Nations Unies

CAT/C/SR.930

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

14 mai 2010

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante- quatrième session

Co mpte rendu analytique (partiel)*de la 930 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 28 avril 2010, à 10 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Quatrième rapport périodique du Cameroun

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Quatrième rapport périodique du Cameroun (CAT/C/CMR/4; CAT/C/CMR/Q/4 et Add.1)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation camerounaise prend place à la table du Comité.

2.Le Président invite la délégation à présenter le quatrième rapport périodique du Cameroun (CAT/C/CMR/4).

3.M. Nkou (Cameroun) dit que la lutte contre la torture est un élément central de la politique du chef de l’État. Dans le passé, le Comité a exprimé un certain nombre de préoccupations à ce sujet et demandé des informations complémentaires, notamment sur la place de la Convention dans la législation camerounaise et les possibilités d’en invoquer directement les dispositions devant les juridictions nationales; la situation générale des droits de l’homme dans l’État partie; les mesures législatives ou autres susceptibles de limiter les garanties accordées aux personnes privées de liberté; l’indemnisation des victimes de la torture; et les mesures prises par le Cameroun afin de donner suite à l’Examen périodique universel le concernant, qui s’est déroulé en février 2009.

4.L’article 45 de la Constitution dispose que les instruments internationaux auxquels le Cameroun est partie l’emportent sur les lois nationales. Les tribunaux peuvent donc appliquer directement les dispositions de la Convention qui ne nécessitent pas des mesures d’incorporation dans le droit interne. Le Cameroun a ratifié la plupart des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et les rapports annuels publiés par le Ministère de la justice rendent compte des diverses décisions administratives et judiciaires rendues dans les affaires de violations des droits de l’homme. L’impunité des auteurs de violations des droits civils et politiques est un phénomène qui appartient au passé.

5.À propos des garanties dont jouissent les personnes privées de liberté, M. Nkou indique qu’aux termes de l’article 37 du Code de procédure pénale, toute personne arrêtée bénéficie de toutes les facilités raisonnables en vue d’entrer en contact avec sa famille, de constituer un conseil, de rechercher les moyens pour assurer sa défense, de consulter un médecin et recevoir des soins médicaux, et de prendre les dispositions nécessaires à l’effet d’obtenir une caution ou sa mise en liberté. Le Gouvernement camerounais s’emploie actuellement à renforcer l’indépendance et l’efficacité de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés afin de mettre cet organe en conformité avec les Principes de Paris. Concernant la question de l’indemnisation des victimes de la torture, M. Nkou indique qu’en droit commun camerounais, une déclaration de culpabilité prononcée contre l’auteur d’un acte de torture ouvre droit à réparation. L’indemnisation est automatique dès lors que la victime dispose d’une décision de justice passée en force jugée ou d’un protocole transactionnel.

6.Après avoir participé à l’Examen périodique universel, le Cameroun a pris toute une série de mesures en vue d’atteindre les objectifs définis dans son programme national de gouvernance. Il a notamment affiné sa politique de lutte contre la corruption, modernisé la législation pertinente et renforcé la capacité des institutions concernées et des organisations de la société civile à combattre la corruption. Il entend soumettre prochainement à la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme un rapport rendant compte de ces activités.

7.La démocratie camerounaise est garantie par la présence dans le pays d’une multiplicité de partis politiques ainsi que de quatre syndicats, de plusieurs centaines d’organisations non gouvernementales, d’une presse libre et indépendante et de dizaines de stations de radio indépendantes. Les droits de tous les citoyens sont garantis grâce à la séparation des pouvoirs. Le Cameroun n’a pas été le théâtre de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Les cas de torture sont rares. L’accès à l’enseignement primaire gratuit est l’une des priorités du Gouvernement, de même que la santé publique et la protection des femmes et des enfants. La majeure partie du budget de l’État est consacrée à l’éducation, à la santé et à la culture et le Gouvernement mène une lutte sans merci contre la pauvreté. Des filets de sécurité et des services intégrés ont été mis en place pour faire face aux crises alimentaires, énergétiques, financières et écologiques. Toutefois, les besoins du Cameroun en matière de développement sont tels qu’une intensification des activités de plaidoyer et de la coopération internationale demeure indispensable.

8.M me  Sveaass (Rapporteuse pour le Cameroun) rappelle que le quatrième rapport périodique de l’État partie était attendu en 2000. Depuis, le Comité a toutefois eu l’occasion d’examiner le troisième rapport périodique de l’État partie, qui a été présenté en novembre 2003. La Rapporteuse accueille avec satisfaction les réponses fournies par le Cameroun sur la suite donnée aux observations finales du Comité concernant le troisième rapport périodique ainsi que ses réponses écrites à la liste des points à traiter (CAT/C/CMR/Q/4/Add.1). Elle loue les mesures prises par l’État partie pour modifier sa législation de façon à l’harmoniser avec les instruments internationaux auxquels il est partie et pour renforcer la protection des droits de la personne. Elle souhaiterait savoir si le Cameroun envisage de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Parmi les réformes engagées par l’État partie, la Rapporteuse se félicite en particulier de la création du Conseil constitutionnel, du rattachement de l’administration pénitentiaire au Ministère de la justice, de la création de la Direction des droits de l’homme et de la coopération internationale et de la mise en place de la Division spéciale de contrôle des services de police. Elle relève en outre avec satisfaction que le Comité des droits de l’homme et des libertés est devenu la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés et que ses activités devraient être menées conformément aux Principes de Paris. La délégation voudra bien indiquer comment l’État partie entend renforcer l’indépendance de ce nouvel organe, diffuser ses conclusions et y donner suite.

