COMITÉ CONTRE LA TORTURE
Quarantième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 826e SÉANCE
tenue au Palais Wilson, à Genèvele vendredi 9 mai 2008, à 10 heures
Président: M. GROSSMAN
SOMMAIRE
EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)
Troisième rapport périodique de l’Islande
La séance est ouverte à 10 h 10.
EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour) (suite)
Troisième rapport périodique de l’Islande (HRI/CORE/1/Add.26; CAT/C/ISL/3; CAT/C/ISL/Q/3; CAT/C/ISL/Q/3/Add.1)
1. Sur l ’ invitation du Président, M me Kristinsdóttir, M. Jónsson et M me Helgadóttir prennent place à la table du Comité.
2.Mme KRISTINSDÓTTIR (Islande) dit que le troisième rapport périodique qui a été transmis au Comité comporte des erreurs ou imprécisions qu’elle souhaiterait rectifier. Au paragraphe 9, relatif à la loi sur la protection des enfants, il est indiqué à tort que le Ministre de la justice peut établir des règlements concernant les mesures coercitives ou disciplinaires. Il s’agit en réalité d’une attribution du Ministre des affaires sociales. D’autre part, dans le tableau du paragraphe 18, il faut préciser que les chiffres de la colonne «Expulsions» incluent les départs volontaires; le nombre d’expulsions forcées est nettement inférieur au chiffre indiqué. Les chiffres correspondant aux demandes retirées tiennent compte des demandes traitées dans le cadre des règles de coopération des Accords de Dublin, qui régissent l’attribution de la décision en matière d’asile. Dans la réponse écrite à la question no 8, il est indiqué qu’aucune des personnes ayant présenté une demande d’asile au cours de la période 2001‑2005 ne pouvait être considérée comme «réfugié» au sens de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés. Il faut néanmoins préciser que dans les cas relevant des Accords de Dublin, les autorités islandaises ne statuent pas sur le point de savoir si le requérant remplit les critères énoncés dans la Convention.
3.Les principales mesures adoptées depuis le précédent examen de l’application de la Convention contre la torture par l’Islande sont exposées dans le rapport, mais il est utile de les récapituler et si nécessaire d’apporter des précisions ou de nouveaux éléments d’information, dans l’intérêt du dialogue à venir. La loi no 48/1988 relative aux prisons et aux conditions d’emprisonnement a été remplacée par la loi no 49/2005 sur l’application des peines. Cette nouvelle loi a été élaborée compte tenu notamment des Règles pénitentiaires européennes publiées par le Conseil de l’Europe et des avis de l’Ombudsman parlementaire relatifs aux questions concernant les détenus. Cette loi rassemble en un seul texte de nombreuses dispositions de lois et règlements divers, et définit les droits et obligations des personnes condamnées. Les règles existantes ont été clarifiées, certaines dispositions ont été renforcées et diverses innovations ont été introduites.
4.Le règlement no 179/1992 relatif à la détention provisoire a été remplacé par le règlement sur l’application des peines, publié le 8 novembre 2005 (par. 7 du rapport). Celui‑ci contient 25 articles qui énoncent des dispositions détaillées sur, par exemple, le rôle de l’administration des services pénitentiaires et de probation, le travail en prison, les études, le travail ou la formation professionnelle à l’extérieur, la présence de nourrissons dans les prisons, les modalités et la surveillance des visites, l’accès des détenus aux médias, la libération conditionnelle et la détention provisoire et le traitement des données personnelles.
5.La nouvelle loi sur l’application des peines a aboli la distinction entre établissements pénitentiaires et centres de détention provisoire, lesquels en fait n’existaient plus depuis de nombreuses années en Islande. Comme il est indiqué dans la réponse écrite à la question no 2, la suppression de cette distinction s’explique notamment par le fait qu’il était difficile de garantir aux détenus en attente de jugement, en raison de leur petit nombre, des services satisfaisants en les maintenant dans un centre de détention à part. Mais le fait qu’ils soient détenus avec des condamnés ne compromet en rien la présomption d’innocence. Il s’agit simplement d’éviter qu’ils soient totalement isolés et de leur donner accès aux services offerts dans les établissements pénitentiaires.
6.Le nombre moyen de détenus en attente de jugement, qui s’élevait à 16,9 en 2005, n’a guère évolué. Ils étaient 17 en 2006 et 15 en 2007, et, parmi eux, 14 en 2006 et 13 en 2007 n’étaient pas en régime d’isolement.
7.Entre autres faits nouveaux survenus depuis l’élaboration du rapport, la loi no 25/1967 sur les garde‑côtes, qui n’établissait aucune règle particulière au sujet de l’emploi de la force par les garde‑côtes, a été remplacée par une nouvelle loi (no 52/2006), qui fait à ces derniers obligation de respecter la loi sur la police et le Code de procédure pénale, et un nouveau règlement sur la formation des surveillants pénitentiaires a été publié le 29 mars 2007 en application de la loi sur l’application des peines. La formation prévue dans ce règlement met l’accent sur les droits fondamentaux et le respect de la dignité des détenus, par l’enseignement des dispositions de la Constitution et des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, ainsi que des dispositions établies par les organes et comités internationaux qui s’occupent de la situation des détenus. Les critères de recrutement prévus par le nouveau règlement sont les mêmes que ceux du règlement précédent, qui sont énumérés au paragraphe 27 du rapport.
8.Mme Kristinsdóttir souhaite commenter en particulier deux des recommandations formulées par le Comité à l’occasion de l’examen du deuxième rapport périodique de l’Islande: la définition de la torture comme infraction spécifique en droit islandais, et la mise en conformité de la législation relative aux éléments de preuve à produire dans les procédures judiciaires avec les dispositions de l’article 15 de la Convention, afin que soient expressément exclues toutes les preuves obtenues par la torture.
9.Dans son rapport initial, l’Islande passait en revue les textes de loi islandais qui comportaient des dispositions interdisant la torture. Dans son deuxième rapport, elle expliquait en détail que, bien que la torture ne soit pas définie par la loi, ce qu’il fallait entendre par ce terme ne faisait aucun doute pas plus que le fait que la torture était punie par la loi. Dans son troisième rapport, l’Islande maintient les arguments qu’elle a fait valoir précédemment.
