NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.414

11 mai 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 414ème SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,

le mercredi 3 mai 2000, à 10 heures

Président : M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Troisième rapport du Portugal

QUESTIONS D'ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (suite)

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l'ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique du Portugal (CAT/C/44/Add.7; HRI/CORE/1/Add.20)

1.Sur l'invitation du Président, M. Mendonça E Moura, M. Santos Pais, Mme de Albuquerque, M. Marrecas Ferreira, Mme de Matos, M. Gomes Dias et Mme Graça Carvalho (Portugal), prennent place à la table du Comité.

2.M. MENDONÇA E MOURA (Portugal) salue les membres du Comité dont son pays partage les objectifs et le combat, ainsi qu'il devrait ressortir du rapport présenté (CAT/C/44/Add.7) mais aussi des renseignements complémentaires que la délégation portugaise s'apprête à donner. Comme il l'a toujours fait non seulement devant le Comité mais aussi au sein des organismes des Nations Unies et organisations internationales compétents, le Portugal souhaite collaborer activement à la lutte contre la torture.

3.Le rapport soumis au Comité devrait se caractériser par son indépendance et sa richesse, car il a été préparé par le Bureau de documentation et de droit comparé de l'Office du Procureur général, c'est-à-dire un organe indépendant du gouvernement - le ministère public étant, au Portugal, une magistrature indépendante de l'exécutif. Quant à la délégation chargée de le présenter, elle se compose de deux procureurs généraux adjoints, d'une magistrate du parquet faisant partie de l'Inspection générale de l'administration interne, d'une responsable de la Direction générale des services pénitentiaires et de deux membres du Bureau de documentation et de droit comparé. C'est dire l'importance que le Gouvernement portugais attache aux travaux du Comité.

4.M. SANTOS PAIS (Portugal) signale que la période couverte par le rapport à l'examen (CAT/C/44/Add.7) s'arrête au 28 février 1998 et que depuis cette date, plusieurs changements sont survenus dans la législation et dans la pratique portugaises, ce qui appelle quelques explications. Mais il y a lieu de noter tout d'abord que pour entreprendre ces réformes, les autorités portugaises se sont directement inspirées des recommandations du Comité et d'autres organismes internationaux de contrôle tels que le Comité européen pour la prévention de la torture.

5.Le premier des changements intervenus concerne Macao. Le Comité avait fait part de son souci de voir la Convention appliquée à Macao alors que ce territoire était encore sous administration portugaise, situation qui a pris fin le 20 décembre 1999. À l'issue de longues négociations avec les autorités chinoises, le Portugal a obtenu que la Convention continue d'être appliquée à Macao, de même qu'une centaine d'autres conventions internationales, dont plus d'une dizaine se rapportant aux droits de l'homme. Lorsqu'il a cessé d'administrer le territoire, le Portugal a donc laissé en place un éventail de dispositions nationales et internationales en matière de protection des droits de l'homme qui trouvera difficilement son pareil dans la région de l'Asie et du Pacifique.

6.Au regard de la Convention, les activités de la police demeurent l'un des principaux soucis du Comité comme des autorités portugaises, et celles-ci ont procédé à une profonde restructuration de la Police de sécurité publique. La loi 5/99, promulguée en janvier 1999 en remplacement du décret‑loi 321/94, a institué une nouvelle réglementation concernant l'organisation et le fonctionnement de la Police de sécurité publique. On notera qu'à la suite de la récente révision constitutionnelle, ces nouvelles dispositions ont été approuvées par l'Assemblée de la République et non pas simplement, comme précédemment, par le Gouvernement. La nouvelle loi poursuit trois objectifs essentiels : premièrement, mettre l'accent sur le caractère civil de l'institution policière, dont la mission fondamentale est de défendre la légalité démocratique, de garantir la sécurité interne et les droits et libertés des citoyens; en second lieu, inscrire dans le statut de la Police de sécurité publique des principes tels que celui de la légalité ou de l'interdiction des excès en matière de mesures de police; enfin, améliorer l'organisation interne de la Police de sécurité publique sur tout le territoire national en vue de renforcer l'encadrement et de rapprocher les policiers de la population qu'ils sont censés défendre. Plusieurs projets allant dans le sens de cette recherche de proximité ont d'ailleurs été mis en chantier, concernant la sécurité à l'école, la sécurité des personnes âgées et le soutien aux victimes. Enfin, le décret‑loi 511/99 est venu réglementer le statut des membres de la Police de sécurité publique.

