NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.79828 janvier 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 798e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genèvele jeudi 15 novembre 2007, à 15 heures

Président: M. MAVROMMATIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATIONDE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Quatrième rapport périodique du Portugal (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATIONDE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour)

Quatrième rapport périodique du Portugal (CAT/C/67/Add.6; CAT/C/PRT/Q/4 et Add.1; HRI/Core/1/Add.73) (suite)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation portugaise reprend place à la table du Comité.

2.M. DOS SANTOS PAIS (Portugal) indique que son pays a suivi avec attention les travaux relatifs à l’amélioration des méthodes de travail des organes conventionnels, notamment en ce qui concerne l’élaboration par les États parties des documents de base. Le Portugal tiendra compte, lors de la préparation de ses prochains rapports, de la réflexion menée concernant la forme et le contenu des rapports des États, qui en est encore à un stade précoce. En règle générale, le Ministre des affaires étrangères communique les rapports établis à l’intention des organes conventionnels aux ONG portugaises avant de les soumettre auxdits organes; cela n’a pu être le cas du présent rapport car il a été finalisé très tard. Quoi qu’il en soit, plusieurs ONG, dont Amnesty International, ont été consultées lors de sa préparation. Le rapport présenté (CAT/C/67/Add.6) ainsi que les réponses écrites du Gouvernement portugais reprennent tous les sujets de préoccupation exprimés et les recommandations formulées par le Comité lors de l’examen du précédent rapport, mais sans s’y référer expressément.

3.Les informations dont dispose le Gouvernement portugais concernant le survol et l’atterrissage d’aéronefs sur son territoire ont été transmises au Conseil de l’Europe, au Parlement portugais et au Parlement européen. Le Gouvernement a chargé une commission d’experts d’étudier cette question, dont l’examen pourrait aboutir à l’adoption d’un manuel de procédure en matière d’autorisation et de contrôle des vols dans l’espace européen et l’espace national. Des plaintes ayant été déposées au sujet d’éventuels transferts illégaux auprès du Procureur général de la République, celui‑ci a ouvert une enquête pénale afin d’établir les faits. Il mène cette enquête en collaboration avec la Direction centrale de la lutte contre le banditisme de la police judiciaire. Le Portugal estime fondamental que la lutte contre le terrorisme soit menée dans le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

4.M. MARRECAS FERREIRA (Portugal) déclare que les garanties relatives à l’extradition sont régies par l’article 6 de la loi 144/99, qui fixe notamment les critères suivants pour refuser la coopération judiciaire internationale: non‑respect des procédures prévues par la Convention européenne des droits de l’homme, craintes fondées de persécution de la personne à extrader en raison de sa race, de son sexe, de sa religion, de ses convictions, etc., jugement par un tribunal d’exception, application de la peine de mort ou d’une peine de prison de durée indéfinie ou perpétuelle. Toutefois, l’État requérant peut accepter de commuer la peine de mort ou d’exclure la perpétuité, et c’est à la lumière de la législation de l’État requérant et de sa pratique que la décision sera prise. Le service de la coopération judiciaire internationale de l’Office du Procureur général examine ces situations au cas par cas, ce qui implique souvent la visite d’un magistrat de l’État requérant en vue de préparer la décision d’extradition, qui est prise par la cour d’appel avec possibilité de recours auprès de la Cour suprême. C’est ainsi qu’une décision d’extradition vers l’Inde a été prise par la cour d’appel de Lisbonne en juillet 2004; celle‑ci avait d’abord refusé l’extradition au motif que la loi indienne autorisait une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à vingt‑cinq ans. L’extradition a été concédée lorsqu’il a été établi que l’Inde était partie à la Convention internationale contre les attentats terroristes commis au moyen d’une bombe, qui lui interdisait d’appliquer une peine d’emprisonnement à perpétuité. Enfin, aucune plainte n’a été enregistrée au sujet de l’application de la loi se rapportant à la coopération judiciaire internationale.

5.Il a été demandé si la concession du mandat d’arrêt européen est limitée par le principe de réciprocité. La Cour suprême portugaise ne considère pas que ledit mandat suppose la réciprocité, à la différence peut‑être de certains autres pays. Les attentats du 11 septembre ont eu pour effet d’accélérer la décision de mise en place du mandat d’arrêt européen consacrant la reconnaissance mutuelle et simplifiant les procédures. Les infractions énumérées au paragraphe 26 sont celles pour lesquelles le contrôle de la double incrimination, caractéristique de la procédure d’extradition, n’est plus exigé. Les mandats d’arrêt européens sont plus simples et beaucoup plus efficaces que l’extradition et sont en outre exclusivement du ressort des magistrats.

6.M. DOS SANTOS PAIS (Portugal) rappelle qu’une question a été posée sur les mesures d’exception qui pourraient être adoptées en matière de terrorisme. La loi 52/2003, évoquée aux paragraphes 74 et 103 à 105 du document CAT/C/PRT/Q/4/Add.1, n’implique aucune lacune ou restriction en ce qui concerne les garanties prévues dans la procédure pénale, car le Code de procédure pénale s’applique dans tous les cas. L’objet de cette loi est d’élargir le champ d’application de la notion de terrorisme pour y inclure notamment la protection des organisations internationales, d’aggraver les peines prévues pour les actes de terrorisme et d’inclure la responsabilité pénale des personnes morales. Ce sont toujours le ministère public et les tribunaux qui contrôlent l’application des mesures en question. Aucune plainte pour torture n’a été déposée en relation avec l’application de cette législation.

