NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE *

CAT/C/SR.73117 novembre 2006

Original: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE (PARTIEL)*DE LA 731e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 9 novembre 2006, à 15 heures

Président: M. MAVROMMATIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Quatrième rapport périodique du Mexique (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Quatrième rapport périodique du Mexique (suite) (CAT/C/55/Add.12; HRI/CORE/MEX/2005)

1. Sur l’invitation du Président, les membres de la délégation du Mexique reprennent leur place à la table du Comité.

2.Mme PÉREZ DUARTE déclare que s’agissant d’aborder la question de la violence impliquant la torture à l’encontre des femmes, la classification des blessures subies constitue l’une des approches privilégiées. Dans le cadre de l’examen des victimes d’actes de torture, le Bureau du Procureur général de la république tient compte non seulement des blessures physiques, mais également de tous les résultats des actes de torture. L’indépendance des examens médicaux est garantie de deux manières: d’une part, les victimes peuvent choisir leur propre médecin, comme cela a été le cas avec les victimes des événements de San Salvador Atenco; et d’autre part, les spécialistes médicaux bénéficient d’une formation spécifique aux procédures.

3.L’une des affaires actuellement étudiée par le Bureau du Procureur spécial pour les crimes violents à l’encontre des femmes, ayant trait à des agressions de femmes par des soldats, implique une éventuelle compétence aux niveaux fédéral, local et militaire. Il a été décidé d’accorder une compétence locale – au Bureau du Procureur général de l’État de Coahuila – dans l’espoir que quatre des huit soldats inculpés soient condamnés.

4.Les retards dans l’enquête sur les événements de Ciudad Juárez sont en cours d’analyse. L’enquête, notamment sur les accusations de négligence concernant la maltraitance de femmes et leur disparition, a rencontré de nombreux problèmes. Ainsi, plus de 10 ans se sont écoulés depuis que des crimes ont été commis, et des éléments de preuve ont été perdus. Alors que la cour supérieure de Chihuahua a établi que la prescription s’applique aux officiers déclarés coupables de négligence, la plupart d’entre eux ont néanmoins été relevés de leurs fonctions. Un document est préparé sur les affaires actuellement à l’étude afin de connaître l’avis de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Ce document traite du cadre juridique applicable à Chihuahua ‑ en ce compris les engagements internationaux du Mexique en matière de droits de l’homme, la situation à Ciudad Juárez, et les peines imposées.

5.Le principe de la présomption d’innocence a souvent été défavorable aux femmes dans les affaires où elles ont été victimes de violence. Dans de tels cas, il a donc été décidé que la charge de la preuve incombe au Bureau du Procureur spécial.

6.En décembre 2005, on comptabilisait 34 cas de disparition de femmes à Ciudad Juárez, et un nombre similaire de restes humains doivent encore être identifiés. Dans le cadre du travail mené conjointement par le Bureau du Procureur spécial, le Bureau du Procureur général de l’État de Chihuahua et l’équipe d’anthropologie judiciaire d’Argentine, trois des femmes disparues ont été localisées et sept groupes de restes humains identifiés, notamment au moyen d’analyses ADN.

7.Sa délégation remettra au Comité un dossier sur le travail effectué au niveau national dans le domaine de la violence à l’encontre des femmes, portant entre autres sur le programme national, la législation pertinente et les méthodes de travail du Bureau du Procureur spécial. Il s’agit de manière générale d’encourager les magistrats à incorporer une perspective sexospécifique et propre aux droits de l’homme dans leurs enquêtes et de former un personnel spécialisé à l’échelon national dans les domaines touchant aux techniques d’enquête et aux moyens de droit pertinents.

8.Le Comité a demandé si la détention arbitraire accompagnée de violence similaire à celle qui s’est produite à San Salvador Atenco, est répandue. Elle répond que la détention arbitraire n’est en aucun cas monnaie courante. Il y a eu certains excès à San Salvador Atenco qui font l’objet d’une enquête du Bureau du procureur général de l’État du Mexique et du Bureau du procureur spécial. Tout est mis en œuvre pour garantir l’indépendance des enquêtes, et un soutien psychologique est apporté aux femmes qui le demandent. Elle évoque la suspension d’un certain nombre d’agents des forces de l'ordre, conformément au code pénal, afin de montrer que de tels actes ne restent pas impunis.

