Nations Unies

CAT/C/SR.902

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

19 octobre 2010

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante-troisième session

Compte rendu de la première partie (publique) * de la 902 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 5 novembre 2009, à 10 heures

Président:M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Deuxième rapport périodique d ’ El Salvador

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (point 5 de l ’ ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique d ’ El Salvador (CAT/C/SLV/2; CAT/C/SLV/Q/2 et Add.1; HRI/CORE/1/Add.34/Rev.2)

1. Sur l ’ invitation du Président, les représentants d ’ El Salvador prennent place à la table du Comité.

2.M. Larios López (El Salvador) dit qu’en raison de la crise économique et de problèmes survenus au tout dernier moment le Gouvernement salvadorien n’a malheureusement pas pu envoyer une délégation à Genève. Son collaborateur de la Mission permanente d’El Salvador auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et lui-même s’efforceront donc de remplacer la délégation salvadorienne dans toute la mesure de leurs moyens.

3.Le nouveau gouvernement, qui a pris ses fonctions en juin 2009, est pleinement déterminé à garantir l’état de droit, à assurer l’exercice des libertés et des droits fondamentaux consacrés dans la Constitution et à respecter la législation nationale en vigueur et la jurisprudence internationale. Il a pour objectif de répondre aux nouveaux besoins de la société, de promouvoir et protéger les droits de l’homme et d’encourager les organes publics à s’associer à ces efforts, de façon à relever les défis auxquels le pays est confronté dans le respect des libertés et droits fondamentaux. Le Gouvernement salvadorien compte intensifier sa collaboration avec les organisations non gouvernementales et les institutions nationales de défense des droits de l’homme.

4.Présentant le deuxième rapport périodique de son pays, M. Larios López souligne que ce document couvre la période allant de 2000 à 2006. El Salvador est partie aux principaux instruments relatifs aux droits de l’homme de l’ONU et de l’Organisation des États américains. La Constitution consacre le droit à la vie, à l’intégrité physique et morale, à la liberté et au travail ainsi que le droit d’être protégé par la défense de ces droits.

5.La définition de la torture énoncée dans la Convention a été incorporée à l’article 297 du Code pénal, lequel prévoit que l’agent de l’État qui a autorisé ou commis des actes de torture dans l’exercice de ses fonctions est passible d’une peine d’emprisonnement de trois à six ans et de la révocation. La loi sur les prisons, qui est fondée sur l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus de l’ONU, dispose que la torture, les mauvais traitements et les pratiques humiliantes sont strictement défendus comme peines. Les personnes en attente de jugement jouissent de tous les droits qui leur sont dévolus par la Constitution et les lois. La loi organique relative à la Police nationale civile prévoit expressément que les membres de la police ont l’interdiction d’infliger ou de tolérer des tortures ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ou d’inciter d’autres personnes à commettre de tels actes. Cependant, de nombreuses affaires de torture et de mauvais traitements sont liées aux organes chargés de l’application des lois, les auteurs de ces actes étant souvent des membres des forces de l’ordre ou des gardiens de prison. Des mesures devaient être prises afin de juger et de punir les responsables conformément à la loi.

6.Le Bureau du Procureur pour la défense des droits de l’homme est habilité à recevoir les plaintes déposées contre des institutions et des agents de l’État pour mauvais traitements, usage excessif de la force, traitements inhumains infligés à des détenus et violation du droit à l’intégrité physique. En outre, il se prononce sur la responsabilité des personnes mises en cause et assure le suivi des mesures prises en application des opinions rendues par le Procureur.

7.L’Inspection générale de la Police nationale civile a compétence pour prendre des mesures disciplinaires contre tous les fonctionnaires de police, quel que soit leur rang, qui ont commis une infraction dans l’exercice de leurs fonctions ou en dehors du cadre professionnel. Le nouveau gouvernement est déterminé à sanctionner tout membre des forces de l’ordre qui ne respecterait pas les lois. L’École de la sécurité publique, qui a été mise sur pied dans le cadre des accords de paix de 1992, assure la formation de base et la formation continue générale et spécialisée de la Police nationale civile. Elle vérifie les antécédents des candidats et les soumet à une sélection rigoureuse afin d’assurer qu’aucune personne ayant commis des violations des droits de l’homme dans le passé, dont des actes de torture et des violations du droit humanitaire, ne soit recrutée. Elle utilise le Protocole d’Istanbul (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) dans le cadre de la formation initiale. Depuis 1992, tous les élèves policiers reçoivent une formation sur les droits de l’homme et le droit pénal et, en particulier, l’interdiction de la torture.

