Nations Unies

CAT/C/SR.989

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

31 mai 2012

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante-sixième session

Compte rendu analytique de la 989 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 12 mai 2011, à 15 heures

Président: M. Wang Xuexian (Vice-Président)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l'article 19 de la Convention(suite)

Deuxième rapport périodique du Koweït (suite)

En l’ absence du Président, M.  Wang Xuexian (Vice- Président) prend la Présidence .

La séance est ouverte à 15 heures .

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l'article 19 de la Convention(suite)

Deuxième rapport périodique du Koweït (suite) (CAT/C/KWT/2)

Sur l'invitation du Président, la délégation k oweït ienne prend place à la table du Comité .

M.  Razzooqi (Koweït), répondant aux questions posées par le Comité à sa 986e séance, attribue la soumission tardive du deuxième rapport périodique à la situation politique dans la région, qui a provoqué instabilité et confusion. Il donne au Comité l'assurance que son pays continuera de soumettre des rapports aux organes conventionnels chargés des droits de l'homme conformément à ses obligations internationales.

Le séjour irrégulier est un problème délicat et persistant auquel les gouvernements successifs ont été confrontés. Le pays compte juste 1 million de Koweïtiens, mais des ressortissants de 192 autres pays résident dans le pays. Étant donné que le Koweït est un État providence qui garantit gratuitement à ses citoyens éducation, soins de santé, logement et travail, l'accès à la nationalité koweïtienne s’accompagne de nombreux privilèges. Bien que le séjour irrégulier soit un problème épineux, le Koweït respecte le droit international et répond aux besoins humanitaires des personnes concernées. Les autorités espèrent résoudre le problème dans les cinq prochaines années. Une commission nationale a été établie par l’ancien Vice-Président de l'Assemblée nationale pour traiter toutes les questions de séjour irrégulier, telles que les besoins humanitaires et l'octroi de cartes d'identité. Un fonds spécial a été constitué pour répondre aux besoins d'éducation et de santé des personnes en situation irrégulière.

De nombreux Koweïtiens, en particulier des prisonniers de guerre, ont disparu pendant l'invasion iraquienne. Le Koweït considère qu'un autre protocole aux Conventions de Genève, à caractère contraignant, est nécessaire pour régler ce problème et il présentera une proposition à cet effet au Conseil des droits de l'homme.

M. Mohammad al-Maimouni a effectivement été torturé à mort par des agents chargés de faire respecter la loi. De sévères mesures judiciaires ont été prises à l'encontre des 20 personnes concernées et le Ministre de l'intérieur a démissionné. Les procédures d'enquête et le régime carcéral font l'objet d'une évaluation afin d'empêcher que de pareils actes criminels ne se reproduisent.

Il est difficile d'abolir la peine capitale parce qu'elle fait partie de la charia islamique. Cependant, les conditions à remplir pour pouvoir infliger cette peine sont si exigeantes qu’elle n'est presque jamais imposée. Il n’y a pas eu d’exécution depuis plus de quatre ou cinq ans. M. Razzooqi n'a jamais entendu parler d'un cas dans lequel aurait été prononcée une peine d'amputation des mains ou des pieds. Ce genre de peine n'existe pas au Koweït.

M. Razzooqi a indiqué au Ministre des affaires étrangères qu'il était souhaitable de retirer la réserve du Koweït à l'article 20 de la Convention. Le Ministre est d'accord et recommandera que la loi pertinente soit modifiée dès que possible. Il recommandera aussi l'adoption d'une loi contenant la définition de la torture, telle qu'énoncée dans la Convention. Le représentant du Koweït donne au Comité l'assurance que la Convention a été transposée dans la législation koweïtienne et que le droit international l’emporte sur le droit interne.

M.  Al-Mutairi (Koweït) dit que l'article 31, par. 2, de la Constitution koweïtienne interdit toutes les formes de torture et de traitements dégradants. L'article 32 consacre le principe de l'égalité en matière pénale – nullum crimen sine lege et nulla poena sine lege – et l'article 34 garantit la présomption d'innocence tant que l’inculpé n'a pas été reconnu coupable au cours d'un procès équitable.

Le Koweït a ratifié un grand nombre de traités internationaux relatifs aux droits de l'homme. En application de l'article 70 de la Constitution, l'Émir a conclu ces traités par décret et les a transmis immédiatement à l'Assemblée nationale. Un traité a force de loi dès qu'il est signé, ratifié et publié dans le Journal officiel.