9.Dans la liste des points à traiter (CAT/C/CMR/Q/4), l’État partie a été invité à citer le libellé de l’article 132 bis du Code pénal camerounais, qui contient une définition de la torture. Mme Sveaass renouvelle cette demande car cet article de loi ne peut pas être consulté sur l’Internet. Elle se réjouit de ce que la Convention soit directement applicable par les tribunaux nationaux et de ce que ses dispositions l’emportent sur la législation pertinente. Elle souhaiterait connaître le nombre d’affaires dans lesquelles la Convention a été directement appliquée par les juridictions camerounaises ainsi que l’aboutissement de ces procédures.

10.Des renseignements sont fournis aux paragraphes 24 à 34 du rapport ainsi que dans les réponses écrites à la liste des points à traiter sur plusieurs procédures ouvertes à la suite d’allégations de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, dont la responsabilité était attribuée à des membres de la police, de la gendarmerie ou de l’administration pénitentiaire. Toutefois, la Rapporteuse constate que le rapport ne contient que peu de statistiques et ne comprend pas bien si les affaires qui y sont citées représentent la totalité des affaires dont les autorités camerounaises ont eu connaissance ou s’il ne s’agit que d’un échantillon représentatif. Elle prie la délégation de fournir au Comité une liste exhaustive de tous les fonctionnaires – membres de la police ou de l’armée et autres agents publics – qui ont été inculpés et poursuivis pour torture ou peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et de préciser quelles peines ou sanctions ont été prononcées contre les responsables dans chaque affaire.

11.On ne soulignera jamais assez l’importance cruciale que revêt l’inspection des lieux de détention par une entité indépendante. D’après le rapport, des visites dans des lieux de détention ont été effectuées notamment par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui s’est rendu dans la prison où plusieurs personnes ont été incarcérées à la suite des émeutes de février 2008. Le rapport fait mention de la «bonne coopération des autorités pénitentiaires» (par. 37). La Rapporteuse se demande ce qu’il faut entendre par là et si des inspecteurs indépendants ont été autorisés à se rendre dans les prisons. Elle souhaiterait recevoir des informations détaillées sur les visites inopinées, en particulier leur fréquence, les personnes chargées de les effectuer et la suite donnée aux rapports établis sur ces visites. Elle demande en outre quelles mesures sont prises pour garantir que, dans les lieux où des violences, des actes de torture ou d’autres actes cruels ont été commis, les auteurs présumés aient à rendre des comptes. D’après le paragraphe 39 du rapport, l’organisation «Nouveaux droits de l’homme – Cameroun» se rend régulièrement dans des lieux où des femmes et des enfants sont privés de liberté. Des renseignements seraient bienvenus sur les rapports établis à l’issue de ces visites.

12.En ce qui concerne les droits fondamentaux des personnes placées en garde à vue, dont le droit de voir un médecin, de consulter un avocat et de contacter des proches ou d’autres personnes, la Rapporteuse aimerait savoir quelles mesures sont prises pour garantir que ces droits soient respectés en toutes circonstances. En particulier, elle demande si un système permettant d’enregistrer toutes les personnes placées en garde à vue a été mis en place, combien de temps un suspect peut être retenu en garde à vue avant d’être présenté à un juge, quelles normes régissent la détention avant jugement et quelles voies de recours sont ouvertes aux personnes souhaitant contester la légalité de leur détention. D’après le paragraphe 92 des réponses écrites, en 2009, la population carcérale au Cameroun représentait 23 196 personnes, dont près de 15 000 étaient des prévenus, alors qu’un peu moins de 9 000 étaient des condamnés. Mme Sveaass demande comment s’explique cet écart et prie la délégation de fournir au Comité des statistiques analogues pour les années antérieures à 2009, en indiquant le pourcentage de personnes retenues en détention provisoire par rapport à l’ensemble de la population carcérale ainsi que la durée de leur maintien en détention provisoire. S’agissant des détenus mineurs, la Rapporteuse souhaiterait connaître la nature des chefs d’inculpation retenus contre les mineurs placés en détention provisoire et la durée des peines prononcées contre ceux qui ont été condamnés.

13.D’après des informations, 1 168 personnes auraient été arrêtées à la suite des manifestations de février 2008. Beaucoup d’entre elles devraient avoir été remises en liberté depuis. Il serait intéressant de savoir si des plaintes pour torture ont été déposées par ces personnes et si des enquêtes ont été menées à la suite de ces troubles. Il serait intéressant de savoir comment l’État partie a réagi aux allégations de violations des droits de l’homme et de bavures commises lors des manifestations. Il conviendrait en outre de savoir si les autorités camerounaises ont ouvert une enquête sur l’affaire Jacques Tiwa. Cet homme était membre du Collectif des organisations démocratiques et patriotiques de la diaspora camerounaise (CODE) et, bien qu’il n’ait pas participé aux manifestations, il a été passé à tabac par des membres des forces de sécurité, à la suite de quoi il est décédé.

14.La Rapporteuse constate qu’il semble y avoir un écart considérable entre les mesures et réformes législatives adoptées par l’État partie et leur application concrète. D’après un rapport publié par le Département d’État des États-Unis d’Amérique, diverses violations des droits de l’homme seraient commises au Cameroun, dont des tortures, des passages à tabac et d’autres actes de violence, qui seraient perpétrés par les forces de sécurité, en particulier contre les personnes privées de liberté. Les conditions de détention seraient catastrophiques et mettraient en péril la vie des détenus. Des journalistes seraient victimes de harcèlement et la liberté de la presse ainsi que la liberté d’expression et de réunion seraient soumises à d’importantes restrictions.