7.Outre la torture, le Code pénal portugais définit plusieurs infractions ayant trait à des actes qui relèvent des dispositions de l’article premier de la Convention: homicide involontaire (art. 131), atteintes à l’intégrité des personnes (art. 143 et suiv.), traitements cruels ou inhumains (art. 152). Dès lors, il est parfois difficile de cerner la question dans son ensemble, ce qui explique que le rapport ne comporte pas de statistiques à ce sujet.

8.Il a été avancé que le rapport présentait la torture comme un crime contre l’humanité. De fait, à l’époque où le rapport a été établi, la torture figurait dans la partie du Code pénal consacrée aux crimes contre l’humanité, mais il n’y a en réalité pas de lien entre ces deux notions, ni avec les crimes commis contre les populations civiles. Dans le nouveau Code pénal, la torture figure dans la section consacrée à l’identité culturelle et à l’intégrité de la personne; elle peut avoir un rapport avec les types de crimes susmentionnés, mais pas nécessairement.

9.Il a été demandé si c’est le ministère public qui est responsable des enquêtes sur les cas de torture: c’est le système de la légalité qui s’applique, et dès qu’une infraction est signalée aux autorités, elle doit obligatoirement donner lieu à enquête. C’est le ministère public qui contrôle l’action pénale et il doit toujours avoir accès à la plainte, laquelle lui est transmise même si l’enquête est ensuite confiée à la police.

10.Une réglementation sur le recours aux moyens coercitifs et notamment aux armes à feu a été publiée en 2004 à l’intention des forces de sécurité. Ces règles sont totalement conformes aux principes de la légalité, de la nécessité et de la proportionnalité. L’emploi d’armes à feu par la gendarmerie nationale lors de la poursuite de véhicules est prohibé depuis 2005, sauf dans les cas expressément prévus par la loi. La réglementation susmentionnée s’applique aux armes TaserX26. La police de sécurité a acquis 20 de ces armes, réservées aux unités spéciales énumérées au paragraphe 78 du document CAT/C/PRT/Q/4/Add.1, qui ne peuvent les utiliser qu’en cas de grave danger pour la vie humaine. La garde républicaine en a acquis 40 pour l’usage exclusif des unités d’intervention dans les cas où l’emploi d’armes à feu serait plus dangereux. Enfin, 26 TaserX26 ont été acquis par la Direction générale des services pénitentiaires, qui ne les distribuera pas avant d’avoir édicté des règles rigoureuses quant à leur emploi.

11.M.MARRECAS FERREIRA (Portugal) indique que la définition de la torture donnée à l’article 243 du Code pénal portugais est conforme à l’article premier de la Convention, et que sa portée est suffisamment large pour comprendre la discrimination. En outre, l’article 240 du Code, qui mentionnait uniquement la discrimination raciale, s’applique aussi désormais au genre et à l’orientation sexuelle. En ce qui concerne la distinction entre torture et traitements cruels ou inhumains, l’article 243 est conforme à la définition de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, où il est également précisé que ces actes doivent être commis par un agent de l’État et avoir pour finalité d’obtenir une déclaration ou une information, de punir ou d’intimider.

12.Les statistiques du Ministère de la justice relatives aux crimes dénoncés enregistrés par la police qui ont fait l’objet d’une enquête mais qui n’ont pas encore été jugés font ressortir les faits suivants: aucun acte de torture n’a été signalé entre 1998 et 2003 mais il y a eu des plaintes pour abus d’autorité: on a dénombré 95 cas en 1994, puis 24 en 1999 et 23 en 2004. Ces chiffres montrent que la situation s’est stabilisée.

13.Les violences au foyer et les sévices sexuels, s’ils ne sont pas commis par des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions, ne sauraient être qualifiés de torture au sens de la Convention et du Code pénal portugais. Cependant, la gravité de ces actes retient toute l’attention du Portugal. Les sévices sexuels sur mineurs et la traite des personnes sont visés par des articles distincts du Code pénal − l’article 132, qui punit l’homicide qualifié d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à vingt‑cinq ans en fonction de la vulnérabilité de la victime, l’article 152 qui punit de un à cinq ans d’emprisonnement les violences au foyer, les articles 163 et 164 relatifs à la coercition sexuelle et au viol, les articles 171 à 176 relatifs aux sévices sexuels sur mineurs, à la prostitution et notamment la prostitution des enfants et à la pédopornographie, toutes les peines prévues étant aggravées lorsque la victime est un membre de la famille (art. 177). Quant à la traite des personnes, définie avec précision à l’article 160 du Code, elle est punie de trois à dix ans de prison.

14.La législation relative au déroulement de l’enquête pénale sur les crimes terroristes établit que l’enquête est confiée à la police judiciaire, mais sous le contrôle du parquet. Les textes disposent en effet que les organes de police criminelle agissent sous la tutelle du ministère public. Enfin, les imprécisions terminologiques dont s’est inquiétée Mme Belmir sont inévitables, les Codes pénaux européens fourmillant de concepts difficiles à rendre dans les autres langues.

15.La question de savoir si la juridiction universelle s’exerce pour les actes de torture et si le principe aut dedere aut judicare leur est applicable est traitée aux paragraphes 48 et suivants du rapport, mais l’article 5 du Code pénal s’est trouvé en partie modifié dans le nouveau Code pénal: le principe de la juridiction universelle est maintenu, mais la liste des crimes énumérés au paragraphe 49 du rapport a été modifiée; l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 5 du Code vise les crimes commis contre des Portugais par des Portugais vivant habituellement au Portugal, l’auteur se trouvant au Portugal et le crime ayant été commis en dehors du territoire sous juridiction portugaise. La torture n’étant pas mentionnée dans ces dispositions, elle relève de la juridiction universelle, s’agissant de victimes portugaises. Les crimes suivants sont désormais inclus dans la juridiction universelle de l’État: esclavage, traite, rapt, sévices sexuels à enfants et personnes dépendantes, prostitution de mineurs, pédopornographie, atteintes à l’environnement. S’y ajoutent les crimes visés aux articles 144, 163 et 164 du Code pénal: défiguration, privation d’un organe ou d’un membre, de la capacité de travailler, des capacités intellectuelles et de procréation, etc. Des actes de torture commis à l’étranger par un fonctionnaire qui auraient ces conséquences relèvent de la juridiction universelle.

