Nations Unies

CAT/C/SR.1104

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

7 novembre 2012

Original: français

Comité contre la torture

Quarante- neuv ième session

Co mpte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 1104 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 5 novembre 2012, à 10 heures

Président: M. Wang Xuexian (Vice-Président)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Deuxième rapport périodique du Qatar

La séance est ouverte à 10  heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Deuxième rapport périodique du Qatar (CAT/C/QAT/2; CAT/C/QAT/Q/2/Add.1 et Add.2)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation qatarienne prend place à la table du Comité.

2.M.  Jabr Al Thani (Qatar) indique que depuis l’examen de son rapport initial, l’État partie a modifié son Code pénal pour y ajouter une définition de la torture pleinement conforme à celle qui figure à l’article premier de la Convention, a levé ses réserves aux articles 21 et 22 et modifié sa réserve générale à la Convention en l’associant aux articles 1er et 16, et a décidé de revoir les dispositions de la loi de 2002 sur la protection de la société afin de mieux promouvoir les libertés publiques. En outre, le Qatar s’est doté d’une autorité administrative de contrôle, qui a vocation à veiller à la transparence et à l’intégrité dans la fonction publique et à lutter contre la corruption sous toutes ses formes, et la Commission nationale des droits de l’homme prépare actuellement un plan national de promotion et de protection des droits de l’homme.

3.Le Conseil des Ministres a décidé en 2009 d’établir une commission nationale du droit international qui conseillera et assistera le Gouvernement dans l’application et la diffusion des règles de ce droit.

4.Pour faire face à la criminalité organisée, le Qatar a adopté en 2011 une loi relative à la traite des êtres humains, qui protège contre la traite et contre les actes de torture physique et psychologique et autres traitements cruels et inhumains; en outre, il a adhéré et participe financièrement à l’Initiative arabe pour le renforcement des capacités nationales de lutte contre la traite des êtres humains.

5.Pour assurer des conditions de détention sûres et humaines, le Qatar a adopté en 2009 une loi sur l’organisation des établissements pénitentiaires et correctionnels, qui prévoit l’intégration dans le droit interne de toutes les normes internationales minimales dans ce domaine.

6.En ce qui concerne la coopération avec les organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme, le Qatar a reçu en octobre une délégation d’Amnesty International, qui a visité plusieurs services du Ministère de l’intérieur ainsi que la prison centrale.

7.Le Gouvernement qatarien veille à la protection des personnes menacées de persécution et a une position claire vis-à-vis des régimes qui enfreignent les libertés fondamentales, notamment ceux qui ont recours à la torture. En outre, il continue de s’acquitter des obligations qui incombent au Qatar en vertu de la Convention et, en particulier, celle de ne pas expulser ou extrader une personne vers un État lorsqu’il y a des raisons de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

8.Enfin, l’État partie poursuit sa collaboration avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, avec lequel trois réunions de concertation ont été organisées pendant la période considérée, après l’ouverture à Doha, en 2009, du Centre de formation et de documentation des Nations Unies sur les droits de l’homme pour l’Asie du Sud-Ouest et la région arabe.

9.M me Gaer (Rapporteuse pour le Qatar) demande si les sept fonctionnaires qui, entre 2005 et 2008, ont été reconnus coupables de cruauté, d’abus de pouvoir ou de torture et condamnés à des peines d’emprisonnement ont effectivement été incarcérés, et quelle était dans chaque cas la peine prononcée; elle souhaiterait aussi savoir si des poursuites ont déjà été engagées pour actes de torture en vertu des nouveaux articles 159 et 159 bis du Code pénal, qui contiennent une définition de la torture conforme à l’article premier de la Convention.

10.La délégation est invitée à préciser si le Qatar reconnaît désormais la compétence du Comité à recevoir et à examiner des communications présentées par des particuliers ou en leur nom, avec la levée de ses réserves aux articles 21 et 22 de la Convention. La délégation pourra peut-être aussi dire si, tout en modifiant sa réserve générale, le Qatar entend maintenir ses réserves aux articles 1er et 16 de la Convention, qui ne seraient pas conformes aux préceptes de la loi et de la religion islamiques et, le cas échéant pour quelles raisons, sachant que le Gouvernement qatarien a modifié le Code pénal pour reprendre exactement les termes de la définition de la torture figurant à l’article premier de la Convention. La délégation voudra indiquer aussi quelles obligations découlant de la Convention l’État partie ne souhaite pas assumer.