15.Mme Sveaass rappelle que, dans l’affaire Philip Njaru, journaliste et défenseur des droits de l’homme qui avait été victime d’un passage à tabac, le Comité des droits de l’homme a conclu à la violation des articles 7, 9 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et constaté que M. Njaru avait droit à un recours utile et à une indemnisation intégrale. La délégation camerounaise voudra bien indiquer quelles mesures ont été prises pour donner effet à ces constatations.

16.Le Comité a appris tout récemment le décès dans une prison de Yaoundé du journaliste Bibi Ngota. Rédacteur en chef de la publication Cameroun Express, M. Ngota se trouvait en détention depuis février 2009, où il avait été placé parce qu’il avait accusé les autorités de corruption. Sa santé s’était détériorée en prison et ses demandes d’hospitalisation avaient été rejetées. Mme Sveaass souhaiterait savoir sur la base de quels motifs M. Ngota avait été placé en détention, quelle peine il exécutait, pourquoi la possibilité de recevoir des soins à l’hôpital lui a été refusée et si sa famille sera indemnisée. Sachant que l’État partie a promis d’ouvrir une enquête sur cette affaire, la Rapporteuse demande des précisions sur le mandat des enquêteurs et souligne que l’État partie devrait examiner la situation d’autres journalistes et défenseurs des droits de l’homme qui se trouvent en détention.

17.Le Comité est préoccupé par des informations d’après lesquelles des violations graves de la Convention seraient commises dans les prisons, où les conditions de détention seraient désastreuses et où les passages à tabac, les violences et la torture seraient répandus. Les possibilités de signaler ces violations et de porter plainte seraient limitées. Toutefois, la population est de mieux en mieux informée sur la torture, bien que des auteurs de violations continuent de jouir de l’impunité et que la violence dans les prisons soit encore très loin d’être éradiquée. En outre, selon des informations émanant d’Amnesty International et d’autres sources, les journalistes et défenseurs des droits de l’homme continueraient d’être régulièrement la cible de menaces et d’attaques.

18.Se référant au décret no 92/52 du 27 mars 1992, dont l’objectif est d’interdire l’imposition aux détenus de mesures disciplinaires susceptibles de constituer des traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Rapporteuse espère que cette interdiction vaut aussi pour la pratique consistant à enchaîner les détenus ainsi que pour le placement à l’isolement. Des renseignements seraient bienvenus sur les mesures prises afin d’appliquer ce décret. Sachant que le Cameroun collabore avec la Commission européenne dans des domaines qui intéressent tout particulièrement le Comité, Mme Sveaass prie la délégation de décrire les progrès accomplis dans le cadre de cette collaboration.

19.Le Comité est extrêmement préoccupé par plusieurs incidents qui se sont produits dans certaines régions de l’État partie, au cours desquels des femmes auraient subi de graves sévices. La Rapporteuse tient en particulier à revenir sur une affaire survenue plus de dix ans auparavant. Pendant la période qui s’est écoulée depuis les faits, plusieurs initiatives ont été lancées et de nombreuses demandes ont été soumises afin qu’une enquête soit ouverte et que justice soit rendue, mais les autorités camerounaises n’ont fourni aucune information montrant que des mesures auraient été prises à cette fin. Les faits sont les suivants: le 17 avril 1998, des membres du 11e bataillon de marine d’Ekondo-Titi se sont livrés à des viols, des actes de torture et des pillages dans le département du Ndian, dans la région du Sud-Ouest. Plusieurs femmes ont dû accomplir des actes extrêmement dégradants sous la contrainte et ont été rouées de coups et violées, ce qui a entraîné de graves lésions chez les victimes et, chez certaines femmes qui étaient enceintes, des fausses couches. Des rapports dénonçant ces violences ont été envoyés à plusieurs reprises aux autorités camerounaises. Le premier d’entre eux a été adressé en 1998 au Premier Ministre et chef du Gouvernement, Peter Mafany Musonge. Ces rapports sont restés sans réponse. Certaines de ces attaques contre la population civile auraient été menées par des officiers de haut rang de la marine, avec la complicité des autorités locales.

20.L’obligation de prévenir la torture englobe plusieurs groupes, en particulier les personnes qui se trouvent en situation de vulnérabilité en raison de pratiques traditionnelles et de problèmes sociaux. Il importe à cet égard de veiller à ce que les lois interdisant les mutilations génitales féminines soient appliquées et que des mécanismes soient mis en place afin de protéger toutes les personnes, en particulier les enfants, les femmes et les personnes âgées, contre la violence dans la famille et les violences de rue. La Rapporteuse voudrait savoir quelles mesures sont prises par les autorités camerounaises pour sensibiliser le public au problème de la violence dans la famille. Elle demande quand le projet de loi tendant à interdire les violences sexuelles et sexistes et la discrimination à l’égard des femmes sera adopté et quelle est actuellement la réaction des autorités compétentes lorsqu’on leur signale des violations de ce type. Que font-elles lorsque des coutumes traditionnelles telles que le repassage des seins sont pratiquées?

21.En tant que professionnelle de la santé, Mme Sveaass s’intéresse au plus haut point aux mesures prises pour former le personnel médical et d’autres professionnels de la santé à la détection des séquelles de torture, à l’établissement de documents attestant l’existence de ces dernières et à la prise en charge des victimes de la torture. Elle aimerait savoir si le personnel médical est actif aussi bien au stade de la prévention qu’à celui de la prise en charge et de l’assistance à la réadaptation des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements. Elle se demande en outre si une formation est dispensée sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul).