9.Les agents des forces de l’ordre n’ont pas utilisé de masques lors de l’intervention à San Salvador Atenco. Les enquêteurs fédéraux traitant de cas de crime organisé à l’instar du trafic de drogue en portent toutefois. De nombreux enquêteurs fédéraux ont été assassinés dans le cadre de leur travail et leur identité doit être protégée.

10.Le Bureau du procureur spécial a introduit un système de guichet unique afin d’enquêter sur les actes de violence à l’encontre des femmes, de sorte que les victimes n’aient pas à subir des interrogatoires et examens successifs. La Commission nationale des droits de l’homme a demandé des informations à cet égard mais n’a rien reçu à ce stade.

11.Elle décrit les progrès réalisés dans l’examen de la législation visant à s’assurer que les femmes peuvent mener une vie exempte de violence, en deuxième lecture au Congrès. Elle souligne que les victimes de sexe féminin à San Salvador Atenco n'ont pas été tenues de prouver qu’elles ont été violées: la charge de la preuve a incombé au Bureau du Procureur spécial et non aux victimes.

12.Le Bureau du Procureur spécial réalise actuellement des travaux destinés à apporter un meilleur soutien aux femmes souffrant de stress post-traumatique, notamment à travers la formation de médecins, de psychologues et autres sur la manière de procéder à des examens indépendants des cas présumés de torture. Un cours spécialisé traitant du droit, de la psychologie, du travail social et de la médecine a été élaboré par le Bureau. Il entend promouvoir une perspective sexospécifique dans les enquêtes sur des actes de violence.

13.M. ALVAREZ LEDESMA (Mexique) déclare que les mesures destinées à mettre en œuvre le protocole d’Istanbul sont implémentées sur une période de 3 ans, en coopération avec des experts internationaux. L’utilisation du «Certificat médical/psychologique de torture ou maltraitance éventuelle» est obligatoire; par ailleurs, les procureurs sont passibles de sanctions en cas de suivi inadéquat de plaintes de torture. Un modèle de certificat a été remis au Comité. Une commission chargée de contrôler et d’évaluer l’utilisation du certificat a été constituée en 2003 et a été invitée à vérifier le déroulement de chaque examen. Elle publie un rapport annuel et est secondée par un organe consultatif essentiellement composé de médecins et représentants de la société civile, dont des défenseurs des droits de l’homme.

14.Conformément au Protocole d’Istanbul, le principe voulant que l’absence de preuves physiques n’exclue pas la possibilité d’actes de tortures ou de mauvais traitements a été mis en œuvre dans le cadre de l’examen de cas de torture éventuels. Par conséquent, la question du temps qu’il a fallu pour panser les plaies n’est pas pertinente. En décembre 2006, 10 des 32 États du pays auront mis en œuvre le Protocole, lequel est déjà opérationnel dans quatre États. Des informations plus détaillées seront communiquées au comité fin novembre 2006. Le Protocole est applicable à tout qui le demande, indépendamment de la nationalité ou du groupe ethnique; il a par exemple été appliqué à un ressortissant colombien ainsi qu’à une personne de l’État de Chiapas appartenant à un groupe ethnique spécifique.

15.Les problèmes liés à la classification de la torture au rang de crime résultent essentiellement de différences législatives entre le niveau fédéral ou de l’état d’un gouvernement. Le but est de parvenir à une législation spécifique harmonisée dans tous les États sur la prévention et la sanction d’actes de torture. On peut espérer que cette législation et la mise en œuvre du Protocole d’Istanbul permettront de diminuer sensiblement le nombre d’allégations de torture.

16.Il fournit des informations sur le respect des recommandations de la Commission nationale des droits de l’homme; un petit nombre de celles-ci seulement portent sur des actes de torture préoccupants. Elles fournissent en outre des détails sur une affaire de torture présumée rejetée par le Bureau du Procureur général de la République. Deux victimes de torture seulement ont été dédommagées: Manuel Manríquez San Agustín et AlejandroOrtiz Ramírez. Si aucune des deux affaires n’est récente, elles sont néanmoins importantes.

17.La durée de l’ensemble des procès, et pas seulement ceux concernant des cas de torture présumés, est un sujet de préoccupation au Mexique. Les défendeurs font souvent appel successivement, à l’instar d’un procès récent de kidnappeurs qui a traîné pendant plus de cinq ans.

