NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.79024 janvier 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 790e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le vendredi 9 novembre 2007, à 15 heures

Président: M. MAVROMMATIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Deuxième rapport périodique de la Lettonie (suite)

La première partie (publique) de la séance commence à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de la Lettonie (CAT/C/38/Add.4; CAT/C/LVA/Q/2; CAT/C/LVA/Q/2/Add.1 (en anglais seulement); HRI/CORE/1/Add.123) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation lettonne reprend place à la table du Comité.

2.Mme MEDINA (Lettonie) dit que les dispositions des instruments internationaux peuvent être invoquées devant les tribunaux à condition d’être directement applicables, ce qui est le cas de l’article premierde la Convention contre la torture. Toutefois, des poursuites pour actes de torture ne peuvent être engagées que sur la base des dispositions pertinentes du Code pénal, dont l’article 317, qui réprime tout abus de pouvoir de la part des personnes dépositaires de l’autorité publique, et l’article 48, aux termes duquel la cruauté et l’humiliation constituent des circonstances aggravantes. Ces dispositions du Code pénal lues conjointement avec les articles de la loi sur la police et du Code de l’exécution des peines qui interdisent la torture et tout recours illégitime à la force à l’égard des suspects ou des détenus établissent un cadre juridique qui garantit l’application de l’article premier de la Convention. Par ailleurs, l’interprétation restrictive du terme «torture» donnée par la Cour suprême à laquelle un membre du Comité a fait référence n’a pas force de loi et n’est donc pas contraignante; il s’agit seulement d’un avis auquel les tribunaux peuvent se référer.

3.En vertu de la Constitution, l’accès à la justice est garanti à tous, sans distinction fondée sur l’origine ethnique ou la nationalité. Ce principe de droit fondamental s’applique aux apatrides et à leurs enfants, qui sont protégés par la Constitution au même titre que les citoyens lettons dans leurs rapports avec la justice.

4.En vertu de la loi lettone, nul ne peut être extradé vers un pays où il risque d’être victime d’actes de torture. À ce jour, les autorités lettones n’ont été saisies d’aucune demande d’extradition visant une personne qui courait un tel risque dans le pays demandeur. Elles ont reçu et examiné 26 mandats d’arrêt européens en 2005 et 22 en 2006.

5.Plusieurs questions ont été posées au sujet des violences infligées par des policiers ou des membres du personnel pénitentiaire aux personnes en détention. La loi sur la procédure d’examen des plaintes établit le droit des personnes en détention de transmettre des plaintes à l’autorité compétente, laquelle est en retour tenue de les examiner et d’y donner les suites prévues par la loi. En fonction de la gravité des infractions alléguées, l’autorité compétente peut adresser au fonctionnaire mis en cause un avertissement lui rappelant ses droits et obligations ou ouvrir une enquête interne pouvant déboucher sur une procédure disciplinaire ou pénale. Dans le cas de l’administration pénitentiaire, le système actuel d’enregistrement et de traitement des plaintes ne permet pas d’établir des statistiques ventilées en fonction de la nature des infractions visées. On peut néanmoins constater qu’en 2005 et en 2006, aucun membre du personnel pénitentiaire n’a fait l’objet de sanctions disciplinaires ni d’une quelconque autre condamnation sous le chef d’accusation de violence sur détenu. Le Ministère de la justice prépare actuellement un projet destiné à améliorer les techniques d’enregistrement et de traitement des plaintes qu’utilisent les autorités compétentes et à instaurer entre celles-ci une coopération interinstitutionnelle efficace.

6.Un membre du Comité a soulevé la question des violences sexuelles dans les prisons. Les statistiques officielles ne font état d’aucun cas de ce type. Une affaire d’agression sexuelle survenue dans un centre d’éducation surveillée (correctional school) a néanmoins été portée devant la justice; l’auteur a été condamné à huit ans d’emprisonnement.

7.Il n’est pas collecté de données personnelles sur les personnes incarcérées car l’administration pénitentiaire ne dispose actuellement pas des moyens nécessaires pour garantir la protection de la confidentialité de ces données. Sur proposition du Ministère de la justice, le Parlement a alloué des fonds pour la création d’une base de données sécurisée, de sorte qu’il devrait à l’avenir être possible de recueillir les informations nécessaires relatives aux personnes incarcérées tout en en assurant la protection.