16.Le principe aut dedere aut judicare s’applique donc sous la forme d’une obligation dont on peut s’acquitter de l’une ou l’autre des deux manières suivantes: l’auteur de l’une des infractions susvisées qui se trouve en territoire portugais est soit extradé lorsqu’il peut l’être, c’est‑à‑dire lorsque les garanties relatives à l’extradition sont respectées, soit poursuivi lorsqu’il ne peut pas être extradé.

17.Dans le cas des militaires indonésiens, l’Office du Procureur général de la République a examiné le point de savoir si, du fait que le Portugal était la Puissance administrante du Timor, ce territoire pouvait être considéré comme territoire national portugais et si, en conséquence, le Portugal avait la juridiction nécessaire pour engager une action pénale contre des étrangers qui y avaient commis des crimes. Il a fondé son avis, d’après lequel les présupposés de l’exercice de la juridiction universelle n’étaient pas vérifiés, non pas sur l’idée que la juridiction universelle était facultative, mais sur la conclusion selon laquelle la notion de puissance administrante était trop floue pour conférer à l’État portugais la juridiction nécessaire pour arrêter des criminels étrangers sur ce territoire.

18.M. DE ALMEIDA (Portugal), répondant à une question posée au sujet de rafles qui seraient effectuées par la police à des fins d’identification, dit qu’aux termes de la loi sur la police, la conduite au poste de police pour contrôle d’identité est une mesure exceptionnelle qui doit être strictement individuelle. Lorsque la vérification de l’identité d’un groupe de personnes est nécessaire, celle‑ci se fait sur les lieux, et individuellement. La justification de l’identité peut se faire sur simple présentation d’une pièce d’identité ou par appel à témoin. La personne faisant l’objet du contrôle peut également se rendre, accompagnée par un agent de police, à son domicile ou tout autre lieu où se trouvent ses pièces d’identité.

19.En ce qui concerne le recrutement de personnes appartenant à des minorités dans les forces de police, il est difficile, voire impossible, d’appliquer des mesures dites de «discrimination positive» étant donné que l’article 50 1) de la Constitution garantit l’égalité et la liberté d’accès à la fonction publique à tous les citoyens. Il est néanmoins vrai que cet accès peut être entravé par certains obstacles d’ordre pratique. Par exemple, l’obligation faite aux aspirants policiers de justifier de douze ans de scolarité est une prescription à laquelle malheureusement très peu de personnes de la communauté rom peuvent satisfaire, d’où leur sous‑représentation dans les forces de police. Les femmes, en revanche, y sont de plus en plus nombreuses, et représentent à l’heure actuelle 10 % des effectifs de la police de sécurité publique et 4 % de ceux de la Garde nationale républicaine.

20.Des efforts sont faits pour développer des rapports de proximité entre la police et les minorités, notamment la communauté rom, ainsi que pour améliorer la capacité des agents à réagir convenablement face à des situations délicates telles que la prise en charge de femmes et d’enfants victimes de violences. Une unité spécialisée dans ce domaine a notamment été créée au sein de la Garde nationale républicaine. La police de sécurité publique collabore quant à elle avec une organisation non gouvernementale de protection des victimes de violences auprès de laquelle les femmes et les enfants victimes peuvent bénéficier de l’assistance dont ils ont besoin.

21.La notion de détention vise trois situations bien distinctes: le contrôle d’identité, la garde à vue et la détention avant jugement. La détention au titre du contrôle d’identité est expressément prévue par l’article 2 du règlement relatif aux conditions matérielles de détention dans les établissements de police. Le contrôle d’identité peut être pratiqué à l’égard des personnes suspectées d’avoir commis une infraction, d’être entrées sur le territoire portugais ou d’y séjourner illégalement ou de faire l’objet d’un ordre de détention. La rétention du suspect dans les locaux de la police n’intervient que lorsque celui‑ci n’est pas en mesure de justifier de son identité par l’un ou l’autre des moyens précédemment évoqués. Elle ne peut toutefois pas durer plus de six heures, délai à expiration duquel la police doit relâcher la personne, même si elle n’a pas pu établir son identité.

22.Les droits des détenus sont protégés par la Constitution, par la loi et par le règlement relatif aux conditions matérielles de détention dans les établissements de police. Le droit de consulter un avocat est notamment protégé par le paragraphe 2 de l’article 20 de la Constitution et plusieurs articles dudit règlement. Un arrêté de 2000 du Ministre de l’intérieur réglemente en outre les modalités d’application de ce droit.

23.Aux termes du règlement susmentionné, toute détention donne automatiquement lieu à l’établissement d’un procès‑verbal et doit être consignée dans le registre des détentions ainsi que dans le dossier individuel du détenu. Elle doit également être notifiée au parquet dans les deux heures suivant l’arrestation. Chaque lieu de détention conserve en outre un registre dans lequel les plaintes des détenus sont consignées.

24.Concernant la surveillance des activités d’organismes privés de sécurité par l’IGAI, il importe d’établir clairement que ces organismes n’exercent pas d’activités de sécurité publique mais opèrent uniquement dans le secteur privé. La surveillance exercée par l’IGAI (Inspeçäo ‑Geral da Administraçäo Interna) vise à assurer le respect de la légalité de ces activités, qui touchent aux droits des citoyens.

