différentes soient traitées simultanément. La Rapporteuse souhaiterait donc savoir si l’État partie envisage d’allouer davantage de ressources au Bureau du Défenseur des droits de l’homme et si un calendrier a été établi pour améliorer la situation. En outre, dans la pratique, la police refuserait aux suspects le droit de contacter un membre de leur famille dans les trois heures suivant leur arrestation. Les dispositions du Code de procédure pénale et celles de la loi sur la police sont contradictoires car ce délai est de douze heures dans le premier et de trois heures dans la seconde. Selon des informations, ce serait la raison pour laquelle la police n’applique pas la législation. La Rapporteuse demande quelles mesures l’État partie a prises pour modifier le Code de procédure pénale de façon que les proches d’un suspect puissent être informés de son arrestation dans les trois heures ou immédiatement, au moment même où il est privé de liberté.

14.D’après des renseignements portés à la connaissance du Comité, peu de médecins indépendants sont mis à la disposition des détenus. Ceux-ci sont examinés par un médecin uniquement sur demande et les consultations sont payantes. La délégation est invitée à fournir des statistiques sur le nombre de cas dans lesquels des personnes arrêtées ont demandé qu’un médecin les examine et sur le nombre de requêtes de ce type qui ont été acceptées.

15.Le Comité s’intéresse à la question de savoir si l’État partie s’est doté d’un organe d’enquête indépendant. Le Service des enquêtes est chargé de mener des enquêtes préliminaires sur les infractions imputées à des agents de l’État. Toutefois, la Rapporteuse ne voit pas bien si ces enquêtes sont efficaces. Elle souhaiterait donc s’attarder sur l’affaire Levon Ghulyan. L’enquête préliminaire que le Service des enquêtes a ouverte sur cette affaire, dans laquelle la victime aurait été poussée au suicide, est encore en cours. Mme Gaer ne comprend pas pourquoi il a fallu demander trois fois aux autorités compétentes d’ouvrir une enquête et pourquoi l’enquête traîne pareillement en longueur. L’enquête relative à l’affaire Vahan Khalafyan, dans laquelle la victime est décédée des suites de lésions causées par des coups de couteau à l’estomac, suscite des interrogations. Il est fort peu probable qu’une personne puisse se poignarder deux fois à l’estomac et décéder des suites de ses blessures. La Rapporteuse ne comprend pas non plus pourquoi les proches de la victime ont dû attendre qu’un tribunal ordonne l’ouverture d’une enquête et pourquoi une enquête n’est pas ouverte d’office en cas de décès en détention.

16.La Rapporteuse souhaiterait recevoir de plus amples informations sur la définition de la torture figurant dans le projet de loi en cours d’élaboration et sur le libellé exact des modifications pertinentes de la législation, s’il est disponible. Elle demande des éclaircissements sur l’affirmation figurant au paragraphe 1 des réponses à la liste de points à traiter concernant les modifications apportées au Code pénal. D’après des ONG, ce dernier n’aurait pas été modifié. Par exemple, l’article 119, qui porte sur la torture, ne serait pas appliqué par les agents de l’État. À ce propos, la délégation est invitée à se reporter au paragraphe 11 de l’Observation générale no 2 du Comité (CAT/C/GC/2). Les auteurs présumés ne seraient généralement pas poursuivis pour torture, mais pour abus de pouvoir ou pour violation d’autres dispositions du Code pénal. Mme Gaer relève avec préoccupation que plusieurs fonctionnaires poursuivis pour abus de pouvoir en vertu des dispositions pertinentes du Code pénal ont bénéficié d’une amnistie.

17.Le Défenseur des droits de l’homme a indiqué que les crédits budgétaires affectés à ses activités étaient restreints. Il était constamment dans l’impossibilité de mener les activités de surveillance nécessaires en raison de l’insuffisance des ressources allouées par l’État. La Rapporteuse demande si les autorités arméniennes ont l’intention d’étoffer le budget du Défenseur des droits de l’homme afin qu’il puisse s’acquitter efficacement de son mandat, notamment pour ce qui est de l’examen des plaintes et des activités liées à son rôle de mécanisme national de prévention.

