NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.71022 mai 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑sixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 710e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le mercredi 10 mai 2006, à 15 heures

Présidence: M. MAVROMMATIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial du Qatar (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Qatar (CAT/C/58/Add.1)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation qatarienne prend place à la table du Comité.

2.M. AL‑BOAINAIN (Qatar) salue les membres du Comité, les remercie pour les nombreuses questions qu’ils ont posées et réaffirme l’importance qu’il attache au dialogue avec le Comité. Il souligne que le Qatar a la volonté politique de respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention et qu’il appliquera les recommandations du Comité en vue d’en améliorer la mise en œuvre.

3.M. AL‑THANI (Qatar) se félicite de l’occasion qui est donnée à son pays de mener avec le Comité un dialogue de haut niveau sur la mise en œuvre de la Convention. Répondant à une question concernant l’attachement du Qatar aux dispositions de la Convention, il affirme que les réserves exprimées lors de l’adhésion ne compromettent en rien la volonté de son pays de mettre en œuvre la Convention et d’appliquer les recommandations du Comité. L’évolution de son pays sur le plan institutionnel et législatif évoquée précédemment par le chef de la délégation est significative à cet égard.

4.Pour ce qui est de la question de savoir si la Commission nationale des droits de l’homme jouit d’une indépendance suffisante et quels sont ses projets, M. Al‑Thani rappelle les axes de l’action de la Commission, énoncés par la loi no 38 de 2002. Depuis sa création, la Commission mène de nombreuses activités de renforcement et de promotion qui ont un effet positif sur le respect des droits de l’homme au Qatar. Ainsi qu’il ressort de ses rapports annuels de 2004 et de 2005, la Commission a examiné minutieusement l’évolution de la situation dans le pays aux niveaux constitutionnel et législatif ce qui lui a permis de formuler des recommandations pour améliorer la situation des droits de l’homme. Le cadre juridique qui régit les activités de la Commission devrait être modifié de manière à renforcer son indépendance conformément aux Principes de Paris. Le Comité sera tenu informé de l’évolution de la situation.

5.Pour ce qui est de l’article premier de la Convention, M. Al‑Thani, tout en reconnaissant que la législation qatarienne ne contient pas de définition unique de la torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants, souligne que la Constitution et la loi pénale renferment de nombreuses dispositions qui, envisagées ensemble, correspondent à cette définition. Cela dit, la délégation qatarienne prend acte de la recommandation du Comité tendant à regrouper en un texte unique les éléments de la définition. Ainsi la Constitution garantit, en son article 36, à chacun le droit de ne pas être soumis à un traitement dégradant ou à la torture. L’article 40 du Code de procédure pénale, qui énonce notamment les obligations des forces de l’ordre lors d’une arrestation, et l’article 232 du même code, selon lequel une déclaration obtenue sous la torture n’a aucune valeur juridique, renforcent cette protection. De même, le Code pénal interdit toute forme de torture. Son article 159 énonce les peines prévues en cas d’abus de pouvoir ou de recours à des menaces ou à la torture de la part d’un agent de la fonction publique sur la personne d’un détenu. Quant aux articles 160 à 163, ils fixent les peines dont sont passibles les agents de la fonction publique qui se rendent coupables d’actes de cruauté dans l’exercice de leurs fonctions, de perquisition ou d’emprisonnement illégaux. Toutes les sanctions sont proportionnelles à la gravité des infractions.

6.D’autre part, l’article 68 de la Constitution dispose que les traités internationaux auxquels le Qatar est partie ont force de loi dès leur publication au Journal officiel. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifiée par le décret no 27 de 2001, est en vigueur au Qatar depuis sa publication au Journal officiel no 11 de 2001.

7.Répondant à une question concernant l’indépendance de la justice, M. Al‑Thani indique que le Conseil supérieur de la magistrature choisit et nomme les juges conformément aux critères reconnus internationalement. L’Émir confirme les nominations par décret. En outre, le principe de l’indépendance de l’autorité judiciaire est consacré par la Constitution. S’agissant du statut des étrangers, il ne peut être mis fin à leur séjour et à leur contrat de travail que si les droits qui leur sont reconnus en vertu des dispositions pertinentes de la loi ont été respectés.