7.Lors de l'examen du précédent rapport du Portugal (CAT/C/25/Add.10), le Comité s'était inquiété d'un éventuel "fossé... entre la loi et son application", et avait recommandé aux autorités portugaises de prêter une plus grande attention au traitement des dossiers concernant les violences reprochées aux agents de la force publique, d'ouvrir des enquêtes et le cas échéant d'imposer des sanctions adéquates. Un grand effort a été entrepris en ce sens et M. Santo Pais souhaite compléter les indications déjà fournies dans le rapport. En ce qui concerne la Police de sécurité publique et la Garde nationale républicaine tout d'abord, des services d'inspection spécifiques sont chargés d'engager des procédures disciplinaires s'il y a lieu. Quant à l'Inspection générale de l'administration interne dont il est question au paragraphe 49 du rapport, elle peut également entamer des poursuites disciplinaires en cas de besoin; elle est présidée par un procureur général adjoint, c'est‑à‑dire qu'elle jouit d'une totale indépendance technique et fonctionnelle à l'égard de son ministre de tutelle. L'Inspection générale effectue des visites régulières mais aussi des inspections sans préavis, ce qui lui permet de surveiller les conditions régnant dans les commissariats de police et en particulier les conditions de la garde à vue. C'est ainsi que 700 locaux ont été visités ces trois dernières années et 117 d'entre eux fermés faute de conditions adéquates de fonctionnement et de détention. Quant au ministère public, il est tenu d'engager des poursuites pénales en cas d'abus d'autorité constaté par l'Inspection générale. La police judiciaire, de son côté, est placée sous la tutelle du Ministre de la justice et relève sur le plan fonctionnel du ministère public, qui coordonne son activité en matière de procédure pénale. Tous les trois ans au moins, les services de police judiciaire reçoivent la visite d'inspecteurs du ministère public placés sous l'autorité du Procureur général de la République, qui peut aussi ordonner des inspections extraordinaires chaque fois qu'il le juge nécessaire. Les services pénitentiaires, qui relèvent également du Ministre de la justice, ont leur propre service d'inspection divisé en trois équipes afin de couvrir tout le territoire national, chaque équipe étant coordonnée par un magistrat du parquet. Par ailleurs, le ministère de la justice prépare une restructuration de sa loi organique en vue de la création prochaine d'une inspection générale des services judiciaires qui sera chargée de surveiller l'activité de divers services du ministère, dont la direction générale des services pénitentiaires.

8.En vue d'assurer un suivi permanent des procédures pénales engagées contre des agents de l'autorité, le Procureur général de la République a mis en place, en 1993, une base de données permettant de faire le point sur l'état d'avancement de toutes ces procédures : les magistrats du parquet informent l'Office du Procureur général de toute procédure ouverte contre un agent de l'autorité, ce qui permet notamment de disposer de statistiques sur le nombre de poursuites et d'en suivre l'évolution au fil des ans. Depuis quelque temps, ces données sont également transmises à la Direction générale des services pénitentiaires et à l'Inspection générale de l'administration interne chaque fois qu'il s'agit de leurs agents, afin qu'elles puissent prendre les mesures disciplinaires qui s'imposent. Le Procureur général s'apprête à doter ses services d'un département central d'investigation et d'action pénale spécialement chargé de coordonner les enquêtes relatives aux crimes contre la paix et contre l'humanité, y compris le crime de torture. Cette coordination sera assurée entre les organes de police criminelle et les services compétents du parquet dans chaque circonscription judiciaire. Toutes ces mesures attestent le souci de donner des suites judiciaires à toute allégation concernant des actes visés par la Convention contre la torture; toute infraction susceptible de tomber sous le coup de la Convention donne systématiquement lieu à une procédure, soit disciplinaire, soit judiciaire, soit les deux.

