Nations Unies

CAT/C/SR.963

Convention contrela torture et autres peinesou traitements cruels,inhumains ou dégradants

Distr. générale

15 novembre 2010

Original: français

Comité contre la torture

Quarante-cinquième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 963e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 5 novembre 2010, à 15 heures

Président: M. Grossman

Puis:M. Wang Xuexian

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention (suite)

Rapport initial de la Mongolie

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

(CAT/C/MNG/1; HRI/CORE/MNG/2005)

Sur l’invitation du Président, la délégation mongole prend place à la table du Comité.

2.M. Bayasgalan (Mongolie) dit que la Constitution mongole de 2002 a placé les droits de l’homme et les libertés fondamentales au cœur de la politique de l’État. Depuis l’adoption de la nouvelle Constitution, des mesures ont été progressivement prises pour garantir les droits de l’homme et les libertés individuelles, renforcer la responsabilité de l’État devant les citoyens et développer le système d’application des lois et les organes judiciaires. L’article 10 de la Constitution dispose que «la Mongolie s’acquitte de bonne foi des obligations qui lui incombent en vertu des instruments internationaux auxquels elle est partie. Ces instruments prennent effet en droit interne dès l’entrée en vigueur des lois de ratification ou d’adhésion y relatives».

3.Le Code pénal, le Code de procédure pénale, le Code de procédure civile, la loi sur les tribunaux, la loi sur le ministère public, la loi sur l’application des décisions de justice et la loi sur la profession d’avocat ont été révisés en 2002 dans le but notamment d’améliorer les procédures applicables en cas de restriction des droits de l’homme et dans le cadre de la recherche et de l’arrestation des suspects. Des amendements ont également été apportés au Code pénal et au Code de procédure pénale en 2008 afin d’harmoniser la législation nationale avec la Convention contre la torture et, en particulier, d’y incorporer une définition de la torture conforme à celle de la Convention et de réduire la durée de la détention avant jugement ainsi que la durée de la privation de liberté pour les mineurs. Une loi est en cours d’élaboration afin de définir des mesures de réparation pour les victimes des infractions visées par l’article 251 du Code pénal.

4.Des normes relatives au comportement de la police ont été élaborées et leur mise en œuvre fait l’objet d’un suivi attentif. De plus, la Mongolie a procédé à une restructuration des institutions chargées de l’application des lois et a créé au sein du Département général de la police un Groupe de la sécurité qui est notamment chargé d’enquêter sur les plaintes impliquant des policiers. En 2009, 2 527 policiers ont été impliqués dans 2 502 affaires et ont été sanctionnés notamment pour comportement irresponsable (33,6 % des cas), consommation excessive d’alcool (14,7 %) et violation du Code de procédure pénale (12,6 %).

5.L’Institut national de la justice, qui relève du Ministère de la justice et de l’intérieur, dispense une formation spéciale aux responsables de l’application des lois. Un programme de formation, qui met l’accent sur les droits de l’homme et les instruments internationaux en la matière, est aussi organisé à l’intention des juges, des procureurs, des avocats et des policiers. Chaque institution assure en outre des formations spécialisées. En 2009, plus de 7 000 policiers originaires de 21 provinces ont pris part à des activités régionales de formation. L’École de police fournit des directives méthodologiques et a créé un centre de formation continue en 2010. La construction de quatre autres centres est prévue.

6.Conformément au décret législatif no 54 de 2006, des mesures ont été prises pour enquêter sur les mauvais traitements en détention et les violations des droits de l’homme pendant l’instruction. Lorsque les violations sont avérées, des mesures correctives sont adoptées et les agents de l’État concernés doivent répondre de leurs actes. Les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires se sont améliorées. Un nouveau centre de détention avant jugement conforme aux normes internationales en vigueur doit être construit prochainement. Des démarches ont été entreprises en vue de l’adhésion de la Mongolie au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture; la question a été confiée à un groupe de travail placé sous la supervision du Ministère de la justice et de l’intérieur.