10.Dans ce contexte et compte tenu du principe général du droit islandais selon lequel les dispositions législatives doivent être interprétées conformément aux obligations découlant du droit international, il ne fait aucun doute que le terme de torture serait interprété conformément à l’article premier de la Convention par les tribunaux d’Islande si ceux‑ci avaient à statuer en la matière. Il faut également souligner que les dispositions de la Constitution de l’Islande et l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme ont une portée légèrement plus vaste que l’article premier de la Convention contre la torture, en ce qu’ils ne visent pas uniquement les actes des agents de la fonction publique, mais s’étendent à tous les cas de figure. Il y a également lieu de mentionner que de nombreux termes génériques employés en droit islandais ne sont pas définis dans le Code pénal, y compris, par exemple, les termes de viol et de meurtre, mais pour autant, il ne viendrait à l’idée de personne de prétendre que de tels actes ne constituent pas une infraction pénale en vertu des lois islandaises. Ce qui importe, ce n’est pas tant le terme employé pour désigner un comportement, que la qualification de ce comportement comme une infraction. Le Gouvernement estime donc que le droit islandais contient des dispositions satisfaisantes qui s’appliquent à la torture, aussi bien physique que morale, comme le prévoit l’article premier de la Convention.
11.Concernant l’article 15 de la Convention, une description détaillée des textes de loi se rapportant à cet article figure dans les deux précédents rapports de l’Islande. Il faut souligner que la procédure pénale obéit au principe selon lequel un juge apprécie librement les éléments de preuve produits devant le tribunal. Dans une affaire pénale, le juge est néanmoins lié par la Constitution, qui dispose que toute personne accusée d’avoir commis un crime est présumée innocente jusqu’à ce que la preuve de sa culpabilité soit établie. La charge de la preuve incombe donc à l’accusation. Un autre principe important dans ce contexte est celui de l’utilisation de preuves directes, énoncé à l’article 48 du Code de procédure pénale. Un jugement doit être fondé sur des preuves produites devant le tribunal au procès. Ainsi, les rapports de police qui ne sont pas corroborés par des déclarations faites à l’audience ont une force probante limitée. Les dispositions relatives à l’administration de la preuve en matière pénale prévoient que nul ne peut être condamné sur la base d’aveux dont il est établi qu’ils ont été obtenus par la torture.
12.Mme SVEAASS (Rapporteuse pour l’Islande) remercie la délégation pour les informations qu’elle a apportées en complément du rapport et des réponses écrites, d’ailleurs d’excellente qualité. À l’issue de l’examen du précédent rapport de l’Islande, le Comité avait relevé entre autres aspects positifs le fait qu’il n’avait reçu aucune plainte de torture ou de mauvais traitements mettant en cause l’Islande et que l’État partie avait adopté une nouvelle loi sur les étrangers qui assurait à ces derniers une plus grande protection. Entre autres recommandations, le Comité avait engagé l’État partie à définir la torture comme infraction spécifique en droit islandais conformément à l’article premier de la Convention et à mettre la législation relative aux éléments de preuve à produire lors de procédures judiciaires en conformité avec les dispositions de l’article 15 de la Convention. L’Islande a indiqué sa position à l’égard de ces recommandations dans son troisième rapport périodique et a fourni des renseignements supplémentaires sur les suicides dans les lieux de détention, la formation des médecins à l’identification des séquelles de la torture, la surveillance de la violence entre détenus et les mesures d’intervention appliquées dans ce contexte, comme le lui avait demandé le Comité. L’État partie a également joint à son rapport périodique le rapport établi par le Comité pour la prévention de la torture à l’issue de la visite qu’il a effectuée en Islande en 2004.
13.Le Comité attache la plus haute importance à l’incorporation d’une définition de la torture conforme à celle donnée à l’article premier de la Convention. Aussi appelle‑t‑il systématiquement l’attention des États parties dont la législation ne contient pas de définition de la torture ou dont la définition de la torture n’est pas conforme à celle de la Convention sur la nécessité absolue d’incorporer dans leur droit interne une telle définition. L’Islande fait valoir que l’interdiction de la torture est énoncée à l’article 68 de sa Constitution, qu’il n’y a aucun doute sur ce qu’il faut entendre par le terme «torture» même s’il n’est pas expressément défini, et qu’il n’y a donc pas lieu de modifier la loi. Cependant, la définition de la torture donnée à l’article premier de la Convention est très précise en ce qu’elle décrit les différents éléments constitutifs de la torture, ce qui la différencie par exemple de la définition de la torture énoncée dans la Convention européenne des droits de l’homme. Les mesures de sanction et de prévention de la torture sont étroitement liées à ces différents éléments. Comme le Comité l’a souligné dans son Observation générale sur l’article 2, une définition claire de la torture prenant en compte tous les éléments visés à l’article premier est essentielle pour prévenir efficacement la torture et les mauvais traitements. Il est donc impératif que l’État partie incorpore une telle définition dans son droit interne, notamment dans la perspective de sa possible adhésion au Protocole facultatif.
14.La torture n’est pas non plus qualifiée d’infraction pénale spécifique. Aucune disposition du Code pénal islandais ne fait expressément référence à la torture. Ainsi, bien que l’État partie affirme que les actes incriminés dans son Code pénal suffisent à garantir que la torture, tant physique que morale, est punissable en vertu de ce Code, le Comité l’engage à revoir sa position et à faire de la torture une infraction pénale spécifique, ainsi qu’à fixer des peines proportionnelles à la gravité des actes qu’elle recouvre.
15.Un autre moyen déterminant de prévenir la torture et les mauvais traitements est de mettre en place des mécanismes de surveillance indépendants. Il est indiqué dans les réponses écrites (question no 1) que l’Ombudsman parlementaire a procédé à des inspections dans des prisons et que ses observations ont été prises en considération. Qu’en est‑il des établissements psychiatriques? En outre, l’Ombudsman dispose d’un mandat et de ressources vraisemblablement limités, et il a lui‑même recommandé la création d’un mécanisme de surveillance chargé spécifiquement des inspections dans les lieux de détention et les hôpitaux psychiatriques. Il serait utile de connaître les intentions de l’État partie à ce sujet. L’établissement d’une institution nationale qui serait conforme aux Principes de Paris et qui se fonderait sur l’expérience d’autres institutions et organisations de la société civile actives dans le domaine des droits de l’homme serait peut‑être à envisager.