25.L’IGAI et le parquet sont soumis à une obligation de coopération mutuelle. L’IGAI doit communiquer au parquet tous les faits constitutifs d’une infraction pénale et participer, si le parquet lui en fait la demande, à la réunion des preuves, et le parquet est tenu d’informer l’IGAI de toute infraction disciplinaire commise par des policiers.

26.Le Code déontologique de la Garde nationale républicaine et de la police de sécurité publique est une source de droit. L’IGAI et les autorités administratives veillent à sa bonne application. Toute violation des dispositions du Code constitue une infraction et entraîne une procédure disciplinaire.

27.Les inspections menées en 2005 avaient révélé l’existence de certaines déficiences dans la procédure d’enregistrement des détentions, lesquelles n’étaient pas toujours consignées dans le registre prévu à cet effet ou notifiées au parquet. Les visites qui ont eu lieu en 2006 ont permis de constater qu’il avait été remédié à ces problèmes et qu’il n’en était pas survenu d’autres.

28.Plusieurs affaires de mauvais traitements infligés par des policiers ont été évoquées. Dans l’affaire Antonio Pereira, le policier a été suspendu de ses fonctions pour une période de deux cent‑vingt‑cinq jours. Dans l’affaire Nuno Lucas, le policier a été mis à la retraite le 30 décembre 2003. Il a formé un recours qui est actuellement pendant devant le tribunal administratif.

29.L’utilisation d’armes à feu par des policiers fait obligatoirement l’objet d’un rapport. En cas de décès ou de lésions corporelles résultant de l’usage d’une arme à feu par un policier, une enquête est automatiquement ouverte. Concernant le problème spécifique de l’utilisation d’armes à feu lors de poursuites de véhicules, l’IGAI a remis au Ministère de l’intérieur un rapport sur ce sujet, dans lequel elle recommande entre autres de proscrire l’utilisation d’armes à feu dans ce contexte, sauf dans des cas exceptionnels. Concernant l’incident survenu à Porto en 2006, une procédure disciplinaire est en cours contre l’agent de police concerné, qui a été suspendu à titre préventif; on attend les résultats de l’expertise judiciaire.

30.M. MATEUS (Portugal) dit que le régime juridique de la détention au secret a été modifié par rapport à ce qui est indiqué aux paragraphes 54 à 57 des réponses écrites. Le Code de procédure pénale prévoit désormais que la détention au secret n’est applicable qu’aux personnes suspectées d’avoir commis des actes terroristes ou des crimes violents ou d’appartenir à une organisation criminelle, et qu’elle ne peut intervenir que sur décision du procureur, avant que le suspect n’ait été conduit devant un juge, et pour une durée ne pouvant pas dépasser quarante‑huit heures. Le suspect ainsi détenu conserve néanmoins le droit à un avocat.

31.Les règles régissant la détention avant jugement (pretrial detention) ont elles aussi été modifiées en raison de la récente réforme législative. La détention avant jugement n’est désormais autorisée que dans les cas où il existe de fortes présomptions qu’une infraction punissable d’une peine de plus de cinq ans d’emprisonnement − ou de trois ans d’emprisonnement s’il s’agit d’actes terroristes ou d’infractions relevant du crime organisé − a été commise ou dans le cas de personnes entrées illégalement sur le territoire portugais ou faisant l’objet d’une procédure d’extradition ou d’expulsion.

32.Les nouvelles dispositions issues de la réforme prévoient que la détention avant jugement prend fin au bout de quatre mois si aucun chef d’inculpation n’est retenu entretemps; de huit mois si aucune décision du juge instructeur n’intervient pendant ce délai; de quatorze mois si aucune condamnation n’est prononcée en première instance pendant cette période et au bout d’un an et six mois si aucune condamnation définitive n’intervient entretemps. Ces délais peuvent être plus longs en cas de terrorisme, d’actes relevant du crime organisé ou d’infractions punissables d’une peine de plus de huit ans d’emprisonnement, ou encore lorsque le dossier est particulièrement complexe. Toujours est‑il que les délais désormais applicables sont plus courts qu’auparavant.

33.La durée maximale de la détention avant jugement est actuellement de trois ans et quatre mois − elle était de quatre ans avant la réforme −, conformément à l’article 215 3) du Code de procédure pénale. Elle peut néanmoins être prolongée de six mois si un recours constitutionnel est formé. Dans des circonstances exceptionnelles, la durée de la détention avant jugement peut être prolongée de la moitié de la durée de la peine prononcée en cas de recours extraordinaire contre une décision portant confirmation de la condamnation rendue en appel.

34.La notion de détention avant jugement est donc très large. Cela tient au fait qu’au Portugal, la présomption d’innocence perdure jusqu’à ce que la condamnation devienne définitive. Les statistiques montrent que sur le nombre total de personnes en détention provisoire − qui représentent 21,5 % du nombre total de détenus −, 16,1 % attendent d’être jugées et 5,4 % ont été condamnées en première instance, ont fait appel du jugement et attendent la décision.

35.Une question a été posée au sujet des mesures prises pour remédier à la surpopulation carcérale. Les récentes modifications du Code pénal et du Code de procédure pénale ont grandement contribué à faire baisser le nombre d’incarcérations, résolvant ainsi le problème de surpopulation. Ainsi, entre juin 2004 et novembre 2007, le nombre de personnes incarcérées est passé de 13 803 à 12 603, ce qui a permis de ramener le taux d’occupation des prisons de 111 % à 97 %. Concernant les établissements pénitentiaires pour femmes, l’ouverture d’une nouvelle prison à Porto en janvier 2005 a permis de résoudre le problème de surpopulation de la prison de Tires. Il est également prévu de construire un nouvel établissement pénitentiaire aux Açores en 2008 ainsi qu’à Lisbonne. Parallèlement, plusieurs prisons ont été fermées pour cause de vétusté.