7.La Mongolie attache une grande importance à la coopération avec les organisations non gouvernementales (ONG) nationales et internationales. Afin de renforcer l’action menée en faveur des droits de l’homme et d’appuyer les organisations actives dans ce domaine aux niveaux municipal et national, le Parlement a adopté en 2003 un programme d’action national pour les droits de l’homme, qui vise à promouvoir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales en définissant clairement le rôle et les responsabilités de l’État et de ses institutions, en élargissant la participation de la société civile, des ONG et du secteur privé en général, et en favorisant les initiatives citoyennes. En dépit des progrès réalisés, plusieurs affaires de mauvais traitements impliquant des gardiens de prison et des enquêteurs ont été enregistrées ces dernières années. Les mesures nécessaires ont été prises pour remédier au problème.

8.M. Bruni (Rapporteur pour la Mongolie) demande si les organisations de la société civile ont été consultées lors de l’élaboration du rapport à l’examen. En ce qui concerne l’Unité chargée de l’instruction au Bureau du Procureur général de Mongolie mentionnée au paragraphe 13 du rapport, il demande des précisions sur la teneur des plaintes reçues par cette unité et sur les suites qui leur ont été données. Il invite la délégation à donner des exemples concrets d’affaires récentes. Il souhaiterait par ailleurs savoir si la Commission nationale des droits de l’homme est conforme aux Principes de Paris et dans quelle mesure un état d’urgence peut influer sur les activités de la Commission et, plus généralement, sur la situation des droits de l’homme dans le pays.

9.D’après des informations fournies par Amnesty International au sujet de l’état d’urgence proclamé le 2 juillet 2008 à la suite d’émeutes survenues à Oulan-Bator, la police a fait un usage excessif de la force et arrêté des centaines de manifestants qui protestaient contre des fraudes électorales dont certains auraient été torturés. Le Rapporteur demande à la délégation de réagir aux allégations de cette organisation et d’autres selon lesquelles deux ans après les faits, les responsabilités n’ont toujours pas été établies. Une telle impunité des forces de l’ordre soulève des questions notamment au regard de l’article 19 de la Constitution de la Mongolie, en vertu duquel l’état d’urgence ne peut justifier aucune restriction au droit à la vie et au droit de ne pas être soumis à la torture.

10.M. Bruni voudrait savoir si la Convention peut être directement invoquée devant les tribunaux. Notant au paragraphe 25 que «la modification du Code pénal adoptée en 2008 donne une large définition du concept de torture», il demande si tous les éléments constitutifs de la torture figurant à l’article premier de la Convention sont pleinement intégrés dans le Code pénal. Il lit au même paragraphe que «l’acte de torture est puni en fonction de sa gravité mesurée par l’étendue du préjudice corporel causé» et demande quelles sont les peines prévues dans la pratique selon les degrés de gravité.

11.Dans son rapport, la Mongolie indique que les actes de torture sont passibles, en vertu de l’article 251 du Code pénal, d’une peine maximale de quinze ans d’emprisonnement. Or, d’après les textes disponibles sur Internet, l’article 251 se réfère au fait d’extorquer des aveux en utilisant la menace, la violence et la torture et prévoit une peine maximale de dix ans d’emprisonnement. Toujours selon la version publiée sur Internet, c’est l’article 100 du Code pénal qui se réfère expressément à la torture mais il définit des peines allant seulement de quelques mois à deux ans d’emprisonnement. Dans son rapport au Conseil des droits de l’homme (A/HRC/13/39/Add.6), le Rapporteur sur la question de la torture a lui aussi évoqué un emprisonnement de deux ans, en s’étonnant de la clémence d’un telle peine pour des actes de torture. Les incohérences entre les textes s’expliquent peut-être par le fait que, comme l’a indiqué la Mongolie lors de l’Examen périodique universel, le Code pénal a été révisé en février 2008. Le Rapporteur voudrait néanmoins que la délégation précise clairement quelles dispositions pénales s’appliquent pour ce qui est de la torture et fournisse des exemples d’affaires dans lesquelles les dispositions en question ont été invoquées et des condamnations prononcées.

12.Le droit d’être examiné par un médecin n’apparaît pas dans la liste des droits garantis à toute personne en état d’arrestation énumérés par l’État partie au paragraphe 29 de son rapport. M. Bruni voudrait savoir si ce droit fondamental est expressément protégé par la loi. La Commission nationale des droits de l’homme signale que les arrestations arbitraires et les détentions illégales sont une pratique encore courante en Mongolie et que près des deux tiers des arrestations et des placements en détention provisoire sont exécutés en dehors de toute décision judiciaire. Un tel décalage entre la loi et la pratique appelle des explications.