11.Au sujet des garanties fondamentales dont doivent bénéficier tous les détenus, la délégation est invitée à préciser si la législation nationale garantit à toutes les personnes privées de leur liberté le droit d’être examiné par un médecin indépendant et, dans le cas contraire, si l’État partie envisage d’inclure une telle garantie dans sa législation. Elle est aussi invitée à répondre aux questions posées dans la liste des points à traiter au sujet de l’accès à un avocat, et à préciser si tous les postes de police et les autres lieux de détention ont l’obligation de tenir un registre de toutes les personnes détenues, indiquant l’identité du détenu, la date et le lieu de la détention et toutes les autres données nécessaires. Concernant le contrôle de l’application des garanties fondamentales, l’État partie ayant indiqué dans ses réponses écrites que ni le Conseil de discipline ni le Département des affaires juridiques du Ministère de l’intérieur n’avaient enregistré de cas dans lesquels des agents des forces de l’ordre avaient refusé d’accorder à des détenus une forme ou une autre de protection juridique fondamentale, il serait bon que la délégation précise si cela signifie que le Gouvernement n’a pas connaissance de tels cas ou qu’il affirme qu’aucun cas semblable ne s’est jamais présenté. De même, le Gouvernement n’a-t-il connaissance d’aucun cas dans lequel un agent des forces de l’ordre n’a pas inscrit au registre tous les renseignements requis sur un détenu, ou affirme-t-il plutôt qu’aucun cas semblable ne s’est jamais produit?

12.Mme Gaer souhaite aussi savoir où en est le Qatar dans sa réflexion concernant l’enregistrement vidéo des interrogatoires. Des ONG ayant signalé que le Procureur général pouvait déroger à l’application du Code de procédure pénale, il serait intéressant de savoir s’il existe des cas dans lesquels la durée légale maximale de la garde à vue peut être prolongée par le Procureur général. La délégation voudra bien indiquer aussi l’état d’avancement et l’issue de toute enquête menée dans l’affaire Mohamed Farouk al-Mahdi en précisant si des mesures disciplinaires ou des sanctions pénales ont été prises et si des réparations ont été accordées à la victime. Mme Gaer demande, d’autre part, à la délégation de préciser si, conformément aux recommandations du Comité des droits de l’homme et du Comité contre la torture, le Qatar a l’intention de modifier sa législation d’urgence, notamment la loi sur la protection de la société, qui est source d’atteintes aux garanties juridiques de la protection des droits de l’homme, et d’indiquer combien de personnes ont été poursuivies et inculpées au titre de cette législation.

13.Rappelant que les châtiments corporels vont à l’encontre des dispositions de la Convention, Mme Gaer salue l’adoption d’une loi interdisant le recours à la flagellation en tant que sanction disciplinaire dans les établissements pénitentiaires et correctionnels mais juge préoccupant que le Code pénal prévoit pour certaines infractions, dont la consommation d’alcool et l’apostasie, des peines de lapidation, d’amputation ou de flagellation. Elle demande si les juges continuent d’appliquer ces peines.

14.Mme Gaer souhaite savoir si l’État partie envisage d’adopter une loi pour criminaliser la violence au foyer. Notant qu’aucun auteur d’actes de violence dans la famille n’a été arrêté ou poursuivi, elle voudrait savoir quelle suite a été donnée sur le plan judiciaire aux centaines de plaintes pour violence au foyer qu’a enregistrées depuis 2008 la Fondation qatarienne pour la protection des femmes et des enfants.

15.La délégation voudra bien donner, d’autre part, des renseignements supplémentaires sur l’état d’avancement du projet de loi sur la protection des travailleurs domestiques en indiquant notamment si ce texte permettra aux travailleurs domestiques victimes de violences de porter plainte de manière confidentielle et protégera leurs droits fondamentaux. Des détails sur les mesures qui ont été prises par l’État partie pour enquêter sur les cas présumés de sévices physiques et sexuels signalés par des employés de maison au Bureau philippin du travail à l’étranger à Doha seraient également les bienvenus.