36.La violence entre détenus est généralement liée au trafic de stupéfiants. Le personnel pénitentiaire prend ce problème très au sérieux. Les fouilles effectuées régulièrement ont permis de saisir 2,822 kg de cannabis en 2006 et 3,557 kg en 2007. Des programmes de désintoxication sont également mis en œuvre, et un protocole élaboré avec le Ministère de la santé permet aux nouveaux arrivants qui suivent déjà un traitement de substitution de le poursuivre en prison. En 2006, 568 prisonniers bénéficiaient de ces mesures. Il est prévu de renforcer la prévention du trafic de stupéfiants dans les prisons en resserrant la vidéosurveillance et le contrôle des visiteurs.

37.Un plan national de prévention des maladies infectieuses en milieu carcéral a été approuvé en 2006. Il prévoit entre autres mesures la distribution gratuite de préservatifs et d’articles pour le tatouage et le piercing, la réalisation de tests de dépistage et la mise en œuvre de programmes d’éducation sanitaire à l’intention des détenus.

38.La violence sexuelle entre détenus est rare mais lorsqu’une infraction de ce type est commise, une procédure judiciaire est engagée. En application des recommandations formulées par le Comité pour la prévention de la torture à l’issue de sa dernière visite à la prison centrale de Porto, un vaste éventail de mesures ont été prises pour lutter contre la violence entre détenus, telles que la présence permanente de gardiens dans les différents blocs, l’accélération des procédures disciplinaires, la modernisation des espaces collectifs tels que terrains de sport, salles de gymnastique et bibliothèque, l’offre d’un plus grand choix d’activités d’apprentissage et de formation professionnelle, ou encore la séparation des délinquants primaires des récidivistes. À l’heure actuelle, plus de 700 détenus prennent des cours, travaillent ou suivent une formation professionnelle à la prison centrale de Porto.

39.Se référant au paragraphe 81 des réponses écrites, M. MATEUS tient à préciser que le sursis dont a bénéficié le gardien de la prison centrale de Porto reconnu coupable de mauvais traitements était subordonné au versement de 15 000 euros de dommages et intérêts à la victime. Répondant à M. Camara, il indique que le montant de l’indemnisation est déterminé par le juge en fonction du préjudice subi. Dans les affaires de torture, les dommages et intérêts doivent normalement être payés par l’auteur mais, en vertu du décret-loi no 423/91, si ce dernier n’est pas solvable, l’État indemnise la victime à sa place. Lorsqu’un agent de l’État est reconnu coupable d’avoir causé intentionnellement des lésions graves à une personne, la victime peut demander d’être indemnisée aussi bien par l’État que par le fonctionnaire concerné.

40.À propos de l’affaire Vasques Libânio évoquée par Mme Gaer − qui porte sur un incident datant de 2003 dans lequel un détenu a été passé à tabac par plusieurs gardiens de la prison centrale de Lisbonne −, M. Mateus indique que le Service de l’audit et de l’inspection des prisons a entamé une enquête disciplinaire contre huit gardiens de l’établissement concerné, à l’issue de laquelle elle a recommandé que sept des suspects soient démis de leurs fonctions. Parallèlement, des mesures ont été adoptées afin d’empêcher que des incidents similaires ne se reproduisent. Cette affaire a été portée à la connaissance du Procureur général, qui a mené une enquête et chargé un médecin légiste d’examiner la victime présumée. L’un des gardiens mis en cause a été immédiatement suspendu pour quatre-vingt-dix jours, tandis que les sept autres gardiens ont été traduits en justice. Toutefois, ces derniers ont été acquittés faute de preuves, le détenu n’étant pas parvenu à identifier ses agresseurs parmi les gardiens qui se trouvaient dans son quartier de la prison au moment des faits. Cet acquittement fait actuellement l’objet d’un recours et, une fois que le tribunal compétent aura rendu sa décision, une procédure disciplinaire sera entamée contre les responsables. Enfin, il convient de signaler en complément aux renseignements fournis au paragraphe 93 des réponses écrites que, pendant la période 2004‑2007, le Service de l’audit et de l’inspection des prisons a prononcé 125 sanctions disciplinaires contre des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire qui avaient commis des infractions autres que des actes de torture.

41.Répondant à Mme Belmir, M. Mateus dit que, lorsque des actes relevant de la définition énoncée à l’article premier de la Convention ont été commis contre un détenu, le Procureur général a l’obligation de demander une expertise juridique et que si une plainte pour actes de torture ou pour mauvais traitements est classée faute de preuves, la victime peut contester l’abandon des poursuites par le Procureur général et demander un nouvel examen de sa plainte.

42.Par ailleurs, M. Mateus signale que le nombre de suicides chez les détenus n’a cessé de diminuer depuis une dizaine d’années, passant de 20 en 1998 à huit en 2007, et que des mesures spéciales de prévention du suicide sont prises à l’égard des détenus à risque. En outre, tous les détenus sont soumis au test du VIH/sida à leur arrivée en prison et des médicaments antirétroviraux sont distribués à ceux chez qui l’infection par le VIH est diagnostiquée. En 2004, les crédits affectés à la distribution de médicaments antirétroviraux s’établissaient à 3,5 millions d’euros; en 2005, ils ont été portés à 3,7 millions et, en 2006, ils dépassaient les 4 millions.

43.Enfin, M. Mateus souligne que la situation dans les prisons fait l’objet d’une surveillance interne et externe et qu’en particulier le juge de l’application des peines a l’obligation d’accorder un entretien privé aux détenus qui en font la demande. À la prison centrale de Lisbonne, le nombre de ces entretiens s’établissait à 171 en 2004, 135 en 2005, 159 en 2006 et 116 en 2007.