13.Aux termes du paragraphe 3 de l’article 2 de la Convention, l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture. Le rapport ne fait mention d’aucune disposition relative à ce principe. Il faudrait savoir s’il existe en droit interne une procédure permettant à un subordonné auquel est donné l’ordre de commettre des actes de torture de contester cet ordre et de refuser de l’exécuter. En outre, l’article 44.1 du Code pénal dispose que le préjudice causé aux droits et aux intérêts protégés par le Code dans le cadre de l’exécution d’un ordre ou d’une décision exécutoire ne constitue pas une infraction. M. Bruni souhaiterait des éclaircissements sur le sens de cette disposition, qui semble aller à l’encontre du paragraphe 3 de l’article 2 de la Convention.

14.Il serait utile de savoir dans quels pays ont été renvoyées les 3 713 personnes qui ont été expulsées entre 2000 et 2008 (par. 52 du rapport de l’État partie), s’il s’agissait de leur pays d’origine et si le risque de torture a été évalué dans chaque cas, et de quelle manière. La délégation pourra peut-être indiquer s’il a été procédé à des expulsions après 2008 et, dans l’affirmative, préciser les circonstances de ces expulsions. Il serait également utile de savoir si l’État partie a l’intention d’adhérer à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. M. Bruni demande en outre si l’État partie a établi sa compétence aux fins de connaître des actes de torture commis dans les circonstances définies à l’article 5 de la Convention et s’il considère la Convention contre la torture comme constituant la base juridique de l’extradition en ce qui concerne les actes de torture lorsqu’il est saisi d’une demande d’extradition par un État avec lequel il n’est pas lié par un traité d’extradition, comme l’exige l’article 8 de la Convention.

15.De nombreuses activités de formation sont organisées à l’intention des forces de l’ordre pour faire en sorte qu’elles intègrent le respect des droits de l’homme dans leur pratique. Il serait intéressant de savoir si ces activités font l’objet d’un suivi de la part des autorités concernées et si des indicateurs concrets permettent d’en évaluer l’efficacité; a‑t‑on par exemple constaté une baisse du nombre de plaintes pour violences policières? Le Programme d’action national pour les droits de l’homme adopté en 2003 et son plan de mise en œuvre 2007-2008 (par. 129 du rapport) prévoyaient des mesures de formation visant à prévenir la torture. Il serait intéressant de savoir quel en a été l’impact; des données concrètes seraient souhaitables. Le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou Protocole d’Istanbul, est un outil de formation précieux pour les fonctionnaires et le personnel médical qui côtoient des détenus. M. Bruni voudrait savoir si les personnels concernés sont sensibilisés au Protocole d’Istanbul et, dans la négative, s’il est prévu d’intégrer cet instrument dans les programmes de formation qui leur sont destinés.

16.Dans le rapport sur la mission qu’il a effectuée en Mongolie en 2005 (E/CN.4/2006/6/Add.4), le Rapporteur spécial sur la question de la torture dresse un constat préoccupant des conditions de détention dans plusieurs lieux de détention − surpeuplement, absence de séparation entre les condamnés et les prévenus, régime spécial d’isolement assimilable à un traitement cruel et inhumain, voire à de la torture. Cinq ans plus tard, il serait intéressant de savoir comment la situation a évolué dans le principal centre de garde à vue d’Oulan-Bator − «Centre de détention forcée» −, les centres de détention de Gants Hudag et de Zuunmod et la prison de sécurité maximale de Tashireen Am, également appelée Tangaar Nam ou Takhir Soyot. D’après les informations qu’Amnesty International a fait tenir au Comité sur la visite qu’elle a effectuée à la prison de Denjiin Myanga d’Oulan-Bator en 2009, celle-ci accueillait alors, dans des conditions déplorables, 242 détenus pour une capacité initiale de 150 places. La délégation pourra peut-être indiquer si la situation a évolué.

17.L’État partie indique dans son rapport (par. 199) que les services du Procureur général surveillent en permanence les lieux de détention. M. Bruni voudrait savoir à quelle fréquence ces inspections ont lieu, s’il en a été effectué récemment dans les établissements mentionnés précédemment, quelles en ont été les conclusions et à quelles mesures concrètes elles ont donné lieu. Il souhaiterait également des précisions sur les deux établissements de détention dont les conditions de détention n’ont pas été jugées satisfaisantes par les services du Procureur général et sur les mesures éventuellement prises pour remédier aux lacunes constatées. Des statistiques sur le taux d’occupation des centres de détention seraient également les bienvenues.