16.Il ressort des réponses écrites de l’État partie (question no 4) qu’il a adopté un certain nombre de mesures législatives pour lutter contre la traite des êtres humains. Des précisions concernant les dispositions prises en faveur des victimes, notamment en matière de réadaptation et de soins, seraient les bienvenues.
17.La délégation a indiqué qu’à l’instar de la torture, d’autres crimes, notamment le viol, n’étaient pas expressément définis dans le Code pénal, sans toutefois que cela soit un facteur d’impunité. Il serait souhaitable de promulguer des lois portant spécifiquement sur le viol, et plus largement sur la violence contre les femmes et la violence familiale, qui à l’heure actuelle ne sont apparemment pas définies comme des infractions spécifiques, d’autant que d’après certaines informations ce type de violence serait très répandu en Islande. Des précisions sur ce sujet seraient utiles.
18.La possibilité d’équiper les forces de police de pistolets neutralisants à décharges électriques aurait été envisagée. La délégation pourra peut‑être indiquer si les discussions à ce sujet se poursuivent. Si tel est le cas, le Comité engage vivement l’État partie à renoncer à autoriser l’utilisation de telles armes car elles causent des lésions extrêmement graves, comme l’attestent les nombreux rapports sur cette question.
19.Dans sa réponse à la question no 5, l’État partie indique que l’article 45 de la loi sur les étrangers, qui interdit le refoulement d’étrangers vers des régions où ils ont des motifs de craindre des persécutions, a été appliqué dans 18 cas entre 2001 et 2005, à des personnes qui ne pouvaient prétendre au statut de réfugié. D’après les chiffres indiqués dans le rapport, au cours de cette période, sur 394 demandeurs d’asile, 240 ont été expulsés. La délégation a indiqué qu’il fallait déduire de ce chiffre les départs volontaires. Elle pourra peut‑être fournir le nombre exact des expulsions forcées. Entre 2001 et 2008, un seul demandeur d’asile sur un total de 457 a obtenu le statut de réfugié. On peut donc se demander si les critères régissant l’octroi du statut de réfugié ne sont pas trop stricts et si, en conséquence, il n’y a pas un risque que des personnes soient expulsées vers des pays où elles pourraient être soumises à la torture. On sait par exemple qu’entre 2005 et 2007 l’Islande a expulsé des demandeurs d’asile vers l’Afghanistan, pays qui ne saurait être considéré comme sûr au regard de la Convention.
20.Les Accords de Dublin sont appliqués de façon implacable, comme l’illustre le cas d’une jeune femme enceinte de sept mois, originaire de Roumanie, qui avait présenté une demande d’asile en Islande et a été renvoyée vers le Royaume‑Uni en 2005, alors qu’elle était gravement malade, suicidaire et qu’elle souffrait de troubles post‑traumatiques graves. Cette affaire montre bien que les considérations humanitaires doivent être davantage prises en compte dans la procédure d’asile.
21.En rapport avec le nouveau règlement sur les garde‑côtes, en vertu duquel ces derniers sont assujettis à la loi sur la police, il serait intéressant de savoir s’il y a eu des allégations faisant état d’abus d’autorité ou d’actes de violence commis par des garde‑côtes dans l’exercice de leurs fonctions. Des éclaircissements concernant la portée exacte de l’interdiction énoncée à l’article 45 de la loi sur les étrangers seraient bienvenus. En effet, le terme «rapatriement» utilisé au paragraphe 14 des réponses écrites n’est pas clair. Il semblerait en outre qu’il n’existe pas de dispositions spécifiques sur la protection des mineurs non accompagnés. Des précisions à ce sujet seraient utiles.
22.En ce qui concerne l’article 5, on se souviendra que la visite en Islande en 2003 d’un haut responsable du Parti communiste chinois, responsable présumé de crimes de torture et de génocide et de crimes contre l’humanité, a donné lieu à un débat intense autour de deux attitudes possibles: poursuivre l’intéressé au nom de l’obligation internationale incombant à l’Islande de conduire devant la justice toute personne coupable de violations systématiques des droits de l’homme protégés par des instruments internationaux, dont la Convention contre la torture, ou considérer que celui‑ci se trouvait en Islande en visite officielle et bénéficiait à ce titre de l’immunité diplomatique. Il serait intéressant de savoir quelle position a finalement prévalu et pour quelles raisons.
23.Les activités de la CIA en Europe suscitent une vive polémique. Il ressort du rapport adopté par le Parlement européen en 2007 sur la question que les États européens ferment généralement les yeux sur les vols d’avions affrétés par la CIA parfois utilisés pour transférer illégalement des détenus. En 2005, les médias islandais ont rapporté que des avions affrétés par la CIA s’étaient posés sur le sol islandais au moins 67 fois depuis 2001. À l’époque, le ministère public ne s’était pas saisi de la question en dépit des requêtes demandant l’ouverture d’une enquête officielle pour faire la lumière sur une éventuelle complicité de l’État islandais dans ces transferts illégaux. Des discussions auraient eu lieu depuis et le Comité voudrait savoir quels ont été les résultats.
24.M. WANG Xuexian (Corapporteur pour l’Islande), abordant l’examen de l’application de l’article 10 de la Convention par l’État partie, note avec satisfaction que la législation islandaise dispose que les membres des forces de maintien de la paix déployées à l’étranger sont tenus de respecter les dispositions des instruments internationaux auxquels l’Islande est partie. Il souhaiterait savoir si l’État partie pourrait envisager de donner suite à une recommandation du Centre islandais des droits de l’homme tendant à l’adoption d’une disposition législative instituant l’obligation de dispenser un enseignement sur le droit humanitaire et les instruments relatifs aux droits de l’homme aux membres des forces islandaises de maintien de la paix dans le cadre de leur formation.
25.En ce qui concerne la formation des gardes frontière − qui sont pour la plupart des garde‑côtes en raison de la configuration géographique particulière de l’État partie −, le Comité voudrait savoir si le Gouvernement islandais a donné suite à la recommandation formulée par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale dans ses observations finales sur les dix‑septième et dix‑huitième rapports périodiques de l’Islande, dans laquelle il était encouragé à redoubler d’efforts afin que les gardes frontière bénéficient d’une formation systématique en matière de protection des réfugiés et reçoivent notamment des informations sur la situation prévalant dans le pays d’origine des demandeurs d’asile (CERD/C/ISL/CO/18, par. 11).