18.Des statistiques nationales sur la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont compilées par la Commission nationale des droits de l’homme et par le Bureau du Procureur général. Les données statistiques de ce dernier seront encore plus précises une fois tous les comités de surveillance constitués conformément au Protocole d’Istanbul et leurs rapports publiés.

19.Des unités spéciales de protection des droits de l’homme ont été mises sur pied par le Bureau du Procureur général dans les États enregistrant le plus grand nombre de plaintes de prisonniers concernant des violations de droits de l’homme. Depuis lors, le nombre de ces plaintes a sensiblement diminué, une baisse qui s’explique toutefois également par les efforts inlassables de la Commission nationale des droits de l’homme qui a effectué de fréquentes visites sur place ainsi que d’autres inspections.

20.Il est possible pour les victimes de torture de faire appel d’une décision du Bureau du Procureur général de ne pas donner suite à leur plainte et d’engager des poursuites à l’encontre du Procureur général pour défaut d’agir. Le Procureur général peut s’exposer à des sanctions s’il n’a pas ordonné une enquête sur une allégation de torture.

21.Environ 80 à 90 % des affaires portant sur les droits de l’homme font l’objet d’enquêtes au niveau local et, le Mexique étant un État fédéral, il convient de respecter la souveraineté des compétences de l’État. Le Bureau du Procureur général de la République est cependant d’avis que toutes les allégations de violations graves des droits de l’homme doivent automatiquement faire l’objet d’enquêtes par les autorités et être portées devant les tribunaux fédéraux, ce qui nécessiterait un amendement constitutionnel. Le projet de législation actuellement devant le congrès modifiera la constitution et la législation fédérale à cette fin.

22.Tous les spécialistes médicaux et psychologiques travaillant en vertu du Protocole d’Istanbul au Mexique sont tenus de signer une déclaration sur le comportement déontologique, puisqu’ils ont affaire à de graves allégations de violations des droits de l’homme. De plus, au Mexique, la tendance est à la constitution de groupes d’experts indépendants des Bureaux des Procureurs de la République, comme à Jalisco et Chihuahua. Les victimes de violations des droits de l’homme peuvent contacter ces experts directement. Le Bureau du Procureur général de la République travaille en étroite collaboration avec les autorités judiciaires à cet égard.

23.Les codes criminels du Mexique sont dépourvus de toute disposition sur les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Lorsque les certificats médicaux ou psychologiques vérifiés font référence à des actes de torture ou de maltraitance possibles, les affaires peuvent être introduites devant les tribunaux pour abus d’autorité ou agression.

24.Travaillant en étroite collaboration avec la Commission nationale des droits de l’homme, les autorités fédérales ont mis sur pied un réseau national de centres offrant des services de réhabilitation aux victimes d’enlèvement, de torture et de maltraitance ou peine similaire. Des centres existent déjà dans la capitale et dans quatre États; deux autres centres régionaux seront bientôt opérationnels.

25.M. LAGUNES LÓPEZ (Mexique) déclare que toute plainte de maltraitance déposée par des détenus, y compris des trafiquants de drogue, est rapidement examinée par la Commission nationale des droits de l’homme, mais bon nombre de ces plaintes sont sans fondement. Elles sont souvent un moyen d’attirer l’attention et sont déposées par des prisonniers qui espèrent un traitement préférentiel.

26.En vue d’améliorer la sécurité dans les prisons, les autorités fédérales ont récemment doté certains sites d’un équipement de détection de pointe pour déceler tout objet ou substance dangereuse éventuellement cachée par les visiteurs sur eux-mêmes ou dans leur corps. L’équipement ne pose aucun risque pour la santé des visiteurs ou des opérateurs. En théorie, tout visiteur soupçonné d’essayer d’introduire des substances ou objets illicites peut être fouillé par le personnel médical mais dans tous les cas à ce jour ils y ont renoncé. Ailleurs, des détecteurs de métaux plus conventionnels sont encore utilisés ou alors les visiteurs sont fouillés manuellement, toujours avec leur consentement et par un personnel féminin dans le cas de visiteurs de sexe féminin. Malgré le coût élevé de cette mesure, le gouvernement envisage d’installer les équipements de détection dans l’ensemble des 454 établissements pénitentiaires du pays.