9.L'utilisation des armes à feu a tout récemment fait l'objet d'une réglementation spécifique; un décret‑loi est venu en effet uniformiser les règles d'utilisation de ces armes par tous les corps de police. En application des principes de la nécessité absolue et de la proportionnalité, l'usage d'armes à feu n'est autorisé que dans des situations extrêmes et à défaut d'autres moyens plus efficaces. Une première distinction est faite selon que ces armes sont utilisées contre des objets ou contre des personnes. Dans le second cas, elles ne doivent servir que dans le but de protéger la vie humaine et dans les trois situations prévues dans les Principes des Nations Unies concernant l'utilisation de la force et des armes à feu, à savoir : pour faire face à une agression en cas de danger imminent; pour prévenir un crime particulièrement grave menaçant des vies humaines; pour se rendre maître de la personne à l'origine de cette menace si elle résiste à l'autorité ou tente de fuir. De plus, l'usage d'armes à feu est assorti de l'obligation de faire des sommations, du devoir de secours, de l'obligation d'établir un rapport et de le communiquer au ministère public. Enfin, si la mort ou une blessure grave s'ensuit, l'Inspection générale de l'administration interne doit être avertie et ouvrir immédiatement une enquête.

10.En ce qui concerne les conditions de détention dans des locaux de la police, sujet d'inquiétude pour le Comité dans le passé, un récent arrêté ministériel a mis en place un règlement régissant les conditions matérielles de la détention applicable à tous les lieux de détention des forces de sécurité et à toute personne privée de liberté pour une période inférieure à 48 heures, y compris les personnes retenues à des fins d'identification. Ce règlement contient des dispositions spécifiques sur les cellules (surface, emplacement, matériaux de construction, éclairage, installations sanitaires, hygiène et confort) et impose l'aménagement progressif des cellules existantes. Au demeurant, 140 locaux de détention inadaptés avaient déjà été fermés. En outre, le nouveau règlement fixe les procédures à suivre pour la détention et prévoit diverses garanties : registre des mises en détention, bulletin du détenu, indication de l'heure et du motif de la détention, identité du détenu et de l'agent ayant procédé à la détention, autres éléments pertinents tels que les contacts pris avec des personnes extérieures. Le détenu a en effet le droit de téléphoner avec ses proches et son avocat, l'entretien avec ce dernier se déroulant en privé. Le détenu peut également demander à être examiné par un médecin et, en cas de blessures, il doit être conduit à l'hôpital. Enfin, tout lieu de détention peut être inspecté sans préavis par l'Inspection générale de l'administration interne, qui doit être immédiatement avisée, de même que le parquet, en cas de décès d'un détenu et de violences ou traitements inhumains ou dégradants infligés à un détenu.

11.Le Comité s'était également inquiété des conditions qui régnaient dans les établissements pénitentiaires. À ce sujet, il y a lieu de signaler que les établissements pénitentiaires ont été inspectés à deux reprises par le service du médiateur, en 1996 et en 1999; à l'issue de la première inspection, près de 200 recommandations ont été formulées et transmises au Ministre de la justice; la seconde inspection a permis au médiateur de constater les progrès réalisés entre-temps à divers égards. De son côté, le Comité européen pour la prévention de la torture s'est rendu au Portugal à quatre reprises, en 1992, 1995, 1996 et enfin, en avril 1999; il a lui aussi relevé un certain nombre de changements importants, notamment à Porto. En effet, grâce à la mise en œuvre du Programme d'action pour le système carcéral de 1996, le taux de surpeuplement des établissements est passé de 57 % en 1996 à 14 % aujourd'hui, du fait notamment de l'ouverture de nouveaux établissements et du réaménagement d'établissements existants, ainsi que d'une amnistie prononcée en 1999. Les conditions matérielles de l'incarcération se sont elles aussi améliorées : installation de sanitaires dans les cellules, salles de gymnastique, aménagement des cuisines, parloirs et autres espaces communs. Les services de santé n'ont pas été en reste : création "d'unités sans drogues" dans cinq prisons, mise en place d'une stratégie nationale de lutte contre la toxicomanie par le Conseil des ministres, qui a conféré une haute priorité à l'action en milieu carcéral; construction de nouvelles unités de santé; mise en œuvre de programmes de distribution de méthadone, de vaccination et autres à l'intention des détenus, promulgation de la loi 170/99 visant à combattre la propagation des maladies infectieuses et contagieuses dans les prisons; amélioration de la vie pénitentiaire par le développement de l'enseignement, de la formation professionnelle, des activités culturelles et sportives (y compris la possibilité offerte aux prisonniers en régime ouvert de se former et de travailler à l'extérieur); renforcement des liens familiaux avec la création en 1999, dans deux établissements pour prisonniers purgeant des peines de longue durée, de parloirs intimes. Les services pénitentiaires font l'objet de contrôles de la part de plusieurs organes extérieurs, notamment : le tribunal de l'exécution des peines, qui fait effectuer des visites mensuelles dans chaque établissement pour entendre les plaintes éventuelles de détenus de manière confidentielle; le médiateur; le Comité européen pour la prévention de la torture; la Cour européenne des droits de l'homme.