18.Le rapport du Réseau des défenseurs des droits de l’homme du Caucase du Sud, qui est disponible sur le site Web du Comité, contient des statistiques annuelles sur les décès de soldats, y compris les décès par suicide. La Rapporteuse n’a pas trouvé de statistiques officielles à ce sujet et serait reconnaissante à la délégation de lui en fournir s’il en existe. Elle s’enquiert en outre des mesures prises pour garantir l’indépendance du Service des enquêtes vis-à-vis de la hiérarchie militaire et demande si le Bureau du Procureur militaire est indépendant. Elle aimerait savoir combien d’affaires de torture, de mauvais traitements ou de bizutage dans l’armée ont été traitées par le Service des enquêtes depuis sa création en 2007 et quelle suite leur a été donnée. En particulier, elle souhaiterait recevoir des informations à jour sur l’affaire Vardan Sevian citée au paragraphe 11 a) de la liste de points à traiter. La famille de la victime a indiqué qu’il était droitier; or, la blessure provoquée par la balle qui l’a tué se trouve à un emplacement qui ne pouvait être atteint qu’en tirant de la main gauche. Des commentaires de la délégation seraient bienvenus sur cette affaire. En outre, la Rapporteuse souhaiterait recevoir des précisions sur l’affaire Gevorg Kotsinyan ainsi que sur les autorités chargées de l’enquête et des poursuites, étant donné que le décès de la victime est survenu au Haut-Karabakh. La réponse fournie par l’État partie donne à penser que des informations ont été communiquées par les autorités de cette région. Elle souhaiterait recevoir des éclaircissements sur la chaîne hiérarchique, le degré d’indépendance et les compétences des autorités concernées étant donné que l’affaire s’est produite dans une région que certains qualifient de territoire occupé et que d’autres considèrent comme une zone complètement annexée. La délégation est invitée à donner de plus amples précisions sur l’affaire Artak Nazarian, dans laquelle certains des responsables présumés ont été inculpés d’incitation au suicide.

19.En ce qui concerne la violence dans la famille, la Rapporteuse souhaiterait en savoir davantage sur les 31 affaires pénales citées au paragraphe 244 des réponses à la liste de points à traiter car les chiffres indiqués ne concordent pas. Elle aimerait recevoir des précisions sur les infractions commises dans chaque affaire, les articles du Code pénal qui ont été invoqués et les condamnations qui ont été rendues. Sachant que l’Arménie ne compte qu’un seul foyer pour victimes de la violence dans la famille, lequel est administré par une ONG et ne reçoit pas de subventions, elle demande si l’État partie a l’intention d’allouer des ressources à cet établissement ou de créer lui-même d’autres foyers de ce type.

20.Concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire, la Rapporteuse demande si l’État partie envisage de modifier la législation régissant la nomination et la révocation des magistrats de façon que l’exécutif ne puisse pas révoquer les juges une fois qu’ils sont nommés. En particulier, elle souhaiterait recevoir de plus amples renseignements sur l’affaire Samvel M n a tsakanian, qui concerne un juge révoqué sur ordre du Président au motif qu’il n’avait pas justifié une décision par laquelle il avait libéré un accusé sous caution et ne l’avait pas condamné à une peine d’emprisonnement. Elle souhaiterait recevoir des renseignements récents sur les quatre sous-officiers dont il est question dans les réponses à la liste de points à traiter (par. 379 à 395) ainsi que sur la teneur de l’article du Code pénal au titre duquel une enquête a été ouverte sur cette affaire et sur les peines prévues en cas de violation des dispositions dudit article. La délégation voudra bien indiquer si l’usage que ces sous-officiers ont fait de grenades à gaz a été la cause de décès et si les personnes blessées ont été indemnisées.

21.La Rapporteuse prie la délégation de répondre à l’une des questions posées au paragraphe 8 de la liste de points à traiter, qui concerne le point de savoir si l’État partie a l’intention de mettre en place un système de surveillance et d’enregistrement des interrogatoires effectués par la police dans tous les lieux de détention, notamment un système de télévision en circuit fermé.