27.Afin de surveiller les violences sexuelles, des caméras de télévision en circuit fermé ont été installées dans les prisons fédérales. Grâce à elles, les prisonniers n’ont subi aucun acte de violence sexuelle et les visiteurs n’ont fait l’objet d'aucun traitement manquant de dignité. Le nombre de plaintes de violence ou de fouille corporelle excessive déposées devant la Commission nationale des droits de l’homme et des commissions d’état par des prisonniers et des visiteurs a sensiblement chuté depuis l’introduction des nouveaux systèmes. On ne dénombre que deux prisons de femmes au Mexique et, bien entendu, l’ensemble du personnel est de sexe féminin. Dans les prisons mixtes, les hommes et les femmes sont détenus dans des zones séparées; les gardiens dans la section des femmes sont tous de sexe féminin.

28.M. LABARDINI (Mexique) affirme qu’en vertu des articles 57 et 58 du Code de justice militaire, la justice militaire ne s’applique qu’aux violations du Code de justice militaire perpétrées par le personnel militaire en mission. Dans certains cas, les tribunaux militaires sont autorisés par la constitution à juger des civils. Un complément d’information sur la jurisprudence des tribunaux militaires sera mis à la disposition du Comité. Tous les autres crimes, tels que les actes de violence contre les femmes, sont des questions relevant des autorités fédérales et des tribunaux civils. Le Bureau du Procureur général de la République conserve des registres de tous les actes de détention exécutés conformément au Code pénal, dont ceux exécutés par le personnel militaire. Le Code de justice militaire ne sanctionne pas expressément les actes de torture, toutefois, la législation fédérale sur les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants s’applique au personnel militaire. Les amendements au Code de justice militaire sont actuellement à l’étude au Congrès.

29.La législation mexicaine sur les réfugiés découle de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et de son Protocole de 1967. La Commission mexicaine d’aide aux réfugiés (COMAR), mise sur pied en 1980 afin de formuler des recommandations sur la situation des réfugiés, implique la société civile dans toutes ses activités. Elle a créé plusieurs groupes de travail composés de représentants de divers ministères, l’Institut national des migrations, la société civile et le Haut-Commissariat aux réfugiés. Les recommandations de la COMAR sont examinées par un comité d'admission auquel les demandes d'asile sont soumises. Entre mars 2002 et décembre 2005, 290 demandes d’asile sur 1 580 ont été accordées.

30.La réforme de la législation mexicaine sur les migrants afin de la mettre en conformité avec les instruments internationaux, en particulier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est encore en cours d’étude au Congrès. Dans tous les cas, les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963 ont toujours été appliquées aux migrants au Mexique, lesquels sont également couverts par les dispositions de la loi sur l’immigration. Tous les tribunaux mexicains, dont les tribunaux locaux, ont le pouvoir d’extrader des étrangers; toutefois, depuis 1950, les migrants ont le droit d'interjeter un recours dit «de amparo» (recours pour violation des droits et des libertés fondamentaux) contre leurs décisions.

31.Mme GONZÁLEZ (Mexique) déclare que la délégation n’est pas en mesure de répondre à deux des questions posées par le Comité – l’une sur les événements au Guadalajara en 2004 et l’autre sur les répercussions de la réforme du code pénal du district fédéral. Étant donné que la délégation n’a pas été en mesure de contacter les responsables concernés, les réponses seront transmises par écrit à une date ultérieure.

33.S’agissant de la Commission nationale des droits de l’homme, elle rappelle qu’elle a été mise sur pied en application des Principes de Paris. Autonome au titre de la Constitution, la Commission est un organe non judiciaire chargé de résoudre les conflits, et les autorités mexicaines sont tenues de répondre à ses recommandations. À sa connaissance, il n'est pas prévu de modifier la nature de la Commission; elle restera totalement autonome et conservera sa personnalité juridique.

34.La pratique de la torture a été érigée en infraction pénale dans l’État de Guerrero, et une copie de la disposition pertinente sera transmise au Comité. Conformément aux informations disponibles sur le site Web de la Commission nationale des droits de l’homme, 174 recommandations ont été publiées par la Commission en ce qui concerne des plaintes pour torture. Des données complètes sur la torture extraites du site Web pour la période allant de 1990 à 2005 seront envoyées au Comité. D’autres renseignements sur la torture ont obtenus grâce à une enquête préliminaire à laquelle 13 États ont répondu. L’enquête a révélé que 74 condamnations concernant des cas de torture ont été prononcées par les tribunaux dans trois états et 8 d’entre elles ont été prononcées dans des tribunaux fédéraux. Le Gouvernement fédéral prévoit de demander aux autres États de répondre afin de compléter ses statistiques sur le nombre total de procès pour torture ayant été organisés dans le pays.