16.Mme Gaer demande combien de visites inopinées ont été effectuées dans des lieux de détention par les services du Procureur et la Commission nationale des droits de l’homme. Rappelant que la détention arbitraire présumée de Sultan Al-Khalaifi a fait l’objet d’un appel urgent, lancé aux autorités qatariennes par quatre titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, elle demande si les allégations faites dans le cadre de cette affaire ont donné lieu à une enquête et à des sanctions.

17.M me Belmir (Corapporteuse pour le Qatar) demande à la délégation de fournir des précisions sur la mise en œuvre de la loi no 15 de 2011 sur la lutte contre la traite des êtres humains et sur la nature des infractions à cette loi. Elle voudrait savoir en particulier pourquoi les victimes de la traite ont peur de saisir les autorités et combien de victimes mineures de la traite ont subi des sévices sexuels. Elle souhaite également savoir si les juridictions nationales peuvent agir directement ou doivent être saisies par l’Agence qatarienne pour la lutte contre la traite des êtres humains.

18.Notant que les juges, qui sont désignés par l’Émir, ont un statut d’agent contractuel et que 75 % d’entre eux ne sont pas qatariens, Mme Belmir demande si des dispositions ont été prises pour garantir l’indépendance de la justice. La délégation voudra bien aussi indiquer si les femmes juges peuvent statuer sur les mêmes affaires et dans les mêmes lieux que leurs collègues de sexe masculin. Mme Belmir demande également si le droit qatarien autorise le travail des enfants qui sont encore à l’école. Elle regrette, d’autre part, que les cours de sensibilisation à la violence au foyer dispensés par la Fondation qatarienne pour la protection des femmes et des enfants ne soient pas pleinement intégrés aux cursus de formation de la police et des professions judiciaire et médicale. Enfin, Mme Belmir demande à la délégation de bien vouloir préciser si le Qatar envisage d’incorporer l’article 3 de la Convention à son droit interne.

19.En ce qui concerne les conditions de détention, Mme Belmir note que les visites de la Commission nationale des droits de l’homme dans les lieux de détention ne sont pas très fréquentes mais que des cas de mauvais traitements et de mauvaises conditions carcérales ont néanmoins été recensés. Notant que certaines visites sont effectuées à la suite de plaintes contre des actes de torture et des mauvais traitements, elle souhaiterait avoir des précisions sur le rôle du parquet dans l’organisation des visites. En outre, des statistiques plus détaillées sur les plaintes enregistrées et sur la suite qui leur a été donnée seraient les bienvenues.

20.La délégation est invitée à dire où en est le projet de loi sur les droits des enfants, qui devrait porter l’âge de la responsabilité pénale de 7 à 15 ans et à fournir plus d’informations sur les centres d’accueil et de détention des mineurs. En ce qui concerne les châtiments corporels, Mme Belmir salue les mesures prises pour les interdire dans les établissements d’enseignement mais engage l’État partie à redoubler d’efforts pour en faire de même au sein de la famille.

21.En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, Mme Belmir estime que l’État partie devrait réviser sa législation antiterroriste afin de la rendre compatible avec ses obligations dans le domaine des droits de l’homme. Enfin, elle prend note de l’intention de l’État partie d’adhérer au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et l’encourage à le faire dès que possible.

22.M.  Domah aimerait savoir qui est responsable de la nomination des membres de l’appareil judiciaire et demande s’il existe un âge de la retraite obligatoire pour les juges. Il souhaiterait aussi avoir des précisions sur le manque de juges qataris, qui conduit l’État partie à faire appel à des magistrats étrangers. Des informations sur les délais de comparution devant un juge après une arrestation seraient également les bienvenues. M. Domah souhaiterait également savoir si des décisions de mise au secret ont été contestées devant les tribunaux et, dans l’affirmative, si des jugements ont été rendus.

23.M.  Bruni demande à la délégation de donner des exemples de procédures judiciaires où la Convention contre la torture a été invoquée. Il souhaite également obtenir des précisions sur la possibilité qu’ont les agents des forces de l’ordre et les militaires de ne pas obéir à des ordres qui pourraient les amener à commettre des actes de torture. Il voudrait aussi savoir comment la Commission nationale des droits de l’homme procède pour vérifier en permanence que la Convention est respectée dans le cas des détenus placés à l’isolement.