22.Concernant l’article 3 de la Convention, la Rapporteuse invite la délégation à fournir des statistiques sur les demandes d’extradition fondées sur l’accord pertinent conclu entre l’Arménie et la Fédération de Russie comme le Comité l’avait demandé dans sa liste de points à traiter. Elle voudrait savoir si l’Arménie prie les États requérants de l’autoriser à surveiller la situation des personnes qu’elle entend extrader lorsque celles-ci affirment qu’elles courent un risque de torture dans l’État concerné. Enfin, elle souhaiterait recevoir des informations sur le nombre total de renvois et d’expulsions d’étrangers, sur les pays vers lesquels des personnes ont été renvoyées ou expulsées et sur le nombre de demandeurs d’asile déboutés et de migrants en situation irrégulière actuellement placés en rétention administrative.

23.M. Wang Xuexian (Corapporteur pour l’Arménie) salue les nombreuses initiatives prises par l’État partie afin de promouvoir les droits de l’homme, notamment dans le domaine de la prévention de la torture. Il demande des éclaircissements sur l’apparente contradiction entre la loi sur les réfugiés, qui exonère de poursuites pénales les demandeurs d’asile entrés illégalement dans le pays, et la loi sur les frontières nationales, en vertu de laquelle toute personne ayant passé la frontière entre l’Arménie et un autre pays sans autorisation est réputée avoir enfreint la loi. Il demande si l’Arménie compte harmoniser ces deux lois. Il aimerait avoir des explications sur l’absence d’indépendance du pouvoir judiciaire alléguée par certaines sources, compte tenu en particulier de la présence de juges et de procureurs au sein de la délégation. Il aimerait savoir si des évaluations indépendantes sont réalisées afin de déterminer si la formation aux droits de l’homme porte ses fruits et si une formation spécifique est dispensée aux gardes frontière. Il demande si les suspects ont le droit de se faire représenter par un conseil en toutes circonstances, quelle que soit la nature des charges pesant sur eux.

24.Le Corapporteur invite la délégation à formuler des observations sur les conclusions figurant dans le rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire (A/HRC/16/47/Add.3), d’après lequel des suspects seraient convoqués au poste de police sous prétexte qu’ils sont les témoins directs d’une infraction et verraient leur qualité de témoin être ensuite remplacée par le statut de suspect au cours de leur garde à vue. Le Corapporteur s’étonne de lire dans le rapport susmentionné que le Défenseur des droits de l’homme a reçu plus de 5 000 plaintes en 2009, alors que, d’après le rapport national soumis conformément au paragraphe 15 a) de l’annexe à la résolution 5/1 du Conseil des droits de l’homme (A/HRC/WG.6/8/ARM/1), il n’en a reçu que 40 entre 2006 et 2009. M. Wang Xuexian ne voit pas bien ce que recouvrent les plus de 40 000 «requêtes» mentionnées au paragraphe 45 du rapport national.

25.De plus amples informations seraient utiles sur le type d’indemnisation accordée aux victimes de la torture, étant donné que celles-ci ne semblent obtenir des dommages et intérêts qu’en cas de préjudice financier. Il serait intéressant d’en savoir plus sur le plan national de lutte contre la traite des personnes. La délégation pourrait indiquer si l’État partie à l’intention de promulguer une loi afin de garantir l’interdiction totale des châtiments corporels. Elle voudra bien donner davantage de renseignements sur les allégations selon lesquelles l’article 15 de la Convention, qui traite de la recevabilité des éléments de preuve obtenus par la torture, ne serait pas respecté dans la pratique en Arménie. Le Corapporteur souhaiterait en outre recevoir des renseignements à jour sur l’affaire Armen Martirosyan, qui aurait été torturé et aurait tenté de mettre fin à ses jours alors qu’il se trouvait dans un centre de détention pour mineurs. Enfin, il prie la délégation de formuler des observations sur les informations d’après lesquelles les détenus et les condamnés devraient généralement verser des pots-de-vin pour recevoir de la nourriture, voire pour utiliser des services de base tels que le téléphone et les salles de bain.