35.Il a été fait état de torture et de discrimination contre les homosexuels dans quelques États au cours des années 1990. Toutes les questions ayant trait à la discrimination sont du ressort du Conseil national de prévention de la discrimination; celui-ci a organisé des campagnes de sensibilisation dans tout le pays sur ce thème. Selon l’Institut fédéral de formation des avocats de la défense, 656 défenseurs publics, dont 172 femmes, sont à la disposition des parties défenderesses dans les tribunaux du pays. Par ailleurs, 141 conseillers juridiques et 11 défenseurs publics fédéraux bilingues, parlant diverses langues autochtones entre eux, sont eux aussi à la disposition des parties défenderesses. Les lois d’extradition fédérale prévoient qu’avant qu'un individu puisse être extradé, les autorités mexicaines sont tenues d’obtenir des garanties de l'État d’accueil qu’il ou elle ne sera pas passible de la peine de mort ou de toute autre peine interdite par l'article 22 de la Constitution. Le Ministère des affaires étrangères et les juges sont chargés de superviser le respect de cette disposition.

35.Des initiatives de lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue au Mexique sont mises sur pied en respectant dûment les droits fondamentaux. Le gouvernement cherche à sensibiliser dans divers forums nationaux à une résolution prônant le respect des droits de l’homme dans la lutte contre le terrorisme; avec un groupe d'autres pays, il a rédigé cette résolution afin de la soumettre pour examen à l'Assemblée générale des Nations Unies.

36.Il n’existe pas, et il n’a jamais existé de programme public de stérilisation forcée des femmes indigènes au Mexique. Une liste de l’ensemble des programmes publics en rapport avec la santé sexuelle et reproductive créés depuis 1994 sera envoyée au Comité. Elle confirme que le Programme national pour les droits de l’homme sera renouvelé, ajoutant que les droits de l'homme sont désormais fermement ancrés dans le conscient collectif des Mexicains. Une formation aux droits de l'homme est proposée non seulement aux responsables du Bureau du Procureur général, mais également à tout le personnel travaillant avec de nombreuses autres institutions publiques et privées. Qui plus est, des commissions des droits de l’homme ont été mises en place dans les deux chambres du Congrès. La jurisprudence des tribunaux mexicains prévoit que les traités internationaux, dont la Convention contre la torture, priment sur la législation nationale mais qu’ils dépendent de la législation nationale.

37.M. GROSSMAN, Rapporteur de pays, demande si une série de critères a été élaborée pour déterminer si une affaire spécifique doit être traitée par le bureau du Procureur général ou le bureau spécial du Procureur fédéral. De tels critères sont essentiels pour garantir une transparence. Il souhaite savoir si les critères de jurisprudence établis dans la législation internationale sont directement applicables au Mexique. Le cas échéant, il n’existe aucune limite aux violations du droit international. La délégation doit commenter les rapports faisant état de 11 homicides récents à Ciudad Juárez et fournir un complément d'information sur les mesures prises à l'encontre de 100 membres des autorités publiques de cette ville en rapport avec les assassinats de femmes.

38.Il demande des précisions sur la relation entre la Commission nationale des droits de l’homme et le Bureau du Procureur de la République à la lumière de rapports contradictoires sur la nature de leur coopération. Il demande si les affaires dans lesquelles un civil a prétendument été torturé par un membre des forces armées en uniforme sont jugées par des tribunaux militaires ou civils. La délégation doit expliquer la pratique selon laquelle un avis consultatif (en espagnol: dictámen) sert de preuve dans les affaires portant sur des allégations de torture et empêche un juge de demander d’autres preuves. Il pose la question de savoir si des mesures quelconques ont été prises au Mexique pour garantir la conformité des pratiques et de la législation des États avec les obligations internationales qui incombent au gouvernement fédéral, en particulier celles liées à la Convention.

39.Mme GONZÁLEZ (Mexique) précise que les États amendent de plus en plus leur législation afin de se conformer aux obligations internationales sans que le gouvernement fédéral ne les y invite.