12.En ce qui concerne la formation, la loi 5/99 sur l'organisation et le fonctionnement de la Police de sécurité publique a mis en place un nouveau cadre organique pour les établissements de formation des policiers, à savoir l'Institut supérieur de sciences policières et de sécurité interne (pour les officiers) et l'École pratique de police (pour les grades inférieurs). Le Conseil des ministres a par ailleurs créé un conseil consultatif pour la formation des forces et services de sécurité, qui est chargé d'examiner, de coordonner et de planifier les cours et les actions de formation à l'intention des personnels de police. Ce conseil compte parmi ses membres des personnalités de la société civile et des milieux universitaires. Le programme de formation continue lancé en 1997 se poursuit. Élaboré en collaboration avec l'Université ouverte, il s'adresse à tous les membres de la Police de sécurité publique et de la Garde nationale républicaine et couvre tous leurs centres d'intérêt : droits fondamentaux, éthique professionnelle, étude des milieux sociaux, police de proximité, etc. Ce programme inclut également la formation d'un grand nombre de formateurs, à l'intention desquels 21 stages ont été organisés à ce jour. Huit vidéofilms de formation et leurs manuels d'utilisation ont ainsi été réalisés; ils traitent de domaines aussi divers que les droits fondamentaux, l'éthique professionnelle, la protection des individus et le soutien aux victimes, les immigrants et les minorités, la toxicomanie, etc. Ces vidéofilms ont été distribués sur tout le territoire national et ont été présentés à plus de 45 000 agents. À la fin de chaque module, une épreuve écrite est organisée aux fins d'évaluation. D'autres vidéofilms sont en préparation.

13.La Commission nationale portugaise pour la Décennie des Nations Unies pour l'éducation en matière de droits de l'homme a entrepris de diffuser au Portugal des informations sur la Convention et sur le travail du Comité. C'est ainsi que le site Internet du Bureau de documentation et de droit comparé, qui accueille le site officiel de ladite Commission comporte une section sur la protection internationale des droits de l'homme comprenant notamment une explication des principales dispositions de la Convention (y compris celles relatives à la présentation de communications par des particuliers), ainsi que du travail du Comité. On y trouve aussi le texte des trois rapports périodiques présentés par le Portugal au Comité, les comptes rendus des séances consacrées à l'examen des deux premiers rapports, ainsi que les conclusions et recommandations formulées par le Comité à l'adresse du Portugal. Par ailleurs, le Bureau de documentation et de droit comparé publie semestriellement un Bulletin de droit comparé qui est distribué gratuitement à tous les magistrats et auquel sont abonnés un très grand nombre d'avocats et de juristes. Au début de 1999, le texte du troisième rapport périodique présenté par le Portugal en application de la Convention est paru dans le bulletin, ainsi que les comptes rendus des séances pertinentes du Comité et ses conclusions et recommandations concernant l'examen des deux premiers rapports. Un article sur la Convention et sur le fonctionnement et les compétences du Comité a également été publié dans le bulletin.

14.Enfin, la Commission nationale portugaise pour la Décennie des Nations Unies pour l'éducation en matière de droits de l'homme a entrepris de traduire en portugais la série des "Fiches d'information" des Nations Unies, parmi lesquelles une brochure consacrée au Comité, ainsi que la Série des Nations Unies sur la formation professionnelle, dont le numéro 5 est intitulé "Droits de l'homme et application des lois. Manuel de formation à l'intention des services de police". Ces ouvrages seront publiés par la Commission et distribués notamment aux groupes professionnels directement intéressés, aux écoles, universités et autres établissements d'enseignement, aux bibliothèques publiques, etc.

