COMITÉ CONTRE LA TORTURE
Trente‑neuvième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE (PARTIEL)* DE LA 788e SÉANCE
tenue au Palais Wilson, à Genèvele jeudi 8 novembre 2007, à 15 heures
Président: M. MAVROMMATIS
SOMMAIRE
EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION
Deuxième rapport périodique de la Lettonie (suite)
La séance est ouverte à 15 h 5.
EXAMEN DES RAPPORTS S SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APLICATION DEL’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (Point 5 de l’ordre du jour)
Deuxième rapport périodique de la Lettonie (CAT/C/38/Add.4; CAT/C/LVA/Q/2; HRI/CORE/1/Add.123) (suite)
1. Sur l’invitation du Président, la délégation lettone prend place à la table du Comité.
2.Mme REINE (Lettonie) note que sa délégation est composée de représentants d’un grand nombre d’institutions nationales qui s’occupent de questions intéressant le Comité. En 2003, l’examen du rapport initial (CAT/C/21/Add.24) par le Comité avait ouvert la voie à des discussions au niveau national qui avaient abouti à de véritables avancées, sur les plans juridique et pratique, favorisant un meilleur respect des dispositions de la Convention. Sachant que le Gouvernement letton a soumis un rapport sur la suite donnée aux recommandations du Comité en mai 2007, et qu’il a récemment transmis ses réponses écrites à la liste de points à traiter, le Comité dispose d’informations couvrant la période allant de novembre 2003 à juillet 2007. La promotion d’un meilleur respect des normes relatives à la prévention de la torture ayant continué depuis cette date, la délégation s’efforcera, en répondant aux questions du Comité, de fournir des renseignements sur les faits les plus récents.
3.D’importants progrès ont été accomplis dans tous les domaines, notamment en ce qui concerne les conditions carcérales, l’assistance médicale, l’éducation, et la protection des victimes. En outre, le nouveau Code de procédure pénale, qui est entré vigueur en octobre 2005, a profondément modifié les règles relatives à la détention provisoire et à sa prorogation. Les délais impartis à la justice pour instruire et juger les affaires ont été raccourcis. Les droits des suspects, des personnes mises en examen et des défendeurs ont été renforcés. L’application des dispositions du nouveau Code de procédure pénale a permis de réduire le nombre de personnes en détention provisoire, qui est passé de 2 662, le 1er janvier 2005, à 1 670, le 1er août 2007. L’adoption d’une loi sur la procédure de placement en détention provisoire et d’une autre sur la procédure d’arrestation assure désormais une protection spécifique aux prévenus et aux personnes arrêtées. En 2006, un service d’aide judiciaire a été mis en place, dont le rôle consiste à fournir l’aide juridictionnelle garantie par l’État et l’aide juridictionnelle aux personnes à faible revenu. D’autre part, les amendements du 29 mars 2007 à la loi sur le traitement médical prévoient, à présent, la possibilité de demander le contrôle judiciaire de toute mesure d’internement forcé.
4.La Lettonie a perfectionné son système de surveillance des lieux de détention. Des représentants du Ministère de la justice, du nouveau Ministère chargé des questions relatives à l’enfance et à la famille, du Ministère de la santé, du Médiateur, du Service de contrôle de l’État, du Bureau du Procureur de la République et du Bureau de la sécurité intérieure, qui relève de la police nationale, assurent la surveillance requise et sont saisis des cas de violation des droits des détenus. Les tribunaux jouent désormais un rôle croissant dans ce domaine en se prononçant sur les plaintes contre les autorités concernant les conditions de détention ou le traitement des personnes privées de leur liberté. Il convient également de signaler l’adoption d’une loi sur la responsabilité disciplinaire des agents du Ministère de l’intérieur et de l’Administration pénitentiaire ayant des attributions spéciales, qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2006. En août 2007, la police nationale s’est dotée d’un groupe des statistiques et des analyses au Bureau de la sécurité intérieure chargé notamment de traiter les données relatives aux infractions commises par des policiers. Des progrès ont par ailleurs été accomplis en matière de collecte des données dans d’autres domaines. Enfin, grâce à la création du Ministère chargé des questions relatives à l’enfance et à la famille et du Service national de protection des droits de l’enfant, les conditions de détention des mineurs se sont considérablement améliorées.