Aucune loi interne n'est incompatible avec les dispositions de la Convention. Le Koweït a respecté l'article 4 de la Convention qui exige des États parties qu'ils assurent que tous les actes de torture ainsi que la complicité ou la participation à ces actes constituent des infractions au regard de leur droit pénal. Ainsi, l'article 53 du Code pénal stipule que tout fonctionnaire ou agent de l’État qui, en personne ou par l'intermédiaire d'un tiers, commet un acte de torture à l'encontre d'un inculpé, d'un témoin ou d'un expert afin de l'obliger à avouer un délit, à faire une déclaration ou à fournir des renseignements à ce sujet, encourt une peine pouvant aller jusqu'à 5 ans d’emprisonnement. Si la torture conduit à un acte ou s'accompagne d'un acte pour lequel la loi impose une peine plus lourde, l'auteur est puni de la peine prescrite pour cet acte. L'article 54 prévoit les sanctions à imposer à l'encontre du fonctionnaire ou de l’agent de l’État qui inflige à une personne reconnue coupable une peine plus lourde que celle qui est prescrite par la loi ou une peine à laquelle l'auteur n'a pas été condamné. L'article 55 prévoit les sanctions à infliger à l'agent de l’État ou au fonctionnaire qui, abusant de son autorité, pénètre dans le domicile d'un particulier sans son consentement dans des circonstances qui ne sont pas prévues par la loi ou sans observer les dispositions et procédures applicables. L'article 56 prévoit l'application de sanctions à l’encontre de l’agent de l’État ou du fonctionnaire qui, abusant de son autorité, traite autrui avec cruauté, porte préjudice à sa réputation ou lui cause une souffrance physique. L'article 57 prévoit les sanctions à infliger à l'agent de l’État ou au fonctionnaire qui oblige autrui à accomplir un acte dans des circonstances non prévues par la loi ou qui emploie autrui à un travail autre que celui dont il est chargé par la loi. Les tentatives, la complicité et la participation à des actes de torture font l'objet des articles 45, 47 et 48 du Code pénal.

En ce qui concerne l'article 14 de la Convention qui porte sur l'indemnisation des victimes d'actes de torture, l'article 111 du Code de procédure pénale prévoit que les personnes qui ont subi un préjudice à la suite d'une infraction peuvent engager une action civile devant la juridiction qui est saisie de la procédure pénale. Il est possible aussi de déposer une plainte civile pendant l'enquête préliminaire.

Les articles 160 à 166 du Code pénal répondent aux exigences de l'article 2 de la Convention. L'article 160 prescrit les sanctions qu'encourt quiconque frappe, blesse, cause un préjudice physique ou porte gravement atteinte à l'intégrité physique d'autrui. L'article 161 prévoit les sanctions qu'encourt quiconque cause un grave dommage à autrui en l’utilisant comme cible d'un projectile, en l'attaquant avec un couteau ou tout autre instrument dangereux, en projetant sur lui un liquide caustique, en plaçant un tel liquide ou toute autre matière explosive dans un lieu afin de le blesser, ou en lui fournissant une substance stupéfiante. L'article 162 prescrit les sanctions qu'encourt quiconque cause à autrui un tort tel qu'il provoque une incapacité permanente. La peine est moins lourde si la période pendant laquelle la victime souffre de douleurs physiques graves ou est dans l'incapacité d'utiliser un de ses membres, ou plusieurs, ou un organe corporel ne dépasse pas 30 jours.

Le Ministère de l'intérieur a énoncé les règles à appliquer à la conduite des enquêtes, aux méthodes d'enquête et au traitement des détenus, en se fondant sur le principe selon lequel toutes les personnes soumises à enquête ou interrogatoire doivent être traitées dans le respect des garanties juridiques. Le recours à une force abusive pour extorquer des informations ou des preuves pendant l'interrogatoire est interdit. Le Ministère a énoncé des dispositions spécifiques qui régissent le fonctionnement des locaux d'arrestation et de détention pour faire en sorte que les détenus bénéficient d'un traitement correct et jouissent de tous leurs droits. Ces règles stipulent aussi que les organes de supervision doivent surveiller les enquêtes pour que les agents et les services de maintien de l’ordre agissent dans le respect de la loi et n'abusent pas de leurs pouvoirs.