18.On apprend au paragraphe 156 du rapport de l’État partie qu’aucune étude sur les cas où des enquêteurs, des agents d’instruction et des membres des forces de police ont été condamnés pour avoir extorqué des témoignages par la torture n’a été publiée pour la période 2005-2008. M. Bruni voudrait savoir pourquoi. D’après la réponse du Gouvernement mongol aux recommandations du Rapporteur spécial sur la question de la torture, en date du 19 janvier 2010, sur 744 plaintes pour torture enregistrées depuis 2007, 14 seulement ont donné lieu à une enquête, dont 3 ont été portées en justice; 2 se sont soldées par un acquittement et une seule a débouché sur une condamnation. Ces chiffres appellent des commentaires. En outre, l’État partie indique au paragraphe 167 de son rapport que l’Unité chargée de l’instruction du Bureau du Procureur général a reçu et examiné entre 2002 et 2009 plus de 132 plaintes pour torture mettant en cause des agents des forces de l’ordre. La question se pose alors de savoir quelle autre autorité s’est chargée des 612 plaintes restantes. La délégation pourra peut-être indiquer par ailleurs quels dispositifs sont en place pour assurer la protection du plaignant et des témoins contre tout mauvais traitement ou toute intimidation en raison de la plainte déposée ou de toute déposition faite, conformément à l’article 13 de la Convention. Le Rapporteur souhaiterait par exemple savoir si une personne déclarant avoir été victime de torture ou de mauvais traitements peut être transférée dans un lieu où elle ne sera plus en contact avec le suspect.

19.En complément des informations données dans le rapport de l’État partie (par. 170 à 176) sur les modalités d’indemnisation pour tout préjudice causé par un tiers, la délégation pourra peut-être donner des exemples de cas où des victimes d’actes de torture ont été indemnisées en application des dispositions pénales citées dans le rapport. Le droit à réparation garanti par l’article 14 de la Convention ne se limite pas à l’obtention d’une indemnisation; il comprend également l’accès à des moyens de réadaptation. Il faudrait savoir si cet aspect de la réparation est prévu dans la législation de l’État partie. En ce qui concerne la mise en œuvre de l’article 15 de la Convention, M. Bruni souhaiterait des précisions concernant l’article 256 du Code pénal, qui réprime les actes ayant pour fin d’obtenir des faux témoignages, et la manière dont il s’articule avec l’article 251 du Code pénal, qui punit l’extorsion de témoignages et dans lequel la torture est expressément mentionnée.

20.D’après Amnesty International, la peine de mort est classée secret d’État en Mongolie, d’où l’absence de statistiques sur son application. Au paragraphe 206 de son rapport, l’État partie indique néanmoins que 6 des 50 condamnés à mort ont vu leur peine commuée en une peine de trente ans d’emprisonnement. Ceci soulève la question de savoir ce qu’il est advenu des 44 autres condamnés. Le 14 janvier 2010, le Président a proclamé un moratoire sur les exécutions capitales et appelé le Parlement à élaborer un projet de loi sur l’abolition de la peine de mort. La délégation pourra peut-être indiquer si des progrès ont été faits dans ce sens, et si l’État partie envisage de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. Dans le rapport sur la visite qu’il a effectuée en Mongolie en 2005 (E/CN.4/2006/6/Add.4), le Rapporteur spécial sur la question de la torture écrit que les conditions de détention des condamnés à mort dans les centres de détention de Gants Hudag et de Zuunmod − isolement complet, menottage et privation de nourriture − s’apparentent à de la torture. Il serait intéressant de savoir comment les conditions de détention des condamnés à mort ont évolué depuis 2005, et si dans ce domaine la proclamation du moratoire a eu une quelconque incidence.