5.La croissance économique et l’aide internationale ont permis à la Lettonie d’augmenter considérablement les crédits affectés à la rénovation des prisons et à la création de nouveaux établissements pénitentiaires. Le 30 juillet 2007, l’hôpital pénitentiaire letton a été transféré dans les bâtiments nouvellement aménagés à Olaine, où les prévenus et les condamnés bénéficient à présent de toute l’assistance médicale nécessaire, comme a pu l’observer le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe lors de la visite qu’il a effectuée dans le pays. En 2006, grâce à une aide financière du Fonds social européen, la Lettonie a lancé un projet consacré à l’élaboration de nouveaux programmes de rééducation pour les jeunes délinquants, de formation des enseignants et de rénovation des salles de classe. D’autre part, afin de se conformer aux normes européennes les plus récentes en matière d’asile, les autorités lettones ont élaboré un projet de loi sur le droit d’asile, qui a récemment été examiné par le Parlement en première lecture. Enfin, le 1er janvier 2007, la Lettonie a achevé le processus de professionnalisation de son armée.
6.Plusieurs institutions sont chargées de dispenser une formation aux juges et aux procureurs, ainsi qu’aux fonctionnaires du Ministère de l’intérieur. Le Centre de formation judiciaire organise à l’intention des juges et des greffiers des cours sur différents aspects du droit interne et les questions relatives aux droits de l’homme. Comme il n’existe pas de centre spécialisé dans la formation des procureurs, ces derniers suivent les cours dispensés aux juges et les séminaires spécialement organisés à leur intention. Une formation juridique (y compris en matière de droits de l’homme) et médicale est par ailleurs régulièrement fournie par le Ministère de la santé, y compris au personnel des établissements psychiatriques. Enfin, des séminaires sur les droits de l’homme sont organisés par des organisations non gouvernementales lettones ou par la faculté de droit.
7.Pour conclure, Mme Reine dit que son pays a toujours œuvré en faveur du respect des normes internationalement reconnues relatives aux droits de l’homme et participe pleinement aux activités connexes du Conseil de l’Europe, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, de l’Organisation des Nations Unies et de ses procédures spéciales. Cette participation a aidé les autorités à porter un regard critique sur la situation au plan national et à repérer les domaines dans lesquels des améliorations sont nécessaires. Elle a également permis aux organisations internationales de mieux comprendre le contexte particulier dans lequel le pays a accédé à l’indépendance et les efforts qu’il déploie à l’heure actuelle pour la préserver et consolider la démocratie. La Lettonie est fière d’être finalement parvenue à surmonter le poids de son passé totalitaire, notamment en adoptant une nouvelle approche à l’égard des personnes privées de liberté et en ce qui concerne les lieux de détention. Il reste toutefois encore beaucoup à faire pour qu’un meilleur respect des normes internationales soit garanti, et la Lettonie est convaincue que l’examen de son deuxième rapport périodique permettra, par delà le bilan qui sera dressé de la situation actuelle, d’ouvrir la voie à de nouvelles avancées dans le domaine des droits de l’homme.
8.M. GROSSMAN (Rapporteur pour la Lettonie) se félicite du dialogue fructueux engagé avec une délégation étoffée et compétente. Dans la période récente, la Lettonie a beaucoup progressé dans l’accomplissement de ses obligations; toutefois, en ce qui concerne l’application de l’article premier de la Convention, la situation n’est pas totalement claire aux yeux du Comité.
9.Dans son rapport initial (CAT/C/21/Add.4), l’État partie affirmait que la définition de la torture figurant à l’article premier de la Convention était directement applicable en Lettonie, les accords internationaux ratifiés ayant force obligatoire en vertu de la Constitution. Or, il est permis de se demander comment la définition de la torture donnée dans la Convention peut être d’application directe eu égard à la diversité des normes en vigueur dans le système juridique letton.