8.M. AL‑MUHANADI (Qatar), évoquant les garanties de procédure dont bénéficient les personnes en état d’arrestation, précise qu’en vertu des articles 40 et 113 du Code de procédure pénale, toute personne arrêtée a le droit de contacter un avocat et de prévenir ses proches. En outre, l’article 65 dispose que l’accusé, son avocat, la victime et les parties civiles ont le droit de participer à tout le processus d’enquête et que le Procureur général est tenu de les informer de tous les détails de la procédure, sauf si les impératifs de l’enquête l’exigent. De même, l’article 101 stipule que le Procureur général applique strictement la règle selon laquelle l’avocat doit assister à tout interrogatoire et à toute confrontation.

9.Les articles 40 à 46, 104 à 109, 110 à 118 et 119 à 125 du Code de procédure pénale couvrent de manière détaillée la détention provisoire, le mandat d’arrêt, l’arrestation, la comparution et la mise en liberté provisoire. Dans les cas de flagrant délit passible d’une peine d’emprisonnement de plus de six mois (par exemple vol, escroquerie ou résistance à l’autorité), le juge peut ordonner la mise en détention s’il dispose d’indices suffisants. Dans le cas d’infractions pénales telles que l’injure publique, les voies de fait, la violation de domicile, l’émission d’un chèque sans provision ou l’atteinte à la vie d’autrui, l’auteur ne peut être arrêté que si une plainte en bonne et due forme est déposée. Si le Procureur général dispose d’assez d’éléments pour inculper l’accusé d’une infraction passible d’une peine d’emprisonnement de plus de six mois, il peut le placer en détention pour une période de quatre jours, renouvelable une fois. S’il s’agit d’une infraction touchant à l’économie nationale, cette période peut être portée à huit jours. Lorsque l’enquête nécessite le maintien en détention, l’intéressé comparaît devant le juge de première instance, qui peut porter cette période à 30 jours. Le juge peut aussi ordonner la mise en liberté, avec ou sans caution. La détention provisoire ne peut dépasser six mois, sauf s’il s’agit d’un crime. L’accusé comparaît alors devant un tribunal pénal, qui peut ordonner son maintien en détention pour une période de 45 jours renouvelable une fois. Tout accusé doit être libéré lorsque la durée de sa détention a atteint la moitié de la peine maximale prévue pour le crime qui lui est imputé. Tout mandat d’arrêt cesse d’être valide six mois après la date de sa signature. Le Procureur général ne peut émettre un nouveau mandat d’arrêt contre une personne libérée que s’il dispose d’éléments nouveaux.

10.Le paragraphe 6 de l’article 4 de la loi no 10 de 2002 habilite le Procureur général à effectuer des visites régulières ou inopinées dans les lieux de détention et à y vérifier les mandats d’arrêt et les registres de détention. C’est aussi à lui qu’il appartient d’enquêter sur les plaintes qui lui sont adressées par les détenus. L’article 395 du Code de procédure pénale confirme ces droits de visite et d’inspection. L’article 396 dispose que tout détenu a le droit d’adresser une plainte au responsable du centre de détention où il est incarcéré, qui est tenu de l’enregistrer puis de la transmettre au Procureur général. Toute personne ayant connaissance d’un cas d’arrestation illégale ou de détention dans un lieu illicite est tenue d’en informer le Procureur général, qui doit se rendre sur‑le‑champ à l’endroit où se trouve le détenu pour procéder à une enquête et ordonner la remise en liberté s’il y a lieu, après avoir dressé un procès‑verbal.

