Nations Unies

CAT/C/SR.1022

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

15 juin 2012

Original: français

Comité contre la torture

Quarante- sep tième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 1022 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 1er novembre 2011, à 10 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Quatrième rapport périodique du Maroc

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Quatrième rapport périodique du Maroc (CAT/C/MAR/4; CAT/C/MAR/Q/4 et Add.1)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation marocaine prend place à la table du Comité.

2.M. El Haiba (Maroc) dit que le Maroc a volontairement élaboré et lancé des projets de réforme constitutionnelle, législative et institutionnelle en vue d’adhérer aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et, grâce aux progrès accomplis dans ce domaine, il est désormais en mesure de lever les réserves formulées au sujet de certaines dispositions des instruments internationaux auxquels il est partie. Les progrès réalisés lui ont en outre permis de mettre en place l’Instance Équité et Réconciliation, organe chargé d’ouvrir des enquêtes, de proposer des mesures de réparation en faveur des victimes de violations des droits de l’homme et de formuler des recommandations concernant l’adoption de réformes visant à garantir la non-répétition de ces violations. Comme suite à l’une de ces recommandations et parallèlement à l’élaboration du projet de Code pénal, la loi no 43-04, qui érige la torture en infraction pénale, est entrée en vigueur en 2004.

3.Les principales réformes engagées afin d’appliquer les recommandations de l’Instance se sont traduites notamment par l’adoption du plan d’action national pour la démocratie et les droits de l’homme, qui vise à garantir la coordination entre les plans d’action sectoriels ainsi que la participation de toutes les parties prenantes; l’élaboration de la plate-forme citoyenne pour la promotion de la culture des droits de l’homme, plan d’action national tendant à favoriser la coordination entre les activités de promotion des droits de l’homme à travers l’éducation, la formation et la sensibilisation; et l’élaboration du cadre relatif à la protection et à la promotion des droits de l’homme, qui a été renforcé par la création de deux institutions nationales, le Conseil national des droits de l’homme et le Médiateur. Le Conseil des droits de l’homme, qui mène des activités aux plans national et régional, a pour mandat d’enquêter sur toutes les allégations de violation des droits de l’homme. Dans le cadre de ces enquêtes, il est habilité à se rendre dans les lieux de détention et les établissements pénitentiaires, les institutions spécialisées dans le traitement des maladies mentales et les centres de rétention pour étrangers en situation irrégulière. En outre, la délégation interministérielle aux droits de l’homme a été chargée de coordonner l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de défense, de protection et de promotion des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

4.De plus, une nouvelle Constitution comprenant une charte des libertés et des droits a été adoptée. Ses principales caractéristiques sont les suivantes: la constitutionnalisation de tous les droits de l’homme universellement reconnus ainsi que des mécanismes chargés de protéger ces droits; la consécration de l’égalité entre hommes et femmes s’agissant en particulier des droits politiques, économiques, sociaux, culturels et environnementaux; et l’incrimination des violations graves et systématiques des droits de l’homme telles que la torture, les disparitions forcées et la détention arbitraire ainsi que de toutes les formes de discrimination.

5.Le fait que toutes les violations graves et systématiques des droits de l’homme, dont la torture et les mauvais traitements, soient désormais définies comme des infractions dans la nouvelle Constitution représente certes une avancée importante pour le Maroc, mais des efforts continus doivent encore être fournis pour harmoniser la législation nationale avec les dispositions pertinentes de la Constitution et des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels le Maroc est partie. M. El Haiba réaffirme que le Gouvernement marocain est fermement déterminé à lutter contre la torture et les mauvais traitements et à maintenir un dialogue constructif, interactif et continu avec le Comité.

6.M. Gaye (Rapporteur pour le Maroc) prend acte avec satisfaction des efforts déployés par le Maroc pour appliquer les dispositions de la Convention et renforcer l’état de droit, en particulier en ce qui concerne le respect de la présomption d’innocence, les améliorations apportées dans le domaine de la garde à vue et de l’accès des détenus à un examen médical et la surveillance accrue des activités de la police et de la situation dans les lieux de détention. Il note également avec satisfaction que la réserve à l’article 22 de la Convention a été levée. Bien que le Maroc ait réalisé des progrès notables, il est encore confronté à plusieurs difficultés dont les principales sont l’application concrète des dispositions de la Convention et plusieurs problèmes théoriques.