10.Le Comité demande systématiquement aux États parties qui ne l’ont pas fait s’ils envisagent d’incorporer expressément à leur droit national la définition de la torture énoncée à l’article premier car cette définition unique renforce la légitimité, la simplicité et la clarté du système juridique. La question se pose d’autant plus dans le cas de la Lettonie que dans une décision du 1er mars 1993, sa Cour suprême a donné une interprétation du terme de «torture» selon laquelle il s’agit d’actions commises «en toute connaissance de cause» et se caractérisant par des actes «multiples ou prolongés» entraînant des douleurs et souffrances particulières. Or, il n’est question à l’article premier de la Convention ni d’actes multiples ou prolongés, ni d’agir en toute connaissance de cause; il est donc douteux, du fait de ces éléments restrictifs, que cet article soit «directement applicable» en Lettonie. Il serait utile de savoir si cette décision de la Cour suprême est toujours valable ou s’il y a eu une évolution de la jurisprudence depuis 1993.
11.Au sujet de l’article 2 de la Convention, il serait important de savoir si le Code de procédure pénale letton garantit à toute personne détenue le droit de consulter un médecin et dans quelles conditions concrètes. Toujours à propos de cet article, M. Grossman voudrait savoir si des détenus étrangers se sont déjà prévalus de la possibilité qui leur est offerte par la loi de bénéficier de l’aide judiciaire et si l’on dispose de statistiques à ce sujet pour la période 2002‑2005. Il serait aussi utile de savoir quel est le montant des crédits budgétaires alloués pour financer cette aide et quelle proportion de ces crédits a effectivement été utilisée à cette fin. Enfin, est‑il arrivé que des demandes d’aide judiciaire soient rejetées?
12.Le Comité ne cesse de rappeler que l’interdiction de la torture ne souffre aucune dérogation. Pourquoi la Lettonie n’envisage-t-elle pas de modifier l’article 34 de sa loi pénale, surtout que cette loi n’exonère pas l’auteur d’actes de torture au motif qu’il a obéi aux ordres d’un supérieur? Le fait qu’en droit letton la torture est un acte intentionnel pose un autre problème; l’État partie a précisé que les auteurs de crimes contre l’humanité, crimes de guerre ou de génocide, ne peuvent invoquer le fait qu’ils ignoraient la nature criminelle de l’ordre donné. Or aux yeux du Comité, les actes de torture font partie des crimes contre l’humanité et l’on ne saurait traiter ces actes différemment, ce qui porte du reste atteinte au caractère absolu de l’interdiction de la torture. À cet égard, il serait intéressant de savoir combien d’enquêtes pénales ont été ouvertes depuis 2002 au sujet d’ordres donnés par un supérieur hiérarchique de commettre des actes de torture. Il serait bon aussi de se voir confirmer que le caractère absolu de l’interdiction de la torture est consacré sans la moindre ambiguïté dans le droit interne de l’État partie.
13.La Lettonie a indiqué au Comité pour la prévention de la torture qu’entre 1999 et 2002, aucune plainte pour brutalités commises par un membre du personnel pénitentiaire n’a été reçue, et qu’aucune procédure pénale ou disciplinaire n’a été engagée pour ce type d’infraction. Qu’en est-il pour la période 2003‑2007? Il est exceptionnel qu’aucune plainte de ce genre, fondée ou non, ne soit déposée, ce qui amène à s’interroger sur la possibilité effectivement offerte aux détenus de porter plainte. Pour ce qui est des violences policières, le Centre letton pour les droits de l’homme affirme qu’entre 2003 et 2004 563 enquêtes disciplinaires ont été ouvertes à la suite d’allégations de brutalités, que ces violences ont été confirmées dans 24 affaires, soit 4,3 % des enquêtes, et que des mesures disciplinaires ont été prises à l’encontre de 39 policiers. La délégation pourrait-elle commenter ces allégations, et fournir des chiffres pour les deux dernières années? Étant donné que, dans ce type d’affaire, il est souvent difficile d’apporter des preuves, y a‑t‑il eu des cas où le bénéfice du doute a été accordé à un policier qui a par la suite été de nouveau mis en cause dans d’autres affaires et, si tel est le cas, son dossier a‑t-il alors été réexaminé? Par ailleurs, le Centre letton pour les droits de l’homme indique que la législation pénale lettone autorise l’application de la peine capitale pour meurtre aggravé en temps de guerre. L’État partie envisage-t-il de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui vise à abolir la peine de mort?