22.Enfin, notant que les demandeurs d’asile et les réfugiés sont apparemment passibles de sanctions s’ils entrent illégalement dans l’État partie ou ne sont pas en possession de documents d’identité, la Rapporteuse demande quelles garanties ont été mises en place afin d’assurer que les personnes qui se trouvent dans ce type de situation ne soient pas arbitrairement privées de liberté.

23.M. Gaye (Corapporteur pour le Cameroun) salue la qualité du rapport et des réponses écrites de l’État partie. Il est d’avis que le Cameroun, où il s’est récemment rendu, aura un grand avenir s’il poursuit sur la voie de la démocratie et du respect de l’état de droit qu’il a choisi de suivre.

24.Se référant aux réponses écrites, M. Gaye demande un complément d’information sur le Conseil constitutionnel, qui n’est pas encore opérationnel bien que ses instruments constitutifs aient été rédigés. Il se dit surpris de lire dans ce document que le mandat des membres de cet organe est «éventuellement renouvelable». Généralement, soit un mandat est renouvelable, soit il ne l’est pas. M. Gaye voudrait donc savoir ce que sous-entend le mot «éventuellement», qui semble créer une incertitude peu souhaitable.

25.Notant que la Division spéciale chargée du contrôle des services de police relève administrativement de la Délégation nationale à la sûreté nationale, M. Gaye se demande si ce lien de subordination ne pose pas des problèmes d’indépendance, d’objectivité et d’impartialité et si la Division spéciale ne devrait pas être organiquement plus indépendante par rapport à la Délégation nationale.

26.Pour ce qui est de l’ordre juridique interne, M. Gaye se dit frappé de constater que, dans certaines circonstances, le Ministre de la justice est habilité à ordonner l’arrêt d’une procédure, notamment lorsqu’il estime que des poursuites pénales contre un individu pourraient mettre en péril l’ordre public. M. Gaye estime essentiel que le pouvoir de passer outre certaines dispositions de la procédure habituelle soit soumis à une surveillance et demande si l’usage de cette prérogative peut être contesté devant un juge, si une personne estime qu’il y a abus d’autorité.

27.M. Gaye note que les garanties procédurales relatives à la garde à vue sont empreintes de contradictions: alors que l’article 37 du Code de procédure pénale dispose que toute personne arrêtée bénéficie de toutes les facilités raisonnables en vue notamment d’entrer en contact avec sa famille et de constituer un conseil, l’article 116 dudit code prévoit que l’officier de police judiciaire est absolument tenu d’informer le suspect, dès l’ouverture de l’enquête préliminaire, de son droit de se faire assister d’un conseil. Si le suspect a le droit de voir un conseil, il n’a pas besoin de bénéficier de «toutes les facilités raisonnables». L’État partie devrait faire en sorte d’harmoniser les articles susmentionnés, en précisant clairement si l’accès à un conseil constitue un droit ou non.

28.En outre, l’article 37 du Code de procédure pénale dispose que la personne arrêtée peut consulter un médecin, mais il ne précise pas que celui-ci devrait être indépendant. La délégation camerounaise voudra bien indiquer selon quels critères le médecin est choisi. M. Gaye estime nécessaire de garantir l’indépendance du médecin chargé d’examiner les gardés à vue, faute de quoi des problèmes d’objectivité et d’impartialité peuvent se poser.

29.La loi no 90/047 du 19 décembre 1990 sur l’état d’urgence autorise l’autorité administrative à ordonner le placement en garde à vue pour une durée de deux mois, renouvelable une seule fois, des individus jugés dangereux pour la sécurité publique. Il serait intéressant de savoir si cette loi est encore en vigueur et, le cas échéant, s’il a été envisagé d’y incorporer les garanties nécessaires. Au cas où cette loi aurait été abrogée, il y aurait lieu de s’en féliciter.

30.M. Gaye se dit préoccupé par les opérations de lutte contre le grand banditisme car, dans ce cadre, les suspects peuvent être retenus en garde à vue pendant une période de quinze jours, renouvelable une fois, même s’ils n’ont pas commis d’infraction pénale. La délégation voudra bien indiquer sur quelles bases juridiques repose l’article de loi prévoyant de telles mesures.

31.Constatant que, dans les documents soumis au Comité, l’État partie semble utiliser indifféremment les expressions «requête en libération immédiate» et «action en habeas corpus», M. Gaye voudrait savoir s’il existe une différence entre ces deux formules.

32.Prenant acte avec satisfaction des informations fournies par la délégation camerounaise sur des affaires d’arrestation ou de détention illégale dans lesquelles des suspects ont été immédiatement libérés sur décision d’un juge, M. Gaye aimerait toutefois savoir si les responsables ont été sanctionnés. Les réponses écrites ne contiennent aucun renseignement à ce sujet.

33.À propos du problème que pourrait poser la présence d’un représentant des pouvoirs publics au sein de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés, M. Gaye note que l’État partie s’est engagé à ne donner qu’un rôle purement consultatif à l’intéressé, ce afin de préserver son indépendance. M. Gaye voudrait savoir s’il y a eu des changements à cet égard. Il croit comprendre que, pour ce qui est du suivi de ses recommandations, la Commission s’en remet aux promesses des autorités. Il suggère donc que la Commission se dote d’une procédure plus structurée afin d’améliorer l’efficacité du suivi de ses recommandations.