11.M. Al‑Muhanadi indique qu’en vertu de la loi n° 3 de 1995 sur les prisons, les directeurs des services pénitentiaires ou toute personne désignée par eux ainsi que les membres du ministère public sont habilités à inspecter les établissements pénitentiaires. Les directeurs des établissements pénitentiaires sont pour leur part chargés de veiller à ce que des inspections régulières et fréquentes soient effectuées pour vérifier que les lois et règlements applicables sont respectés, notamment en ce qui concerne les conditions de sécurité, d’hygiène et de santé. Les constatations établies lors de ces inspections doivent être consignées dans le registre prévu à cet effet. Les directeurs des établissements pénitentiaires doivent également recueillir les plaintes, écrites ou orales, des détenus, qui sont ensuite consignées dans le registre des plaintes.

12.Conformément à la résolution no 26 de 2005 portant création du Département des droits de l’homme au sein du Ministère de l’intérieur, cet organe est, lui aussi, habilité à effectuer des visites dans les établissements pénitentiaires et d’autres lieux de détention pour vérifier que les droits de l’homme sont respectés et doit faire régulièrement rapport au Ministre. Trois visites ont eu lieu à ce jour. Les services relevant du Département reçoivent et examinent les plaintes transmises par des particuliers ainsi que par la Commission nationale des droits de l’homme, à la suite desquelles des enquêtes peuvent être ouvertes et des recommandations adressées au Ministre. Le Département des droits de l’homme, dans la limite de ses compétences, est habilité à recevoir directement les plaintes des détenus. Depuis sa création, il a été saisi de 209 plaintes: 70 requêtes ont abouti à un non‑lieu, 18 ont été réglées et 120 sont en cours d’examen. La Commission nationale des droits de l’homme ainsi que d’autres institutions de protection des droits de l’homme telles que le Comité international de la Croix‑Rouge (CICR) ont également effectué des visites dans divers établissements pénitentiaires. Conformément au paragraphe 3 de l’article 2 du décret‑loi no 38 de 2002 portant création de la Commission nationale des droits de l’homme, cette dernière est habilitée à recevoir des plaintes de détenus, à ouvrir des enquêtes sur les violations des droits de l’homme et à recommander des solutions.

13.Pour ce qui est des effectifs de la population carcérale et des décès en détention, 457 hommes et 109 femmes sont actuellement incarcérés. Un seul cas de décès a été enregistré parmi les détenus, mais il s’agissait d’une mort naturelle. En ce qui concerne les sanctions appliquées pour actes de torture, plusieurs agents de la fonction publique ont été reconnus coupables de tels actes dans l’exercice de leurs fonctions et ont été, selon les cas, condamnés à des peines d’emprisonnement assorties d’une amende ou suspendus de leurs fonctions pour une durée pouvant aller jusqu’à trois ans.

14.M. AL‑THANI, répondant à la question relative au sort réservé aux personnes inculpées après la tentative de coup d’État, assure le Comité que ces dernières ont été jugées selon une procédure équitable et qu’il a été veillé à ce que le jugement soit rendu sur la base de témoignages obtenus librement, sans recours à une quelconque forme de coercition ou de tentative d’influence. Les procès ont eu lieu devant un tribunal ordinaire, non devant une juridiction d’exception ou un tribunal militaire. Les décisions rendues par ce dernier ne peuvent faire l’objet d’aucun recours. Seul l’Émir a le pouvoir d’annuler les condamnations par une amnistie. Des représentants d’ONG ainsi que du CICR ont assisté aux procès. Les personnes jugées qui ont été condamnées à des peines d’emprisonnement bénéficient des mêmes droits que tous les autres détenus.

15.M. AL‑MUHANADI (Qatar) indique qu’en ce qui concerne les problèmes de violences sexuelles en milieu carcéral, les procédures de réception des plaintes et d’ouverture des enquêtes sont régies par le Code de procédure pénale. Le ministère public n’a été saisi que d’une seule plainte en 2006. L’enquête est en cours. En ce qui concerne la criminalisation des liaisons sexuelles illicites, la peine prévue par le Code pénal est la peine capitale. Pour ce qui est des lois relatives à la protection de la société et à la lutte contre le terrorisme, elles ne s’appliquent que dans des circonstances très précises. Amnesty International n’a signalé aucun cas de mauvais traitements ou d’actes de torture commis en application de ces lois, lesquelles devraient être révisées à la lumière des obligations incombant au Qatar en vertu des instruments relatifs aux droits de l’homme, conformément aux recommandations formulées par la Commission nationale des droits de l’homme dans ses rapports annuels de 2004 et 2005.