26.Selon certaines sources, il existerait à Reykjavik une prison qui n’est pas conforme aux normes minimales, 16 cellules étant dépourvues de toilettes ou de lavabos. La délégation pourra peut‑être dire si ces informations sont exactes et, dans l’affirmative, si des mesures ont été prises afin de remédier à cette situation. En outre, le placement à l’isolement serait ordonné de manière arbitraire et le pourcentage de détenus auxquels cette mesure est appliquée serait excessif, ce qui appelle un commentaire de la délégation. Selon des informations portées à la connaissance du Comité, deux mineurs se trouveraient actuellement en détention et ne seraient pas séparés des adultes. La délégation pourrait‑elle confirmer ou infirmer ces informations?
27.En ce qui concerne l’application de l’article 13 de la Convention, le Comité souhaiterait connaître les raisons pour lesquelles il a été mis fin à deux enquêtes qui avaient été ouvertes sur des plaintes déposées contre la police. Il a pris bonne note des éclaircissements présentés par la délégation au sujet de l’application de l’article 15 de la Convention ainsi que des renseignements donnés dans le rapport initial (CAT/C/37/Add.2, par. 141 à 148) selon lesquels la législation islandaise n’interdit pas expressément l’utilisation d’une déclaration obtenue sous la torture comme moyen de preuve dans un procès, la valeur de cet élément étant librement appréciée par le juge. Le Comité estime indispensable que la législation de l’État partie soit complétée par une disposition interdisant explicitement l’utilisation de déclarations obtenues par la torture dans le cadre d’un procès, car l’existence d’une telle disposition a un effet dissuasif et contribue donc à la prévention de la torture.
28.Concernant l’application de l’article 16 de la Convention, le Corapporteur prend note avec satisfaction des modifications apportées en 2007 au Code pénal, en vertu desquelles la peine encourue pour violences sexuelles à enfant a été portée à seize ans d’emprisonnement et s’étonne de ce que la peine fixée pour viol commis contre un adulte ne soit que d’un à deux ans d’emprisonnement, d’autant plus que, d’après certaines sources, l’incidence des viols serait relativement élevée dans l’État partie. Compte tenu de la gravité de ce type d’acte, il serait intéressant de savoir pourquoi la peine encourue pour viol n’a pas été augmentée. Enfin, la délégation voudra peut‑être indiquer si l’État partie pourrait donner suite à la recommandation de la Commission internationale des juristes qui a préconisé l’adoption d’une disposition incriminant les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
29.MmeBELMIR constate que, malgré les efforts que l’État partie a déployés afin de tracer une ligne de démarcation entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif, une certaine confusion subsiste, en particulier au plan local, où l’administration peut avoir des attributions qui sont en principe du ressort des tribunaux. Le Comité souhaiterait donc que l’État partie poursuive les efforts qu’il a entrepris afin de séparer encore plus nettement les champs de compétence de chacun des deux pouvoirs, l’objectif étant de préserver l’état de droit et de garantir la protection des personnes placées sous sa juridiction.
30.Les demandeurs d’asile déboutés et les étrangers frappés d’une mesure d’éloignement du territoire ne peuvent former de recours que devant le Ministère de la justice. Or, cette autorité exerce un contrôle juridictionnel sur la procédure mais ne réexamine pas la décision des autorités administratives inférieures quant au fond. Il conviendrait de savoir si l’État partie a pris des mesures afin d’appliquer la recommandation formulée à ce sujet par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale dans ses observations finales concernant les dix‑septième et dix‑huitième rapports périodiques de l’Islande (CERD/C/ISL/CO/18), dans laquelle il était invité à instituer un recours de pleine juridiction auprès d’un organe judiciaire indépendant chargé d’examiner la décision de la Direction de l’immigration ou du Ministre de la justice de rejeter une demande d’asile ou d’expulser un demandeur d’asile (par. 15).
31.Pour ce qui est de l’accès de tous à la justice, il serait utile de savoir si les personnes appartenant à des groupes marginalisés ont accès à une aide juridictionnelle et sont informés de leurs droits. L’État partie a indiqué à propos du maintien de l’ordre et de la sécurité dans les établissements pénitentiaires que le personnel pouvait faire usage de moyens de contrainte. Leur utilisation étant laissée à leur libre appréciation, il conviendrait de savoir si le recours à ces moyens est soumis à un contrôle quelconque − administratif, disciplinaire ou judiciaire − et, dans l’affirmative, quel est l’organe habilité à exercer ce contrôle, compte tenu en particulier du fait que l’usage des pistolets neutralisants envoyant des décharges électriques est autorisé dans l’État partie.
32.D’après le paragraphe 10 du rapport, les prévenus sont placés dans les mêmes locaux que les condamnés lorsqu’il n’est pas jugé nécessaire de les séparer, pratique qui selon l’État partie ne préjudicierait aucunement à la présomption d’innocence et éviterait l’isolement social des prévenus. Pour Mme Belmir ces arguments sont largement insuffisants; les deux catégories de détenus devraient toujours être séparées. Du reste, d’après certaines sources, des heurts se seraient produits entre prévenus et condamnés. En outre, dans ses conclusions et recommandations concernant le deuxième rapport périodique de l’Islande (CAT/C/CR/30/3), le Comité s’était déclaré préoccupé par le fait que les violences entre prisonniers dans un centre de détention de l’État partie avaient conduit certains détenus à demander de leur propre chef leur mise à l’isolement (par. 8).
33.Enfin, l’État partie a certes accompli des progrès notables pour ce qui est de la protection des mineurs contre les violences et l’exploitation, mais il n’a toujours pas mis sur pied un système de justice pour mineurs alors que, dans ses observations finales concernant le deuxième rapport périodique de l’Islande (CRC/C/15/Add.203), le Comité des droits de l’enfant avait formulé une recommandation portant spécifiquement sur cette question (par. 41 a)). La délégation pourrait peut‑être indiquer si l’État partie envisage de prendre des mesures afin de donner suite à cette recommandation.
34.MmeKLEOPAS s’associe aux remarques du Rapporteur sur la nécessité d’incorporer dans la loi une disposition contenant une définition de la torture conforme à celle de l’article premier de la Convention et souligne que ce n’est qu’avec une telle disposition que l’État partie pourra pleinement s’acquitter des obligations qui lui incombent au regard de la Convention et en particulier de ses articles 2 et 4 et qu’il pourra lutter efficacement contre l’impunité des auteurs d’actes de torture.