14.Entre 2002 et le début de la période couverte par le rapport à l’examen, combien de demandes d’extradition la Lettonie a‑t‑elle rejetées en application de l’article 490 de son Code pénal parce que l’intéressé était poursuivi pour des motifs liés à la race, à la religion, à l’appartenance ethnique ou à des opinions politiques? Par ailleurs, le mandat d’arrêt européen a été créé pour simplifier et accélérer la procédure d’extradition entre membres de l’Union européenne: ce mandat a‑t‑il été utilisé par la Lettonie au cours de la période considérée? Par ailleurs, il serait utile de savoir combien de demandeurs d’asile ont obtenu le statut de réfugié pour des raisons humanitaires. Dans le cas des victimes de la traite, veille‑t‑on à ne pas rapatrier des personnes susceptibles de retomber aux mains des trafiquants dans leur pays d’origine?
15.Les données ventilées demandées au titre de l’article 4 de la Convention sont très éclairantes pour le Comité. Il serait utile de savoir s’il existe un délai de prescription pour les actes de torture commis par des agents de l’État, et s’il y a eu des cas où l’un de ces agents a invoqué avec succès la prescription. D’autre part, M. Grossman a pris note avec beaucoup de satisfaction du fait que l’État partie n’a ni donné ni accepté d’assurances diplomatiques dans des affaires d’extradition ou de demande d’asile. Il se félicite aussi de ce que, le 20 janvier 2005, la loi sur l’asile a été modifiée afin d’y supprimer l’obligation faite de présenter une demande écrite pour engager la procédure d’asile.
16.La Lettonie a fait savoir qu’elle n’avait rejeté aucune demande d’extradition de personnes suspectées d’actes de torture. Elle a indiqué qu’elle fournirait à cet égard des données actualisées lors de l’examen de son deuxième rapport périodique afin de faciliter le travail du Comité. D’autre part, selon l’État partie, les détenus étrangers sont désormais en droit de demander à communiquer dans une langue qu’ils comprennent et d’obtenir, le cas échéant, les services d’un interprète: M. Grossman voudrait savoir si cette mesure est déjà effective. Il a également pris note de l’intention manifestée par la Lettonie d’allonger les délais de recours des demandeurs d’asile et du fait que le nouveau projet de loi sur l’asile a été entériné par le Cabinet ministériel en mars 2007: quand cet important projet de loi entrera‑t‑il en vigueur? En vertu de la nouvelle loi sur la procédure pénale, des juges sont désormais chargés de veiller au respect des droits de l’homme dans la procédure pénale: c’est là une mesure qui semble extrêmement positive. De même, en avril 2007, la Lettonie a signé la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine; il serait utile de savoir si elle a l’intention de la ratifier prochainement. Elle a également signé le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, sachant qu’elle est partie à la Convention à laquelle se rapporte ce protocole depuis 2004. Ces instruments sont d’une importance cruciale et il serait important de savoir s’ils ont effectivement été incorporés au droit interne letton.
17.En mai 2006, la Lettonie a signé la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains du Conseil de l’Europe; le processus de ratification est‑il en cours? En 2005, 23 affaires de traite ont été portées à l’attention des autorités lettones, et 24 en 2006. Il serait souhaitable de disposer de statistiques concernant les cas signalés dans la période la plus récente.