40.Mme PÉREZ DUARTE (Mexique) ajoute que l’un des problèmes majeurs du système fédéral consiste à garantir que les diverses entités de la fédération satisfont dans le même temps à leurs obligations internationales. Un problème similaire se pose avec le Bureau du Procureur spécial pour les crimes violents contre les femmes, créé en raison de l’obligation de respecter les obligations internationales dans le cadre des traités liés aux droits de la femme, dont la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence à l’encontre des femmes. Les critères déterminant les cas dans lesquels le Bureau du Procureur spécial doit prendre des mesures reposent sur le traité régissant le système fédéral. Il n’y a toutefois pas de conflit de compétences entre le Bureau du Procureur spécial et le Bureau du Procureur local. Ils mènent des enquêtes parallèles, par exemple pour les affaires d’assassinats de femmes à Ciudad Juárez, bien que certaines questions relevant du droit international, comme la nécessité d’une enquête impartiale, ne puissent être ignorées.

41.L’affaire de Coahuila a été traitée par le Bureau du Procureur local en vue de garantir une meilleure protection aux femmes victimes. Quelques années auparavant encore, de telles affaires auraient été traitées par les tribunaux militaires; toutefois, il a été décidé que des tribunaux civils en auraient la charge de manière à ne pas nuire à leur statut de citoyens.

42.Au titre de la législation mexicaine, les crimes contre l'humanité ne font l’objet d’aucune prescription, comme en atteste la jurisprudence pertinente. La prescription a été appliquée dans l’affaire des meurtres des femmes de Ciudad Juárez parce que ces affaires avaient été traitées au cas par cas. La législation mexicaine ne permet pas d'interjeter appel contre un jugement rendu deux ans auparavant. À cet égard, des initiatives visent actuellement à améliorer l’accès au système de justice à travers la soumission d’un document à la Cour interaméricaine des droits de l’homme afin de connaître son opinion, ce qui servira de précédent pour les affaires ultérieures.

43.Les affaires plus récentes de meurtres de femmes à Ciudad Juárez sont traitées différemment en ce sens qu’elles sont portées plus rapidement devant les tribunaux. Il est essentiel d’instruire les affaires pendant que les preuves sont encore fraîches. La collecte de preuves pour les affaires précédentes ayant eu lieu entre 1993 et 2002 pose évidemment problème puisqu'il est plus difficile d'établir la culpabilité de l'accusé.

44.M. LAGUNES LÓPEZ (Mexique), répondant aux points soulevés par M. Grossman, rappelle que le Mexique estime que des critères objectifs sont nécessaires pour déterminer quand il convient de porter des questions relatives aux droits de l’homme devant les tribunaux et qu’il a préparé un projet de législation amendant la législation constitutionnelle et fédérale à cette fin.. Il fournira au Comité une copie du projet de législation afin de faire davantage la lumière sur les critères en question.

45.Afin de dissiper la confusion liée aux observations formulées lors d’une séance précédente, il indique que le Bureau du Procureur général n'a pas engagé d’action en justice contre les fonctionnaires de la Commission nationale des droits de l'homme. L’action en justice en question a été engagée par deux responsables du Parquet estimant que leurs droits avaient été violés. Il fournira au Comité un complément d’information sur l’affaire par écrit au moment opportun. Il insiste sur l’esprit de coopération qui prévaut au sein du Bureau du Procureur général et sur l’importance que ce Bureau attache à la formation de son personnel, comme en atteste le fait qu'il a mis en œuvre 7 des 12 recommandations de la Commission nationale des droits de l’homme.

46.Mme GONZÁLEZ (Mexique) précise qu’il y a eu de nombreuses discussions à propos des tribunaux militaires et que bien des questions ont été soulevées quant à l’étendue de leur coopération avec les tribunaux civils. Il n'est pas exact d’affirmer à la lumière de l'histoire du Mexique et en particulier de ses divers régimes militaires, que l’armée exerce une certaine influence et qu'il y a eu parfois des tensions entre les deux systèmes. Les juridictions militaires et civiles sont totalement séparées; toutefois, ces dernières années, la coopération entre elles s’est fortement renforcée, bien que si la situation ne soit pas uniforme dans tout le pays.

47.M. LABARDINI (Mexique), apportant un complément d’information sur les juridictions militaires et civiles, affirme qu’il n’est pas exact que le personnel militaire ne puisse pas être jugé dans des tribunaux civils. Ainsi, lorsque la victime d’un délit est un civil et que l’accusé est membre des forces armées, ce dernier peut être jugé par un tribunal civil pour autant que le délit n'ait pas été commis dans l’accomplissement de ses fonctions.