15.Un nouveau texte réglemente l'entrée, le séjour, la sortie et l'expulsion des étrangers au Portugal. Il a pour principal objectif de donner effet à tous les engagements internationaux, pris par le Portugal; le nouveau régime tient également compte des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, notamment en ce qui concerne les limites à respecter lors de la mise en oeuvre des mesures d'expulsion. Les grandes lignes de cette nouvelle réglementation sont les suivantes : un régime différencié d'octroi de visas en vue de garantir plus d'équité, de justice et de transparence; des règles claires sur le regroupement familial; un régime exceptionnel d'autorisation de résidence pour faire face à des situations graves et notamment pour des raisons humanitaires; un dispositif d'aide au retour des immigrants dans leur pays d'origine; un régime de sanctions à l'encontre de ceux qui favorisent l'immigration clandestine ou exploitent la main‑d'œuvre clandestine.

16.D'autres changements importants sont intervenus, sur lesquels M. Santos Pais ne s'attardera pas; il se contentera de mentionner le profond remaniement de la loi-cadre de coopération en matière pénale entrepris en 1999 et les modifications apportées en 1998 à la loi sur la santé mentale. Il conclut en évoquant le chemin parcouru depuis 1989, notamment grâce aux conseils et recommandations du Comité, et souligne que seuls le temps, la patience et l'expérience permettent de progresser véritablement. La tâche que l'on entreprend lorsque l'on s'engage dans la voie de la protection des droits de l'homme est ardue et ne s'achève jamais. C'est pourquoi la délégation portugaise ne manquera pas de revenir, régulièrement, faire part au Comité des victoires et des échecs dans ce combat de longue haleine.

17.Le PRÉSIDENT, prenant la parole en tant que rapporteur pour le Portugal, remercie le représentant du Portugal de son exposé oral très détaillé, qui apporte une réponse à plusieurs des questions qu'il avait prévu de poser. Il rappelle que le Portugal a accepté la compétence du Comité au titre des articles 20 et 22 de la Convention et contribue depuis plusieurs années au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture et note que les dernières mesures prises par le Gouvernement portugais pour mettre en œuvre la Convention sont excellentes. Le troisième rapport périodique, qui devait être présenté en 1998, a été reçu en juin 1999. Il couvre la période comprise entre le 31 mars 1996 et le 28 février 1998 et fait état de nombreux changements significatifs survenus depuis l'examen du deuxième rapport périodique.

18.Certains sujets de préoccupation subsistent. Tout d'abord, si le Portugal a renforcé sa législation en ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement de la police, les activités et le comportement de celle-ci restent l'un des problèmes les plus délicats à résoudre, comme l'a souligné le représentant du Portugal lui-même.

19.À propos de l'article premier de la Convention, il est à signaler que le Portugal a introduit dans son Code pénal une définition de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il faut cependant relever que cette définition est plus étroite que celle qui est donnée dans la Convention en ce que les infractions mentionnées peuvent dans certains cas n'être passibles que d'une sanction disciplinaire, administrative, et n'exigent pas l'ouverture de poursuites pénales. La création de l'Inspection générale de l'administration, mentionnée au paragraphe 49 du troisième rapport périodique, constitue un grand progrès. Concrètement, comment explique-t-on la réduction du nombre de personnes qui font état de violence physique de la part des forces de police, indiquée au paragraphe 51 du troisième rapport ?

20.Outre les préoccupations suscitées par des informations figurant dans le rapport, le Président voudrait attirer l'attention de la délégation portugaise sur certains faits présentés par Amnesty International dans un rapport intitulé "Portugal 'Small problems'... ? A Summary of concerns". Il s'agit notamment de cas de décès survenus pendant ou après la période de garde à vue, de cas de mauvais traitements infligés à des personnes arrêtées par des policiers et de cas de détention illégale également imputables à des policiers. À ce sujet, il est particulièrement important que, dans les commissariats, les policiers remplissent correctement les registres de garde à vue. Les faits signalés par Amnesty International sont-ils exacts, ont-ils fait l'objet de poursuites et des mesures pour empêcher que des cas analogues ne se reproduisent ont-elles été prises par les autorités portugaises ? Amnesty International dénonce aussi dans le même rapport des cas d'impunité effective, due notamment à la longueur des procédures judiciaires. Des auteurs d'actes de torture ou de mauvais traitements ne seraient que peu ou pas du tout sanctionnés, ou subiraient seulement une sanction disciplinaire. Qu'en est-il exactement ?