Les agents du Ministère de l'intérieur reçoivent une formation de base sur la législation pénale pertinente dans les écoles et académies de la police. Tous les intéressés et, en particulier les enquêteurs, participent à des stages réguliers de formation pour perfectionner leurs connaissances, apprendre à bien connaître les droits de l'homme et à appliquer correctement la loi. Le Ministère participe à un grand nombre de conférences et ateliers internationaux et régionaux sur les droits de l'homme. L'Institut de formation de la police organise des ateliers sur les droits de l'homme, l'application de la loi ainsi que sur les modes de conduite et de traitement conformes à la loi, qui portent aussi sur les instruments relatifs aux droits de l'homme, l'accent étant mis en particulier sur ceux qui concernent les conditions de détention, les droits des prisonniers et l'interdiction de la torture. De plus, la formation insiste toujours sur le respect du Code de conduite des Nations Unies pour les responsables de l'application des lois. Les ateliers sont dirigés par un personnel très qualifié et hautement formé ayant une profonde connaissance des droits de l'homme. Les officiers de l'armée reçoivent également une formation aux droits de l'homme, comme prévu dans la législation interne et les instruments internationaux. Les ateliers et séminaires organisés par le Ministère de 2007 à 2009 comprenaient aussi une formation aux procédures judiciaires, à la détention administrative, au respect des droits de l'homme, à la protection internationale ainsi qu'aux droits et obligations des agents de l'État.

En conclusion, les dispositions du système juridique koweïtien sont généralement conformes à celles de la Convention.

M.  Al-Ansari (Koweït), parlant de la question de l'application des dispositions de la Convention, en particulier de la définition de la torture, indique que, en application de la Constitution, tous les instruments internationaux ratifiés par le Koweït sont contraignants et ont force de loi dans le pays. La Convention exige que tous les États respectent les dispositions de la Convention et le système judiciaire koweïtien en garantit dûment le respect. La Cour de cassation a établi des règles claires qui obligent les juges koweïtiens à respecter tous les instruments auxquels le Koweït a adhéré. À propos de la question concernant les paragraphes 19 et 144 du rapport, il a été procédé à une analyse au regard du droit afin de démontrer que la Convention s'applique. Le paragraphe 2 de l'article premier de la Convention prévoit que l'article premier est «sans préjudice de tout instrument international ou de toute loi nationale qui contient ou peut contenir des dispositions de portée plus large». Étant donné que le Koweït a ratifié la Convention et est donc lié par les dispositions de cette dernière, il se conformera à la définition de la torture qui y est contenue bien qu'elle soit plus large que la définition qui en est donnée dans la législation koweïtienne. Le Ministère de la justice a mis en place une commission qui examine actuellement les moyens d’aligner la législation koweïtienne sur la définition de la torture contenue dans la Convention.

S'agissant des mesures judiciaires, administratives ou autres visant à prévenir la torture en application de l'article 2 de la Convention, le Koweït est un État de droit et ses systèmes constitutionnel et politique garantissent la primauté du droit quelles que soient les circonstances. Le champ d'application de la Constitution est très étendu: l'article 31 interdit l'arrestation extrajudiciaire, la torture et les traitements dégradants, tandis que l'article 34 interdit de causer des lésions physiques ou psychologiques. La Constitution consacre les principes de démocratie et de séparation des pouvoirs. La portée générale et l’indépendance de l'ordre juridique koweïtien permet de garantir le respect de la légalité et le droit d'accéder à la justice, à la sécurité et à la liberté. Les décisions prises en application de la loi à l'égard de quiconque est mis en cause dans des affaires de torture font l'objet d'un contrôle judiciaire; dans un État de droit, les actes de torture sont interdits dans toutes les circonstances.

Aux niveaux politique et administratif, le Koweït est attaché au principe de légalité. Ce principe sert de base à toutes les décisions et politiques de l'État, indépendamment de sa détermination à l'égard des traités internationaux relatifs au droit humanitaire international et au droit relatif aux droits de l'homme.

En ce qui concerne la détention avant jugement dont la durée est limitée à un maximum de quatre jours, la commission de révision de la législation a préparé un projet de loi portant modification du Code de procédure pénale de 1960 afin d’ajouter un paragraphe supplémentaire à l'article 60 et de limiter à 48 heures au maximum la durée de la détention provisoire. Le projet de loi a été approuvé par le Parlement et est actuellement en cours de promulgation.

En ce qui concerne les garanties juridiques concernant les accusés dans des affaires de terrorisme et la question de savoir si ces derniers font l'objet d'un traitement spécial, le Code de procédure pénale ne contient pas de définition spécifique du terme «terrorisme». Ce terme recouvre toute une série d'infractions punissables qui sont toutes sanctionnées, sans exception, au regard du Code de procédure pénale. Par conséquent, les garanties juridiques dans ces affaires sont celles dont bénéficient aussi ceux qui sont mis en cause dans d'autres types d’affaires, et les accusés sont traités sans discrimination, conformément aux normes internationales. Le Koweït cherche à réadapter ceux qui ont commis des infractions de ce genre et à les réinsérer dans la société.