16.Le devoir d’obéissance est inscrit dans les droits pénal et militaire afin de garantir le respect de la hiérarchie. Toutefois, seuls les ordres légitimes, c’est‑à‑dire non contraires au droit coutumier, au droit positif et au droit divin, doivent être exécutés. Un subordonné n’est par conséquent pas tenu d’exécuter un ordre ne répondant pas à ce critère. Il est toutefois responsable de ses propres erreurs et sa responsabilité pénale peut être engagée, sauf s’il est établi qu’il pensait de bonne foi que ses actes ne constituaient pas des infractions. Dans ce cas, le Code pénal prévoit que c’est la responsabilité pénale du donneur d’ordre qui est engagée. Les textes qui régissent la fonction publique font obligation à tous les fonctionnaires de respecter la loi dans l’exercice de leurs fonctions, de faire honneur à leur profession et de veiller à sa bonne réputation en toutes circonstances. Toute violation de ce principe est passible de mesures disciplinaires telles que retenues sur salaires, suspension ou radiation.

17.En ce qui concerne la protection accordée par la législation du Qatar aux étrangers, la Constitution établit clairement que les non‑ressortissants sont admis à bénéficier de la même protection que les Qatariens et que tous sont égaux devant la loi, sans aucune discrimination. L’expulsion peut être ordonnée par un tribunal en application du Code pénal ou par le Ministère de l’intérieur après qu’il a été établi que la présence sur le territoire de la personne concernée constitue une menace pour la sécurité intérieure du pays, pour son économie, pour la santé publique ou pour la moralité publique.

18.Un projet de loi vise à abolir les peines de flagellation et de lapidation. L’article premier du Code pénal du Qatar stipule que la charia islamique s’applique aux crimes de vol, de brigandage, d’adultère, d’apostasie et la consommation d’alcool, lorsque les auteurs ou les victimes sont musulmans. En vertu de ce même article, la lapidation et l’amputation de membres ne concernent qu’un très petit nombre d’infractions, et ne sont pour ainsi dire jamais mises en pratique.

19.M. AL‑THANI (Qatar), répondant aux questions relatives à l’article 5 de la Convention contre la torture, indique que la torture est érigée en infraction pénale par la législation et la Constitution du Qatar. En vertu du Code pénal, l’État du Qatar a compétence pour connaître des infractions commises par des résidents ou des ressortissants qatariens sur le territoire du Qatar ou en dehors. L’État du Qatar a également compétence pour connaître des infractions commises à bord d’aéronefs et de navires appartenant à l’État ou exploités par ce dernier. Les tribunaux du Qatar peuvent être saisis de cas d’actes de torture commis en dehors du territoire du Qatar dans le contexte des procédures d’extradition.

20.Les traités bilatéraux d’extradition conclus par le Qatar ne comprennent pas de liste des infractions pouvant entraîner l’extradition pour éviter que certains criminels échappent à toute punition si l’infraction qu’ils ont commise ne figure pas sur la liste, ce qui arrive fréquemment. Le Qatar s’attache plutôt à définir la gravité d’une infraction ou la peine minimale qu’elle entraîne et base les conventions qu’il signe sur la peine minimale prescrite pour les infractions pouvant entraîner l’extradition, sous réserve que l’infraction en question soit punissable en vertu des lois des deux États parties. Les infractions politiques et militaires ne sont pas comprises dans les traités bilatéraux d’extradition conclus par le Qatar. En revanche, les actes de torture, qui sont punis dans tous les États, font partie des infractions pouvant entraîner l’extradition. En l’absence de traité entre le Qatar et un autre État, la Convention contre la torture sert de base à l’extradition, laquelle reste néanmoins soumise aux conditions du droit qatarien si le Qatar est l’État requérant.