18.M. Grossman demande s’il est exact qu’en droit letton, l’infraction de viol n’inclut pas le viol entre époux. Notant que la Lettonie est partie à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe depuis le 1er janvier 2005, il souhaiterait savoir si des mesures concrètes visant à promouvoir l’égalité de droits entre les personnes appartenant à une minorité et les personnes appartenant à la population majoritaire ont été prises en application de cet instrument.
19.Dans un avis du 6 juin 2003, la Cour constitutionnelle lettonne a déclaré anticonstitutionnelles les dispositions de la loi sur la radiodiffusion et la télévision limitant le temps d’antenne des programmes diffusés dans les langues des minorités. M. Grossman souhaiterait savoir s’il existe d’autres dispositions législatives qui restreignent l’emploi des langues des minorités et, dans l’affirmative, si leur compatibilité avec la Constitution a déjà été contestée.
20.Le 23 novembre 2006, le Parlement letton a adopté une motion de procédure, entraînant le rejet d’un projet de loi qui prévoyait le versement d’une indemnisation aux personnes ayant perdu leurs biens pendant l’Holocauste. Il serait intéressant de savoir ce qu’il est advenu de ce projet de loi.
21.À propos des incidents survenus lors de la Gay Pride de 2006, M. Grossman dit que des effectifs de police auraient dû être déployés pour assurer la sécurité des manifestants et demande pour quelles raisons cela n’a pas été fait. Notant, d’autre part, que la Lettonie n’a pas fait la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale à l’effet de reconnaître la compétence du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers, il demande si l’État partie envisage de faire cette déclaration. Il souhaiterait également savoir s’il songe à ratifier le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
22.Le Rapporteur salue l’esprit de coopération manifesté par l’État partie à travers son rapport, ses réponses écrites à la liste de points à traiter et les informations qu’il a communiquées au titre de la procédure de suivi des conclusions et recommandations du Comité, dont il a fort apprécié la qualité et la richesse, et dit qu’il attend avec grand intérêt les réponses que la délégation voudra bien apporter aux questions qu’il vient de soulever.
23.Mme SVEAASS (Corapporteuse pour la Lettonie) note que, depuis l’examen de son précédent rapport en 2003, l’État partie a échangé avec le Comité une correspondance riche de renseignements sur la suite donnée aux conclusions et recommandations du Comité, que sont venus compléter les réponses écrites et le deuxième rapport périodique de l’État partie. Il ressort clairement de l’ensemble de ces documents que l’État partie a accompli des progrès considérables dans la mise en œuvre de la Convention. Certains points méritent néanmoins d’être précisés et l’actualisation de certains renseignements communiqués par l’État partie pourra également être utile.
24.À la question de savoir si une formation particulière sur le Protocole d’Istanbul est dispensée aux responsables de l’application des lois, au personnel médical et aux autres agents de l’État (question no 14), l’État partie a répondu que ce protocole avait bénéficié d’une très large diffusion auprès des personnels concernés. Cela est certes une bonne chose, mais une formation concrète à l’application des méthodes préconisées par le Protocole n’en reste pas moins indispensable. Des informations concernant toute mesure prise dans ce sens seraient utiles. Mme Sveaass souhaiterait en particulier savoir si le Protocole est pris en compte dans les enquêtes sur des cas de torture ou de mauvais traitements concernant des demandeurs d’asile.
25.Un important travail de sensibilisation des agents de l’État aux droits de l’homme en général et à l’interdiction absolue de la torture en particulier semble être fait au moyen de séminaires et autres activités de formation. Au vu des problèmes signalés par divers organismes internationaux et organisations non gouvernementales concernant la situation dans certains établissements hospitaliers, notamment psychiatriques, Mme Sveaass insiste sur la nécessité d’inclure les droits de l’homme et l’interdiction de la torture dans la formation du personnel médical. Cette recommandation vaut d’ailleurs également pour les responsables de l’application des lois.