7.M. Gaye note que, bien que la définition de la torture énoncée à l’article premier de la Convention ait un large champ d’application, certaines déficiences ont été relevées dans la façon dont elle est mise en œuvre au plan national. D’après les réponses écrites fournies par l’État partie à la liste de points à traiter, il était prévu de mettre la définition de la torture contenue dans le projet de Code pénal en conformité avec celle figurant dans la Convention. Toutefois, dans ce projet, le libellé de l’article 258 n’est pas clair car celui-ci vise non seulement les victimes d’actes de torture, mais encore les personnes à l’instigation desquelles ces actes ont été commis ou qui n’ont rien fait pour prévenir la commission de ces actes. Des éclaircissements seraient nécessaires sur ce point.

8.Bien que le Comité ait demandé à l’État partie de citer des exemples concrets d’affaires dans lesquelles les dispositions des paragraphes 1 à 8 de l’article 231 du Code pénal ont été appliquées, la réponse des autorités marocaines ne contient aucun exemple d’affaire dans laquelle les faits ont été qualifiés de torture et non de violences ou de coups et blessures. Il semble n’y avoir eu aucune affaire dans laquelle la qualification de torture a été retenue à des fins d’incrimination et de poursuite.

9.En ce qui concerne la prescription des actes de torture, le Rapporteur souhaiterait des renseignements sur l’état d’avancement du projet de Code pénal, compte tenu en particulier de la nécessité de rendre les actes de torture imprescriptibles conformément à l’esprit de la Convention.

10.À propos de l’article 2 de la Convention et, en particulier, des informations selon lesquelles le droit marocain exclurait expressément la possibilité d’invoquer des circonstances exceptionnelles ou les ordres d’un supérieur pour justifier des actes de torture, M. Gaye invite la délégation à citer le libellé de cette disposition tel qu’il apparaît dans la législation pertinente.

11.En ce qui concerne le droit des suspects placés en garde à vue de s’entretenir avec un conseil, le Rapporteur croit comprendre que les avocats doivent obtenir une autorisation du Procureur général pour pouvoir communiquer avec leur client, ce qui appelle des explications de la délégation. Il croit également comprendre qu’un avocat n’est commis d’office que lorsque l’affaire concerne un mineur ou lorsque l’infraction dont le gardé à vue est soupçonné est passible d’une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement. Il voudrait savoir pourquoi un avocat ne peut être mis à la disposition du suspect quel que soit le type d’affaire. Il souhaiterait en outre recevoir un complément d’information sur le mécanisme chargé de commettre un avocat d’office aux personnes démunies.

12.M. Gaye croit comprendre que les personnes soupçonnées de terrorisme peuvent être retenues en garde à vue pendant douze jours. L’État partie n’a toutefois pas fourni de réponse à la question posée dans la liste de points à traiter sur la réduction de la durée de la garde à vue et l’accès des suspects à un avocat. Il constate avec préoccupation que la définition du terrorisme, que l’État partie cite dans ses réponses écrites, est très large car elle permet d’inculper une personne de terrorisme pour toute une série d’infractions qui ne relèvent pas nécessairement du terrorisme. De plus, le Comité a reçu des informations de plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) qui font état de tortures infligées à des terroristes présumés. L’État partie a certes fourni dans ses réponses écrites des informations sur les peines prononcées contre ces personnes, mais il n’a pas indiqué si des enquêtes avaient été ouvertes sur ces allégations de torture. En outre, d’après des renseignements portés à la connaissance du Comité, des partisans de l’indépendance du Sahara occidental auraient été arbitrairement arrêtés, à la suite de quoi ils auraient été torturés. Les réponses écrites ne contiennent aucune information à ce sujet.

13.En ce qui concerne la réponse fournie par l’État partie à la question qui lui a été posée sur le viol conjugal, le Rapporteur note avec préoccupation que l’auteur d’un viol qui a épousé sa victime est exonéré de poursuites pénales. Il fait observer que le viol conjugal est une notion très vaste. Une réponse de la délégation à cette question est encore attendue par le Comité.