21.Enfin, M. Bruni voudrait savoir si l’État partie a l’intention de reconnaître la compétence du Comité pour examiner les communications émanant de particuliers, conformément à l’article 22 de la Convention, et s’il envisage d’adhérer au Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

22.Mme Kleopas (Corapporteuse pour la Mongolie) regrette que le rapport initial de l’État partie ne contienne pas davantage de données statistiques. Le rapport du Rapporteur spécial sur la question de la torture sur la visite qu’il a effectuée en Mongolie en 2005 montre que, dans la société mongole, il est culturellement admis qu’un certain degré de violence soit employé à l’égard de suspects ou de condamnés, ce qui, combiné au fait que l’exercice des poursuites repose en grande partie sur les aveux, rend le risque de torture particulièrement prégnant. Le Rapporteur spécial cite dans l’annexe de son rapport plusieurs cas de personnes qui ont été soumises à la torture pendant leur détention. Mme Kleopas voudrait savoir si des enquêtes ont été ouvertes à leur sujet et si des condamnations ont été prononcées. Une source non gouvernementale a appelé l’attention du Comité sur le cas de M. Zandankhuu, arrêté en juillet 2008 et torturé par la police, qui a porté plainte à plusieurs reprises mais dont les plaintes ont toutes été classées sans suite. La délégation voudra peut-être commenter ces informations.

23.En dépit de l’adoption en 2005 d’un plan d’action national contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales et la traite des femmes et des enfants, de la ratification en 2008 de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et de l’introduction dans le Code pénal de l’infraction de traite, l’État partie demeure une plate-forme importante de la traite à des fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle. D’après les ONG locales et plusieurs organismes des Nations Unies, le phénomène tendrait même à s’amplifier. Des sources fiables attestent en outre l’existence d’un important trafic sexuel à l’intérieur du pays, auquel sont particulièrement exposées les jeunes filles mineures de familles pauvres des zones rurales. Dans ses observations finales de 2008 concernant la Mongolie (CEDAW/C/MNG/CO/7), le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a noté avec préoccupation que les affaires de traite donnaient rarement lieu à des poursuites et que, même lorsqu’une action était ouverte, elle aboutissait dans la plupart des cas à un non-lieu. Il semble en outre que, bien que la traite soit expressément définie à l’article 113 du Code pénal, les procureurs retiennent généralement la qualification de «prostitution organisée», visée à l’article 124 du Code pénal, qui emporte des peines nettement moins lourdes que la traite. La forte corruption empêche l’ouverture d’enquêtes dans les cas impliquant des membres des forces de l’ordre. Dans ce contexte d’impunité, les victimes sont réticentes à saisir la justice, et ce, d’autant plus qu’il n’existe pas de dispositif pour assurer leur protection. L’État partie a donc encore beaucoup à faire s’il veut lutter efficacement contre la traite; à ce sujet, il serait intéressant de savoir s’il envisage de conclure des accords de coopération internationaux, régionaux et bilatéraux et de ratifier le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

24.D’après les observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et les informations émanant d’organisations non gouvernementales, la violence au sein de la famille continuerait d’être largement répandue malgré l’adoption de la loi sur la lutte contre la violence dans la famille (2005) et du Programme national de lutte contre la violence dans la famille (2007). En outre, d’après des sources fiables, les cas de viol seraient très nombreux et beaucoup ne seraient pas signalés, les victimes étant découragées par la manière dont elles sont traitées par les enquêteurs et la peur d’être rejetées par leur entourage. En outre, la police ne transmettrait que très peu de plaintes pour viol à la justice au motif que les preuves seraient souvent insuffisantes. Selon une étude réalisée par le Centre national contre la violence, en 2007, une femme sur trois était victime de diverses formes de violence au sein du foyer et une femme sur dix était battue par son conjoint. Or, en 2009, seules sept personnes auraient été condamnées pour des violences de cette nature. En outre, d’après un rapport publié en 2010 par l’équipe de pays des Nations Unies en Mongolie, bien que la police soit habilitée en vertu de la loi sur la violence dans la famille à recevoir des plaintes pour violence familiale, à imposer des mesures d’éloignement temporaire aux auteurs présumés et à amener les victimes dans un centre d’accueil, elle ne disposerait pas de ressources suffisantes pour remplir toutes ces tâches. Par ailleurs, elle aurait des réticences à intervenir, considérant que les violences commises au sein de la famille relèvent de la sphère privée. En 2009, seules 20 affaires de violation de la loi sur la violence dans la famille ont été jugées par les tribunaux. La délégation mongole voudra bien commenter ces informations et indiquer quelles mesures sont prises pour sensibiliser les membres de la police aux violences commises au sein du foyer.