21.En ce qui concerne la situation dans les établissements pénitentiaires, les informations données oralement semblent montrer que le Gouvernement portugais a pris les mesures voulues pour prévenir les actes de torture et de mauvais traitements, répondant ainsi aux préoccupations exprimées également par Amnesty International.

22.Comme le Comité l'avait déjà signalé dans les conclusions et recommandations relatives à l'examen du deuxième rapport périodique, il serait bon que le Gouvernement portugais précise sa position en ce qui concerne l'étendue de sa juridiction pénale lorsque des actes de torture sont commis hors de son territoire. Cette position ne ressort pas clairement du troisième rapport périodique. La Convention non seulement permet, mais aussi impose, aux États d'exercer une juridiction universelle à l'égard des actes de torture.

23.Le Président se félicite que le Portugal ait réussi à assurer l'application à Macao de la Convention contre la torture et que la Chine ait accepté d'adhérer à la Convention en tant qu'État successeur. Enfin, il se déclare très satisfait des mesures prises pour réglementer l'utilisation des armes à feu par les différents corps de police et de la conformité des règlements appliqués dans ce domaine avec les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois.

24.M. YU MENGJIA (Corapporteur) remercie la délégation portugaise de la qualité de l'introduction et félicite le Gouvernement portugais d'avoir complété et amélioré sa législation. Il semble cependant que des efforts supplémentaires doivent être faits pour assurer une meilleure application de l'article 11 de la Convention et pour accélérer le déroulement des procédures judiciaires qui, selon certaines sources, peuvent être excessivement longues. Un autre phénomène préoccupant qui semble perdurer est celui de la violence entre les prisonniers. Le Gouvernement portugais prend-il des mesures pour remédier à cette situation ?

25.S'agissant de l'application de l'article 12 de la Convention, les deux tableaux de statistiques figurant au paragraphe 202 du rapport sont très intéressants. En ce qui concerne l'application de l'article 13, la législation en vigueur semble tout à fait suffisante et il serait intéressant de savoir si elle est facilement et rapidement mise en œuvre. Pour ce qui est de l'article 14, il semble qu'il y ait relativement peu de demandes d'indemnisation; la délégation portugaise peut-elle en donner la raison ? Enfin, on rapporte que certains gardiens et fonctionnaires pénitentiaires se livrent au trafic de drogue avec les détenus, ce qui conduit à se demander si le Gouvernement prend des mesures pour prévenir et faire cesser la circulation de drogue dans les prisons.

26.M. CAMARA se déclare lui aussi satisfait tant du rapport écrit que de l'exposé oral. Ayant été rapporteur pour le Portugal lors de l'examen du deuxième rapport périodique, il n'est pas étonné de la qualité des mesures prises par les autorités portugaises. Mais le rôle du Comité est d'approfondir sa connaissance d'une situation et il est donc exigeant dans ses questions.

27.À propos de la détention aux fins d'identification, décrites au paragraphe 135 du rapport, M. Camara dit que ce que l'on appelle en droit français la vérification d'identité est la faculté donnée à la police de demander à des citoyens de présenter une pièce d'identité même en l'absence de toute infraction. Cette pratique, commune à plusieurs pays, ne va pas sans poser de problèmes. Au Portugal, la loi prévoit que la personne qui ne peut ou ne veut présenter une pièce d'identité est conduite au poste de police le plus proche où elle demeurera le temps nécessaire à son identification sans que ce délai dépasse deux heures, mais que se passe-t-il si l'individu refuse toujours de décliner son identité après le délai de deux heures ? C'est souvent en ce genre d'occasion que des violences se produisent dans les commissariats. On ne peut exiger d'un État qu'il renonce à la procédure de la vérification d'identité, mais il est essentiel de prévoir des garde‑fous et des garanties pour éviter les abus.