44.M. ATAIDE (Portugal), répondant à des questions posées par certains membres du Comité concernant l’expulsion des étrangers et les voies de recours qui leur sont ouvertes, dit que les non-ressortissants qui se voient refuser l’entrée dans le pays à un poste frontière peuvent former un recours devant une juridiction administrative dans les quatre-vingt-dix jours. Les étrangers en situation irrégulière qui font l’objet d’une décision d’éloignement du territoire peuvent également former un recours, lequel a un effet suspensif. S’agissant des demandeurs d’asile, il convient de distinguer deux étapes: dans un premier temps, la demande doit être présentée au Directeur général du service des étrangers et des frontières afin qu’il détermine si elle est recevable. En cas de refus, un recours peut être formé devant le tribunal administratif et fiscal, avec effet suspensif. Si la demande a été déclarée recevable ou qu’elle n’a pas été examinée dans les cinq jours, le demandeur d’asile est autorisé à entrer sur le territoire. Dans un deuxième temps, la demande est examinée par le Ministère de l’intérieur et, en cas de rejet, il peut saisir le tribunal administratif et fiscal d’un recours, qui a un effet suspensif. Au cas où le rejet de la demande est confirmé par cette juridiction, le demandeur d’asile doit quitter le territoire dans les vingt jours. S’il remplit les conditions pour bénéficier d’un programme d’aide au retour volontaire de l’Organisation internationale pour les migrations, il ne doit quitter le pays que dans les trente jours.

45.Toutes les demandes d’asile doivent être signalées au Conseil portugais des réfugiés, organisation non gouvernementale qui représente le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés au Portugal, étant donné que ce dernier n’a pas de bureau à Lisbonne. Cette organisation a compétence pour mener des entretiens avec les demandeurs d’asile, donner son opinion aux autorités lors du premier examen de la demande, évaluer la situation dans le pays d’origine du demandeur et fournir des documents permettant de mieux évaluer les risques encourus par le demandeur en cas de renvoi dans son pays. Conformément au Code de procédure administrative, l’exécution d’une décision de renvoi d’un demandeur d’asile est suspendue avec effet immédiat si l’intéressé fait valoir qu’il courrait un danger important s’il était expulsé vers son pays. En tel cas, le demandeur bénéficie d’un sursis jusqu’à ce que les tribunaux se prononcent sur son recours.

46.Pour ce qui est des mesures d’éloignement du territoire visant les non-ressortissants qui ne sont pas des demandeurs d’asile, M. Ataide précise que les étrangers en situation irrégulière qui sont arrêtés par la police doivent être présentés à un juge dans un délai de quarante-huit heures avant d’être placés dans un centre de rétention en vue de leur expulsion. Quant aux étrangers qui se voient refuser l’entrée sur le territoire, ils sont placés dans des centres d’hébergement provisoire situés à la frontière. S’ils ne peuvent pas être renvoyés dans leur pays dans les quarante-huit heures, le juge d’un tribunal pénal de première instance doit être informé de leur présence dans ces centres.

47.La loi sur les étrangers prévoit qu’un étranger en instance d’expulsion peut être retenu jusqu’à soixante jours dans un centre d’hébergement temporaire, mais ces dispositions ne sont appliquées que très rarement, lorsque le risque de fuite est important. En 2006, la durée moyenne du séjour des étrangers dans un centre de rétention à des fins d’expulsion était de dix-huit jours et, à la fin du premier semestre de 2007, il atteignait vingt jours, soit le tiers de la durée maximale autorisée par la loi. D’après les statistiques des juridictions administratives, 396 personnes au total ont été expulsées du pays en 2007, dont 12 Russes, 13 Moldaves, 38 Ukrainiens, 12 Angolais, 189 Brésiliens et 5 Chinois.

48.Les mineurs non accompagnés qui demandent l’asile sont représentés par le Conseil portugais pour les réfugiés et sont hébergés dans les centres d’accueil de cette organisation. Les réfugiés mineurs qui ont un niveau de maturité suffisant peuvent déposer une demande de regroupement familial afin de faire venir leurs parents ou frères et sœurs au Portugal.

49.Répondant à une question de M. Grossman, M. Ataide indique que la Directive 2003/9 du Conseil de l’Europe du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres a été incorporée dans la loi du 23 juin 2006, qui complète la législation nationale sur la protection sociale des demandeurs d’asile et leur accès à l’emploi.

50.Par ailleurs, conformément à un accord signé en 2003 avec les centres d’aide aux victimes de la torture, les demandeurs d’asile chez lesquels des séquelles de torture et de mauvais traitements ont été détectées bénéficient de soins médicaux et d’un soutien psychologique fournis dans lesdits centres.

51.Pour ce qui est de la question des assurances diplomatiques, M. Ataide souligne que les autorités portugaises n’ont pas établi de liste de pays considérés comme sûrs et qu’elles évaluent le risque de torture en cas de renvoi au cas par cas, en se fondant sur des informations émanant de leurs ambassades, d’organismes de l’Union européenne, d’organisations non gouvernementales et des médias. À ce jour, le Portugal n’a encore jamais demandé d’assurances diplomatiques à un autre État.

52.Répondant à des questions sur la lutte contre la traite, M. Ataide indique qu’en vertu de la nouvelle loi sur les étrangers les victimes de la traite peuvent obtenir un permis de séjour pour des raisons humanitaires et pour des motifs exceptionnels ne relevant pas de la procédure d’asile. En mai et novembre 2006, les Gouvernements brésilien et portugais ont conjointement organisé des séminaires sur ce thème en vue de définir les meilleures pratiques et de renforcer la coopération entre les deux pays en matière de lutte contre la traite et, tout prochainement, en outre, la campagne de lutte contre la traite du Conseil de l’Europe, intitulée «L’être humain − pas à vendre», doit être lancée au Portugal.