34.Citant l’affaire dans laquelle un ancien fonctionnaire de police de Poli a été reconnu responsable de l’exécution extrajudiciaire de sept personnes et condamné à quinze ans d’emprisonnement, M. Gaye aimerait savoir quelles peines sont prévues dans la législation interne pour punir les auteurs de ce type d’acte. Il aimerait également savoir de quelles peines sont passibles les complices du responsable.

35.Les juridictions militaires sont habilitées à connaître d’infractions en rapport avec la législation nationale sur les armes. Or, ces infractions peuvent être commises par des civils. Pour M. Gaye, le fait que les tribunaux militaires soient dotés de compétences excessivement larges et qu’ils puissent être amenés à juger des civils pose problème.

36.En outre, toute infraction imputée à un membre des forces armées est automatiquement du ressort des juridictions militaires. M. Gaye estime toutefois que, lorsqu’un soldat commet une infraction dont la victime est un civil et que cet acte n’a pas été perpétré dans le cadre d’une opération de l’armée, l’affaire ne devrait pas être examinée par un tribunal militaire. La délégation est invitée à formuler des observations sur ce point. Il souhaiterait en outre savoir si la Cour suprême surveille la façon dont la loi est appliquée par les tribunaux militaires et si elle est habilitée à annuler les décisions de ces juridictions lorsqu’elles sont contraires au droit.

37.D’après le paragraphe 134 du rapport, le décret no 75/7000 dispose que «les magistrats militaires, uniquement dans l’exercice de leurs fonctions, sont indépendants du commandement et ne relèvent que de leur hiérarchie propre». La délégation est invitée à donner des éclaircissements sur le sens et la portée de cette disposition et à indiquer si celle-ci a un effet sur la façon dont les juges s’acquittent de leurs fonctions.

38.M. Gaye aimerait en outre savoir si une personne visée par une mesure d’extradition peut invoquer l’existence d’un risque de torture dans l’État requérant pour saisir la Cour de cassation d’un recours contre la décision pertinente de la chambre d’accusation de la cour d’appel.

39.D’après la réponse de l’État partie à la question formulée au paragraphe 10 de la liste des points à traiter, toute personne frappée par une mesure d’expulsion prononcée par le Premier Ministre peut former un recours. L’État partie ne précise toutefois pas dans sa réponse si les mesures de reconduite à la frontière ou de refoulement prononcées par les autorités administratives sont susceptibles de recours. Si tel est le cas, il serait intéressant de savoir si un recours aurait un effet suspensif et quelle juridiction statuerait en dernier ressort.

40.L’État partie n’a pas indiqué si les médecins sont formés pour détecter les séquelles physiques et psychologiques de torture. Des mesures devraient être prises afin d’évaluer concrètement l’efficacité de ce type de formation.

41.M. Gaye note que l’article 137 du Code de procédure pénale dispose que le Procureur de la République peut se rendre dans les locaux de la police et de la gendarmerie et ordonner la remise en liberté immédiate de personnes retenues en garde à vue en application d’une ordonnance d’habeas corpu s. L’expert ne voit pas bien pourquoi une personne visée par une ordonnance d’habeas corpus serait maintenue en garde à vue. Il souhaiterait en outre des éclaircissements sur le paragraphe 3 de l’article 118 dudit code, dont les dispositions sous-entendent qu’en matière de garde à vue, l’autorisation du Procureur de la République n’est pas requise dans tous les cas.

42.Au paragraphe 18 de la liste des points à traiter, des statistiques ventilées par âge et par sexe sont demandées sur la durée de la garde à vue et de la détention avant jugement. Or, aucun renseignement n’est donné à ce sujet dans les réponses écrites de l’État partie.

43.Les autorités camerounaises se sont engagées à prendre des mesures pour mettre fin à certains privilèges inacceptables accordés aux chefs traditionnels. Il arrive que certains chefs pratiquent une forme de justice privée et commettent des actes assimilables à de la torture et à des mauvais traitements. Bien que le rapport contienne des informations détaillées sur les procédures intentées contre plusieurs chefs traditionnels, le Comité a reçu des renseignements montrant que certains d’entre eux continuaient de se livrer à des pratiques illégales. M. Gaye se demande donc si les peines qui ont été prononcées ont eu l’effet dissuasif voulu et si des mesures plus drastiques ne devraient pas être prises. En outre, les chefs traditionnels jouent un rôle important dans le règlement des litiges fonciers, au détriment des tribunaux ordinaires. Quelle est la position de l’État partie à l’égard de cette manière d’agir qui empiète sur un domaine du droit positif?

44.M. Gaye déplore que les autorités camerounaises n’aient pas mené d’enquête judiciaire indépendante sur les émeutes de février 2008. En outre, la procédure de flagrant délit semble avoir été appliquée dans presque tous les cas lorsqu’une personne était arrêtée ou poursuivie. L’expert souhaiterait savoir si des enquêtes judiciaires ont été menées ou si la culpabilité du suspect était considérée comme un fait établi. Il souhaiterait également savoir si des acquittements ont été prononcés. Les statistiques fournies par l’État partie font apparaître un écart entre le nombre de personnes arrêtées – 1 168 – et le nombre de personnes traduites devant les tribunaux – 1 137. Des explications de la délégation seraient bienvenues à ce sujet.

45.Des informations seraient également bienvenues sur les résultats de l’enquête judiciaire ouverte sur les meurtres de détenus commis lors des émeutes qui ont éclaté en 2008 dans les prisons.