8.Répondant à une question sur la formation du personnel pénitentiaire, Mme Medina indique que tous les membres du personnel de l’administration pénitentiaire bénéficient d’une formation juridique et technique continue. Afin d’en renforcer l’efficacité, le Ministère de la justice a commandité en 2007 une étude sur la politique actuelle de formation du personnel pénitentiaire et ses résultats, dont les conclusions tirées, serviront de base pour l’élaboration d’un projet de réforme qu’il prévoit de soumettre au Gouvernement en 2009. En février 2007, le Gouvernement a adopté un projet de lignes directrices sur l’exécution des peines de prison et la détention des mineurs pour 2007-2013 qui prévoit la mise en place d’une formation spécifique, assortie d’une évaluation pratique régulière, à l’intention des personnes travaillant avec des mineurs en détention.

9.Un membre du Comité a évoqué les mauvaises conditions de détention dans l’établissement correctionnel pour mineurs de Cēsis et la nécessité d’y remédier. Des travaux de rénovation des locaux ont été effectués en 2007 dans la limite des ressources disponibles. L’administration pénitentiaire a mis au point un projet de rénovation global qui a reçu l’aval du Ministère de la justice et du Ministère des finances et a été soumis au Gouvernement norvégien qui a accepté d’en assumer partiellement le financement. Le budget alloué à l’administration pénitentiaire a augmenté mais les coûts d’entretien des prisons aussi. Tous les problèmes ne peuvent donc pas être résolus en même temps et des priorités doivent être établies. La priorité absolue de ces deux dernières années a été l’achèvement de la construction de l’hôpital pénitentiaire de Lettonie, qui a ouvert ses portes en juillet 2007. Le Ministère de la justice entend poursuivre, notamment par le biais de partenariats avec le secteur privé, la rénovation des prisons lettones et, à plus long terme, d’en construire de nouvelles.

10.Mme JUHNĒVIČA (Lettonie) indique que, conformément à la loi sur l’éducation, qui garantit à toute personne résidant en Lettonie le droit de recevoir une instruction sous la forme la mieux adaptée à ses besoins, des programmes éducatifs sont mis en œuvre à l’intention des personnes privées de liberté, notamment des mineurs. Ils consistent en un enseignement général de base mais une formation professionnelle est également dispensée dans certaines prisons en vue de faciliter la réinsertion des détenus après leur libération.

11.Une question a été posée sur l’assistance psychologique apportée aux mineurs placés dans des institutions correctionnelles. Ces mineurs bénéficient d’une prise en charge personnalisée en fonction de leurs besoins propres qui fait intervenir des travailleurs sociaux, des médecins et des éducateurs dans le but de créer un environnement aussi sécurisant que possible.

12.M. ŠVIKA (Lettonie) dit que le droit d’une personne détenue de consulter un médecin est garanti par l’article 9 de la loi sur la détention. Le règlement applicable aux lieux de garde à vue et de détention provisoire prévoit aussi expressément la fourniture d’une assistance médicale.

13.À ce jour, aucune plainte ni information faisant état d’actes de torture commis sur ordre d’un supérieur hiérarchique n’a été enregistrée. Des statistiques ont été demandées au sujet de la suite donnée aux plaintes faisant état de violences imputées à des policiers. Il y a eu 183 enquêtes et 12 policiers sanctionnés en 2003, 193 enquêtes et 13 sanctions en 2004, 187 enquêtes et 4 sanctions en 2005 et 102 enquêtes et 6 sanctions en 2006. Une brochure récapitulant la procédure à suivre pour le dépôt et le traitement des plaintes relatives à des infractions commises par des policiers a été élaborée par la police d’État en collaboration avec une organisation non gouvernementale lettone et diffusée auprès du grand public, notamment par le biais du site Web de la police d’État. Le faible nombre d’allégations faisant état d’actes de torture commis par des policiers est le signe qu’il ne s’agit pas d’une pratique systématique mais de cas isolés, qui n’en font pas moins l’objet de mesures rigoureuses. Ainsi, en pareils cas, une enquête pénale est ouverte et l’agent suspecté d’avoir commis des actes de torture est suspendu de ses fonctions.