26.M. Tugushi demande si le budget du Défenseur des droits de l’homme a été étoffé étant donné qu’il assume désormais la fonction de mécanisme national de prévention. Il souhaiterait en outre recevoir des informations sur les conditions de détention dans la prison de Nubarashen à Erevan, qui ont été critiquées à plusieurs reprises par le CPT, en particulier les conditions de détention des ressortissants étrangers, qui sont détenus dans des cellules à part. Il s’enquiert des mesures prises pour faire face au problème du surpeuplement carcéral et pour améliorer les conditions de détention des condamnés à une peine de réclusion à perpétuité. Il aimerait savoir si ces détenus sont encore systématiquement menottés dès qu’ils quittent leur cellule. Il s’enquiert également des mesures prises pour mettre fin à la corruption dans les prisons.

27.M me  Belmir demande des éclaircissements sur les dispositions de l’article 43 de la Constitution qui limitent les droits de l’homme et les droits civils fondamentaux ainsi que les libertés fondamentales, dont il est fait mention au paragraphe 22 du rapport. Elle souhaiterait recevoir de plus amples explications sur la procédure d’arrestation décrite au paragraphe 70 des réponses à la liste de points à traiter. D’après des informations, une majorité écrasante de la population n’a pas confiance dans la justice. Elle souhaiterait connaître la cause de ce sentiment. Concernant les mineurs, elle constate que, bien que des efforts importants aient été déployés pour prévenir la délinquance, la question de la justice pour mineurs n’a pas été examinée. Elle aimerait savoir quelles dispositions ont été adoptées pour garantir que la justice pour mineurs soit conforme aux normes internationales en la matière.

28.M. Bruni demande s’il existe une procédure juridique ou administrative autorisant expressément les subordonnés à contester un ordre émanant de leurs supérieurs s’ils le considèrent comme illégal. Il demande pourquoi la peine maximale d’emprisonnement dont sont passibles les auteurs d’actes de torture n’est que de trois ans ou, en cas de circonstances aggravantes, sept ans. Il aimerait recevoir des renseignements sur les violations de la procédure établie qui, selon les autorités arméniennes, justifient le placement d’un détenu mineur en cellule disciplinaire pendant dix jours. Il invite la délégation à décrire une cellule disciplinaire, en précisant notamment ses dimensions. Il signale que le Comité a recommandé à un autre État partie qui avait également reçu la visite du CPT de réexaminer une sanction similaire, à la suite de quoi l’État concerné s’est engagé à en réduire la durée, voire à abolir complètement la pratique consistant à imposer des mesures disciplinaires à des mineurs. Sachant qu’une nouvelle définition de la torture conforme à celle figurant dans la Convention est en cours d’élaboration, il espère que l’État partie apportera d’autres modifications à sa législation afin que celle-ci prévoie des dispositions sur l’indemnisation des victimes de la torture. L’État partie a annoncé qu’en août 2009, il indemniserait les victimes des violations constatées dans les affaires citées au paragraphe 214 du rapport, sur lesquelles la Cour européenne des droits de l’homme a statué. M. Bruni aimerait savoir si les victimes ont bien reçu une indemnisation et, dans l’affirmative, la délégation voudra bien préciser le montant de la somme qui leur a été versée et la façon dont celui-ci a été déterminé.

29.M. Gaye demande si l’article 352 du Code pénal, qui porte sur la responsabilité des magistrats, n’empêche pas les juges d’accomplir leurs tâches avec impartialité. Il aimerait en outre savoir si les tribunaux arméniens ont déjà appliqué le paragraphe 2 de l’article 5 de la Convention en jugeant des étrangers qui se trouvaient sur le territoire national et qui ont été poursuivis parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir commis une infraction visée à l’article 4 de la Convention alors qu’ils étaient à l’étranger. Il serait intéressant de connaître la suite donnée aux 43 844 requêtes, 40 plaintes et 4 propositions que des personnes placées en détention provisoire et des condamnés ont soumises aux établissements pénitentiaires ainsi qu’aux services de l’Administration pénitentiaire du Ministère de la justice entre 2006 et juin 2009. Enfin, M. Gaye aimerait savoir si les victimes de la torture peuvent demander de bénéficier d’une forme de réadaptation à titre d’indemnisation.