L'article 2 de la Loi no 10 de 1991 prévoit que toute affaire portée devant la Cour de sûreté de l'État, qui a été dissoute, peut être déférée devant un tribunal pénal et toute décision rendue par la Cour est sujette à appel devant un tel tribunal, sous réserve que l'appel soit formé dans le délai requis. Le juge du tribunal pénal est compétent dans ces affaires.

En dépit des garanties qui ont été indiquées, des cas de recours à la torture par la police se sont produits. Entre 2001 et 2011, 623 cas de torture, mauvais traitements, privation de liberté et châtiment corporel ont été portés devant les tribunaux. Sur ce nombre, 242 ont fait l'objet d'un non-lieu et 148 d'une condamnation, les autres cas faisant encore l'objet d'enquêtes.

M.  Al-Saneh (Koweït) tient à donner des précisions sur les questions soulevées à propos de cas spécifiques faisant état d'allégations de torture.

M. Ala' Ahmad al-Sayyid n'a pas été détenu pendant 55 jours: il a été arrêté le 1er février 2010 et relâché le 3 mars 2010. Soupçonné d'avoir abusé d'un certain nombre de mineures de 14 ans, il a été arrêté sur la base des déclarations qu’il a faites à son avocat et au conseil juridique de son ambassade. Ses déclarations ont été corroborées par les preuves trouvées à son domicile. Il a également fait des aveux au Procureur général adjoint, à trois autres membres du Bureau du Procureur et à son avocat, et a déclaré n'avoir fait l'objet d'aucune forme de pression ou violence. Après enquête et examen des preuves, le Bureau du Procureur général soupçonnait qu'il avait abusé d'une jeune fille. Or, cette jeune fille n'a pas pu être identifiée car elle a disparu et ses parents ne savent pas où elle se trouve. Le Bureau du Procureur a décidé d'écarter la présomption d'activité criminelle dans cette affaire.

Dans le cas de M. Mohammad al-Maimouni, le Bureau du Procureur général a mené une enquête sur l'incident. Il a rendu 16 agents de police responsables d'actes de torture, 2 de complicité dans les actes et un troisième de cruautés. La procédure requise a été ouverte à leur encontre et l'audience finale a été reportée d'un mois à la demande de l’avocat de la défense.

M. Adil Aql al-Dafiri a fait l'objet d'une enquête concernant sa prétendue participation, avec d'autres, à des tentatives d’activités hostiles à un pays ami, en d'autres termes pour d'actes de terrorisme présumés. Le Procureur général adjoint lui a demandé s'il avait été torturé mais n'a constaté aucun signe prouvant que tel était le cas. M. Al-Dafiri a ultérieurement été acquitté.

En ce qui concerne l'indemnisation des personnes que les tribunaux ont jugé être victimes de torture, le système judiciaire koweïtien garantit le droit personnel exclusif en matière de litige. Cependant, la délégation koweïtienne n'a connaissance d'aucun cas dans lequel une indemnité a été versée à des victimes de torture.

En application de la Loi no 3 de 1983 sur la délinquance juvénile, un bureau spécial des poursuites a été créé pour connaître des infractions commises par les mineurs. La loi prévoit le recours à des experts et autres spécialistes afin de surveiller le comportement des jeunes délinquants et de comprendre leurs motifs, de manière que le juge compétent puisse prendre les mesures appropriées.

En ce qui concerne les garanties judiciaires, il y a lieu de noter que le pouvoir judiciaire est séparé des pouvoirs exécutif et législatif. Les juges sont totalement indépendants et prennent leurs décisions exclusivement au regard de la loi. L'article 163 de la Constitution garantit de façon irrévocable l'indépendance des juges. De plus, la Loi no32 de 1990 énonce les règles et procédures qui assurent l'indépendance des juges ainsi que les garanties qui font que les juges agissent en se fondant sur la loi.

M.  Al-Saeed (Koweït) dit que le Koweït est également convaincu que les réfugiés méritent justice et il a conclu un accord de coopération avec le HCR aux termes duquel aucun réfugié placé sous le mandat de l'Organisation ne peut être expulsé sans avoir accès à cette dernière. Un mécanisme a été créé pour faciliter la procédure d'expulsion, y compris des personnes en situation irrégulière et de celles qui sont sous mandat du HCR. Des ateliers ont été organisés en coopération avec le HCR, très récemment sur la notion de protection internationale.