14.La question a été posée de savoir s’il existait un délai de prescription pour les actes de torture commis par des agents de l’État. La législation lettonne prévoit un délai de prescription de dix ans en cas de faute et de recours à la violence. Ce délai a été appliqué dans plusieurs affaires.

15.À propos de l’expulsion de personnes étrangères victimes de la traite risquant de retomber aux mains de trafiquants dans leur pays d’origine, M. Švika dit qu’en 2007 aucun cas de ressortissant étranger victime de la traite n’a été recensé sur le territoire letton. La Lettonie dispose d’un dispositif juridique étendu pour lutter contre ce phénomène. Outre les articles pertinents de son Code pénal, elle met pleinement en œuvre les dispositions du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Le Gouvernement a également mis en place des programmes spécifiques pour la prévention de la traite. La police nationale comprend depuis 2003 une unité spécialisée dans la lutte contre la traite. La Lettonie a de plus entrepris de mettre sa législation en conformité avec les dispositions de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, qu’elle espère être en mesure de ratifier en 2008. En 2005 et 2006, huit affaires de traite ont été jugées au pénal, contre trois en 2007. Dans trois cas en 2006 et un cas en 2007, les victimes étaient des mineurs.

16.Les policiers chargés des enquêtes du Bureau de la sécurité intérieure de la police d’État reçoivent tous une formation concernant le Protocole d’Istanbul, et les dispositions du Code de procédure pénale sont conformes à ce protocole. Depuis l’adoption du Code de conduite de la police, chaque policier doit en connaître la teneur et ce code est affiché dans tous les commissariats, ainsi que sur le site Internet de la police d’État. En outre, le programme de formation de l’école de police inclut les dispositions dudit code. En 2003, 149 enquêtes ont été ouvertes au sujet de violations du Code, à l’issue desquelles 94 policiers ont fait l’objet de sanctions disciplinaires; il y a eu 175 enquêtes et 117 sanctions en 2004, 280 enquêtes et 143 sanctions en 2005 et 143 enquêtes et 156 sanctions en 2006.

17.Le droit des policiers de recourir à la force est régi par la loi sur la police nationale, qui dispose que tout policier ayant fait usage de la force de manière injustifiée ou disproportionnée est passible de poursuites pénales ou de sanctions disciplinaires. S’il a agi sur ordre ou avec l’assentiment tacite d’un supérieur, celui‑ci est également poursuivi et la responsabilité de l’État est engagée, la victime pouvant demander réparation. Enfin, si un policier fait l’objet d’allégations de torture, il est suspendu de ses fonctions durant l’enquête et révoqué si sa culpabilité est établie.

18.M. ZAKIS (Lettonie) précise, en réponse à une question posée au sujet de l’aide judiciaire aux demandeurs d’asile placés en rétention, qu’en vertu de la loi sur l’immigration tout étranger détenu a le droit de prendre contact avec le consulat de son pays et de bénéficier de l’aide judiciaire. Il doit être informé de ses droits au moment où il est placé en rétention et peut s’entretenir en privé avec son conseil. À ce jour, aucun étranger détenu en Lettonie n’a demandé l’aide judiciaire. En 2006, les crédits alloués à l’aide judiciaire se sont montés à plus de 282 000 lati; pour chacune des années 2007 et 2008, le montant alloué est de un million de lati. Depuis 1998, 11 étrangers ont obtenu le statut de réfugié et 18 un autre type de statut.

19.Le droit des détenus étrangers de communiquer dans une langue qu’ils comprennent est assuré de manière effective: les gardes frontière et l’administration des centres d’hébergement pour demandeurs d’asile sont tenus de veiller à ce que les intéressés reçoivent les informations nécessaires dans une langue qu’ils comprennent, si nécessaire par l’intermédiaire d’un interprète. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé les dispositions en vigueur à cet égard compatibles avec les normes internationales.

20.L’amendement à la loi sur l’asile tendant à prolonger le délai de recours accordé aux demandeurs d’asile a été adopté par le Parlement en juin 2006 et est entré en vigueur le mois suivant. Depuis lors, les détenus étrangers déboutés peuvent faire appel dans les sept jours suivant le rejet de leur demande. Quant à la nouvelle loi sur l’asile en préparation, qui vise à s’aligner sur les normes les plus récentes de l’Union européenne, elle sera examinée par le Parlement en deuxième lecture en décembre 2007.