14.En ce qui concerne l’article 3 de la Convention et, en particulier, les renseignements communiqués par l’État partie au sujet de la maîtrise des flux migratoires vers l’Europe, le Rapporteur reconnaît que la migration irrégulière et la traite des personnes sont des problèmes cruciaux qui doivent être traités. Il relève toutefois avec inquiétude que, dans plusieurs cas, des demandeurs d’asile qui auraient pu avoir besoin d’une protection internationale ont été considérés comme des migrants en situation irrégulière. L’absence de cadre juridique offrant des garanties aux demandeurs d’asile et aux réfugiés risque de créer une confusion entre les diverses catégories de migrants. L’État partie devrait être en mesure de détecter les demandeurs d’asile et ceux-ci devraient être distingués des personnes ayant participé à des activités liées à la migration irrégulière. En outre, le Comité a reçu de nombreuses informations faisant état du traitement déplorable réservé aux migrants et aux demandeurs d’asile, en particulier ceux provenant d’Afrique subsaharienne, mais l’État partie n’a pas réagi à ces allégations. Il n’a pas non plus donné les renseignements que le Comité lui avait demandés au sujet des enquêtes ouvertes sur les allégations relatives aux incidents survenus en 2005 à Ceuta et Melilla, dans lesquels la police aurait fait un usage excessif de la force contre des migrants.

15.En outre, M. Gaye souhaiterait savoir si des voies de recours contre une décision d’expulsion du territoire sont ouvertes aux migrants et, le cas échéant, si l’exécution d’une telle décision est suspendue tant que le recours est en instance. Des exemples concrets d’affaires de ce type seraient utiles, que la décision d’expulsion ait finalement été annulée ou confirmée par la juridiction supérieure.

16.Le Rapporteur croit comprendre que, dans l’État partie, la charge de la preuve incombe aux étrangers en situation irrégulière et que c’est donc à eux de démontrer que leur vie ou leur liberté serait menacée ou qu’ils seraient soumis à des traitements inhumains, cruels ou dégradants s’ils étaient renvoyés vers un pays donné. Or, c’est plutôt à l’État partie de mener les recherches nécessaires afin de déterminer si le renvoi vers le pays de destination exposerait l’intéressé à un risque de mauvais traitements. Compte tenu de ce qui précède, M. Gaye souhaiterait savoir si l’article 29 de la loi no 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc et à l’immigration irrégulière a déjà été appliqué dans la pratique.

17.Concernant les trois terroristes présumés qui auraient été retenus dans des lieux de détention secrets puis extradés illégalement vers des pays tiers, en violation flagrante du principe de non-refoulement, le Rapporteur note que l’État partie a affirmé que les enquêtes internes n’ont pas permis de trouver des preuves de leur détention ou de leur extradition. Il souhaiterait de plus amples informations sur la nature de ces enquêtes et sur les personnes qui les ont menées.

18.M. Gaye regrette que l’État partie ait décidé de renvoyer Alexey Kalinichenko vers la Fédération de Russie en dépit des mesures provisoires de protection demandées par le Comité. L’argument de l’État partie qui affirme que le Comité a formulé cette demande trop tard ne tient pas lorsqu’on examine les dates de la correspondance qu’ils ont échangée à ce sujet. Dans l’affaire Djamel Ktiti, qui avait saisi le Comité d’une requête dans laquelle il indiquait qu’il risquait d’être extradé vers l’Algérie, le Comité avait également demandé à l’État partie que la procédure d’extradition soit suspendue jusqu’à ce qu’il se prononce sur cette requête. Le Rapporteur souhaiterait savoir si M. Ktiti a été extradé, étant donné que les informations dont il dispose à ce sujet sont contradictoires.

19.Le Président (Corapporteur pour le Maroc) se félicite de la décision de l’État partie de lever ses réserves aux articles 20 et 22 de la Convention et de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Le Comité a pris acte de plusieurs faits nouveaux encourageants, dont l’adoption de la nouvelle Constitution, qui consacre l’égalité entre hommes et femmes et érige certaines violations des droits de l’homme en infraction pénale.