35.En ce qui concerne la question de la violence au sein du foyer, le Comité a reçu des informations du Centre islandais des droits de l’homme selon lesquelles le Gouvernement aurait adopté un plan de lutte contre la violence faite aux femmes et aux enfants mais que les ressources allouées pour le mettre en œuvre seraient insuffisantes. Le Comité invite la délégation à décrire le contenu du plan d’action et à donner des statistiques sur les cas de violences sexuelles infligées aux femmes dans le mariage et de sévices infligés aux enfants au sein de la famille.
36.Mme Kleopas relève avec satisfaction qu’une loi sur la traite a été adoptée en Islande. Toutefois, il serait utile de savoir si une législation a été adoptée sur l’assistance aux victimes et la protection des témoins et si les gardes frontière, les membres du personnel médical et les employés des services sociaux reçoivent une formation sur la prise en charge et l’accompagnement des victimes de la traite.
37.M. MARIÑOMENÉNDEZ relève que la situation géographique particulière de l’Islande fait que les migrants ne peuvent y accéder que par la voie maritime ou aérienne, les étrangers qui souhaitent demander l’asile ou chercher du travail en Islande et qui arrivent par avion sont donc systématiquement contrôlés à la douane. Le Comité souhaiterait savoir si les étrangers qui parviennent en Islande après avoir transité par un pays de l’espace Schengen sont automatiquement renvoyés vers le pays en question, conformément aux dispositions de la Convention de Dublin selon lesquelles le demandeur d’asile doit déposer sa demande dans le premier pays par lequel il est entré dans l’espace Schengen, ou si les autorités islandaises examinent chaque demande au cas par cas afin de déterminer si le renvoi d’un demandeur d’asile vers le premier pays de transit ne ferait pas courir à l’intéressé le risque d’être expulsé ultérieurement vers un pays tiers où il pourrait être soumis à la torture.
38.Le Comité voudrait également savoir si un étranger qui présente à la douane un document de voyage délivré par un État de l’espace Schengen peut entrer en Islande et s’il fait l’objet d’une surveillance spéciale. Selon des informations, les décisions concernant l’octroi de permis de séjour pour des raisons humanitaires seraient laissées à la libre appréciation du Ministre de la justice, en particulier lorsque le demandeur n’est pas un ressortissant d’un pays membre de l’Union européenne. La délégation pourrait indiquer si le traitement des demandes de permis de séjour est différent selon que la personne vient d’un pays membre de l’Union européenne ou non. Enfin, il serait intéressant de savoir si la décision des autorités administratives citée au paragraphe 20 des réponses écrites à la question no 7 de la liste des points à traiter ne pourrait pas être érigée en norme afin de pallier l’absence de dispositions légales en matière d’octroi de permis de séjour pour des raisons humanitaires.
39.MmeGAER demande si les autorités compétentes en matière d’asile procèdent à une évaluation du risque de torture lorsqu’elles sont saisies d’une demande d’asile dans laquelle l’existence d’un tel risque est invoquée et, dans l’affirmative, comment l’évaluation est réalisée. En outre, de plus amples renseignements seraient bienvenus sur l’application concrète des règles concernant la violence entre détenus établies par le Directeur de l’administration des services pénitentiaires et de probation (par. 59 du rapport). En particulier, il conviendrait de savoir si des plaintes ont été déposées par des détenus, si des mesures ont été prises afin de séparer certains détenus des autres et si des études ont été réalisées sur les violences entre détenus. D’après le complément d’information apporté dans le rapport sur la question des suicides en détention (par. 49 à 51), aucune enquête ne semble avoir été ouverte sur des incidents de cette nature. Or, d’après une organisation non gouvernementale, deux cas de suicide se seraient produits en 2004 et en 2005. La délégation est invitée à indiquer si ces deux incidents ont fait l’objet d’une enquête.
40.En ce qui concerne la ratification par l’Islande du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, Mme Gaer ne comprend pas bien pourquoi, d’après les réponses écrites (par. 55), l’État partie ne juge pas opportun de confier à un organe déjà en place dans le pays − l’Ombudsman parlementaire ou une organisation non gouvernementale − la tâche d’inspecter régulièrement des centres de détention, conformément aux dispositions du Protocole facultatif. Il serait intéressant de connaître l’état d’avancement des réflexions en cours dans l’État partie concernant la création d’un mécanisme national de prévention.
41.Dans ses trois derniers rapports, l’Ombudsman parlementaire a regretté que les organismes publics tardent à lui répondre et à lui envoyer les documents dont il avait besoin pour mener ses enquêtes sur les allégations de tortures dont il avait été saisi. La délégation est invitée à donner des explications sur ce point. À propos de la section V de la loi no 49/2005 sur l’application des peines, qui porte notamment sur les fouilles corporelles, il serait utile que la délégation précise s’il existe des lignes directrices concernant l’examen des orifices naturels et si ce type de fouille, qui peut être perçu comme dégradant, est réalisé par du personnel spécialisé, dans le souci de protéger l’intimité de l’intéressé.
42.Le PRÉSIDENT dit qu’il reviendra sur l’importante question de la définition de la torture. Les États sont nombreux à faire valoir que les qualifications pénales de différents actes peuvent servir à réprimer les actes de torture. Or il importe que la torture soit appelée de ce nom dans la loi pénale car il n’est pas possible d’interpréter, en raisonnant par analogie, des dispositions qui visent par exemple des actes de violence comme pouvant être étendues à des actes de torture. Pour réprimer la torture, il faut que la torture soit qualifiée en tant que telle dans la loi. Tout jugement doit décrire avec précision la qualification retenue et cette qualification doit être interprétée de façon stricte. L’obligation de prévenir la torture dépasse les frontières des États et le Comité a maintes fois exprimé la conviction que, si tous les États énonçaient une définition de la torture dans la loi pénale, la cause de l’éradication de la torture s’en trouverait grandement avancée.