30.M.  Mariño Menéndez demande si les juges ou d’autres organes de l’administration publique peuvent ordonner qu’un détenu soit placé au secret. Il aimerait en outre savoir qui décide qu’un témoin convoqué pour faire une déposition dans une affaire change de statut au cours de la procédure et doit être considéré comme un suspect. Dans ce type de situation, il serait intéressant de savoir si ces témoins sont détenus au secret avant leur comparution devant un tribunal et s’ils peuvent s’entretenir avec un avocat.

31.M. Mariño Menéndez demande si le projet de nouveau code de discipline militaire a été présenté sous sa forme définitive. Il souhaiterait savoir si les tribunaux militaires ont compétence pour examiner les affaires dans lesquelles des infractions commises contre des civils sont imputées à des membres des forces armées. Il prie la délégation d’indiquer si l’État partie a fixé un âge minimum en dessous duquel l’instruction est obligatoire, ce qui permettrait de prévenir le travail des enfants. La délégation voudra bien indiquer si le droit des enfants à l’enseignement primaire gratuit est consacré dans l’État partie. Elle pourrait également préciser si les personnes qui n’ont pas les moyens de payer les services d’un avocat bénéficient de l’aide juridictionnelle, en particulier les demandeurs d’asile et les travailleurs migrants en situation irrégulière. À cet égard, il serait intéressant de savoir si ces derniers sont renvoyés dans leur pays ou s’ils peuvent obtenir d’un permis de séjour pour des raisons humanitaires et si leur droit de demander l’asile est garanti par la loi. Enfin, M. Mariño Menéndez demande si le Médiateur et le Groupe de surveillance publique coordonnent leurs activités, étant donné que leurs mandats semblent se chevaucher dans une large mesure.

32.M me Sveaass aimerait recevoir des renseignements complémentaires sur la législation en vertu de laquelle les enfants de moins de 14 ans qui ont un comportement antisocial sont envoyés dans des écoles spéciales. Elle demande si ces établissements sont régulièrement inspectés par des entités indépendantes. Elle s’enquiert des suites concrètes données aux affaires dans lesquelles des personnes ont été victimes de mauvais traitements en prison ou dans un autre contexte. Sachant que la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que l’État partie avait violé la Convention européenne des droits de l’homme dans quelque 25 affaires, elle aimerait recevoir des renseignements sur les indemnisations octroyées aux victimes et sur les autres mesures prises par l’État partie en application des arrêts pertinents, en particulier dans le domaine de la formation et des réformes législatives. Il serait très utile de savoir si une formation sur le Protocole d’Istanbul est dispensée dans l’État partie car le Comité a reçu des informations montrant que les détenus n’avaient pas tous accès à un médecin. La délégation voudra bien indiquer si des services sont offerts aux victimes de la traite, en particulier si ces personnes ont la possibilité d’être hébergées dans des foyers et bénéficient de programmes de réadaptation active et d’aide aux victimes. De plus amples précisions sur le fonctionnement du mécanisme confidentiel de traitement des plaintes émanant de personnes privées de liberté seraient bienvenues. Il serait utile d’avoir une description précise des mesures qui ont été adoptées pour faire la lumière sur les allégations de mauvais traitements commis par la police au cours d’une opération de grande envergure lancée le 17 avril 2010 dans le district Nor Nork d’Erevan. Relevant que, d’après des informations, les lesbiennes, les gays et les transsexuels seraient souvent victimes d’actes de violence dans les prisons et les postes de police, Mme Sveaass demande quelles mesures ont été prises pour enquêter sur ces allégations et garantir qu’une formation adéquate soit dispensée au personnel des établissements pénitentiaires et aux fonctionnaires de police afin que des incidents de cette nature ne se reproduisent plus.