Le Koweït a répondu à maintes reprises aux appels humanitaires de l'ONU et a donné des sommes considérables pour aider les réfugiés à la frontière libyenne. Il a également beaucoup augmenté ses dons au HCR et ses contributions à l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).

En ce qui concerne l'asile politique, l'article 46 de la Constitution interdit l'extradition des réfugiés politiques mais, dans la pratique, aucun cas d'extradition ne s’est produit avant 1990. De plus, les accords bilatéraux passés entre le Koweït et d'autres pays et groupements interdisent l'extradition des réfugiés politiques ou des personnes qui ont commis des infractions de caractère politique qui les exposeraient à la torture dans leur pays d'origine.

Quant au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Koweït est disposé à l'examiner et à en envisager l'application.

Une question a été posée au sujet des tribunaux militaires et des prisonniers de guerre. Il n'y a pas de prisonnier de guerre au Koweït et, bien qu’après la libération du pays quelques personnes aient été traduites en justice parce qu’elles fragilisaient la sécurité et la stabilité nationales, ces personnes ont été jugées par des tribunaux civils, et non militaires.

En ce qui concerne les visites consulaires dans les prisons, la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et la Convention de Vienne sur les relations consulaires permettent aux États de protéger les intérêts de leurs nationaux à l'étranger. En application des deux conventions, le Koweït coopère avec les missions diplomatiques pour faciliter et organiser des visites consulaires dans les prisons koweïtiennes où sont détenus des étrangers. De plus, les prisonniers peuvent prendre contact avec les missions de leur pays.

Les droits de l'homme font partie des programmes scolaires aux niveaux primaire et secondaire, par le biais de l'enseignement de la religion musulmane, qui met l'accent sur la promotion de la dignité et du respect de tous.

M.  Al Shamri (Koweït) dit qu'il y a 200 gardiennes en poste 24 heures sur 24 dans la prison pour femmes. Il y a aussi 12 gardiens à la grille principale, mais ils n'entrent pas dans les locaux. La prison A est destinée aux détenus qui ont commis des infractions mineures, tandis que la prison B est réservée à ceux qui ont commis de graves délits. Les deux prisons sont administrées par des directeurs indépendants et les détenus des deux institutions ont les mêmes droits, y compris celui de consulter un avocat à tout moment pendant les heures ouvrables..

À leur arrivée à la prison centrale, les détenus ont accès à un téléphone pour pouvoir informer leur famille de leur situation, après quoi ils sont conduits devant le médecin de la prison qui établit leur dossier médical après examen. Nul ne peut être incarcéré sans ordonnance judiciaire ou ordonnance de détention provisoire émise par un officier enquêteur ou un magistrat. Le directeur de la prison centrale inspecte les locaux tous les jours et tous les détenus ont le droit de rencontrer le directeur pour exprimer leurs doléances éventuelles. Un travailleur social se rend dans la prison tous les jours, et un hôpital est supervisé par le Ministère de la santé. Des caméras en circuit fermé ont été installées dans toute la prison.

Les cas éventuels de torture sont portés devant les services d'enquête hors de la prison, sous le contrôle du Bureau du Procureur général. Des visites de la prison sont faites régulièrement par les ONG actives en matière de droits de l'homme, y compris la commission chargée des droits de l'homme du Parlement koweïtien, qui procède à l'inspection des conditions de détention et consulte les détenus. Au cours de visites qui peuvent durer jusqu'à deux semaines, le Comité international de la Croix-Rouge a des entretiens privés avec les détenus et se rend dans tous les quartiers de la prison.

M.  Al Musbah (Koweït) explique qu'en application de la Loi sur le séjour des étrangers, le Ministre de l'intérieur peut émettre des arrêtés d'expulsion à l'encontre des étrangers, même de ceux qui ont un permis de séjour, dans certaines conditions: si l'expulsion a été recommandée par un tribunal en tant que peine auxiliaire au terme de la peine principale; si l'intéressé n'a manifestement pas de source de revenu; ou si le Ministère de l'intérieur a jugé l'expulsion nécessaire dans l'intérêt public, pour des questions de sécurité ou de morale. La loi prévoit la possibilité d'arrêter et de détenir les étrangers, pendant un maximum de 30 jours si nécessaire, afin d'exécuter un arrêté d'expulsion et elle stipule que l'étranger peut se voir dans l'obligation de quitter le Koweït s'il ne possède pas de permis de séjour en cours de validité. Les personnes qui font l'objet d’un arrêté d'expulsion doivent bénéficier d'une période pouvant aller jusqu'à trois mois pour régler toute question en suspens au Koweït, et leurs enfants doivent être autorisés à terminer l'année scolaire. Les arrêtés d'expulsion qui frappent certaines personnes, telles que des apatrides ou des personnes qui ont des liens familiaux avec des ressortissants koweïtiens, peuvent être révoqués par l'Émir.