43.Le Centre islandais des droits de l’homme a appelé l’attention du Comité sur le fait que l’article 45 de la nouvelle loi sur les étrangers, qui interdit le refoulement d’étrangers vers des régions où ils ont des motifs de craindre des persécutions, prévoyait une exception à l’égard des étrangers considérés comme dangereux pour la sécurité nationale. L’interdiction faite à l’article 3 de la Convention s’applique à tout étranger qui risque de subir des tortures et si les autorités considèrent qu’un individu précis représente un danger pour la sécurité nationale, il existe d’autres moyens de protéger le pays que de renvoyer l’intéressé dans un pays où son intégrité physique est en danger. De surcroît, la notion de sécurité nationale est très large et devrait être précisée.
44.La question de la formation systématique des membres des forces armées islandaises appelées à participer à des opérations de maintien de la paix a été soulignée. Dans un tel domaine, la participation de la société civile prend une grande importance. Il en va de même pour la formation des gardes frontière, que le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a déjà encouragé l’Islande à renforcer.
45.Le Centre islandais des droits de l’homme a signalé une affaire dans laquelle un demandeur d’asile était resté détenu pendant quatre jours sans pouvoir contester sa détention auprès d’une autorité. La délégation islandaise aura peut-être des informations à donner au sujet de cette affaire.
46.La question du terrorisme est particulièrement importante aujourd’hui et, si la lutte contre le terrorisme, qu’aucune cause ne saurait jamais justifier, est assurément légitime, il faut circonscrire ce que l’on entend par acte de terrorisme. Il faudrait savoir s’il est envisagé de limiter la définition actuelle du terrorisme, que d’aucuns considèrent comme trop étendue.
47.Le Président invite la délégation islandaise à répondre aux questions et propose de lui laisser un peu de temps pour préparer ses réponses.
La séance est suspendue à 11 h 40; elle est reprise à 12 h 5.
48.MmeKRISTINSDÓTTIR (Islande) dit que la délégation va s’efforcer de répondre de son mieux mais que plusieurs points seront communiqués au Gouvernement islandais qui apportera une réponse ultérieurement.
49.En ce qui concerne la question du régime applicable aux étrangers en vertu des Accords de Dublin d’une part et de l’Accord de Schengen d’autre part, il faut bien voir que les deux choses sont différentes. L’Islande fait partie de l’espace Schengen, ce qui signifie que ses frontières sont ouvertes à tout étranger, qu’il soit membre de l’Union européenne ou membre d’un pays tiers mais provenant d’un pays de l’espace Schengen. Il n’y a aucun contrôle aux frontières puisqu’il est entendu que le contrôle a eu lieu aux frontières extérieures communes. Donc, un étranger venant d’Allemagne mais originaire d’un pays tiers n’est soumis à aucun contrôle. La situation est différente en ce qui concerne les étrangers d’un pays tiers qui arrivent en Islande en provenance du Royaume-Uni ou de l’Irlande, pays qui ne font pas partie de l’espace Schengen. Ces étrangers sont, en vertu des Accords de Dublin, soumis à un contrôle aux frontières. L’Islande s’efforce d’appliquer les Accords de Dublin de façon cohérente et les autorités participent activement aux travaux des groupes d’experts qui traitent des aspects pratiques de l’application des Accords. Dans les cas où les dispositions des Accords l’exigent, les autorités islandaises sont tenues de ne pas admettre l’étranger sur le territoire.
50.En ce qui concerne le nombre de demandes d’asile acceptées qui, d’après le Comité, serait faible, il faut savoir que l’Islande accueille un nombre relativement élevé de réfugiés qui lui sont adressés par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en coopération avec la Croix-Rouge islandaise. Récemment, le Ministre des affaires étrangères et le Ministre des affaires sociales ont signé de nouveaux accords pour accueillir d’autres groupes de réfugiés. L’Islande accueille 30 à 40 personnes par jour, ce qui est beaucoup pour un pays d’à peine plus de 300 000 habitants. Si le nombre de cas où l’asile est accordé semble faible, c’est en réalité parce que le nombre de demandes l’est aussi. La raison est peut-être que l’Islande n’est pas le premier choix pour des personnes venues de pays au climat moins rigoureux. Ceux qui remplissent les conditions fixées dans la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés peuvent avoir trouvé un pays d’accueil avant d’arriver en Islande. Mais il serait faux de croire que l’Islande n’assure pas une bonne protection des demandeurs d’asile; tout récemment, une famille de trois personnes est arrivée et a obtenu l’asile.
51.Pour ce qui est des mineurs non accompagnés, l’Islande participe aux travaux du Conseil des États de la mer Baltique, et en particulier aux travaux sur la traite des êtres humains. Un plan d’action consacré à la question des mineurs non accompagnés a été élaboré en 2003, et est appliqué par tous les organes de police et les autorités d’immigration. Toutefois, depuis 2003, deux affaires seulement de mineurs non accompagnés se sont présentées.
52.Il en va de la définition de la violence familiale comme de la définition de la torture. Introduire des définitions strictes est contraire aux traditions juridiques du pays. Bien des choses n’ont pas à être définies; les mots ont un sens connu qui a été interprété par les tribunaux, notamment, ainsi que dans les exposés des motifs des lois et également par la pratique. Il n’est donc pas nécessaire d’introduire une définition.
53.M. JÓNSSON (Islande) répondra tout d’abord à la question des mesures prises par le Gouvernement à la suite des allégations faisant état de survols illégaux de l’espace aérien islandais. Le Ministre des affaires étrangères a mené une étude pour déterminer la véracité de ces allégations, mais l’étude n’a pas établi que des survols avaient eu lieu. Toutefois, un groupe de consultation interministériel a été institué pour déterminer si, à l’époque, les procédures de surveillance avaient été suffisamment appliquées. Le groupe de consultation a conclu que les procédures avaient bien été respectées; il a néanmoins été proposé d’apporter une modification au manuel destiné aux pilotes de ligne qui sont désormais tenus, quand ils survolent l’Islande, d’informer les autorités s’ils ont à leur bord des prisonniers.
54.En ce qui concerne la formation aux droits de l’homme des militaires appelés à participer aux opérations de maintien de la paix, il existe au Ministère des affaires étrangères un groupe spécial chargé du recrutement, de la formation et du déploiement des membres des contingents de maintien de la paix. Avant d’être envoyés sur le terrain, les militaires doivent signer un code de conduite qui est très semblable aux règles des Nations Unies. La loi ne contient aucune disposition relative à la formation aux droits de l’homme à l’intention de ces personnels, mais les autorités ont entrepris de mettre en œuvre une nouvelle politique concernant les droits de l’homme, faisant obligation à tous les personnels de suivre une formation de base et d’avoir certaines connaissances en matière de droits de l’homme. Les membres des contingents de maintien de la paix seront visés par la nouvelle politique qui devrait entrer en application avant la fin de l’année.