21.Entre 1998 et août 2007, on a démontré 43 demandeurs d’asile de moins de 18 ans, dont 3 étaient des mineurs non accompagnés; ceux‑ci se trouvent toujours en Lettonie, où ils sont pris en charge par une organisation non gouvernementale et fréquentent l’école primaire. Bien que les mineurs non accompagnés soient en très petit nombre, un amendement à la loi sur l’asile tendant à élargir et renforcer leurs droits vient d’être adopté par le Parlement. Une question a été posée au sujet de la situation des enfants et des parents hébergés au centre d’accueil «Mucenieki». Ce centre, ouvert en 1999 et conçu pour héberger 200 personnes, offre des conditions d’accueil tout à fait satisfaisantes − locaux suffisamment spacieux, cuisine, buanderie, salle de jeux pour enfants, etc. Diverses activités y sont organisées et des cours de langue lettone y sont dispensés trois fois par semaine. Les personnes hébergées peuvent recevoir des soins et être hospitalisées, le cas échéant. Ce centre, géré en collaboration avec plusieurs ONG nationales, a récemment été visité par le corps d’inspection des services nationaux de protection de l’enfance, ainsi que par le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Enfin, en ce qui concerne l’origine ethnique des personnes en instance d’expulsion et des demandeurs d’asile déboutés, des données ventilées sur le nombre d’étrangers expulsés entre 2000 et 2007 sont présentées dans les renseignements actualisés fournis par la Lettonie. En règle générale, les demandeurs déboutés sont renvoyés dans leur pays d’origine.

22.Mme GARSVĂNE (Lettonie), abordant la question des violences au foyer, indique qu’en vertu de la loi sur les services sociaux et la protection sociale entrée en vigueur en janvier 2003, des services de réinsertion sont assurés sur le plan local (aide sociale personnalisée, accueil de jour, etc.). L’article 19 de la loi susmentionnée stipule que ces services ont pour mission de prévenir ou d’atténuer les conséquences sociales de la privation de liberté, des violences au foyer, etc. Les autorités locales sont tenues d’offrir à leurs administrés une protection adaptée à leurs besoins spécifiques et leur permettant de se réinsérer dans la société. Il existe en Lettonie plusieurs centres d’hébergement et d’accueil qui sont gérés par les autorités locales et des ONG avec le soutien financier de l’État. Entre le début de 2003 et la fin de 2005, l’État a fourni des aides à la réinsertion pour 4 247 victimes de violences au foyer. Durant la même période, il a financé des services de réadaptation et notamment une aide judiciaire et un soutien psychologique à 1 182 personnes, et mis des logements à la disposition de 302 victimes de violences au foyer. Des ONG nationales mènent des actions de soutien et de prévention en faveur de ces victimes, également avec le soutien de l’État. En outre, le Gouvernement s’est récemment penché sur la question du soutien et des mesures de réparation en faveur des femmes victimes de violences au foyer et, comme suite à une demande du Conseil des ministres formulée en mai 2007, le Ministère de la jeunesse et des affaires familiales a établi un rapport sur le problème des violences au foyer; en coopération avec d’autres ministères et organismes intéressés, il est en train d’élaborer un document d’orientation sur la lutte contre ce fléau, qui sera soumis au Conseil des ministres au début de 2008. Enfin, en avril 2007, le Ministère de la protection sociale a annoncé la mise au point d’un programme de sensibilisation au problème de la violence au foyer pour la période 2007-2010.

23.M. MUCINS (Lettonie) indique que des séminaires et stages sont organisés sur des questions d’ordre médico‑légal à l’intention du personnel des hôpitaux psychiatriques et neurologiques; le Bureau de l’Ombudsman et diverses ONG nationales sont souvent associés à ces activités, qui couvrent largement les questions liées aux droits de l’homme. C’est ainsi qu’en 2006 la question du respect des droits de l’homme dans les hôpitaux psychiatriques ainsi que celle de l’évaluation des besoins des patients ont fait l’objet d’un séminaire; en 2007, c’est la question de la prise en charge des patients agressifs et celle du risque de suicide qui ont été abordées. Ces séminaires sont suivis d’une évaluation. Quant au Protocole d’Istanbul, il ne fait pas directement l’objet d’une formation, mais le personnel hospitalier est informé des principes consacrés par le Protocole se rapportant à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