28.S'agissant de l'application des articles 12 et 13 de la Convention, les statistiques données dans le tableau sur les poursuites (par. 202) suscite quelques interrogations. Il faudrait savoir notamment quelle est la nature des affaires "en cours d'investigation" et des affaires "en attente de jugement" et la raison pour laquelle un aussi grand nombre de poursuites n'en sont qu'à ce stade. La Convention impose de faire procéder immédiatement à une enquête objective en cas d'allégations de torture et de mauvais traitements. Il est donc à craindre que l'extrême lenteur des procédures ne donne lieu à une impunité réelle ou à un sentiment d'impunité. Enfin, dans des cas de torture ou de mauvais traitements, il voudrait savoir s'il est arrivé qu'une procédure disciplinaire soit engagée parallèlement aux poursuites pénales, comme cela est possible.

29.Mme GAER se dit impressionnée par les statistiques données au paragraphe 202 concernant l'article 12 de la Convention. Relevant la très forte diminution des plaintes déposées contre des officiers de police pour des infractions pénales commises pendant le service, elle demande si les raisons tiennent aux visites du Comité européen pour la prévention de la torture, à l'intérêt porté par le Comité contre la torture, à des efforts particuliers du Gouvernement portugais, ou au manque d'informations à ce sujet. De même, elle souhaiterait connaître le nombre de personnes qui ont bénéficié d'une amnistie, ou dont la peine a été réduite après leur condamnation.

30.Concernant les autres territoires, Mme Gaer a appris avec satisfaction qu'après la restitution de Macao à la Chine, les dispositions de la Convention continueraient d'être applicables. Toutefois, n'ayant rien lu dans le rapport sur la mise en œuvre de la Convention à Macao tant que le territoire était sous administration portugaise, elle voudrait avoir des détails à ce sujet. Il est indiqué, au paragraphe 5 du document de base (HRI/CORE/1/Add.20) que le Portugal est toujours la puissance administrante du Timor oriental mais n'a pas pu exercer l'administration depuis décembre 1975, en raison de l'occupation illégale du territoire par l'Indonésie. Mme Gaer aimerait avoir des détails sur l'incidence de la situation qui règne depuis août 1999 sur les obligations du Portugal en vertu de la Convention, en particulier compte tenu du fait que le Comité a eu connaissance d'allégations de torture et de viols commis par les forces d'occupation. Elle souhaiterait savoir si les autorités portugaises ont cherché à établir la réalité des faits et quelles sont leurs intentions à cet égard.

31.En ce qui concerne les mauvais traitements dans les prisons, Mme Gaer demande si les plaintes pour violence sexuelle sont traitées de la même manière que les autres plaintes et quelles mesures ont été prises pour prévenir les violences sexuelles. Les programmes de formation à l'intention de la police sont très encourageants; il serait intéressant de savoir si la question de la violence à l'égard des femmes fait l'objet d'un traitement particulier dans cette formation, y compris si elle est abordée dans les films vidéo dont la délégation a parlé. Étant donné que des enquêtes ont été ouvertes dans certains cas, Mme Gaer souhaiterait savoir si des sanctions ont été prises contre des membres des forces de police.

32.Un membre du Comité s'est déjà inquiété du problème des "chefs de bande" parmi les détenus. Mme Gaer demande si des mesures sont prises par les autorités pour conserver le contrôle dans les lieux de détention et pour assurer la sécurité de la population carcérale.

33.Les paragraphes 34 h) et 91 du rapport (CAT/C/44/Add.7) traitent du prélèvement d'organes et de tissus sur des personnes décédées ou vivantes. Étant donné que selon l'article 10 de la loi No 12/93 "sont considérés comme donneurs potentiels post mortem tous les nationaux, les apatrides et les étrangers résidant au Portugal qui n'ont pas manifesté auprès du Ministère de la santé leur volonté de ne pas faire don de leurs organes", Mme Gaer aimerait recevoir de plus amples renseignements sur les garanties mises en place sur l'étendue de cette pratique, et sur les moyens déployés pour véritablement informer les citoyens de façon à assurer que le consentement soit éclairé.