20.La délégation est invitée à formuler des observations sur les préoccupations exprimées par Amnesty International dans son rapport annuel pour 2010 au sujet des irrégularités dont auraient été entachées les condamnations prononcées contre certains détenus, en particulier ceux considérés comme représentant une menace pour la sécurité.

21.Concernant la formation du personnel pénitentiaire et des autres personnels, le Président aimerait savoir si les cours organisés dans ce cadre sont dispensés à l’ensemble des personnels concernés ou seulement à certaines catégories de la hiérarchie et si le personnel médical bénéficie également d’une formation. Il demande si des enseignements sont dispensés sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) et si les parties prenantes de la société civile y participent. Il aimerait savoir si les droits de groupes vulnérables tels que les femmes et les personnes handicapées font l’objet d’une formation spécifique et si des mesures ont été prises pour interdire les châtiments corporels infligés aux enfants.

22.Relevant que l’État partie a affirmé qu’il avait autorisé certaines ONG locales et internationales à se rendre dans les prisons, le Président souhaiterait connaître les critères sur la base desquels les autorités permettent ou interdisent aux ONG de se rendre dans les prisons et demande quelles organisations n’ont pas pu y avoir accès et pourquoi. S’agissant des inspections de prisons effectuées par le parquet général, le Président reformule la question déjà posée par le Comité sur le nombre d’enquêtes se rapportant à des affaires de mauvais traitements qui ont été entamées à la suite de ces inspections et sur leur issue. La délégation pourrait en outre indiquer quel a été l’aboutissement du procès tenu en 2011 au cours duquel six fonctionnaires de police qui avaient été accusés de torture ont été jugés. Elle voudra bien préciser si une commission d’enquête a été créée afin de faire la lumière sur les allégations de viol dans les prisons relayées par Amnesty International.

23.En ce qui concerne le Conseil consultatif des droits de l’homme, le Président demande si le manuel que ce dernier a publié sur les visites dans les centres de détention comporte des informations sur le Protocole d’Istanbul et si cet organe dispense une formation sur l’utilisation de ce manuel. Sachant que des inspections ont eu lieu au siège de la Direction générale de la surveillance du territoire national, à Temara, notamment par une commission parlementaire qui a conclu que ce bâtiment n’avait pas été utilisé comme centre de détention, il voudrait savoir si les ONG ou les avocats qui avaient affirmé que des personnes étaient détenues dans ces locaux ont participé à ces inspections. Il voudrait également savoir comment ces visites ont été organisées et qui y a participé.

24.La délégation voudra peut-être expliquer pourquoi l’État partie, qui a fourni des statistiques sur les décès en prison, n’a pas pu donner de renseignements sur la cause du décès dans plusieurs cas. Reformulant une question déjà posée par le Comité, le Président invite la délégation à donner des renseignements sur les 13 décès de détenus survenus en 2007 à la prison de Salé.

25.En ce qui concerne les disparitions forcées, il note que des familles de disparus continuent d’affirmer qu’elles n’ont toujours pas reçu de réponse satisfaisante des autorités sur ce qu’il est advenu de leur proche. Que fait l’État partie pour que les dispositions de la Convention soient mieux respectées à cet égard? En outre, le Rapporteur souhaiterait connaître les résultats des enquêtes menées sur les allégations de mauvais traitements infligés en 2010 à des manifestants à la suite de l’évacuation du camp de Gadim Izik. D’après des informations portées à la connaissance du Comité, le juge concerné n’aurait pas demandé que les victimes soient examinées par un médecin bien qu’il dispose d’éléments prouvant qu’elles avaient subi des mauvais traitements. De même, il serait intéressant de savoir si une enquête a été ouverte sur les allégations de mauvais traitements et d’actes de torture qui auraient été infligés à des étudiants arrêtés en 2008 dans le cadre d’une manifestation. La délégation voudra bien indiquer où en est l’adoption du projet de loi n° 37.10. Le Président reformule une question du Comité qui avait souhaité recevoir des précisions sur les enquêtes pénales menées sur les allégations de violation des droits de l’homme qui ont été reçues par la Commission d’arbitrage indépendante et sur le nombre de plaintes qui ont donné lieu à des poursuites, des condamnations et des indemnisations.