24.S’agissant de la prise en charge volontaire ou non des malades, les amendements à la loi sur les traitements médicaux rédigés par le Ministère de la santé sont entrés en vigueur en mars 2007; ils ont permis la mise en place d’une procédure d’examen judiciaire des hospitalisations volontaires ou non dans les établissements psychiatriques. Désormais, c’est le juge qui prend la décision d’hospitaliser et de faire traiter le patient, celui‑ci ayant toujours le droit de se faire représenter par un conseil. Pour qu’une décision d’hospitalisation soit prise contre la volonté de l’intéressé, celui‑ci doit avoir été examiné par un collège de psychiatres dans les soixante‑douze heures; s’ils estiment la prise en charge nécessaire, l’hôpital doit en informer le juge compétent dans les vingt‑quatre heures, et celui‑ci demande alors à l’ordre des avocats de désigner un conseil si le patient n’a pas de représentant légal. Dans les soixante‑douze heures qui suivent, le juge examine tous les éléments du dossier, entend les parties et peut se prononcer en faveur de l’hospitalisation pour une durée maximum de six mois; une semaine avant l’expiration de ce délai, le collège de psychiatres réexamine le patient pour décider s’il y a lieu ou non de poursuivre le traitement. La poursuite de la prise en charge doit, là encore, être avalisée par le juge qui peut l’autoriser pour six mois, après quoi la procédure est renouvelée de six mois en six mois.

25.La Lettonie a signé la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine, et le processus de ratification est en cours au Parlement. Certaines questions qui y sont abordées doivent être examinées de manière approfondie en tenant compte de tous les éléments pertinents en matière de biomédecine notamment.

26.Mme REINE (Lettonie) dit, à propos de la définition de la torture, que le Code pénal letton ne contient aucun article qui y soit consacré, mais que le crime de torture est couvert par diverses dispositions applicables en fonction des circonstances de chaque cas. Quant aux inquiétudes exprimées par plusieurs membres du Comité à propos de l’article 34 du Code pénal (Exécution d’un ordre ou d’une instruction illicite), elles ne semblent pas fondées dans la mesure où cet article est uniquement applicable aux auteurs d’infractions mineures et ne peut en aucun cas conduire à exonérer l’auteur d’un acte de torture de sa responsabilité pénale.

27.Pour ce qui est des mesures prises par la Lettonie pour lutter contre les actes de violence au foyer, il convient tout d’abord de signaler que les auteurs de tels actes s’exposent aux sanctions prévues par les dispositions du Code pénal relatives aux préjudices corporels. Le Code pénal contient également une disposition qui incrimine de manière spécifique les actes de cruauté et la violence à l’égard des enfants. À ce jour, 95 affaires ont été portées devant les tribunaux sur la base de cet article. Pour ce qui est des infractions sexuelles visées par la législation pénale lettone, il y a lieu d’indiquer que le viol est incriminé en tant que tel par le Code pénal et que le viol de mineurs et l’attentat à la pudeur accompagné de violences font également l’objet de dispositions spécifiques.

28.En ce qui concerne l’abolition de la peine de mort, Mme Reine souligne que la procédure de ratification du Protocole no 13 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, relatif à l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances, a été relancée. Les difficultés soulevées par la ratification de cet instrument sont essentiellement d’ordre technique et une fois que les modifications nécessaires auront été apportées à législation pénale lettone, l’adhésion à ce Protocole ne devrait plus soulever de difficulté. Quant à la création d’un mécanisme pour recevoir et examiner les plaintes relatives aux actes de violence commis sur des détenus par des agents du service pénitentiaire, Mme Reine souligne que la question est en cours d’examen mais il faut tenir compte des moyens humains limités dont dispose le pays. De même, la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est également à l’étude.

29.S’agissant de l’indemnisation des membres de la communauté juive qui ont perdu leurs biens pendant l’holocauste, Mme Reine note que la question, qui a été débattue au plan national dans le cadre de l’examen des droits des minorités, n’intéresse pas directement le Comité. Une question a été posée à propos des mesures prises pour donner effet aux dispositions de la Convention‑Cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe, ratifiée en 2005 par la Lettonie. Il y a lieu de signaler à ce sujet que toute personne appartenant à une minorité nationale bénéficie désormais, tant dans le cadre de la procédure civile qu’au pénal, de services d’interprétation qui sont pris en charge par l’État.