26.Mme Sveaass demande si une formation spécifique est dispensée aux agents de l’immigration et de la police des frontières pour leur permettre de repérer les enfants potentiellement victimes de la traite ou de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales et de les orienter vers les services d’assistance compétents. Elle souhaiterait également savoir s’il existe des programmes de formation particuliers destinés au personnel de surveillance des établissements accueillant des mineurs. L’État partie a indiqué qu’un code de déontologie de la police nationale avait été adopté en décembre 2003. Quatre ans après l’entrée en vigueur de ce code, il serait intéressant de dresser un bilan de sa mise en œuvre, sachant que de nombreux cas de violences policières pendant la détention sont encore signalés.
27.Malgré les efforts déployés par l’État partie pour améliorer les conditions dans plusieurs établissements pénitentiaires, il semblerait que la situation reste très préoccupante dans certains lieux de détention. C’est notamment le cas de l’établissement correctionnel pour mineurs de Cēsis, dans lequel les conditions de détention ont été jugées épouvantables par plusieurs observateurs. La délégation pourra peut-être indiquer si des dispositions ont été prises pour améliorer la situation.
28.L’État partie a consenti d’importants efforts pour renforcer la surveillance des lieux de privation de liberté, notamment en en ouvrant l’accès aux organisations non gouvernementales. Des renseignements complémentaires concernant les modalités de la surveillance exercée dans les locaux accueillant des demandeurs d’asile, en particulier le centre d’accueil «Mucenieki», seraient fort utiles, notamment pour ce qui concerne la situation des mineurs non accompagnés. Le Comité serait également intéressé de connaître les conclusions des organismes qui ont pu visiter ces lieux. Des renseignements concernant l’état d’avancement de l’examen du projet de loi sur le droit d’asile seraient également bienvenus.
29.Des statistiques sur le nombre d’allégations de torture mettant en cause des membres de la police ou des membres du personnel pénitentiaire ainsi que sur le nombre de cas dans lesquels des poursuites ont été engagées et/ou des sanctions disciplinaires ont été prises seraient utiles. Des précisions sur la nature des sanctions imposées seraient également bienvenues. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a signalé dans le rapport sur sa visite en Lettonie que le nombre de sanctions était très faible par rapport au nombre relativement élevé de plaintes. La délégation voudra peut-être commenter cette constatation.
30.Depuis sa création, l’institution du médiateur est très active dans un grand nombre de domaines, en particulier celui de la protection des droits des enfants. L’État partie envisage‑t-il de se doter d’un médiateur spécial pour les enfants comme il en existe dans plusieurs pays européens?
31.Concernant les mesures de réparation en faveur des victimes de tortures ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l’État partie cite dans ses réponses écrites (par. 78) une décision de la Cour suprême en vertu de laquelle une indemnisation a été versée à un prisonnier auquel des gardiens avaient infligé de graves lésions corporelles. Il est également question d’autres affaires, pendantes devant la justice. Il serait intéressant d’en savoir plus sur la nature de ces affaires et sur la suite qui leur a été donnée. D’autres informations font état d’affaires de brutalités policières qui auraient été jugées au civil. Des précisions à ce propos seraient utiles.
32.Différents programmes de réadaptation psychologique sont mis en œuvre dans les hôpitaux et les prisons, mais aucun ne semble spécifiquement destiné aux victimes de la torture. L’incorporation de mesures ciblées dans les programmes existants serait souhaitable. Des progrès notables ont été faits, notamment au niveau législatif, en ce qui concerne le traitement des personnes mentalement déficientes, la facilitation de leur intégration dans la communauté et leur protection contre toute forme de discrimination. Il semblerait en revanche que certains projets d’amendement ayant trait à la procédure d’internement forcé en hôpital psychiatrique aient été rejetés en première lecture. Ces projets, qui visaient à ce que toute mesure d’internement soit soumise à un juge dans les vingt‑quatre heures suivant la décision du médecin, devaient être réexaminés en mai 2007. Il serait utile de savoir si une décision a été prise à leur sujet.