26.En ce qui concerne l’application de l’article 14 de la Convention, le Corapporteur note que l’absence de demandes d’indemnisation et de réparation déposées devant le Conseil national des droits de l’homme est en soi un motif de préoccupation. S’agissant des allégations persistantes selon lesquelles des mauvais traitements et des tortures seraient infligés aux suspects afin d’en obtenir des aveux signés, il relève que l’État partie a indiqué que ces documents pouvaient être utilisés en tant que renseignements de base mais qu’ils ne pouvaient pas être invoqués comme éléments de preuve. De toute évidence, ces aveux signés ne devraient plus pouvoir être produits dans le cadre d’une procédure. Se référant à des informations émanant d’Amnesty International selon lesquelles des centaines de personnes auraient été condamnées pour avoir participé aux attentats à la bombe perpétrés en 2003 à Casablanca sur la base de preuves obtenues par la torture, le Président demande si les tribunaux marocains considèrent véritablement les aveux obtenus par ces méthodes comme recevables.

27.Le Corapporteur accueille avec satisfaction le moratoire sur la peine capitale et demande si d’autres mesures ont été prises en vue de son abolition. Il demande si les affirmations des avocats d’une centaine de détenus qui disent ne pas avoir été autorisés à s’entretenir avec leur client ni avec des membres de leur famille sont exactes. Il voudrait savoir ce que fait l’État partie pour améliorer les conditions de détention dans les prisons marocaines, qui seraient inhumaines. Il s’enquiert en outre des progrès réalisés dans la mise au point de mesures visant à introduire des peines de substitution telles que les travaux d’intérêt général.

28.L’État partie ayant ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention, des renseignements seraient utiles sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de cet instrument. Il serait intéressant de savoir si les organisations de la société civile et les ONG seront invitées à participer à la création du mécanisme national de prévention.

29.À propos de l’affaire Alexey Kalinichenko, le Corapporteur souligne que les États parties donnent généralement suite aux demandes de mesures provisoires du Comité. En outre, si celui-ci a conclu que l’extradition d’une personne pourrait constituer une violation de l’article 3 de la Convention, le fait que l’État requérant ait donné des assurances diplomatiques à l’État requis n’affecte en rien la teneur de sa décision. La délégation est invitée à donner de plus amples détails sur les circonstances de cette affaire.

30.Pour ce qui est des réfugiés, le Corapporteur souhaiterait savoir quelles mesures ont été prises pour établir un cadre national de l’asile offrant des garanties aux personnes nécessitant une protection internationale. Il demande en outre si l’État partie entend intensifier sa collaboration avec le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés afin de détecter et d’aider les personnes relevant de la compétence de ce dernier qui sont retenues à des postes frontière. De même, il voudrait savoir si des mécanismes ont été mis en place pour repérer et assister les victimes de la traite. L’État partie entend-il adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie?

31.La délégation est invitée à décrire les progrès réalisés en vue de l’élaboration d’un projet de loi sur la violence contre les femmes. Elle pourrait aussi indiquer s’il est prévu d’adopter une loi portant spécifiquement sur ce type de violence et prévoyant d’établir la responsabilité pénale et civile des auteurs de ces actes et si le viol conjugal a été érigé en infraction pénale.

32.Enfin, le Corapporteur voudrait savoir si la Convention est directement applicable par les juridictions marocaines. Si tel est le cas, la délégation est invitée à donner des exemples d’affaires dans lesquelles la Convention a été invoquée devant les tribunaux.

33.M. Mariño Menéndez prend acte avec satisfaction des mesures prises par l’État partie dans le domaine législatif et politique afin de protéger les droits de l’homme, dont l’adoption de la nouvelle Constitution. Il répète la question déjà posée par le Comité sur la situation de M. Ktiti, dont il croit comprendre qu’il n’a pas encore été extradé vers l’Algérie, et de M. Kalinichenko, qui a été extradé vers la Fédération de Russie alors que le Comité avait demandé aux autorités marocaines de prendre des mesures provisoires de protection. En effet, dans ces deux affaires, la façon dont l’État partie a interprété et appliqué la Convention pose problème. Il rappelle qu’en vertu de la Convention, l’interdiction de la torture revêt un caractère absolu et qu’aucune déclaration obtenue par la torture ne peut être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, si ce n’est contre la personne accusée de torture pour établir qu’une déclaration a été faite.