53.MmeCARVALHEIRA (Portugal) ajoute à ce propos que, dans le cadre de l’exécution du premier plan national de lutte contre la traite, une stratégie a été lancée en vue de sensibiliser la population à ce phénomène, protéger les victimes et dispenser une formation aux membres de la police dans ce domaine. S’agissant de la violence au foyer, conformément à une résolution du Conseil des ministres, un troisième plan de lutte contre cette pratique a été adopté en vue de renforcer le suivi et le traitement des plaintes, créer une base de données assortie d’un registre unique des plaintes − pour que les victimes n’aient pas à faire le récit des sévices subis plus d’une fois −, offrir des services sociaux et un soutien psychologique aux victimes et créer des structures d’accueil pour mineurs.

54.De nombreuses études ont été publiées sur la question de la violence au foyer par des organismes tant publics que privés, dont les résultats correspondent aux tendances observées dans d’autres pays. D’après une étude réalisée en 2006, 80 % des victimes de violences au foyer seraient des femmes, 60 % d’entre elles étant en couple avec l’auteur de ces violences. Toutefois, il semblerait que de plus en plus de personnes jugent cette pratique intolérable et que les victimes aient plus facilement accès à la justice. Des mesures législatives et administratives ont été prises pour ériger la violence au foyer en infraction pénale et pour protéger les personnes dont la vie et la sécurité sont menacées par un conjoint violent. Des mesures ont également été prises pour créer un mécanisme chargé de recevoir les plaintes émanant de femmes et d’enfants victimes de ces violences. Il existe actuellement 34 centres d’accueil pour femmes victimes de violences conjugales. Enfin, les auteurs de ces violences qui ont été condamnés à une peine peuvent bénéficier d’un sursis s’ils acceptent de suivre une psychothérapie, le but étant d’éviter la récidive.

55.M. DOS SANTOS PAIS (Portugal), répondant à une question posée par M. Grossman sur la suite donnée par le Portugal à la décision du Comité européen des droits sociaux dans l’affaire Organisation mondiale contre la torture c. Portugal (réclamation no 34/2006), dit que c’est moins l’arrêt rendu par la Cour suprême du Portugal dans l’affaire Joao Bernardo en tant que tel qui est critiqué par le Comité, que le raisonnement juridique des juges. D’une part, la Cour suprême n’a pas annulé la condamnation de l’auteur à dix‑huit mois de prison avec sursis par le tribunal de première instance. D’autre part, elle a simplement statué que des corrections modérées, administrées dans un but exclusivement éducatif et adapté à la situation, n’étaient pas illégales. Par conséquent, l’arrêt de la Cour ne laisse en aucun cas la porte ouverte à des atteintes à l’intégrité physique des enfants ou à la possibilité de leur infliger des châtiments corporels qui pourraient constituer un traitement cruel, inhumain ou dégradant au sens de la Convention contre la torture.

56.Répondant à une question de Mme Gaer sur l’existence d’accords entre des hôpitaux portugais et des hôpitaux espagnols en vue de faciliter le transport d’organes humains d’un pays à l’autre, M. Dos Santos Pais indique que son pays est confronté à une grave pénurie en la matière en raison du faible nombre de donneurs et que pour remédier à cette situation, des accords de droit privé ont effectivement été conclus. Leur application est soumise à un strict contrôle public, exercé par les Ministères portugais et espagnol de la santé, qui veillent au respect de la législation relative aux dons d’organe en vigueur dans les deux pays. Au Portugal, le don d’organe est désormais régi par le principe du consentement présumé, en vertu duquel toute personne est considérée comme donneuse potentielle après sa mort, à moins qu’elle ne s’y soit opposée de son vivant au moyen d’une déclaration déposée auprès des services du Ministère de la santé.

57.Le PRÉSIDENT remercie la délégation portugaise de ses réponses particulièrement détaillées et invite les membres du Comité qui souhaitent des informations supplémentaires à prendre la parole.

58.M. MARIÑO MENÉNDEZ (Rapporteur pour le Portugal) félicite la délégation pour son professionnalisme et la qualité de ses réponses. Il souhaiterait des précisions sur les modalités selon lesquelles le droit de tout détenu, qui présente des signes de torture ou de mauvais traitements, d’être examiné par un médecin est garanti dans la pratique. Il note que ce droit n’est pas prévu par la loi mais par une norme de rang inférieur à savoir, le Règlement sur les conditions matérielles de détention dans les établissements pénitentiaires. Il croit comprendre que l’accès à un médecin n’est pas systématique n’étant obligatoire que lorsque le détenu porte plainte pour acte de torture. Le Règlement en question dispose que la personne qui présente des blessures doit être examinée dans les plus «brefs délais»; la délégation pourrait-elle préciser ce qu’il faut entendre par‑là?

59.Le Rapporteur souhaiterait par ailleurs savoir si, en vertu de la législation portugaise, un étranger est systématiquement tenu informé, dans le cadre d’une procédure d’expulsion, de son droit de contacter la représentation consulaire de son pays d’origine au Portugal. Enfin, il voudrait savoir si l’appel interjeté contre une décision de rejet d’une demande d’asile prise dans le cadre de la procédure accélérée revêt un caractère suspensif.

60.M. CAMARA (Corapporteur pour le Portugal) dit que, vu l’heure tardive, il se contentera de remercier la délégation portugaise de ses réponses très détaillées.