8.Le gouvernement actuel a hérité d’un taux élevé de criminalité, raison pour laquelle il s’emploie à renforcer l’efficacité des institutions chargées de la sécurité publique. Il est déterminé à suivre la voie de la prévention sociale de la violence. Malgré tous les efforts qu’il déploie, beaucoup reste encore à faire pour améliorer le système pénitentiaire.

9.Le 1er juin 2009, le Gouvernement salvadorien a lancé un nouveau plan national de développement dont les piliers sont l’insertion sociale, l’élargissement des possibilités, la valorisation de la production et de l’emploi, la modernisation des institutions et la pleine garantie des libertés démocratiques. Les réformes liées aux droits de l’homme prévues pour la période 2009‑2014 portent notamment sur la justice, les réparations et l’établissement de la vérité et visent à garantir l’indemnisation des victimes des violations récentes des droits de l’homme. À cette fin, des ressources allouées par des institutions tant nationales qu’internationales doivent être affectées à un fonds d’indemnisation. Le Gouvernement salvadorien prévoit d’indemniser également les proches d’enfants disparus pendant le conflit armé.

10.Dans le cadre de ses projets pour la période 2009‑2014, le Gouvernement salvadorien entend créer un groupe de travail qui sera chargé d’examiner toutes les questions liées aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Ce groupe aura notamment pour tâche d’examiner la possibilité qu’El Salvador fasse les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention. Les réponses à la liste des points à traiter du Comité (CAT/C/SLV/Q/2/Add.1 – document distribué en espagnol seulement) contiennent un complément d’information sur les efforts consentis par le Gouvernement salvadorien afin d’appliquer plus efficacement la Convention.

11.M. Gallegos Chiriboga (Rapporteur pour El Salvador) dit que le contenu du deuxième rapport périodique et des réponses à la liste des points à traiter suscitent plusieurs préoccupations. L’ampleur de la violence dans l’État partie est extrêmement inquiétante, en particulier les actes commis par les gangs et les violations perpétrées contre les groupes vulnérables, dont les femmes, les enfants, les handicapés, les minorités ethniques et les migrants. La pratique de la détention arbitraire, s’agissant en particulier des membres de ces gangs, est aussi un motif de préoccupation, de même que l’usage excessif de la force par la police. La durée prolongée de la détention provisoire, la violence, le surpeuplement carcéral et l’absence de surveillance de la situation dans les prisons peuvent également être cités au nombre des problèmes auxquels l’État partie doit faire face. Plusieurs cas de disparition forcée survenus au cours du conflit armé qui a sévi de 1980 à 1992 doivent encore être élucidés. La loi d’amnistie générale pour la consolidation de la paix devrait être abrogée car elle permet aux auteurs d’infractions imprescriptibles de jouir de l’impunité.

12.Bien que les articles 4, 10 et 27 de la Constitution et l’article 297 du Code pénal contiennent une définition de la torture, leur contenu n’est pas compatible avec l’article premier de la Convention. Le Rapporteur voudrait savoir quelles mesures l’État partie envisage de prendre pour faire en sorte qu’une définition de la torture conforme à celle énoncée dans la Convention soit incorporée dans son droit interne. Se référant à l’Observation générale n° 2 du Comité, il demande si un projet de loi a été élaboré en vue de faire figurer dans le droit interne des dispositions réprimant toute forme de traitements cruels, inhumains ou dégradants.

13.En ce qui concerne l’article 2 de la Convention, un complément d’information serait bienvenu sur les réformes des organes de l’appareil judiciaire et, en particulier, la Fiscalía General et la Police nationale civile. Il serait utile de savoir quelles méthodes la police entend employer pour faire face à l’escalade de la violence dans le pays. Étant donné que l’Inspecteur général de la Police nationale civile est nommé par le chef de cette dernière, il serait intéressant de savoir si la société civile a exprimé des inquiétudes au sujet de l’absence d’indépendance que ce mode de désignation suppose.