55.MmeKRISTINDÓTTIR (Islande) apporte des précisions au sujet de la question des garde‑côtes et des gardes frontière. Les personnels de ces deux catégories exercent des pouvoirs de police. Ceux qui sont affectés au contrôle des passeports dans les aéroports sont spécialement formés pour s’occuper de personnes venues du monde entier, pour repérer les faux documents certes, mais aussi pour déceler les indices de trafic de personnes. L’Islande est membre de l’Agence européenne aux frontières extérieures (Frontex) qui organise une formation à l’intention des gardes frontière. Les gardes frontière islandais bénéficient de ces programmes de formation.
56.Le Comité s’est inquiété du nombre qu’il qualifie d’élevé, de personnes en détention provisoire placées à l’isolement. Il se peut qu’il y ait un malentendu car ce chiffre est en réalité faible puisqu’en 2006, sur 17 personnes en détention provisoire, trois étaient à l’isolement.
57.En ce qui concerne les raisons pour lesquelles les enquêtes sur les plaintes contre la police peuvent être arrêtées, il faut savoir que le plus souvent les allégations contre la police se révèlent dénuées de fondement très tôt après le dépôt de la plainte. Dans d’autres cas, tout aussi nombreux, la plainte est retirée par la personne qui l’a déposée. Il est donc logique que l’enquête s’arrête. En revanche, toute plainte contre la police est enregistrée en tant que plainte, qu’elle fasse ultérieurement l’objet d’une enquête ou non.
58.Le Comité s’est inquiété de ce que toutes les sortes de preuves sont transmises au juge. Une règle de droit, qui a valeur constitutionnelle en Islande, est que tout élément de preuve, même s’il a été obtenu par des moyens illégitimes, doit être porté à la connaissance du juge qui tient évidemment compte de la façon dont la preuve a été obtenue et prend la décision qui s’impose.
59.MmeHELGADÓTTIR (Islande) dit au sujet de l’incarcération de mineurs qu’effectivement deux jeunes de 17 ans sont détenus dans des prisons pour adultes, dont certaines cellules sont dépourvues de toilettes. L’une, Kvijabryggja, est une prison sans barreaux tandis que l’autre, Skólavördustigur, est réservée aux détenus condamnés pour des infractions mineures. Il faut savoir que l’Office d’aide sociale à l’enfance avait tenté de placer ces mineurs avant qu’ils soient incarcérés, en vain.
60.Par la voix des associations de policiers, les policiers ont fait savoir qu’ils souhaiteraient être équipés de pistolets neutralisants, qui leur seraient utiles dans certaines circonstances. Les autorités compétentes n’ont toutefois pas encore tranché la question, et Mme Helgadóttir ne manquera pas de communiquer aux autorités islandaises l’opinion du Comité à ce sujet.
61.Il est vrai qu’il n’existe aucun mécanisme de surveillance indépendant chargé d’inspecter les établissements psychiatriques, mais il faut savoir que le Directeur général des services de santé est responsable de tous les hôpitaux du pays, dont les hôpitaux psychiatriques. En outre, un comité a été créé afin de recueillir les plaintes relatives au fonctionnement du système de santé. L’Ombudsman parlementaire pourrait certes assumer un rôle de supervision dans ce domaine, mais il manque de personnel. Pour donner suite aux recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, l’Islande envisage actuellement de créer un comité indépendant à qui ce mandat de supervision serait confié, et réfléchit à sa composition.
62.MmeKRISTINSDÓTTIR (Islande) dit qu’il est fréquent que les demandeurs d’asile fassent valoir qu’ils risquent d’être torturés dans leur pays d’origine et qu’ils prétendent être originaires d’un pays autre que leur véritable pays d’origine. Quoi qu’il en soit, tous sont entendus et tous leurs arguments examinés, afin que les autorités compétentes puissent se prononcer en connaissance de cause. Un demandeur d’asile a même saisi le tribunal de Reykjavik en avril 2008, invoquant qu’il risquait d’être réduit en esclavage s’il était renvoyé dans son pays de résidence; le tribunal a ouvert une enquête à ce sujet, qui est en cours.
63.La question de la violence entre détenus fait l’objet d’une surveillance particulière de la part de l’Administration des services pénitentiaires et de probation (par. 29) et les gardiens de prison sont particulièrement attentifs à ce problème. Le problème des suicides en prison est également suivi de près et chaque décès en détention donne lieu à l’ouverture d’une enquête. Les résultats de l’enquête portant sur le décès récent d’un détenu ont révélé que le décès était dû à des causes naturelles et nullement à un acte criminel.
64.Les procédures administratives sont généralement moins longues que les procédures judiciaires et les organismes publics, généralement débordés, tardent à répondre aux demandes d’informations de l’Ombudsman parlementaire au sujet des plaintes pour torture dont il a été saisi, traitant souvent en priorité les plaintes émanant de particuliers.
65.Les fouilles à corps des détenus − et notamment l’examen des orifices naturels − sont régies par des règles strictes. Les personnes qui leur rendent visite peuvent également être soumises à des fouilles corporelles, si cela se justifie.
66.Pour ce qui est de la division des pouvoirs, il faut savoir qu’en Islande, comme dans d’autres pays nordiques, le Procureur général − tout comme la police qui lui fait rapport − relève du pouvoir exécutif. C’est donc au Procureur qu’il incombe d’ordonner l’ouverture d’une enquête de police, hormis en cas d’infraction mineure comme les contraventions au code de la route (la conduite en état d’ivresse par exemple) pour lesquelles la police a toute liberté d’engager elle‑même des poursuites. Le pouvoir judiciaire n’a donc jamais l’initiative des actions en justice puisque c’est au pouvoir exécutif que revient cette responsabilité, et au Procureur de prouver le bien‑fondé d’un argument devant le juge. Enfin, aucun cas d’utilisation de pistolets neutralisants dans les prisons n’a été signalé.