21.M. Al-Thani dit qu’un titre du Code de procédure pénale est consacré à la question de l’entraide judiciaire internationale et que le chapitre IV traite des demandes d’aide judiciaire dans le cadre des poursuites engagées pour des infractions de droit commun, y compris la torture. L’article 428 dudit Code précise dans quelles circonstances une demande d’aide judiciaire peut être rejetée, à savoir lorsque les mesures demandées sont interdites par la loi ou incompatibles avec la pratique générale au Qatar, lorsque l’acte pour lequel la demande d’aide a été présentée ne constitue pas une infraction en droit qatarien − sauf si la personne concernée consent expressément à ce qu’il soit donné suite à la demande −, et lorsque l’infraction pour laquelle la demande d’aide est présentée n’est pas une infraction pouvant entraîner l’extradition.

22.Une loi adoptée en 2005 interdit de recruter des enfants en tant que jockeys pour les courses de chameaux, et ceux qui étaient employés en tant que tels, pour la plupart originaires d’autres pays, bénéficient de programmes de réinsertion mis au point dans le cadre d’accords bilatéraux avec les autorités des pays concernés.

23.Dans le cadre de la lutte contre la traite des êtres humains, un coordonnateur national a été désigné, qui relève du Conseil supérieur de la famille. Un foyer a en outre été créé pour accueillir les enfants victimes de ce fléau et leur offrir une protection, et une permanence téléphonique, mise en service à la demande du Ministère de l’intérieur, permet aux victimes de se faire connaître.

24.Une institution nationale de protection de la mère et de l’enfant a également été créée; elle a pour tâche de prendre en charge les victimes d’abus sexuels et de mauvais traitements, et plusieurs permanences téléphoniques, dont le numéro d’accès est diffusé largement dans les médias, ont été mises en place. De vastes campagnes de sensibilisation du public à ces services sont menées dans plusieurs langues.

25.M. AL-MUHANADI (Qatar) s’engage à faire parvenir au Comité les textes régissant la peine capitale au Qatar mais peut dores et déjà affirmer que la peine de mort n’est jamais appliquée sans l’aval de l’Émir.

26.De nombreux cours de formation à la promotion et à la protection des droits de l’homme, et en particulier aux dispositions des instruments de l’ONU relatifs aux droits de l’homme, dont la Convention contre la torture, sont offerts aux personnels judiciaires, aux fonctionnaires chargés de l’application des lois, aux procureurs, aux membres des forces de police et de sécurité, et d’une manière générale à tous les fonctionnaires du Ministère de l’intérieur. Des colloques et autres conférences sont en outre organisés par la Commission nationale des droits de l’homme en collaboration avec l’Institut arabe des droits de l’homme.

27.La violence familiale a été érigée en crime et les actes de cette nature sont donc passibles de poursuites pénales.

28.M. AL-THANI (Qatar) indique que conformément à l’article 68 de la Constitution, les traités internationaux ont force de loi dès lors qu’ils sont publiés au Journal officiel, ce qui a été le cas de la Convention contre la torture en 2001. Il n’y a donc aucun obstacle à la mise en œuvre de la Convention au Qatar.

29.M. AL-MUHANADI (Qatar) rappelle qu’aux termes de l’article 232 du Code de procédure pénale «Aucune valeur n’est accordée à une déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue sous la contrainte ou la menace.».

30.Mme GAER (Rapporteuse pour le Qatar) se demande si les non-ressortissants ont les mêmes droits que les ressortissants qatariens, et notamment s’ils peuvent engager une action en justice pour faire valoir leurs droits, et selon quelle procédure les juges non-Qatariens sont nommés. Elle se félicite, par ailleurs, que l’État partie envisage de regrouper dans un même texte de loi toutes les dispositions nationales donnant effet aux dispositions de la Convention, jusqu’à présent dispersées, ce qui permettra au Comité de s’assurer que tous les principes consacrés dans la Convention sont bien couverts par la législation nationale. Elle souhaiterait savoir ce qui explique le taux particulièrement élevé de femmes incarcérées dans l’État partie − qui comptent pour près d’un quart de la population carcérale, contre un dixième dans la plupart des pays −, et de quel type d’infraction celles-ci se sont rendues coupables.