30.Des précisions ont été demandées sur l’affaire Kononov. La délégation lettone ne souhaite pas faire de commentaires à ce stade car ils pourraient être interprétés comme une tentative pour influer sur le cours de la justice, la Cour européenne des droits de l’homme ne s’étant pas encore prononcée en l’espèce. Elle se contentera de souligner que l’affaire ne porte pas sur des actes de torture mais sur des crimes de guerre commis pendant la Seconde Guerre mondiale.

31.Sur un autre plan, les autorités lettones ont tiré tous les enseignements des incidents qui se sont produits lors de la Gay pride en 2006. Toutes les mesures de sécurité nécessaires sont à présent en place pour que le droit des minorités sexuelles de manifester pacifiquement soit désormais pleinement garanti.

32.Répondant aux diverses questions posées par les membres du Comité au sujet de la fonction de juge instructeur, Mme Reine dit que les magistrats nommés ont commencé à opérer en octobre 2005, lorsque le nouveau Code de procédure pénale est entré en vigueur. Les titulaires du poste sont des juges à part entière qui ont bénéficié d’une formation approfondie aux divers instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont ils sont chargés d’assurer le respect en tant que gardiens des droits de la défense. Il y a actuellement en Lettonie une quarantaine de juges instructeurs, qui sont habilités à ordonner le placement en détention provisoire ou la prolongation de celle‑ci et à se prononcer sur le bien‑fondé de toute restriction à l’exercice de certains droits du détenu, comme celui de recevoir la visite de ses proches ou le droit au secret de la correspondance.

33.Pour ce qui est de la création d’un poste de médiateur des droits de l’enfant, Mme Reine dit que cela n’est pas envisagé pour le moment par les autorités qui, pour des raisons d’efficacité et d’économie, songent plutôt à mettre en place une structure spécialisée dans les droits de l’enfant au Bureau de l’Ombudsman.

34.À propos de l’indemnisation des victimes d’actes de torture, Mme Reine signale que l’exemple fourni par la délégation en présentant le rapport n’est pas unique, mais le pays n’est pas actuellement équipé pour produire des statistiques de ce type. Depuis 2004, les tribunaux administratifs sont compétents pour indemniser les victimes de toute action ou omission imputée à un agent de l’État. Le juge administratif, qui est dûment formé au droit constitutionnel et aux droits de l’homme, est compétent pour se prononcer sur la légalité des conditions de détention et si nécessaire, indemniser les victimes. En réponse à une question posée au sujet des infractions commises par des militaires, Mme Reine informe le Comité qu’elles relèvent de la compétence des tribunaux ordinaires, l’armée ne disposant dans ce domaine que d’un pouvoir d’enquête. D’autre part, elle tient à préciser que la législation lettone ne contient aucune disposition établissant la compétence universelle des tribunaux lettons pour juger les auteurs d’actes de torture. Quant à l’interdiction absolue de la torture, il ne fait pas de doute que ce principe, qui est une norme impérative du jus  cogens,est pleinement respecté par la Lettonie. Enfin, pour ce qui est des informations émanant du Centre letton des droits de l’homme, selon lesquelles un Rom aurait été arrêté en 2002 par quatre policiers, qui l’auraient passé à tabac avant de l’amener au poste de police, où il est décédé des suites de ses blessures, Mme Reine précise que l’affaire est en instance devant la cour d’appel et qu’elle ne dispose pour le moment d’aucune autre information sur la question.

35.Mme SVEAASS (Rapporteuse pour la Lettonie) se félicite de la qualité du dialogue engagé avec la délégation lettone sur les moyens à mettre en œuvre pour aller de l’avant dans la lutte contre la torture. Notant qu’en droit interne, le crime de torture est couvert par divers articles du Code pénal, qui sont appliqués en fonction des circonstances, elle invite la Lettonie à définir la torture en tant qu’infraction à part entière et à prévoir des sanctions spécifiques à l’encontre des auteurs d’un tel acte. Elle se félicite de l’adoption d’un grand nombre de textes sur la violence au foyer et la violence contre les enfants. Le fait que la Lettonie considère qu’il n’est pas utile de créer un poste de médiateur des droits de l’enfant ne lui pose pas de problème particulier dans la mesure ou il n’y a pas d’obligation en la matière au regard du droit international et que d’autres institutions, comme l’Ombudsman, sont déjà chargées de protéger ces droits. Il convient aussi de se réjouir de la possibilité pour les délinquants mineurs placés en institution de bénéficier de plans personnalisés de rééducation.