67.MmeSVEAASS (Rapporteuse pour l’Islande) remercie la délégation de ses réponses et félicite l’État partie d’avoir pris, depuis la présentation de son deuxième rapport périodique, un certain nombre de mesures d’ordre juridique, au nombre desquelles la loi sur l’application des peines en 2005, l’intégration dans le Code pénal d’une disposition relative à la traite des êtres humains ainsi que la signature, en mai 2005, de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. Elle salue également l’adoption en 2002 de la loi sur les étrangers, plutôt favorable au non‑renvoi des étrangers dans leur pays d’origine.
68.Mme Sveaass regrette que l’État partie n’ait pas apporté, dans son rapport ou ses réponses écrites, davantage de précisions sur la collaboration qu’il entretient avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ce qui permettrait au Comité de se faire une idée plus précise de la protection que l’Islande offre aux personnes persécutées dans leur pays d’origine.
69.Le Comité a pris bonne note des commentaires de la délégation sur la question de la compétence universelle et notamment sur la question de savoir si le responsable d’un parti politique qui se serait rendu coupable d’un crime de guerre ou d’un crime contre l’humanité peut, selon l’État partie, être poursuivi dans un pays autre que celui où le crime a été commis. L’État partie pourrait fournir un complément d’information écrit sur la suite de l’affaire concernant M. Luo Gan, haut responsable du parti communiste chinois qui a fait l’objet de poursuites lors de sa visite en Islande en raison de son implication présumée dans des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des actes de torture dans son pays. Enfin, la délégation est invitée à indiquer où en est l’Islande pour ce qui est de la mise en place de mécanismes de surveillance indépendants chargés d’inspecter les établissements psychiatriques afin de prévenir les actes de torture et les mauvais traitements dans ces établissements.
70.M. WANG Xuexian (Corapporteur pour l’Islande) dit qu’il a bien noté le chiffre donné par la délégation pour le nombre de personnes à l’isolement mais que le Centre islandais des droits de l’homme a transmis un tableau d’où il ressort que près de 90 % des détenus sont placés à l’isolement pour une durée variable, qui a été de quatre semaines en moyenne en 2001.
71.Il ne fait aucun doute qu’en pratique, les déclarations obtenues par la torture sont exclues des éléments de preuve utilisés dans le cadre des procédures judiciaires, mais la question se pose alors de savoir s’il ne serait pas préférable d’inclure dans la législation une disposition interdisant spécifiquement le recours à ce type de preuves.
72.MmeBELMIR dit qu’elle n’a pas obtenu de réponse à un certain nombre de ses questions, concernant notamment les rôles respectifs du magistrat et du Procureur de la République et la nécessité pour l’État partie d’instituer, conformément à la recommandation du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, un recours de pleine juridiction auprès d’un organe judiciaire indépendant pour les demandeurs d’asile déboutés. La délégation pourrait aussi indiquer la raison exacte pour laquelle les prévenus et les condamnés sont détenus dans les mêmes quartiers et ce qui explique qu’il n’y ait pas de véritable système de justice pour mineurs.
73.Enfin, faisant référence au paragraphe 30 du rapport à l’examen, Mme Belmir voudrait savoir en quoi l’autorisation d’enregistrer l’interrogatoire de suspects et de témoins sur cassettes audio ou vidéo ou disques vidéo numériques (DVD) protège la police, alors que d’une manière générale, ce sont les témoins et les suspects qu’il convient de protéger. L’enregistrement des interrogatoires est une très bonne chose, pour autant qu’il soit pratiqué selon des règles rigoureuses.
74.MmeKLEOPAS réitère sa question relative au plan de lutte mis en place par l’État partie pour combattre la violence faite aux femmes et aux enfants et voudrait savoir combien de plaintes dénonçant des violences au sein de la famille ont été déposées. Elle voudrait savoir aussi quelle protection la loi sur la traite des êtres humains offre aux victimes, et quelle est la procédure suivie pour identifier lesdites victimes.
75.MmeKRISTINSDÓTTIR (Islande) dit que les chiffres présentés dans le tableau du Centre islandais des droits de l’homme sont erronés, et qu’ils représentent non pas le nombre de détenus placés à l’isolement mais le nombre total de détenus en Islande; elle réaffirme que le placement à l’isolement est très rare.
76.Le viol emporte une peine pouvant aller jusqu’à seize ans d’emprisonnement, mais en pratique, les peines prononcées sont généralement bien moins lourdes. Il est vrai que des peines d’un an ou de deux ans d’emprisonnement seulement ont déjà été prononcées, mais la tendance actuelle est plutôt à des peines de cinq ans d’emprisonnement. La délégation islandaise fournira ultérieurement un complément d’information sur le plan d’action destiné à combattre la violence faite aux femmes et aux enfants ainsi que sur le plan d’action destiné à combattre la traite des êtres humains et son financement.
77.Pour ce qui est des procédures de recours contre une décision de rejet d’une demande d’asile, il faut savoir que les décisions de la Direction de l’immigration, organe administratif, peuvent faire l’objet d’un recours auprès du Ministère de la justice, qui est lui aussi un organe administratif. Le demandeur d’asile qui veut contester la décision peut ensuite saisir la justice, qui offre un double degré de juridiction: les tribunaux inférieurs et la Cour suprême. Aussi l’affaire peut‑elle être jugée quatre fois au total, soit deux fois devant des organes administratifs et deux fois devant des organes judiciaires. Les demandeurs d’asile qui préfèrent éviter une procédure judiciaire peuvent aussi saisir l’Ombudsman parlementaire à l’issue de la procédure administrative.
78.Pour ce qui est de la question des enregistrements à des fins de protection des mineurs, il convient de distinguer deux cas de figure: d’une part l’enregistrement des interrogatoires qui permettent tant aux agents de la police qu’aux personnes interrogées de prouver ce qui s’est réellement passé dans les locaux de la police en cas d’allégation d’actes de torture et de mauvais traitements, et d’autre part, l’enregistrement de l’interrogatoire à huis clos d’un enfant qui déclare avoir été victime de violences ou d’atteintes sexuelles.
79.Le PRÉSIDENT remercie la délégation islandaise de ses réponses approfondies dans le cadre du dialogue fructueux instauré avec le Comité. Ayant achevé l’examen du troisième rapport périodique de l’Islande, le Comité attend avec intérêt la poursuite de sa collaboration avec l’État islandais.
80. La délégation islandaise se retire.
La séance est levée à 13 h 10.
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