Si un citoyen étranger a été condamné pour avoir commis un acte délictueux touchant à l'honneur ou à la confiance, un arrêté d'expulsion peut être émis à son encontre une fois sa peine purgée. Tous les arrêtés d’expulsion sont sujets à appel. Seuls les services de sécurité peuvent ordonner l'expulsion administrative.

Le Code de procédure pénale prévoit que les agents des forces de l’ordre doivent enregistrer la déclaration faite par l'inculpé ou son défenseur. Si cette déclaration comporte des aveux, elle doit être enregistrée et l'inculpé doit être déféré devant un magistrat instructeur aux fins d’interrogatoire poussé pour vérifier les aveux. L'inculpé a le droit d'être interrogé en présence de son conseil ainsi que celui de garder le silence.

M.  Al Rasheedi (Koweït) dit que le Département des investigations pénales a été créé aux fins de contrôle de qualité. Les cas sont déférés à ce département par les services d'enquête. Le Département de médecine légale emploie des médecins spécialistes, des deux sexes, qui examinent les victimes de torture et rédigent des rapports médico-légaux qui établissent l’existence des lésions. Les rapports sont envoyés à une autorité médicale supérieure pour approbation et présentation au chef du Département de médecine légale. Le Département des investigations pénales vérifie que les rapports satisfont à toutes les dispositions pertinentes. Les victimes, ou leurs avocats, peuvent contester le contenu des rapports à tout moment pendant la procédure et demander un second examen médical, qui sera fait par trois médecins et un conseiller. Un second rapport sera établi et adressé au Département des investigations pénales.

Quiconque a été victime de violences commises par la police peut demander à consulter un médecin dont le rapport sera présenté au bureau de police accompagné d'une plainte à l'encontre du policier concerné. La victime sera adressée au Département de médecine légale pour y recevoir des soins et faire enregistrer et photographier ses lésions. Le rapport sera envoyé au Département des investigations pénales. Un foyer pour les victimes de traite des êtres humains et de torture est en cours d’installation.

Mme  Al Ghaeeb (Koweït) explique que des commissions médicales ont été mises en place dans tout le Koweït pour suivre les cas de maltraitance d'enfants, enquêter sur ces cas et apporter un soutien aux victimes. Les médecins qui examinent des enfants présentant des signes de maltraitance corporelle, sexuelle ou psychologique doivent faire rapport sur ces cas. L'enfant de moins de 10 ans qui a fait l'objet de violences dans la famille peut être placé dans une famille d’accueil pendant l'enquête sur sa situation.

Un centre a été créé pour aider les familles ayant des enfants handicapés, jusqu'à l'âge de 2 ans. Une formation professionnelle est offerte aux jeunes qui ont des besoins spéciaux afin de favoriser leur intégration dans la société. Dans un effort fait pour éviter la propagation des incapacités génétiques, les couples sont tenus de se soumettre à un test d'hérédité avant le mariage.

M.  Al Dousari (Koweït) dit que le système de tutelle des travailleurs étrangers (Kafala) ne figure pas dans le nouveau Code du travail. Les travailleurs peuvent passer au service d'un nouvel employeur après trois ans et continuer à percevoir des indemnités de fin de service. Le travail domestique ne figure pas dans le nouveau Code du travail car il est particulièrement difficile pour les inspecteurs du travail de se rendre dans les foyers sans un mandat du Bureau du Procureur. L'Organisation internationale du Travail rédige actuellement un instrument international sur le travail domestique, et le Koweït attend cet instrument. Le nouveau Code du travail habilite le Ministère du travail à prendre des décisions pour réglementer les heures de travail et les conditions du travail domestique.

La liberté de déplacement est un droit reconnu à tous sur le territoire koweïtien. Si un employeur retient le passeport d'un travailleur étranger, le Département de la justice a besoin d'un mois pour émettre une ordonnance de restitution. Un organisme spécial a été mis en place pour connaître des plaintes des travailleurs domestiques, qui peuvent également s’adresser à leur consulat ou à la commission chargée des droits de l'homme du Parlement koweïtien.