46.Dans sa réponse à la question formulée au paragraphe 9 de la liste des points à traiter, l’État partie a indiqué que le tribunal militaire de Garoua avait ouvert une information judiciaire sur le décès de M. Oumarou, survenu lors d’une opération du bataillon d’intervention rapide de Maroua-Salack. La délégation voudra bien indiquer si des poursuites ont été intentées contre des membres de ce bataillon.

47.Des précisions seraient utiles sur les peines prononcées contre les deux personnes qui ont été condamnées dans l’affaire dite de la disparition des neuf de Bepanda.

48.Dans sa réponse à la question énoncée au paragraphe 27 de la liste des points à traiter, l’État partie a indiqué que l’indemnisation des victimes de la torture s’inscrivait dans le cadre du régime général d’indemnisation des victimes de dysfonctionnements de l’administration publique. Étant donné que ces dysfonctionnements recouvrent souvent des infractions pénales, M. Gaye suggère que les autorités imposent au responsable l’obligation de verser une indemnisation à la victime, s’il s’agit d’actes de torture.

49.Il ne fait aucun doute que le nombre considérable de décès en prison est dû au surpeuplement, à l’état déplorable des infrastructures, au manque d’hygiène et à l’absence de services de santé, entre autres. La délégation est invitée à formuler des observations sur l’écart manifeste entre les dispositions de la législation interne et leur application dans les lieux privatifs de liberté, compte tenu des conditions de détention qui y prévalent.

50.Dans sa réponse à la question formulée au paragraphe 30 de la liste des points à traiter, l’État partie a indiqué que le personnel chargé de la surveillance des détenues était soit composé de femmes, soit «spécialement choisi». La délégation voudra bien donner des éclaircissements sur le sens de cette expression.

51.Dans sa réponse à la question formulée au paragraphe 35 de la liste des points à traiter, qui porte sur la lutte contre le terrorisme, l’État partie cite une disposition de la loi no 97/012 du 10 janvier 1997 autorisant les fonctionnaires des postes frontière à expulser les «personnes suspectes» ou à leur interdire l’entrée sur le territoire camerounais même si elles sont titulaires d’un visa. Quels motifs peuvent être invoqués pour qualifier une personne de «suspecte»?

52.Des renseignements seraient bienvenus sur les affaires dans lesquelles des personnes ont été poursuivies pour corruption.

53.Enfin, la délégation voudra bien indiquer si la législation pénale contient une définition des traitements cruels, inhumains et dégradants et, le cas échéant, de quelles peines sont passibles les auteurs de ces infractions.

54.M me  Gaer lit au paragraphe 40 du rapport que, d’après le rapport établi par le médecin-chef du centre médical de la prison de Douala et le régisseur de l’établissement, 25 décès de détenus auraient été enregistrés entre janvier et octobre 2003, et non 72 comme cela a été allégué, et que ces décès seraient dus à des causes naturelles telles que le VIH/sida et la tuberculose. Mme Gaer doute de l’indépendance et de la neutralité de ce rapport et aimerait savoir si une enquête a été ouverte sur les 47 autres décès.

55.D’après le paragraphe 52 du rapport, les initiatives lancées par le Gouvernement pour améliorer les conditions de détention des mineurs seraient tributaires des ressources financières, qui ne seraient pas toujours disponibles. Or, au paragraphe 69 de ce document, l’État partie juge exagéré de dire que les détenus sont entassés dans des cellules exiguës, faisant valoir que chaque fois que les pouvoirs publics ont constaté une augmentation de la population carcérale dans un établissement donné, ils ont remédié à la situation en transférant des condamnés dans des établissements moins saturés. Mme Gaer demande si des mesures de ce type sont prises à la prison centrale de Maroua, dont la capacité est de 150 places mais qui accueille actuellement un millier de détenus, ainsi qu’à la prison centrale de Kondengui, à Yaoundé, dont la capacité est de 700 places et qui, en septembre 2008, accueillait 3 500 personnes.

56.D’après le paragraphe 88 du rapport, 10 millions de francs CFA ont été alloués à la Direction de l’administration pénitentiaire aux fins de l’achat de matériel de greffe. Mme Gaer demande si ces fonds ont été utilisés et si des registres d’écrou sont désormais systématiquement tenus aussi bien dans les locaux de détention provisoire que dans les prisons.

57.D’après le paragraphe 97 du rapport, le Gouvernement a élaboré un projet de loi portant organisation des tribunaux militaires qui offre à la victime civile d’une infraction la possibilité de mettre en mouvement l’action publique devant un tribunal militaire. La délégation voudra bien indiquer si ce projet de loi a été adopté et s’il est déjà arrivé qu’une victime civile en invoque les dispositions pour entamer une procédure.

58.D’après des allégations, certains chefs traditionnels auraient créé des prisons privées. Des mesures ont-elles été adoptées afin de soumettre ces lieux de détention à un contrôle et de s’assurer que des violations de la Convention n’y soient pas commises?

59.Mme Gaer prend acte avec satisfaction des renseignements figurant dans la partie du rapport consacrée à la suite donnée à la recommandation formulée par le Comité au paragraphe 8 a) de ses précédentes observations finales. Elle note toutefois qu’au paragraphe 24, l’État partie se borne à indiquer que le gardien de la paix principal Kedio Ntchingue et que le gardien de la paix Jean-Marie Enyegue ont été traduits devant le tribunal de première instance de Yaoundé pour blessures simples, mais qu’il ne donne pas de précisions sur l’issue de cette procédure. Le fonctionnaire de police Boubakari Modibo a été reconnu coupable de coups mortels, condamné à deux ans d’emprisonnement et suspendu pour cinq ans. Mme Gaer se demande si cet individu sera autorisé à reprendre ses fonctions au bout de cinq ans. Les autres affaires citées soulèvent des interrogations similaires.