34.En ce qui concerne les partisans de l’indépendance du Sahara occidental retenus en détention provisoire à la prison de Salé, dont certains devaient être jugés par des tribunaux militaires pour des actes liés aux événements survenus à la fin de 2010 dans le campement de manifestants de Gadim Izik, M. Mariño Menéndez demande pourquoi des juridictions militaires ont été déclarées compétentes en l’espèce et si cela s’explique par la nature des infractions imputées à ces manifestants. Notant que certains d’entre eux ont été maintenus en détention provisoire au-delà de la durée maximale autorisée par le Code de procédure pénale, il souhaiterait de plus amples information sur cette affaire.

35.La délégation voudra bien indiquer si une personne entrée illégalement au Maroc peut en être immédiatement expulsée même si elle y a demandé l’asile. Si c’est le cas, cette pratique est incompatible non seulement avec la Convention, mais aussi avec la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et d’autres instruments auxquels l’État partie a adhéré. Il serait utile de savoir si le Maroc a ratifié la Convention de l’Union africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, qui prévoit une définition plus large de la notion de réfugié que la Convention de 1951, et s’il en applique les dispositions.

36.De plus amples informations seraient bienvenues sur la pratique consistant à placer des prévenus et des condamnés au secret. La délégation voudra bien indiquer si cette mesure est imposée aux intéressés à titre de punition. Le cas échéant, elle pourrait apporter des précisions sur les circonstances dans lesquelles cette sanction est infligée, la durée de cette mesure et les garanties protégeant les droits fondamentaux dont elle est assortie. S’agissant de la détention provisoire, la délégation voudra peut-être préciser qui prend la décision de placer un prévenu au secret.

37.M. Mariño Menéndez demande si le personnel médical chargé d’examiner les détenus, dont les prisonniers, provient de centres médicaux indépendants ou d’établissements publics et s’il est tenu de respecter des normes disciplinaires et professionnelles établies par des entités indépendantes. Tout en notant avec satisfaction que l’État partie a levé sa réserve à l’article 20 de la Convention et qu’il a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention, il voudrait savoir si le Conseil consultatif des droits de l’homme pourrait être chargé de jouer le rôle de mécanisme national de prévention conformément aux dispositions du Protocole facultatif. De plus amples détails sur la composition, la procédure de nomination et l’indépendance du Conseil consultatif seraient bienvenus.

38.M me  Gaer, se référant aux informations contenues dans l’annexe 1 du document CAT/C/MAR/Q/4/Add.1 concernant les mesures prises contre des membres de la police reconnus coupables d’actes qui constituaient probablement des violations de la Convention, prie la délégation marocaine d’indiquer si, selon elle, les peines prononcées dans ces affaires ont été suffisamment sévères, sachant qu’il s’agissait d’actes de torture accompagnés de circonstances aggravantes. Des informations seraient utiles sur la situation actuelle des auteurs, en particulier le lieutenant-colonel Omar Brad. La délégation est invitée à préciser si ces personnes exécutent encore leur peine, si elles ont cessé de travailler dans la police ou si elles ont repris du service actif. Elle souhaiterait des renseignements à jour sur l’affaire Mohamed Erouataa, qui était encore pendante en 2008. Pour ce qui est du nombre de suicides en garde à vue, qui a augmenté en 2011, Mme Gaer voudrait savoir si la procédure d’enquête dans ce type d’affaire est la même que dans les autres cas de décès en garde à vue et quelles mesures sont prises pour garantir que les enquêtes soient indépendantes. À cet égard, elle souhaiterait recevoir des informations sur le rôle joué dans ce contexte par les professionnels indépendants de la santé et les ONG et demande si des plaintes ont été déposées par les proches des sept suspects qui se seraient suicidés pendant leur garde à vue depuis le début de 2011.