Le Koweït a ratifié le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. Un projet de loi sur la protection des victimes de cette traite se trouve actuellement devant le Parlement.

Le Koweït n'a pas ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées car il a adopté dernièrement une nouvelle législation sur la question, dont le champ d'application est plus large que celui de la Convention. Le Gouvernement octroie 500 millions de dollars par an au titre de l'aide matérielle et financière aux personnes handicapées.

Le Présidentfélicite le Gouvernement koweïtien pour les efforts qu'il met en œuvre afin de garantir les droits de l'homme et de fournir une aide à l'échelle internationale.

M.  Bruni (Rapporteur pour le Koweït) note avec satisfaction que l'État partie a l'intention de retirer sa réserve à l'article 20 de la Convention et qu'il s'est déclaré déterminé à faire de la torture une infraction distincte dans le droit pénal et d'utiliser à cette fin la définition de la Convention.

M. Bruni signale que le Comité n'a pas eu de réponse à ses questions sur le nombre des demandes d'asile déposées, approuvées et rejetées, ni sur les exemples de cas, s'il en est, dans lesquels l'expulsion a été empêchée en raison d’une menace de torture. Il aimerait savoir pourquoi le Koweït n'a pas ratifié la Convention relative au statut de réfugié, étant donné le solide soutien financier qu'il apporte au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

En ce qui concerne la formation des agents de l'État, une place plus grande devrait être faite à l'interdiction absolue de la torture dans tous les aspects de l'application de la loi. L'État partie doit envisager d'appliquer le Protocole d'Istanbul, qui est un excellent outil de formation à l'application de la loi. Tout en se félicitant des données fournies à propos des procès pour actes de torture, M. Bruni aimerait savoir quelles sont les peines qui ont été prononcées dans les cas qui ont été jugés.

La délégation déclare qu'il n'y a dans l'État partie aucune trace de quiconque condamné à une peine de prison en 1991 est encore détenu ou a disparu. Or, des ONG maintiennent depuis 20 ans leurs allégations concernant des personnes qui se trouvent en prison ou ont disparu en garde à vue, si bien que des éclaircissements sont nécessaires.

S'agissant du cas de M. Maimouni, victime de torture, il serait bon de savoir si des peines ont été requises à l'encontre des auteurs des actes ou, étant donné que le jugement est reporté au 24 mai, quelles sont les peines possibles. Le Comité aimerait être informé des résultats de la procédure quand elle sera achevée et juge utile de savoir à quelle peine s’expose une personne reconnue coupable d'avoir commis des actes de torture au Koweït.

Il serait bon aussi de savoir s'il existe des statistiques sur la population carcérale et sur le nombre de personnes détenues à la police, et d'avoir des informations sur les conditions de vie dans les lieux de détention.

Mme  Sveaass dit que l'approche médico-légale suivie pour les enquêtes sur les affaires de torture dans l'État partie va au fond des choses et qu'elle tient compte d'un grand nombre des directives du Protocole d'Istanbul. Elle se demande si les rapports qui découlent de ces enquêtes sont utilisés pour évaluer les besoins des victimes en matière de traitement et de réadaptation et demande un complément d'informations sur la réparation dont les victimes bénéficient. Elle demande aussi si les femmes qui sont victimes de violence dans la famille ont accès à des foyers et quelles sont les mesures législatives qui ont été prises pour interdire ce type de violence. Il convient de savoir aussi si des mesures sont en place pour combattre les crimes de haine et les violations des droits de l'homme dirigées contre les homosexuels.

M.  Mariño Menéndez s'associe à M. Bruni pour féliciter l'État partie de la décision qu'il a prise de retirer sa réserve à l'article 20 de la Convention et ajoute qu'il espère que cette décision interviendra rapidement. S'agissant de l'application de l'article 14 de la Convention, il demande ce qu'il faut comprendre par indemnisation équitable des victimes d'actes de torture, car l'expression laisse entendre que les moyens à mettre en œuvre pour assurer une réadaptation aussi complète que possible peuvent ne pas être fournis dans tous les cas. Il demande si la délégation peut fournir des précisions et des exemples de cas particuliers dans lesquels une indemnisation équitable a été apportée.

Le terrorisme ne figurant pas parmi les infractions dans le Code pénal de l'État partie, il serait bon de savoir au titre de quelle catégorie d'actes criminels les auteurs d'actes de terrorisme sont poursuivis et punis.