60.M. Mariño Menéndez note que le Code de procédure pénale entré en vigueur le 1er janvier 2007 confère au Ministre de la justice le pouvoir d’ordonner l’arrêt des poursuites lorsque la nécessité de préserver la «paix publique» l’exige. Les dispositions pertinentes sont sans doute incompatibles avec les obligations incombant à l’État partie en vertu de la Convention et posent la question de la responsabilité de l’État au plan international. En effet, bien que les victimes puissent intenter une action civile en réparation, des auteurs d’infractions graves pourraient jouir de l’impunité grâce à ces dispositions.

61.En ce qui concerne les groupes vulnérables, l’expert voudrait savoir si la portée de loi no 2005/006 du 27 juillet 2005 sur le statut des réfugiés a été mieux définie. Il se dit préoccupé par des informations faisant état de mauvais traitements infligés à des femmes et des enfants réfugiés, notamment des cas d’enfants travaillant sous la contrainte et de femmes victimes de mariages forcés – violations qui découlent de l’imprécision des dispositions de cette loi. L’expert souhaiterait en outre savoir si la législation camerounaise prévoit des peines réprimant spécifiquement les mariages forcés. Croyant savoir que cette pratique est du ressort des tribunaux coutumiers, il souhaiterait recevoir de plus amples informations sur l’étendue des compétences de ces juridictions et sur les possibilités qu’ont les femmes de les saisir.

62.Dans ses réponses écrites, l’État partie a indiqué que les mesures de refoulement étaient prises à l’entrée du territoire national par le chef du service d’immigration du poste frontière. M. Mariño Menéndez prie la délégation camerounaise de décrire comment cette procédure est appliquée.

63.La situation des peuples autochtones vivant dans l’État partie, en particulier les Pygmées, est un motif de préoccupation. L’expert voudrait savoir si le Cameroun s’est doté d’une législation protégeant ces minorités et, en particulier, s’il est partie à la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants et, le cas échéant, si cet instrument s’applique aux Pygmées pour ce qui est des droits fonciers.

64.La durée des mesures prises dans le cadre des affaires relevant de la compétence des tribunaux militaires pose un certain nombre de problèmes, en particulier la durée de la détention provisoire. L’expert souhaiterait donc connaître l’état d’avancement de l’examen du projet de loi portant modification de la procédure régissant la détention provisoire.

65.M me Belmir note avec préoccupation que l’article 32 du Code de procédure pénale encourage les membres des forces de l’ordre à recourir à la torture puisque les actes inhumains et dégradants n’y sont pas définis comme des actes de torture. Les agents de la force publique peuvent donc tirer parti des dispositions de cet article pour pratiquer la torture en toute impunité. Des éclaircissements seraient souhaitables sur ce point.

66.En ce qui concerne les événements survenus en février 2008, Mme Belmir souligne que l’établissement de la vérité revêt une importance capitale. La population a le droit de savoir ce qui s’est passé, les victimes devraient pouvoir prétendre à une indemnisation et les survivants devraient bénéficier de mesures de réadaptation. Il serait hautement souhaitable que l’État partie poursuive ses efforts pour faire la lumière sur ces événements. Mme Belmir se dit préoccupée par le fait que la consigne suivie pendant ces événements et en cas d’évasion de détenus ait été de tirer pour tuer. Elle espère que l’État partie s’attaquera à ce problème et que ces actes ne resteront pas impunis.

67.Le Cameroun est confronté à plusieurs graves phénomènes liés à la protection de l’enfant, dont la traite d’enfants, le détournement de mineurs, l’outrage aux bonnes mœurs en présence d’un mineur de moins de 16 ans, les enlèvements d’enfants et les violences infligées aux enfants. Il est indispensable que l’État partie prenne des mesures pour mettre fin à ces pratiques.

68.M me  Kleopas croit comprendre qu’une législation a été adoptée au Cameroun afin de protéger les droits fondamentaux des personnes privées de liberté, dont le droit de voir un avocat et un médecin. Toutefois, d’après des informations communiquées au Comité, il semblerait que, dans la pratique, les suspects ne soient pas informés de leurs droits. L’experte aimerait savoir si cela est dû à une méconnaissance de la loi chez les fonctionnaires de police, qui s’expliquerait par l’insuffisance de leur formation, ou à la corruption.

69.La situation dans les prisons est un motif de grave préoccupation. Par exemple, la prison de Douala, dont la capacité est de 800 places, accueille actuellement plus de 3 500 personnes, qui y sont détenues dans des conditions absolument déplorables. L’experte croit savoir que la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés est un organe public et qu’aucun organisme indépendant n’est autorisé à effectuer des visites dans les lieux de détention. Mme Kleopas espère que le Cameroun ratifiera le Protocole facultatif à la Convention et mettra en place une institution chargée d’effectuer des visites dans les lieux privatifs de liberté. Cela constituerait un grand pas en avant dans le domaine de la prévention de la torture. Elle voudrait en outre savoir pourquoi les organisations non gouvernementales ne sont pas autorisées à se rendre dans les lieux de détention étant donné qu’elles pourraient jouer le rôle d’inspecteurs indépendants chargés de surveiller les conditions de détention.