33.M. Domah salue les aspirations et les efforts de l’État partie. Il se dit toutefois préoccupé par la situation concrète dans le pays. Il constate notamment que le système judiciaire ne fonctionne manifestement pas comme il le devrait. Il demande si les juges appartiennent à une association nationale ou internationale dans laquelle ils pourraient être initiés à la culture démocratique. Il voudrait en outre savoir si l’État partie veille à ce que l’ensemble du personnel judiciaire suive une formation continue afin qu’il soit à même d’appliquer les normes internationales. Étant donné l’existence d’un code de conduite du personnel judiciaire et l’adoption de décrets portant réforme du système judiciaire, il serait utile de savoir dans quelle mesure ces instruments sont appliqués.

34.Le Président, s’exprimant en tant que membre du Comité, relève avec satisfaction que l’État partie a aboli la peine de mort en 2003 et qu’il a créé le Bureau du Médiateur. Le Comité serait heureux d’avoir l’occasion d’examiner et de commenter le projet de modification du Code pénal en cours d’élaboration, dont l’objectif est d’harmoniser la définition de la torture avec celle figurant à l’article premier de la Convention. La délégation est invitée à confirmer que le fait de contraindre une personne à rendre un témoignage ou à servir de faux témoin n’est considéré comme un acte de torture que lorsque cette contrainte est exercée pendant la procédure et non avant le début du procès. Apparemment, pour pouvoir porter une affaire de torture devant une juridiction pénale, la victime doit engager une procédure de citation directe. Cependant, si la victime et l’auteur parviennent à un accord, l’affaire pénale est classée. Le Président souhaiterait des explications sur ce point étant donné que la torture est une infraction entraînant la mise en mouvement de l’action publique et que, dans ce type d’affaire, l’ordre juridique de l’État est en jeu. L’accès des victimes à un conseil et à un médecin fait partie des questions au sujet desquelles l’État partie devrait revoir sa position. La délégation est invitée à formuler des observations sur le conflit d’intérêts manifeste découlant du fait que le Bureau du Procureur est chargé de mener les enquêtes sur les violences commises par son propre personnel. L’État partie s’est engagé sur la voie de réformes législatives ambitieuses; il serait intéressant de savoir si la société civile participe à ces réformes et quand l’exécution du programme pertinent doit s’achever.

35.Le Président appelle l’attention de la délégation sur l’avertissement affiché sur le site Web du Comité, dans lequel il est indiqué que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) n’est pas responsable du contenu des rapports soumis au Comité et que le fait qu’ils soient affichés sur sa page Web ne signifie pas que le Comité ou le HCDH souscrivent à leur contenu. En outre, il est également indiqué sur cette page que les documents qui n’ont pas trait à l’application de la Convention dans l’État partie concerné ne sont pas publiés. Le Comité écarte en outre les documents soumis anonymement, ceux qui n’ont aucun lien avec les obligations découlant de la Convention et ceux contenant des propos inconvenants.

36.M me Gaer (Rapporteuse pour l’Arménie) demande combien de personnes se trouvent actuellement en prison pour objection de conscience et quelle est la durée moyenne de la peine d’emprisonnement en tel cas. Il serait intéressant de savoir si l’État partie envisage de modifier son programme de service civil et, dans l’affirmative, quand il compte le faire. Elle demande si des mesures institutionnelles ont été ou seront prises pour que des retards tels que ceux qui ont marqué l’affaire Levon Ghulyan ne puissent se reproduire. Elle s’enquiert en outre des mesures adoptées pour garantir la sécurité et la protection des droits et libertés civils des individus qui ont des informations à communiquer, notamment sur le déroulement des événements du 1er mars 2008. Le Comité a reçu plusieurs rapports montrant que les victimes ne signalaient souvent pas les mauvais traitements commis par la police par crainte de représailles. Il serait intéressant de savoir si des mesures ont été prises pour offrir une protection supplémentaire aux témoins qui se font connaître, ce qui garantit la confidentialité des renseignements relatifs aux plaignants. De même, il serait utile de connaître les mesures adoptées afin d’encourager les victimes d’actes de violence à se manifester pour dénoncer les violations qu’elles ont subies, notamment celles perpétrées à l’École spéciale no 11 de Nubarashen.

37.M. Bruni demande si l’État partie envisage de faire la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention concernant la procédure d’examen des requêtes émanant de particuliers.

La première partie (publique) de la séance prend fin à midi.