36.Eu égard au nombre très faible de réfugiés et de demandeurs d’asile qui se voient accorder un permis de résidence, la Rapporteuse souhaiterait obtenir des renseignements complémentaires sur les mesures prises par l’État partie pour faire en sorte que les dispositions de l’article 3 de la Convention soient pleinement respectées dans le cadre des procédures de renvoi forcé. À cet égard, des renseignements sur l’application de l’accord de réadmission conclu par la Lettonie avec l’Ouzbékistan seraient les bienvenus. Il serait également intéressant de savoir si le Protocole d’Istanbul, qui contient des lignes directrices pour détecter et signaler les traces de torture médicalement constatées, est systématiquement appliqué dans le cadre des procédures d’examen des demandes d’asile et d’obtenir des précisions sur la possibilité pour les demandeurs d’asile de bénéficier effectivement de l’assistance d’un conseil. Des renseignements sur le délai imparti aux victimes d’actes de torture pour porter plainte et sur les infractions pénales qui sont prescriptibles seraient aussi les bienvenus. Enfin, s’il convient de se féliciter de l’adoption d’un manuel sur la conduite des interrogatoires, des renseignements complémentaires sur les mesures prises pour assurer le respect des règles qu’il contient seraient utiles. Des policiers ayant été, semble‑t‑il, mis en accusation sur la base de ce texte, il serait intéressant de connaître la nature des actes qui leur ont été reprochés et, le cas échéant, des sanctions qui ont été prises à leur encontre.

37.Mme GAER demande si les membres des forces de l’ordre qui ont fait l’objet des sanctions disciplinaires citées aux paragraphes 10 et 12 des observations de l’État partie sur les conclusions et recommandations du Comité (CAT/C/CR/31/RESP/1) ont ensuite continué d’exercer leurs fonctions ou s’ils en ont été démis.

38.Par ailleurs, ayant lu dans la presse que d’anciens SS lettons organiseraient des rassemblements néonazis dans l’État partie, elle voudrait savoir si certains de ces individus pourraient avoir un passé de tortionnaire et, dans l’affirmative, s’ils ont fait l’objet d’enquêtes et de poursuites.

39.Mme BELMIR, constatant que la délégation lettonne n’a répondu qu’incomplètement à certaines de ses questions, rappelle qu’elle s’était dite préoccupée par le fait que le pouvoir de décision en matière d’extradition appartenait exclusivement au procureur, qui n’est pas un magistrat du siège, et que les recours contre les décisions d’extradition ne pouvaient être formés que devant la Cour suprême. La délégation est donc priée d’indiquer si de telles décisions peuvent être contestées devant les tribunaux ordinaires.

40.S’agissant du refus de l’État partie de modifier le paragraphe 1 de l’article 34 de la loi pénale (par. 100 du rapport), Mme Belmir réitère que la formulation dudit paragraphe est très ambiguë et qu’en conséquence les responsables d’actes de torture pourraient s’en prévaloir pour bénéficier de l’impunité. Enfin, elle voudrait savoir qui est responsable lorsque la police a reçu l’autorisation de recourir à des moyens spéciaux de contrainte, tels que des appareils produisant des chocs électriques, et que l’utilisation de ces moyens entraîne la mort ou cause des lésions irréversibles à des personnes.

41.M. MARIÑO MENÉNDEZ, notant que les statistiques sur les étrangers expulsés du pays ne sont ventilées que par nationalité, suggère qu’une distinction entre les demandeurs d’asile déboutés et les immigrants en situation irrégulière devrait être établie et que le pays de renvoi devrait être indiqué pour chacune de ces catégories. En outre, il souhaiterait connaître l’origine nationale des personnes expulsées dans le cadre de l’accord de réadmission conclu avec l’Ouzbékistan et demande si le traité d’extradition conclu entre la Lettonie et les États‑Unis d’Amérique contient une clause relative au Tribunal pénal international. Enfin, il aimerait savoir si, dans le cadre de la nouvelle procédure d’examen des demandes d’asile, les demandeurs déboutés peuvent former un recours contre la décision d’expulsion et, le cas échéant, si cette démarche a un effet suspensif.