70.M. Bruni, se référant aux mesures de prévention de la torture, lit au paragraphe 114 du rapport de l’État partie que cinq comités provinciaux de prévention de la torture ont été créés pour accompagner les populations victimes de ce type d’acte. Or, si ces comités offrent un accompagnement aux victimes de la torture, c’est qu’ils ne s’occupent pas de prévention à proprement parler. L’expert souhaiterait des éclaircissements sur ce point ainsi que sur l’identité des victimes et les raisons pour lesquelles elles ont été torturées.

71.En ce qui concerne l’article 2 de la Convention, l’expert relève que l’article 132 bis du Code pénal dispose que l’ordre d’un supérieur ne peut pas être invoqué pour justifier la torture. Il souhaiterait savoir quelle procédure a été mise en place afin que, dans la pratique, un subordonné puisse ne pas obéir à des ordres émanant d’un supérieur qui, s’ils étaient exécutés, supposeraient la commission d’actes de torture.

72.M. Bruni estime nécessaire que l’État partie fasse en sorte que le personnel de santé travaillant dans les lieux de détention soit sensibilisé au Protocole d’Istanbul, étant donné que la connaissance de ce manuel est extrêmement importante dans le cadre d’une enquête.

73.M. Bruni relève que deux programmes visant à améliorer le fonctionnement du système judiciaire ont été exécutés en collaboration avec le Fonds européen de développement qui, depuis 2005, a alloué 9 millions d’euros à ces programmes. Il souhaiterait recevoir de plus amples informations sur les résultats obtenus grâce à ces programmes.

74.Pour ce qui est du surpeuplement carcéral, il demande si les autorités camerounaises pourraient fournir au Comité des statistiques sur le taux moyen d’occupation dans les prisons.

75.Enfin, il formule l’espoir que le Gouvernement camerounais alloue des ressources au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture créé par l’Assemblée générale (A/RES/36/151). Le Cameroun l’a fait dans le passé mais, d’après des informations dont dispose l’expert, il n’a pas versé de contribution depuis 2001.

76.Le Président, notant que l’article 132 du Code pénal interdit la torture, demande de quelles peines l’auteur de ce type d’acte est passible et combien de personnes ont été condamnées à ce jour en application de cet article.

77.Relevant que les membres de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés sont nommés par décret présidentiel, il souhaiterait recevoir des précisions sur l’expérience professionnelle et la formation de ces personnes. Dans ses réponses écrites, l’État partie a indiqué que 25 affaires concernant des allégations de torture avaient été transmises à la Commission, mais que 15 d’entre elles seulement avaient donné lieu à une enquête. Il serait intéressant de savoir quel a été le résultat de ces enquêtes et pourquoi aucune suite n’a été donnée aux 10 autres affaires.

78.L’État partie a indiqué que les membres des institutions publiques pouvaient se rendre dans les centres de détention. Le Président voudrait savoir s’ils peuvent le faire sans avertir les responsables des établissements concernés et combien de visites inopinées ont été effectuées à ce jour.

79.Les organisations humanitaires accréditées peuvent se rendre dans les centres de détention. La délégation voudra peut-être donner des informations sur les critères d’accréditation et sur le nombre de demandes d’accréditation qui ont été rejetées.

80.D’après des renseignements reçus par le Comité, certains condamnés à mort seraient enchaînés. Il serait utile de savoir combien de condamnés à mort sont soumis à ce régime et s’il est envisagé de modifier le traitement qui leur est réservé. La délégation voudra bien préciser combien de temps ces condamnés portent des chaînes avant d’être exécutés.

81.D’après des informations reçues par le Comité, certains détenus qui avaient exécuté leur peine auraient été maintenus en détention pendant une période allant de vingt jours à cinq ans, jusqu’à ce qu’ils aient fini de rembourser une dette. Ce problème concernerait 5 % des détenus. La délégation est invitée à formuler des observations sur ces allégations.

82.Dans sa réponse à la question figurant au paragraphe 27 de la liste des points à traiter, l’État partie a indiqué que plusieurs victimes avaient été indemnisées. Des précisions seraient utiles sur le nombre de personnes concernées et le montant de l’indemnisation qui leur a été accordée.

83.L’État partie a indiqué que, conformément à l’article 315 du Code de procédure pénale, les éléments de preuve obtenus par la torture n’étaient pas recevables. Il serait intéressant de savoir combien de fois cet article a été appliqué.

84.S’agissant de l’exemption de peine dont bénéficie l’auteur d’un viol si celui-ci épouse sa victime, la délégation voudra bien indiquer combien de mariages conclus dans ces conditions ont été recensés et si les femmes qui refusent d’épouser l’homme qui les a violées sont mises au ban de la société.

85.Dans sa réponse à la question figurant au paragraphe 32 de la liste des points à traiter, l’État partie a indiqué qu’en vertu de la loi no 2005/015 du 29 décembre 2005, une plainte pour traite d’enfants pouvait être déposée lorsque la victime avait moins de 15 ans et qu’elle avait subi des lésions ou était décédée des suites de violences commises en lien avec cette infraction. La délégation est invitée à fournir des informations sur le nombre d’affaires concrètes de traite qui ont été portées devant les tribunaux.

86.Dans sa réponse à la question formulée au paragraphe 35 de la liste des points à traiter, l’État partie a indiqué que la loi no 2001/19 prévoyait de punir 11 types d’acte par une peine d’emprisonnement à perpétuité. La délégation voudra bien préciser la nature des infractions concernées et indiquer combien de personnes ont été condamnées en application des dispositions de cette loi.

Le débat - résumé prend fin à 12 h 20.