À propos des réfugiés, il conviendrait d'avoir des précisions sur les garanties dont bénéficient les demandeurs d'asile et les réfugiés contre une expulsion vers d'autres pays dans lesquels ils courent le risque d'être torturés, et d'avoir confirmation de l’assertion selon laquelle nul n'est expulsé du Koweït sans le consentement du HCR. M. Mariño Menéndez demande si les personnes qui font l'objet d’un arrêté d'expulsion pour des raisons de sécurité peuvent recourir contre cette décision administrative devant un organe indépendant.

Il aimerait aussi avoir des renseignements sur la législation de l'État partie qui régit l'apatridie et savoir si l'État partie a adhéré à la Convention relative au statut des apatrides ou à la Convention sur la réduction des cas d'apatridie. La ratification de ces conventions pourrait avoir une incidence directe sur la situation incertaine des membres de la minorité Bidoun, qui n'ont pas la nationalité koweïtienne mais paraissent avoir le droit de demeurer sur le territoire. Ayant cru comprendre que, quand un étranger est détenu, le consul du pays de l'intéressé est présent pendant l'interrogatoire, M. Mariño Menéndez aimerait savoir si les étrangers ont effectivement le droit de requérir la présence du consul.

M.  Gallegos Chiriboga se félicite des recherches sur l'incapacité menées dans l'État partie et de la manière dont des fonds koweïtiens ont été utilisés en coopération avec d'autres pays. Il encourage l'État partie à multiplier encore les efforts pour mieux appliquer les dispositions relatives aux droits de l'homme.

Mme  Kleopas demande à la délégation de confirmer que l'État partie est déterminé à promulguer des lois qui interdiront le châtiment corporel. Se référant aux allégations faisant état d'actes généralisés de violences physiques et sexuelles commis à l'encontre de travailleurs domestiques, elle demande quelles mesures ont été prises pour aider et protéger ces travailleurs, étant donné qu'ils ne sont pas couverts par le nouveau Code du travail. Elle appelle l'attention de la délégation sur l'Observation générale no 2 (CAT/C/GC/2, par. 18) et demande si une personne a été jamais été poursuivie dans l'État partie pour actes de violence commis sur des travailleurs domestiques. Il convient d'avoir un complément d'information sur la violence à l'égard des femmes et des jeunes filles, et l'État partie devrait ériger en infraction le viol conjugal. Enfin, Mme Kleopas demande si les prisonniers ou les personnes détenues par la police peuvent déposer plainte auprès d'un mécanisme indépendant et si ces plaintes font l'objet d'enquêtes indépendantes. Il semble que ce ne soit pas le cas.

Mme  Gaer demande confirmation du fait que l'État partie serait disposé à accepter la visite du Rapporteur spécial sur la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, et se demande si l'État partie envisage de faire des annonces publiques à l’appui de sa candidature à un siège au Conseil des droits de l'homme. L'intention déclarée de l'État partie de retirer sa réserve à l'article 20 de la Convention et d'envisager de criminaliser l'infraction spécifique de torture pourrait être inscrite dans ces annonces.

S'agissant de l’affaire Al-Maimouni, Mme Gaer demande au regard de quels articles du Code pénal les 16 personnes inculpées pour actes de torture ont été accusées, si les allégations de sodomie et d'utilisation d’un chalumeau figurent parmi les chefs d'accusation dans cette affaire et si ces actes sont considérés comme des actes de torture. Dans le cadre des inspections des prisons, elle se demande s'il existe des statistiques sur le nombre de plaintes déposées par les détenus et suivies d'action, si les sévices sexuels en prison sont surveillés et, dans l'affirmative, si les auteurs de sévices ont été poursuivis ou punis.

Relevant, dans le rapport périodique de l'État partie, la déclaration selon laquelle «il n'existe à ce jour aucun projet visant à adopter des mesures législatives concernant la définition de la torture dans la législation koweïtienne» (CAT/C/KWT/2, par. 19), elle demande si des mesures ont déjà été prises pour donner suite à l'intention déclarée d'inscrire une telle définition dans le Code pénal.

M.  Razzooqi (Koweït) explique que la décision de retirer la réserve de l'État partie à l'article 20 de la Convention n'a été prise au Conseil des Ministres qu'après un débat prolongé, au cours duquel il a fallu mettre fin à l'idée que l'article interférait avec la souveraineté du Koweït. L'inclusion d'une définition de la torture dans le Code pénal devra bien entendu s'accompagner d'une définition de la peine correspondante. La visite au Koweït du Rapporteur spécial sur la traite des êtres humains sera possible, mais seulement après une préparation minutieuse en collaboration le HCDH.

La séance est levée à 18 heures.