39.En ce qui concerne la violence contre les femmes, la délégation voudra bien formuler des observations sur les dispositions en vigueur du droit interne qui permettent à l’auteur d’un viol d’échapper à des poursuites pénales s’il épouse sa victime, ce qui se produit souvent à la demande − voire sous la pression − de la famille de la victime. Pour la victime, cette situation peut constituer une torture mentale ou, à tout le moins, physique. Mme Gaer demande si l’État partie envisage d’abroger la disposition exonératoire concernée. Elle souhaiterait recevoir en outre des éclaircissements sur l’état d’avancement du projet de loi sur la violence contre les femmes. Elle demande quand il sera promulgué et si les réformes législatives dans ce domaine se limiteront aux modifications décrites dans les réponses de l’État partie à la liste de points à traiter.

40.En ce qui concerne le droit des victimes à une indemnisation tel qu’il est consacré à l’article 14 de la Convention, elle prend acte avec satisfaction des travaux de l’Instance Équité et Réconciliation qui, d’après des informations, aurait versé des dommages et intérêts aux victimes ou aux proches de personnes disparues et de victimes d’autres violations commises entre 1956 et 1999, soit 15 000 personnes en tout. En outre, 12 000 victimes de graves violations des droits de l’homme auraient bénéficié d’une couverture médicale gratuite. Elle prie la délégation de confirmer l’exactitude de ces statistiques et de réagir à certaines critiques dirigées contre les travaux de l’Instance qui font notamment état d’inégalités entre les indemnisations versées, de l’absence de critères objectifs pour le versement des indemnisations et d’un manque de transparence. Elle aimerait savoir si l’Instance est la seule habilitée à décider de l’attribution des indemnisations et à déterminer leur montant et si, en acceptant un dédommagement, la victime renonce à exercer d’autres droits, dont le droit de déposer une plainte pénale contre les auteurs présumés des actes qu’elle a subis.

41.L’État partie recourt largement à la détention provisoire, les prévenus représentant 42 % des 61 000 détenus que compte le pays. Cependant, il est rare qu’une personne obtienne sa remise en liberté sous caution, ce qui appelle un commentaire de la délégation. Le Gouvernement marocain envisage-t-il de recourir plus largement à la remise en liberté sous caution ou à rendre les conditions de détention moins pénibles pour ceux qui n’ont pas encore été condamnés pour une infraction?

42.M me  Sveaass invite la délégation à donner des renseignements sur la législation régissant l’internement psychiatrique et les questions liées à la santé mentale dans l’État partie et à indiquer si les autorités compétentes envisagent d’adopter une nouvelle législation ou de mettre à jour les lois en vigueur dans ce domaine, étant donné que le premier texte de loi portant sur cette question date de 1959 et que des progrès considérables ont été réalisés depuis dans la compréhension des problèmes de santé mentale et le respect des droits des personnes privées de liberté en raison d’un trouble psychiatrique. Elle souhaiterait de plus amples informations sur les inspections effectuées dans les unités psychiatriques existant au sein ou en dehors du système pénitentiaire afin de vérifier si les personnes qui y sont internées n’y subissent pas des tortures ou des mauvais traitements ainsi que sur les procédures d’établissement des rapports de visite et les conclusions qu’ils contiennent.

43.Se référant à la modification apportée à l’article 446 du Code pénal, qui est citée au paragraphe 69 du rapport, Mme Sveaass demande si les médecins et leurs assistants ont l’obligation de signaler tous les cas de violence et de mauvais traitements infligés à des enfants ou des femmes au sein de la famille ou en dehors du contexte familial lorsqu’ils en constatent les séquelles. Il serait intéressant de savoir si une distinction est établie entre les victimes adultes ou mineures et si l’on recueille préalablement le consentement des adultes dont on pense qu’ils ont subi des violences avant de signaler leur cas. Des précisions seraient utiles sur la procédure suivie lorsque des violences ou des mauvais traitements sont dénoncés, compte tenu en particulier du fait que les châtiments corporels infligés aux enfants ne sont pas définis comme une infraction pénale au Maroc. Il serait intéressant de savoir si les rapports médicaux faisant état de ces violences sont systématiquement transmis à la police. Mme Sveaass demande en outre si une protection et des services sont offerts aux femmes dont le cas a été signalé, notamment si elles sont hébergées et ont accès à un traitement médical, à une indemnisation et aux services d’un avocat.

44.Enfin, elle partage les préoccupations exprimées par d’autres membres du Comité au sujet de la réaction des autorités marocaines aux activités et aux manifestations organisées dans les campements de manifestants sahraouis.