42.Concernant les divergences de vues entre le Comité et la délégation concernant l’incorporation dans le droit letton de la définition de la torture énoncée à l’article premier de la Convention, M. Mariño Menéndez rappelle que le Comité considère que l’incrimination des éléments constitutifs de la torture ne suffit pas et que les États parties doivent faire le nécessaire pour inclure dans leur législation pénale une définition de la torture conforme à celle de l’article premier de la Convention. En outre, rappelant qu’en vertu des dispositions de l’article 5 de la Convention, les États parties sont tenus de prendre des mesures pour établir la compétence universelle de leurs juridictions pour le crime de torture, il souhaiterait savoir si un non‑ressortissant soupçonné d’avoir commis des actes de torture à l’étranger peut être jugé en Lettonie.

43.Mme REINE (Lettonie) dit que la Lettonie reçoit extrêmement peu de demandes d’asile et que la plupart de ces demandes émanent de ressortissants de pays membres de la Communauté des États indépendants (CEI), lesquels n’ont rien à craindre dans leur pays d’origine, ce qui explique le nombre élevé de décisions négatives. Toute personne dont la demande a été rejetée peut former un recours et, tant que sa demande n’a pas été examinée, elle ne peut être expulsée. Au cours de la procédure, le demandeur bénéficie d’une assistance juridique et des services d’un interprète. Si une personne est en instance d’expulsion, le tribunal administratif peut ordonner des mesures provisoires, qui ont un effet suspensif. Lorsqu’une personne fait l’objet d’une demande d’expulsion et qu’elle invoque l’existence d’un risque de torture en cas de renvoi dans son pays, le tribunal est obligé de tenir compte de cet argument. De même, toute décision d’extradition peut être contestée devant les tribunaux et la personne qui en fait l’objet bénéficie de toutes les garanties inhérentes au droit à un procès équitable.

44.En ce qui concerne l’incorporation dans le droit interne de la définition de la torture énoncée à l’article premier de la Convention, Mme Reine dit qu’il n’est pas nécessaire de prendre des mesures à cette fin, les dispositions dudit article étant déjà directement appliquées par les tribunaux, notamment dans le cadre de l’examen des demandes d’indemnisation présentées par des victimes de la torture, de même que par les procureurs, lors de l’appréciation des éléments de preuve.

45.La Lettonie ne partage pas le point de vue du Comité concernant la question de la compétence universelle et, à l’instar d’autres pays, elle préfère déterminer au cas par cas si ses tribunaux sont compétents pour juger une affaire. À propos des rassemblements de prétendus ex‑SS, Mme Reine précise qu’il s’agit d’anciens membres de la Légion lettone de volontaires et rappelle que les hommes qui montaient la garde lors du procès des dirigeants nazis à Nuremberg étaient justement des membres de cette légion, ce qui est suffisamment parlant en soi. Enfin, elle souligne que l’article 34 de la loi pénale n’a pas pour but d’exonérer l’auteur d’actes de torture de sa responsabilité pénale mais de donner une explication à sa conduite, la question que se posent les juges étant de savoir si l’auteur présumé était en pleine possession de ses facultés au moment où il a commis les actes dont il est accusé.

46.M. ŠVIKA (Lettonie) dit que l’affaire Gulbis est très récente et qu’en conséquence il ne dispose que de peu d’information à son sujet. Étant donné le retentissement de cette affaire, un travail considérable d’investigation est en cours au sein des services de la sécurité intérieure et une quarantaine de témoins ont déjà été entendus. Pour ce qui est des plaintes portées contre la police pour mauvais traitements, le retard dans leur traitement s’explique par le fait que les victimes les ont dénoncées au commissariat un mois après les faits, ce qui rend l’enquête particulièrement difficile. Par ailleurs, les policiers qui font l’objet de sanctions disciplinaires pour abus de pouvoir ne sont ni mutés ni démis de leurs fonctions, mais leurs perspectives de carrière sont très limitées. Enfin, s’agissant des mesures spéciales de contrainte, M. Švika précise que la police lettonne ne dispose pas d’appareils produisant des chocs électriques.

47. La délégation lettone se retire.

Le débat résumé prend fin à 17 heures.

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