25.La législation de l’État partie ne comporte pas de dispositions interdisant expressément le viol conjugal et le harcèlement sexuel. Or, d’après une enquête réalisée récemment par la Commission nationale des droits de l’homme auprès de femmes de moins de 35 ans, la moitié des intéressées ont dit être victimes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail. Mme Kleopas souhaiterait donc savoir quelles mesures l’État partie envisage de prendre pour que le viol conjugal et le harcèlement sexuel soient définis comme des infractions pénales et pour faire en sorte que toutes les femmes victimes de violences au sein de leur famille, y compris celles vivant dans les zones rurales, bénéficient de mesures de protection, d’indemnisation et de réadaptation. En outre, la délégation voudra bien indiquer quelles mesures sont prises afin de garantir que, dans toutes les régions du pays, les femmes qui disent avoir été victimes de viol aient immédiatement accès à un examen médical réalisé par un médecin indépendant dès le moment où elles portent plainte.

26.Concernant l’article 15 de la Convention, la Corapporteuse note que, bien que le paragraphe 4 de l’article 79 du Code de procédure pénale prévoie que les éléments de preuve qui n’ont pas été recueillis par des moyens légaux sont irrecevables et ne peuvent être utilisés dans le cadre d’une procédure, cette disposition ne serait pas respectée dans la pratique. Dans ses réponses (A/HRC/13/39/Add.6, p. 108) aux recommandations formulées par le Rapporteur spécial sur la question de la torture après sa mission de 2005, l’État partie a indiqué qu’il s’employait à garantir que toutes les personnes arrêtées aient accès à un avocat et que les déclarations faites en l’absence d’un conseil ne puissent être utilisées dans le cadre d’un procès. La Corapporteuse souhaiterait savoir si ces efforts ont porté leurs fruits.

27.Bien qu’une loi interdisant les châtiments corporels à l’école ait été adoptée en 2006, cette pratique serait encore largement répandue dans l’État partie. Sachant que des travaux de révision de la législation interne sont en cours, Mme Kleopas souhaiterait savoir si l’État partie envisage d’interdire complètement les châtiments corporels, quel que soit le contexte, et de former le personnel enseignant à des méthodes de discipline non violentes. Enfin, elle demande si l’État partie entend prendre des mesures pour accélérer le processus de ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention et pour mettre en place le mécanisme de prévention qui sera chargé d’effectuer des visites dans les lieux de détention.

M. Wang Xuexian, Vice-Président, prend la présidence.

29.MmeBelmir demande si le Ministre de la justice assume également la charge de ministre de l’intérieur, comme le libellé du paragraphe 36 du rapport le laisse entendre. Lisant au paragraphe 131 de ce document qu’en 2002 il a été décidé que les demandes de placement en détention provisoire seraient du ressort du juge et non plus du procureur, elle demande si cette mesure n’a pas été vaine, sachant que le Rapporteur spécial a constaté avec préoccupation dans son rapport que les juges approuvaient systématiquement les demandes de placement en détention provisoire. Notant que la durée de la détention provisoire varie en fonction de la gravité de l’infraction dont une personne est soupçonnée, Mme Belmir souhaiterait des précisions sur les critères utilisés pour ranger une infraction dans l’une des trois catégories citées au paragraphe 134 du rapport et demande si l’État partie ne pourrait pas envisager de réduire encore plus la durée de la détention provisoire, celle-ci étant particulièrement longue malgré les modifications adoptées successivement depuis 1994.

30.Se référant au paragraphe 48 du rapport, Mme Belmir demande si l’État partie pourrait envisager de mettre les chapitres 46 et 47 de son Code de procédure pénale en conformité avec l’article 3 de la Convention. Enfin, concernant le traitement des mineurs en conflit avec la loi, elle voudrait savoir si des mesures ont été prises afin d’éviter que des mineurs ne soient détenus avec des adultes et que leurs aveux ne soient obtenus par la contrainte et pour faire en sorte que les mineurs victimes d’exploitation sexuelle, d’inceste et de viol soient considérés comme des victimes et ne soient plus traités comme des délinquants.