45.M. Bruni prend acte avec satisfaction de l’information figurant au paragraphe 26 du rapport selon laquelle les ordres d’un supérieur ne peuvent pas être invoqués pour justifier la torture. Il souhaiterait toutefois savoir comment la disposition pertinente est concrètement appliquée et s’il existe des cas dans lesquels un subordonné a refusé d’obéir aux ordres d’un supérieur qui lui demandait de pratiquer la torture. Il demande des éclaircissements sur les mesures prises par l’État partie en vue de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention car, à sa connaissance, aucun instrument d’adhésion n’a encore été déposé auprès du Secrétaire général de l’ONU.

46.M. Bruni demande si les cours de formation et les séminaires sur les droits de l’homme dont il est question aux paragraphes 87 et 93 du rapport ont produit des effets tangibles tels que la réduction du nombre d’allégations de torture émanant de détenus. Les annexes 2 et 3 du document CAT/C/MAR/Q/4/Add.1 contiennent des statistiques sur plusieurs inspections qui ont été effectuées dans des lieux privatifs de liberté pour y surveiller les conditions de détention. Tout en reconnaissant que beaucoup d’efforts ont manifestement été faits dans ce domaine, il aimerait savoir si ces visites ont amené des résultats positifs. Il demande quels changements majeurs ont été constatés et quelles mesures urgentes devraient encore être prises pour améliorer la situation. S’agissant du surpeuplement carcéral, la délégation est invitée à fournir des renseignements sur la situation actuelle et à donner une évaluation réaliste des progrès qui pourraient être réalisés grâce aux mesures qui ont été prises.

47.M me  Kleopas partage les préoccupations exprimées par d’autres membres du Comité concernant l’existence de certaines lacunes dans la législation interne et dans son application, que l’État partie devrait combler afin de remplir les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. Rappelant que, pour le Comité, l’introduction dans le droit interne de dispositions interdisant les châtiments corporels infligés aux enfants devrait être une priorité, elle appelle l’attention de la délégation sur le fait que cette pratique est apparemment généralisée au Maroc. Elle espère vivement que le Gouvernement marocain prendra des mesures pour bannir cette pratique comme le Comité des droits de l’enfant le lui a recommandé à deux reprises.

48.À propos de la violence dans la famille et du viol conjugal, Mme Kleopas demande si la nouvelle législation proposée prévoit la possibilité de délivrer des ordonnances d’interdiction temporaire ou des ordonnances de protection civile au nom des victimes de ces formes de violence. Elle voudrait en outre savoir si les autorités comptent créer des foyers pour héberger ces personnes. Le Comité a reçu des informations d’où il ressort que les femmes marocaines ont des réticences à signaler un viol. Lorsqu’une plainte pour viol est déposée, l’État partie est tenu de veiller à ce qu’un examen médical soit réalisé par une personne formée pour détecter les séquelles de torture ou de mauvais traitements conformément aux procédures définies dans le Protocole d’Istanbul. Dans la législation en vigueur, le niveau de preuve requis est très élevé. Les victimes doivent obtenir elles-mêmes un certificat médical et donner le nom des témoins du viol ou des mauvais traitements qu’elles disent avoir subi.

49.M. Wang Xuexian note que l’Instance Équité et Réconciliation a recensé 89 décès en garde à vue, ce qui représente un chiffre très élevé. Il demande si la torture ou les mauvais traitements étaient à l’origine de certains de ces décès et, le cas échéant, si les responsables ont été condamnés à des peines et si les proches des victimes ont été dûment indemnisés.

50.M. Hilale (Maroc) dit que la délégation a pris bonne note des questions posées par les membres du Comité. Il se dit frappé de constater qu’ils ont unanimement salué les changements remarquables intervenus récemment dans son pays, dont l’adoption de la nouvelle Constitution, le lancement d’une série de réformes démocratiques et l’adoption de mesures tendant à garantir le respect des libertés publiques et individuelles. Il assure le Comité que son pays est déterminé à renforcer l’état de droit et à éliminer la pratique de la torture, qui est totalement inacceptable en toutes circonstances.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 h 10.