48.Par ailleurs, au titre de la législation fédérale, un ordre d’un officier ou d'une autorité supérieure ne constitue pas un motif d’exonération de la responsabilité pénale d'une personne, en ce compris un membre des forces armées ayant perpétré un acte de torture. L’article 14 de la loi sur la discipline au sein de l'armée de terre et des forces aériennes mexicaines empêche les officiers de donner des ordres à leurs subordonnés pour des actes constitutifs d’un délit.

49.M. MARIÑO MENÉNDEZ indique qu’il apprécierait un complément d’information sur la situation des demandeurs d’asile en attente d’une décision sur leur demande ainsi que sur l’aide que leur apporte la Commission d’aide aux réfugiés (COMAR). Où sont-ils détenus et pour combien de temps? Existe-t-il une procédure particulière pour des demandes urgentes? Il note que la délégation mexicaine fait référence à des «migrants», à savoir un terme plus vaste que «demandeurs d’asile» et se demande si un lien quelconque existe avec la réserve du le Mexique concernant la Convention internationale du 18 décembre 1990 sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

50.Il a compris qu’il n’existe aucun programme de stérilisation d’État mais demande si un quelconque programme de contrôle des naissances a été mis sur pied voire s’il existe une politique ciblant spécifiquement la population indigène. Il demande par ailleurs des précisions sur des affaires de disparitions forcées. Y-a-t-il eu des condamnations? La procédure de recours de amparo est-elle applicable?

51.Mme GONZÁLEZ déclare que les demandeurs d’asile en attente d’une décision sur leur demande cherchent refuge dans les ambassades voire dans d’autres bâtiments battant pavillon mexicain alors que d’autres sont placés dans des postes pour migrants. La COMAR tient des séances mensuelles, mais les séances de deux de ses membres peuvent être convoquées pour traiter des demandes urgentes. Les autres membres seront informés de la décision lors des séances régulières. Plusieurs demandes de femmes guatémaltèques ont récemment été traitées dans le cadre de cette procédure.

52.Les programmes de stérilisation n'ont jamais fait partie intégrante de la politique gouvernementale. Toutefois, une campagne prônant une parenté responsable a été lancée. Elle a par ailleurs lu des articles de presse portant sur la stérilisation dans des États comptant une forte population d’indigènes, comme dans l’État de Chiapas.

53.Elle n’a pas connaissance de cas de disparitions forcées. Par le passé, la législation pénale fédérale parlait de «génocides». Si un quelconque cas du genre est porté à son attention, elle en informera le Comité en conséquence.

54.Mme BELMIR signale qu’une question qu’elle a posée lors d’une séance précédente est restée sans réponse. Si l’étendue de la réforme législative et judiciaire engagée par le Mexique est louable, elle n’a contribué que dans une très faible mesure à changer la culture d’impunité qui prévaut en matière de torture. Dans le cadre du système inquisitoire actuel, les procureurs, habilités à bloquer les procédures, monopolisent pour la plupart les procédures pénales. Un système de caractère accusatoire permettrait de mieux équilibrer le pouvoir entre le procureur et la défense. Elle se demande donc si le Mexique ne devrait pas envisager une réforme dans cet esprit.

55.M. LAGUNES LÓPEZ (Mexique) indique qu'il est impossible de bloquer des procédures étant donné que la victime présumée de faits de torture peut encore renvoyer l'affaire devant la Cour suprême ou un autre tribunal fédéral voire, à défaut, engager la procédure de recours de amparo.

56.Mme GONZÁLEZ (Mexique) précise qu’il importe d'opérer une distinction entre les juges et les procureurs, étant donné que les premiers sont indépendants de l‘exécutif. Des propositions de réforme du système judiciaire qui auront des répercussions sur les procureurs sont actuellement à l’étude.

57.Mme BELMIR indique qu’elle est parfaitement consciente de la différence entre les juges et les procureurs. Elle tient à souligner que, dans un système à caractère inquisitoire, les procureurs jouissent de pouvoirs bien plus étendus que dans un système de caractère accusatoire, au sein duquel le défendant peut parfois interpeller directement le juge. Le système à caractère inquisitoire actuel semble favoriser l’impunité au Mexique.

Le débat faisant l’objet du présent compte rendu analytique prend fin à 17 heures.

-----