31.Mme Gaer note avec satisfaction que l’article 37 de la Constitution consacre l’inviolabilité du droit à la vie privée en énonçant notamment que «Nul ne doit être l’objet d’immixtions dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’interventions susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation si ce n’est dans les cas prévus par la loi et conformément aux procédures établies», mais fait observer que dans bien des pays ce principe a pour effet de perpétuer les pratiques abusives au sein de la sphère privée. Aussi demande-t-elle comment cette disposition est interprétée, et plus précisément quels sont les cas dans lesquels on peut y déroger et s’il est possible de le faire dans le cadre des enquêtes portant sur les crimes liés à l’orientation sexuelle.

32.L’experte demande, d’autre part, comment les autorités compétentes réussissent à déterminer le pays ou le lieu d’origine des enfants recrutés en tant que jockeys dans les courses de chameaux et à retrouver leurs parents ou famille, et si des foyers ont été spécialement créés pour accueillir ces enfants.

33.Enfin, Mme Gaer souhaiterait savoir si la diminution du nombre de cas de flagellation, d’amputation et de lapidation est récente ou antérieure à l’adoption de la nouvelle Constitution en 2003.

34.M. WANG Xuexian (Corapporteur pour le Qatar) souhaiterait un complément d’information concernant les voies de recours ouvertes aux personnes retenues en détention provisoire pendant des périodes prolongées en vertu de la loi sur la protection de la société et la lutte contre le terrorisme. Le cas échéant, les tribunaux peuvent-ils ordonner la libération de ces personnes? Par ailleurs, constatant que l’éventail des motifs susceptibles de fonder une décision d’expulsion est très large, le Corapporteur prie la délégation qatarienne de commenter cette particularité.

35.Mme BELMIR, notant que la durée de la garde à vue des personnes soupçonnées de malversations financières est de huit jours renouvelables une fois, souhaiterait savoir si l’émission d’un chèque sans provision entre dans cette catégorie d’infractions. S’agissant des mineurs, elle demande si la durée de la garde à vue peut atteindre 45 jours comme dans le cas des adultes et, rappelant que, dans ses observations finales formulées en 2001 sur le rapport initial du Qatar (CRC/C/15/Add.163), le Comité des droits de l’enfant s’était dit gravement préoccupé par le fait qu’en vertu de la loi de 1994 concernant les mineurs, la peine de mort ou une peine d’emprisonnement à vie pouvait être imposée pour des délits commis par des personnes qui avaient moins de 18 ans au moment des faits et avait souligné que ces dispositions étaient contraires à la Convention relative aux droits de l’enfant (par. 37), Mme Belmir voudrait savoir si les dispositions pertinentes de ladite loi ont été abrogées depuis lors. Enfin, elle souhaiterait connaître l’opinion de la délégation qatarienne sur la conception selon laquelle certaines formes de travail des enfants visées par la Recommandation n° 190 de l’Organisation internationale du Travail sur les pires formes de travail des enfants sont assimilables à de la torture.

36.M. MARIÑO MENÉNDEZ, notant que la délégation qatarienne a indiqué que la réserve formulée par le Qatar au moment de son adhésion à la Convention n’affectait en rien ses obligations découlant de cet instrument et rappelant que le but d’une réserve est justement de modifier la portée des obligations prévues dans la Convention, demande si cette réserve en est réellement une ou s’il s’agit simplement d’une déclaration.

37.Mme SVEAASS souhaiterait de plus amples informations sur le droit des femmes de former des organisations et voudrait savoir combien de juges au Qatar sont des femmes. Se félicitant de l’établissement d’une ligne téléphonique d’urgence, elle demande si les femmes étrangères qui travaillent comme domestiques y ont accès, compte tenu des problèmes linguistiques qui peuvent se présenter, et si les femmes et les enfants qui se sentent menacés peuvent obtenir une protection grâce à cette ligne. Par ailleurs, elle souhaiterait savoir si les programmes de formation des personnels de la police et des prisons prévoient de sensibiliser ces derniers aux problèmes de la femme, étant donné le nombre élevé de femmes dans les centres de détention au Qatar.