33.Revenant sur le problème de la traite transfrontière déjà évoqué par le Rapporteur, Mme Sveaass note avec préoccupation la persistance de ce phénomène malgré les efforts déployés par l’État partie pour le combattre et que, selon des informations, les peines prononcées contre les personnes qui organisent ce trafic ne sont pas suffisamment sévères.
34.Par ailleurs, la Corapporteuse demande comment il se fait que la violence familiale ne soit pas encore érigée en infraction dans la législation interne et que l’État partie n’ait pas encore adopté de stratégie dans ce domaine, alors que les cas sont très nombreux en Lettonie. Il incombe au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour combler ces lacunes et de faire en sorte que les victimes puissent demander réparation devant les tribunaux.
35.Enfin, Mme Sveaass souhaiterait savoir si des campagnes de sensibilisation sont menées dans l’État partie afin d’encourager la tolérance à l’égard des homosexuels et quelles sont les mesures prises pour empêcher que des débordements violents aient lieu à l’occasion des manifestations organisées par des associations d’homosexuels et de lesbiennes.
36.M. MARIÑO MENÉNDEZ demande s’il existe une juridiction militaire dans le pays et, le cas échéant, si elle a compétence pour juger des civils. Il souhaiterait aussi savoir si l’État partie dispose de statistiques, ventilées par origine nationale, sur les demandeurs d’asile en instance de renvoi, dont la demande a été traitée selon la nouvelle procédure accélérée. Notant que la Lettonie a conclu un accord de réadmission avec l’Ouzbékistan, il voudrait savoir si les immigrants en situation irrégulière que l’État partie peut renvoyer vers l’Ouzbékistan en vertu dudit accord sont des Ouzbeks ou des ressortissants d’autres pays qui ont transité par l’Ouzbékistan avant d’arriver en Lettonie. M. Mariño Menéndez demande aussi à la délégation de l’État partie de préciser si le traité d’extradition conclu entre la Lettonie et les États‑Unis d’Amérique contient une clause relative au Tribunal pénal international, si la législation pénale établit la compétence universelle des juridictions lettones pour juger les auteurs d’actes de génocide ou de torture et si les actes de terrorisme sont érigés en infraction spécifique dans l’État partie. Enfin, la délégation lettonne est invitée à préciser si la Convention s’applique non seulement en temps de paix, mais aussi en temps de guerre.
37.M. KOVALEV, se référant à l’article 91 de la Constitution lettonne cité dans le document de base (HRI/CORE/1/Add.123, par. 31) selon lequel «toutes les personnes en Lettonie sont égales devant la loi et les tribunaux et chacun doit jouir des droits de l’homme sans aucune discrimination», fait observer que les droits des apatrides sont restreints dans l’État partie et que cette catégorie de personne est fréquemment victime de discrimination. Il voudrait donc savoir combien de personnes sont encore apatrides en Lettonie, ce que fait le Gouvernement letton pour réduire le nombre d’apatrides et quel est le statut des enfants nés sur sol letton dont les deux parents sont apatrides.
38.Mme BELMIR, notant que le Bureau du Procureur est habilité à prendre des décisions en matière d’extradition (rapport, par. 121 et 122) et à autoriser les forces de l’ordre à employer certaines méthodes spéciales de contrainte (énumérées au paragraphe 114 du rapport), demande si cet organe informe le Ministère de la justice de ses décisions d’extradition et si ses fonctionnaires sont tenus responsables lorsqu’ils ordonnent l’emploi de méthodes spéciales et que ces dernières causent un décès ou des lésions graves.
39.Se référant au paragraphe 1 de l’article 34 de la loi pénale, cité au paragraphe 100 du rapport, Mme Belmir souligne que les membres du personnel chargé de l’application des lois sont censés être à même de distinguer les actes licites des actes illicites et ne sauraient être exonérés de leur responsabilité pénale au motif qu’ils n’avaient pas conscience de l’illégalité de l’ordre reçu d’un supérieur au moment où ils l’ont exécuté. Elle juge donc très préoccupant que l’État partie n’ait pas l’intention de modifier cette disposition, d’autant plus que le nombre de plaintes pour mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre lors d’arrestation et durant les interrogatoires est extrêmement élevé. Enfin, elle souhaiterait savoir si l’État partie a mis en place un système permettant de venir immédiatement en aide aux femmes victimes de violence conjugale.