31.M. Gaye croit comprendre d’après le paragraphe 31 du rapport qu’un officier de police judiciaire ne peut pas placer une personne en garde à vue de sa propre initiative. Si tel est effectivement le cas, il voudrait savoir quelle autorité judiciaire est habilitée à autoriser le placement en garde à vue. Constatant que la législation pénale ne comporte pas de dispositions énonçant le principe du non-refoulement ou établissant la compétence universelle de l’État partie en matière de torture, M. Gaye demande si les articles 3 et 7 de la Convention pourraient être directement invoqués par les tribunaux afin de combler ces lacunes du droit interne. Enfin, il souhaiterait savoir si les étrangers en instance d’expulsion peuvent former un recours contre la décision dont ils font l’objet. Le cas échéant, la délégation voudra bien préciser si ces recours ont un effet suspensif.

32.MmeSveaass relève avec satisfaction que l’État partie a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention ainsi que la Convention relative aux droits des personnes handicapées, instruments qui sont étroitement liés à l’objet de la Convention. Bien qu’une loi sur la santé mentale ait été adoptée, il semblerait d’après un rapport publié en 2006 par l’Organisation mondiale de la santé qu’aucun organe indépendant ne soit habilité à effectuer des visites dans les établissements psychiatriques et à y surveiller les conditions d’hospitalisation des patients et le type de traitement qui leur est administré. La délégation voudra bien donner des précisions sur les garanties juridiques protégeant les droits des handicapés mentaux et des personnes souffrant de troubles psychiatriques ainsi que sur la formation dispensée au personnel des établissements psychiatriques.

33.Soulignant que les lesbiennes, les gays, les transgenres et les bisexuels (LGTB) sont un groupe particulièrement vulnérable aux violations de la Convention et notant qu’après bien des difficultés une organisation non gouvernementale active dans la défense des droits de ces personnes a été créée dans l’État partie, Mme Sveaass voudrait savoir si les autorités mongoles pourraient envisager de soutenir les activités de cette organisation, mener des campagnes de sensibilisation afin de prévenir les actes de violence visant des personnes en raison de leur orientation sexuelle et prendre des mesures afin que les auteurs de tels actes soient poursuivis en justice. Enfin, sachant que les mariages arrangés entre des femmes mongoles et des étrangers sont très fréquents et que beaucoup de ces femmes seraient victimes de violences ou de la traite à des fins d’exploitation sexuelle à la suite de ces unions, Mme Sveaass demande quelles mesures sont prises par l’État partie afin de protéger les femmes contre les conséquences néfastes de cette pratique.

34.M. Mariño Menéndez, notant que la loi sur le statut juridique des ressortissants étrangers de 1993 ne traite pas la question des étrangers en situation irrégulière dans le pays, il demande si les étrangers entrés illégalement en Mongolie sont immédiatement expulsés ou s’ils ont le droit de présenter une demande de protection internationale. Il serait également utile de savoir si des mesures ont été prises pour protéger les apatrides, sachant que la Mongolie n’a pas ratifié la Convention relative au statut des apatrides ni la Convention sur la réduction des cas d’apatridie.

35.D’après certaines informations, les travailleurs du secteur minier seraient fréquemment victimes de violations de leurs droits. La délégation pourra peut-être indiquer si la Mongolie envisage de ratifier les principales conventions de l’Organisation internationale du travail, notamment la Convention sur le travail forcé de 1930 et la Convention sur l’abolition du travail forcé de 1957. Des renseignements complémentaires sur les mesures prises par la Mongolie pour garantir l’indépendance des juges, notamment les règles relatives à leur nomination et à leur promotion, seraient également les bienvenus.

36.MmeGaer voudrait savoir si des mesures ont été prises pour donner suite aux recommandations formulées par le Rapporteur spécial sur la question de la torture à l’issue de sa visite dans le pays en 2008, notamment en ce qui concerne l’adoption d’une définition de la torture pleinement conforme à celle qui est énoncée à l’article premier de la Convention. Dans un rapport de 2007 sur les droits de l’homme, le Département d’État des États-Unis fait état d’atteintes répétées aux biens et à la personne de ressortissants d’origine chinoise impliquant des groupuscules nationalistes et xénophobes. Des femmes mongoles mariées à des ressortissants chinois − il y en aurait plus de 12 000 dans le pays − seraient également prises pour cible. Des précisions sur la teneur des mesures prises par l’État partie pour lutter contre ce phénomène seraient les bienvenues.