61.M. GROSSMAN se félicite de la qualité du dialogue engagé avec la délégation portugaise, qui a communiqué nombre d’informations très importantes. Attirant l’attention sur le fait que la question de l’immigration pose aujourd’hui un des principaux défis aux États, il souhaite savoir si le Portugal a pris les mesures nécessaires pour que les droits fondamentaux des étrangers, notamment le droit à l’assistance d’un avocat, soient pleinement respectés dans le cadre de la procédure accélérée de demande d’asile. Il demande par ailleurs à la délégation de commenter l’information selon laquelle, sur les 690 plaintes qui ont été déposées en 2006 contre des fonctionnaires de police pour actes de torture ou traitements cruels, inhumains ou dégradants présentant un caractère raciste seules deux ont abouti.

62.Mme BELMIR salue la précision et le professionnalisme avec lesquels la délégation portugaise a répondu aux questions posées par les membres du Comité et souhaite faire deux observations. Elle tient tout d’abord à préciser que lors de sa précédente intervention, sa question sur l’acquisition par la police portugaise de tasers était simplement destinée à souligner que l’État partie, qui insiste sur l’intérêt de ce type d’arme au paragraphe 78 de ses réponses écrites, ne doit pas oublier que leur utilisation peut s’avérer particulièrement dangereuse, voire mortelle, comme le Comité l’a déjà fait remarquer lors de l’examen de rapports périodiques soumis par d’autres États parties. Enfin, pour ce qui est de la réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale, elle invite l’État partie à aligner la terminologie employée dans les articles relatifs à la détention préventive sur celle de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

63.M. KOVALEV remercie à son tour la délégation portugaise et fait observer que l’on peut difficilement concevoir que des produits stupéfiants puissent entrer et circuler dans les prisons sans la complicité d’agents pénitentiaires.

64.M. WANG Xuexian attire l’attention de la délégation portugaise sur le fait que l’utilisation d’armes produisant des chocs électriques a déjà provoqué 70 décès aux États-Unis et qu’il a lui‑même pu constater en visionnant l’enregistrement vidéo de l’arrestation d’un suspect par des policiers munis de tasers, l’extrême violence de la décharge générée par ces armes. Sans vouloir critiquer l’État partie qui est libre d’acquérir ce type d’armes, il l’invite à être le plus vigilant possible quant aux modalités de leur utilisation.

65.Le PRÉSIDENT dit qu’il souhaite faire deux observations. La première a trait à la dangerosité des armes électriques acquises par la police portugaise qui appelle la plus grande prudence. Deuxièmement, on ne peut pas écarter aussi rapidement que l’a fait la délégation le fait que des actes de violence au foyer puissent constituer un traitement cruel, inhumain ou dégradant.

66.M. DE ALMEIDA (Portugal), répondant à une question de M. Mariño Menéndez sur le droit des détenus à une assistance médicale, donne lecture des articles 21 (par. 1) à 21 (par. 3) du Règlement sur les conditions matérielles de détention dans les établissements pénitentiaires et dit qu’il faut distinguer deux situations. Premièrement, le détenu a le droit de rencontrer un médecin de son choix à tout moment, moyennant le versement d’une partie des frais. Deuxièmement, s’il est blessé ou si son état de santé le justifie, il doit être soumis à un examen médical dans les plus brefs délais, c’est-à-dire qu’aucun pouvoir d’appréciation n’est laissé en la matière à l’agent pénitentiaire qui est tenu de présenter immédiatement l’intéressé à un médecin.

67.M. ATAIDE (Portugal), répondant à des questions posées par M. Grossman, dit que les étrangers en situation irrégulière placés en rétention sont systématiquement informés de leur droit de contacter la représentation consulaire de leur pays au Portugal, et se voient remettre gratuitement à cette fin une carte téléphonique. Quant au refus d’accorder à l’étranger le droit de résider au Portugal, il est automatiquement notifié aux autorités consulaires concernées. Enfin, il convient de signaler que la loi garantit aux demandeurs d’asile le droit à l’assistance d’un conseil et que tout recours contre une décision de rejet d’une demande d’asile a un effet suspensif.

68.M. DOS SANTOS PAIS (Portugal) note, à propos des mesures prises par le Portugal pour lutter contre la violence au foyer, que l’important pour son pays n’est pas de savoir si ce type de violence relève de l’article premier de la Convention mais plutôt de faire en sorte que de tels actes ne restent pas impunis.

69.M. MARRECAS FERREIRA (Portugal) dit que l’on ne peut pas laisser planer le doute quant à l’existence de pratiques discriminatoires au Portugal. À cet égard, on se référera utilement aux observations finales adoptées par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale à l’issue de l’examen des dixième et onzième rapports périodiques du Portugal (CERD/C/65/CO/6). Si les juges portugais ne font encore qu’une application limitée des dispositions de l’article 240 du Code pénal relatif à la discrimination fondée sur la race, le genre et l’orientation sexuelle − dont l’adoption a marqué un pas en avant dans la lutte contre la discrimination −, ils utilisent d’autres articles du Code pénal pour sanctionner des comportements racistes. À cet égard, la justice a récemment condamné le maire d’une commune qui avait tenu des propos racistes contre des tziganes et des personnes qui avaient distribué des pamphlets racistes. Pour ce qui est du nombre important de plaintes relatives à des actes racistes imputés à des fonctionnaires, M. Marrecas Ferreira dit qu’il s’explique peut-être par l’adoption de dispositions législatives et réglementaires destinées à sanctionner de manière spécifique les actes racistes commis par des agents de l’État, des textes que le Portugal s’efforce de mettre en œuvre avec diligence.

70.Le PRÉSIDENT se félicite de la richesse des échanges auxquels a donné lieu l’examen du quatrième rapport périodique du Portugal et dit que les vues et recommandations du Comité seront transmises au Gouvernement portugais à la fin de la présente session.

La séance est levée à 18 h 5.

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