40.M. Wang XUEXIAN dit que, d’après des informations émanant du Centre letton des droits de l’homme, en 2002, un Rom a été arrêté par quatre policiers qui l’auraient passé à tabac avant de l’amener au poste de police, où il est décédé des suites de ses blessures. En 2003, l’affaire aurait été portée devant les tribunaux mais les quatre policiers impliqués auraient été acquittés au motif que la cause du décès ne pouvait être établie de manière certaine, la victime ayant pu décéder des suites de coups infligés avant son arrestation. Le procureur aurait interjeté appel contre cette décision mais, à ce jour, les tribunaux lettons n’auraient toujours pas examiné l’affaire. M. Wang Xuexian prie la délégation lettonne d’expliquer pourquoi.
41.Mme GAER note avec satisfaction la création de la fonction de juge instructeur, dont le titulaire est chargé de surveiller le respect des droits de l’homme durant la procédure judiciaire et habilité à ordonner le placement en garde à vue ou sa prolongation. À cet égard, elle souhaiterait savoir combien de juges instructeurs ont été nommés, si ces derniers reçoivent une formation spécifique, à quelle fréquence ils recommandent la prolongation de la garde à vue, s’ils ont déjà constaté des violations du droit d’accès des suspects à un médecin et à un avocat et de leur droit de contacter leurs proches, et si des mécanismes leur permettant de dénoncer de telles violations ont été mis en place.
42.S’agissant des raisons invoquées par l’État partie pour ne pas recueillir de données personnelles sur les victimes et les auteurs, Mme Gaer dit que, tout en comprenant que cette attitude est motivée par le souci de protéger la vie privée des personnes, l’absence de ces données est très regrettable car elles auraient aidé le Comité à avoir une idée plus claire de la situation et à déterminer si certaines personnes sont davantage exposées à des violations que d’autres. Mme Gaer prie donc l’État partie à revoir sa position sur cette question.
43.D’après les renseignements fournis par la Lettonie concernant la recommandation formulée à l’alinéa g du paragraphe 7 des observations finales du Comité (CAT/C/CR/31/3), les sanctions disciplinaires prononcées contre des membres des forces de l’ordre reconnus coupables de tortures ou de mauvais traitements se limiteraient à des avertissements ou des blâmes. Il serait utile de savoir si les intéressés sont démis de leurs fonctions et si l’État partie estime que ces sanctions sont à la mesure de la gravité des infractions commises.
44.Concernant l’absence de plaintes relatives aux violences entre détenus, il y a lieu de constater que, d’après l’expérience du Comité, ce type de violence n’épargne aucun lieu de détention; aussi Mme GAER souhaiterait‑elle savoir si l’État partie envisage de prendre des mesures pour offrir la possibilité aux victimes de porter plainte. Enfin, sachant que l’affaire Ansis Igars (CAT/C/CR/31/RESP/1) a été portée devant la Cour européenne des droits de l’homme en mai 2007, elle prie la délégation de fournir au Comité des informations sur la suite donnée à cette affaire.
45.Le PRÉSIDENT se félicite des efforts considérables déployés par l’État partie pour coopérer avec le Comité, dont témoigne le fait qu’il a présenté non seulement son rapport périodique et ses réponses écrites à la liste des points à traiter, mais aussi des observations sur les précédentes conclusions et recommandations du Comité et des réponses au rapporteur chargé du suivi. Il remercie donc la délégation lettonne et l’invite à répondre aux questions qui lui ont été posées à une séance ultérieure ou, si elle est déjà en mesure de le faire, à la séance en cours.
46.Mme REINE (Lettonie) indique qu’elle peut d’ores et déjà informer le Comité que la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas encore entamé l’examen de l’affaire Igars.
47. La délégation lettone se retire.
Le débat résumé prend fin à 17 heures.
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