38.Relevant que les auteurs d’actes de violence familiale ne sont poursuivis que si les éléments constitutifs de ces actes sont réprimés par le Code pénal, Mme Sveaass souhaiterait des précisions sur les critères permettant de définir les actes de violence familiale comme tels. Enfin, notant que, d’après la délégation qatarienne, la charia ne s’applique qu’aux musulmans, elle voudrait savoir si les personnes issues d’une famille musulmane mais qui se définissent et se comportent autrement seraient néanmoins considérés comme des musulmans s’ils commettaient une infraction et punis conformément à la charia.

39.Le PRÉSIDENT prie la délégation qatarienne d’expliquer ce qu’est la loi du talion (rapport, par. 9, al. b).

40.M. AL-THANI (Qatar) rappelle à propos de la flagellation et l’amputation que, conformément à l’article premier du Code pénal, cette peine n’est applicable que si le coupable et la victime sont musulmans et uniquement dans le cas des infractions dites hadd, à savoir les infractions de nature religieuse. Cependant, même si elles sont prévues dans la loi, ces peines ne sont que très rarement appliquées dans la pratique. En outre, dans le projet de modification de la loi sur les prisons, il est prévu d’abroger la disposition autorisant ce type de sanctions.

41.Concernant la protection des étrangers offerte par la loi et l’expulsion, le Ministre de l’intérieur a un pouvoir discrétionnaire pour déterminer les circonstances dans lesquelles une expulsion peut être nécessaire – mais ce sont les tribunaux qui prononcent la décision, qui peut frapper également les membres de la famille de la personne considérée comme un danger pour la nation.

42.M. AL-MUHANADI (Qatar) indique que les juges sont sélectionnés et nommés par le Conseil supérieur de la magistrature, qui se fonde sur les normes du droit international pour définir leur mandat et leurs obligations. Ils ne peuvent être destitués et ne cessent leurs activités que s’ils décident de démissionner. Leur indépendance est garantie par la Constitution, qui interdit toute ingérence dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire.

43.Concernant l’affaire Hamda Fahad Jassem Al Thani, M. Al-Muhanadi indique que des travailleuses sociales de la Commission nationale des droits de l’homme ont rendu visite à cette femme à son domicile et ont pu constater qu’elle était en bonne santé physique et mentale et qu’elle menait une vie normale au sein de sa famille. L’intéressée ne s’est pas plainte à ces travailleuses sociales ni devant une instance judiciaire. Toutefois, M. Al-Muhanadi assure le Comité que toute nouvelle information concernant cette personne lui sera communiquée et que des réponses aux questions auxquelles la délégation n’a pas pu répondre oralement au cours de l’examen du rapport lui seront fournies ultérieurement.

44.M. AL-BOAINAIN (Qatar), se félicitant du dialogue constructif engagé avec le Comité, dit que les observations de ce dernier concernant les réserves formulées par le Qatar au moment de son adhésion à la Convention seront dûment transmises aux autorités compétentes. La possibilité de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 et d’adhérer au Protocole facultatif à la Convention sera examinée. Pour ce qui est de la formation, il est prévu d’organiser des stages sur la Convention destinés à toutes les catégories professionnelles de l’appareil judiciaire et au personnel chargé de l’application des lois. Le Qatar espère pouvoir bénéficier d’une assistance technique pour mener à bien ces activités. Enfin, M. Al-Boainain assure le Comité que les statistiques qu’il a demandées seront envoyées en temps utile et que les rapports périodiques suivants seront désormais présentés avec ponctualité.

45.Le PRÉSIDENT invite la délégation qatarienne à adresser dès que possible au Comité ses réponses écrites aux questions auxquelles elle n’a pas répondu et, se félicitant du dialogue fructueux qui a eu lieu, déclare que le Comité a ainsi achevé l’examen du rapport initial du Qatar.

46. La délégation du Qatar se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 heures.

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