34.M. RASMUSSEN félicite le Gouvernement portugais pour la qualité de son rapport. Les paragraphes 81 à 87 du rapport (CAT/C/44/Add.7) traitent du rôle des médecins mais la question de leur rôle dans le contexte de la prévention de la torture n'y est pas abordée, alors qu'elle est essentielle. S'il y a lieu de se féliciter de ce qu'une personne en garde à vue peut faire appel à un médecin de son choix, il est aussi très important que cette personne soit examinée par un médecin dès son arrivée à l'établissement pénitentiaire. M. Rasmussen souhaite savoir s'il existe des instructions spécifiques pour les médecins pénitentiaires et des formulaires spécifiques à remplir s'ils constatent des contusions ou autres lésions et aussi si les médecins ne font que décrire les lésions constatées ou s'ils font également état des allégations de mauvais traitements ou de torture et indiquent leurs propres conclusions. Enfin, quelle est la suite donnée aux rapports des médecins pénitentiaires ?

35.Le PRÉSIDENT invite la délégation à répondre aux questions qui lui ont été posées au début de la séance suivante.

36.La délégation portugaise se retire.

La séance est suspendue à 11 h 25; elle est reprise à 11 h 45.

QUESTIONS D'ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (point 5 de l'ordre du jour) (suite)

37.Le PRÉSIDENT signale qu'Amnesty International a sollicité l'autorisation d'enregistrer en vidéo les séances publiques consacrées à l'examen des rapports de la Chine et des États-Unis d'Amérique. Lors d'une de ses toutes premières sessions, le Comité avait débattu de la question de l'enregistrement éventuel de ses séances et avait considéré qu'à priori rien n'empêchait le Comité d'autoriser l'enregistrement des séances publiques, à condition que les travaux n'en soient pas perturbés. Les représentants d'Amnesty International se sont engagés à être discrets. Le Comité pourrait donc s'en tenir à la règle qu'il avait arrêtée, sauf si des membres y voient une objection.

38.M. MAVROMMATIS approuve le principe mais craint que le Comité ne risque d'être accusé d'autoriser l'enregistrement pour tel ou tel pays. Il serait donc souhaitable qu'en début de séance, le Président expose la position de principe du Comité, en soulignant que l'examen du rapport de tout pays peut être enregistré.

39.Le PRÉSIDENT estime que la suggestion est judicieuse.

Désignation des rapporteurs et corapporteurs pour les rapports des États qui seront examinés à la vingt-cinquième session en novembre 2000

40.Le PRÉSIDENT propose de répartir les tâches comme suit : Mme Gaer et M. Burns pour le troisième rapport périodique du Bélarus; M. Mavrommatis et M. Rasmussen pour le deuxième rapport périodique de l'Australie; Mme Gaer et M. El Masry pour le troisième rapport périodique du Canada; M. Yakovlev et M. Mavrommatis pour le deuxième rapport de la Géorgie; M. Camara et M. Henriques Gaspar pour le deuxième rapport périodique du Cameroun et M. González Poblete et M. Rasmussen pour le troisième rapport périodique du Guatemala.

41.Au sujet de la note d'information du Comité des droits de l'enfant sur la question de la violence d'État contre les enfants (document sans cote), le Président propose de répondre en indiquant que le Comité contre la torture s'engage officiellement à appuyer l'idée de tenir cette journée de débat, exprime sa préoccupation au sujet de la violence d'État à l'encontre des enfants et s'y oppose de manière systématique, et appuie en principe toute action qui serait prise par le Comité des droits de l'enfant sur la question.

42.Après un bref échange de vues auquel prennent part M. EL MASRY, M. BRUNI, M. MAVROMMATIS, M. GONZALEZ POBLETE et Mme GAER au sujet de la distribution des documents, le PRÉSIDENT rappelle que l'ensemble de la documentation pour la session est envoyée aux membres du Comité avant la session. Pour des questions de coût et de temps, les comptes rendus spécifiques ne sont distribués à l'avance qu'aux rapporteurs et aux corapporteurs concernés. Un second jeu complet de comptes rendus pourrait être disponible en salle pour consultation.

La séance est levée à 12 h 15.

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