37.Il semblerait, selon certaines informations, qu’un certain nombre d’infractions motivées par la haine ou d’actes de discrimination «extrêmes» fondés sur l’orientation sexuelle équivalant à des actes de persécution ne soient pas signalés par les victimes, qui ont peur que subir le même traitement de la part de la police. La délégation pourra peut-être commenter ces informations et indiquer si l’État partie envisage de créer, au sein de la police, une unité spécialement chargée de recueillir les plaintes relatives à des actes de torture ou des mauvais traitements motivés par l’orientation sexuelle, et d’enquêter sur celles-ci.

38.Au paragraphe 153 du rapport, il est dit que des systèmes de vidéosurveillance ont été mis en place dans tous les centres de détention pour prévenir la pratique consistant pour les enquêteurs et les agents d’instruction à changer arbitrairement les détenus de cellule de façon à les intimider et à obtenir des aveux. Il serait intéressant de savoir quelles sanctions disciplinaires ont été appliquées aux enquêteurs ou agents d’instruction qui se sont livrés à cette pratique. Dans son rapport sur sa mission en Mongolie, le Rapporteur spécial sur la question de la torture dit avoir été informé, dès son arrivée dans le pays, du décès en détention de M. Munkhbayar Baatar à la suite d’actes présumés de torture. Le Comité voudrait savoir si les auteurs de ces actes ont été sanctionnés ou punis. Le Rapporteur spécial a également appelé l’attention sur le secret total qui a jusqu’à présent entouré la peine de mort. Il serait intéressant de savoir si, du fait de l’instauration récente d’un moratoire, les autorités seraient aujourd’hui prêtes à permettre la collecte et la diffusion d’informations sur l’exécution de cette peine, en particulier à l’intention des familles de condamnés à mort qui affirment n’avoir jamais été informées du sort des intéressés.

39.Enfin, la délégation pourra peut-être commenter l’annonce faite par la presse internationale de l’arrestation à Londres, en septembre 2010, d’un haut responsable des services de renseignement mongols accusé d’avoir organisé l’enlèvement en France de Damiran Enkhbat. Ce dernier, réfugié mongol, était soupçonné d’avoir assassiné en 1998 un ministre du Gouvernement mongol; après son enlèvement, il avait été ramené en Mongolie, où il aurait été torturé.

40.M. Grossman relève que les traités internationaux auxquels la Mongolie est partie prennent effet en droit interne dès l’entrée en vigueur des lois de ratification ou d’adhésion y relatives. Il demande à la délégation de donner des exemples de décisions de justice directement fondées sur des dispositions de la Convention. Il voudrait aussi savoir s’il est vrai qu’en cas d’actes de torture ou de mauvais traitements commis sur ordre d’un supérieur hiérarchique, seul celui-ci est passible de sanctions pénales et non l’auteur direct des faits. Il demande en outre ce que recouvre exactement le droit à réparation des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements, et notamment si les proches de la victime peuvent demander réparation de leur préjudice moral.

41.Il serait également utile de savoir si des mesures ont été prises pour assurer la réadaptation des victimes d’actes de torture, conformément à l’article 14 de la Convention, et si la tentative et la complicité d’acte de torture ou de mauvais traitement sont incriminées. Il semblerait que les dispositions du Code pénal relatives aux peines applicables en cas d’acte de torture ou de mauvais traitement aient été modifiées; des précisions sur le régime actuel seraient les bienvenues.

42.Dans son rapport de 2008 sur sa visite en Mongolie, le Rapporteur spécial sur la question de la torture relève que de manière générale, la population ne connaît pas ou peu le principe d’interdiction de la torture et des mauvais traitements, et qu’il y aurait dans le pays une acceptation implicite d’un certain degré de violence contre les suspects et les condamnés. La délégation est invitée à faire savoir quelles suites l’État partie a données à la recommandation du Rapporteur spécial tendant à ce que des programmes systématiques de formation et de sensibilisation soient mis en œuvre à l’intention de la population en générale, et en particulier des agents chargés de l’application des lois et des professionnels de la justice. M. Grossman voudrait également savoir si les détenus qui font état d’actes présumés de torture ou de mauvais traitements ont le droit d’accéder immédiatement à un médecin.

43.Le Président croit comprendre que l’État partie envisage d’adopter une loi réprimant les infractions motivées par la haine et souhaiterait des précisions à ce sujet. Il invite la délégation à répondre aux questions du Comité à la séance suivante.

La séance est levée à 17 h 15.