24.Notant que l’État partie a retiré sa réserve à l’article 22, il demande si le Qatar a l’intention de faire la déclaration prévue au même article de façon à reconnaître la compétence du Comité pour recevoir des communications présentées par des particuliers.

25.M me Sveaass voudrait en savoir plus sur le calendrier d’adoption des nouvelles lois relatives à la santé mentale et sur les garanties légales actuellement en place dans ce domaine. Se référant à la liste des personnes ayant bénéficié de soins de réadaptation, qui figure à la page 57 des réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter, elle demande si ces informations ont été rendues publiques dans le cadre de procédures judiciaires ou si elles ont été tirées de dossiers médicaux. Elle voudrait enfin savoir si ces soins ont été dispensés au titre des mesures de réparation en faveur de victimes d’actes de torture.

26.Mme Sveaass invite la délégation à répondre aux questions posées au paragraphe 8 de la liste des points à traiter concernant le degré de preuve requis dans les affaires de violence contre les femmes et la nécessité pour les femmes d’obtenir le consentement d’un tuteur pour pouvoir déposer une plainte. Des renseignements supplémentaires sur les centres de détention pour femmes et, en particulier, sur les soins médicaux qui y sont dispensés seraient les bienvenus.

27.Mme Sveaass souhaiterait avoir plus de renseignements sur la suite donnée aux plaintes pour violences enregistrées par la Commission nationale des droits de l’homme en 2011 et dont celle-ci fait état dans son rapport. La délégation voudra bien aussi indiquer si le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) fait partie des cours de formation dispensés aux membres des forces de l’ordre et au personnel médical concerné.

28.M.  Mariño Menéndez demande si les enfants nés hors mariage bénéficient des mêmes droits que les autres enfants, s’agissant en particulier de l’obtention de la nationalité qatarienne. Il souhaiterait avoir des précisions sur les procédures relatives à la déchéance de la nationalité, les conditions de transmission de la nationalité qatarienne aux enfants nés d’une mère qatarienne et d’un père étranger, et les possibilités d’acquisition de la nationalité qatarienne par les résidents étrangers.

29.En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, M. Mariño Menéndez voudrait savoir si les interrogatoires de suspects font l’objet d’un contrôle judiciaire et connaître la durée maximale de la détention provisoire des personnes soupçonnées de terrorisme. Il aimerait également avoir des précisions concernant l’exercice de la compétence universelle pour l’arrestation d’étrangers soupçonnés d’actes terroristes ou de liens avec des terroristes.

30.Soulignant le rôle que jouent les avocats dans le bon fonctionnement de l’appareil judiciaire, M. Mariño Menéndez demande des précisions sur leur formation et le régime relatif à l’exercice de leur profession au Qatar.

31.M.  Tugushi demande si l’État partie envisage de ratifier la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés et le Protocole de New York relatif au statut des réfugiés du 31 janvier 1967 en vue de donner un caractère officiel à son système d’accueil des demandeurs d’asile. En ce qui concerne les établissements de santé mentale, il demande s’il existe un mécanisme indépendant de contrôle de leurs activités et si le Qatar envisage de développer les services de proximité, conformément aux dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, à laquelle il est partie.

32.M.  Gaye, se référant à la page 24 de la version française du deuxième rapport périodique du Qatar, demande des précisions au sujet des 183 plaintes et requêtes adressées à la Direction des droits de l’homme en 2008 «qui ont trouvé des solutions». En ce qui concerne l’indépendance de la justice, il souhaiterait avoir plus d’informations sur les conditions de révocation des juges ainsi que sur les garanties statutaires dont bénéficient les juges de nationalité qatarienne.

33.Le Président , tout en saluant le fait que la vaste majorité des membres du clan Al Ghufran de la tribu Al Murra ont recouvré leur nationalité qatarienne, note qu’une centaine d’entre eux seraient encore apatrides. Il souhaiterait savoir, à cet égard, si ceux des membres de ce clan qui ont recouvré leur nationalité jouissent des mêmes droits que les autres citoyens.

La première partie ( publique ) de la séance prend fin à 11 h  55.