14.De plus amples précisions seraient bienvenues sur les efforts déployés afin d’assurer que la lutte contre la violence des gangs soit menée dans le respect des droits de l’homme et, notamment, des informations seraient souhaitables sur la portée des mesures tendant à interdire les violations des droits de l’enfant ainsi que sur la teneur de la loi antibandes. Il serait utile d’avoir un aperçu des résultats enregistrés par la commission chargée de retrouver les enfants disparus pendant le conflit armé et de savoir quels organismes ont participé à ses travaux, si la société civile a joué un rôle dans ces recherches, quelles méthodes ont été utilisées et, le cas échéant, quelles réparations ont été accordées aux victimes. Des informations pourraient également être fournies sur les enquêtes que cette commission a menées sur les disparitions d’adultes, le budget dont elle dispose et les programmes d’indemnisation des victimes, s’il en existe.

15.Le Rapporteur voudrait en outre savoir si la Fiscalía General a déjà obtenu que des fonctionnaires soient condamnés à une peine ou démis de leurs fonctions. Dans l’affirmative, une description détaillée de quelques d’affaires de ce type et des raisons pour lesquelles le fonctionnaire mis en cause a été condamné serait bienvenue. Il demande combien de personnes ont eu accès à l’aide juridictionnelle grâce à la Fiscalía General et combien de requêtes celle-ci a reçues. Les représentants de l’État partie voudront bien indiquer si les peines proposées par le Conseil national de la magistrature ont déjà été prononcées et, le cas échéant, citer des exemples d’affaires, en précisant pour quels motifs les fonctionnaires incriminés ont été condamnés.

16.Des renseignements sur les inspections de prisons effectuées par les organes publics, en particulier le Bureau du Procureur pour la défense des droits de l’homme, seraient utiles. De plus amples précisions seraient également utiles sur l’assistance fournie à cet organe par l’État partie, conformément aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention, ainsi que sur les mesures de protection qui sont adoptées lorsque des agents de l’État qui participent à des enquêtes sur des affaires de violations des droits de l’homme, en particulier celles couvertes par les dispositions de la Convention, sont la cible de menaces.

17.Concernant l’article 4 de la Convention, le Rapporteur souhaiterait des éclaircissements sur la réponse à la question 10 de la liste des points à traiter, dont le contenu traite de la portée de la loi d’amnistie générale pour la consolidation de la paix. Il souligne que l’État partie devrait abroger cette loi afin de garantir la transparence du processus de consolidation de la paix et de réconciliation nationale. Il demande quelles mesures sont prises afin de protéger les personnes ayant fait l’objet de violences ou de menaces de la part d’agents non étatiques, eu égard en particulier à l’affaire Velásquez Rodríguez, qui a été portée devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme.

18.En ce qui concerne l’article 5 de la Convention, le Rapporteur prie les représentants de l’État partie de citer des affaires de crimes de guerre commis pendant la guerre civile dans lesquelles les tribunaux salvadoriens ont tenu compte de la décision rendue le 26 septembre 2000 par la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême .

19.M me  Belmir (Corapporteuse pour El Salvador) demande s’il est vrai que les personnes retenues en détention avant jugement et les condamnés ne sont pas séparés dans les prisons salvadoriennes. Si tel est le cas, le problème du surpeuplement carcéral est certainement exacerbé par la cohabitation entre des catégories de détenus censées être réparties dans des quartiers distincts ainsi que par la présence de membres de gangs, lesquels sont apparemment très actifs dans les prisons. Mme Belmir voudrait savoir quelles mesures l’État partie prend pour protéger les détenus, en particulier les personnes vulnérables telles que les femmes et les enfants. Il serait utile de savoir quel rôle l’appareil judiciaire joue dans la protection des détenus et à quelle fréquence des représentants du pouvoir judiciaire ou d’autres organes se rendent dans les prisons pour y surveiller les conditions de détention. Il serait nécessaire d’avoir des statistiques récentes et désagrégées de la criminalité, d’autant plus que le représentant de l’État partie a reconnu que le taux de criminalité était en hausse.

20.Malgré l’importance de ses travaux, le Bureau du Procureur pour la défense des droits de l’homme cruciale souffrirait d’une pénurie patente de ressources et ses recommandations concernant la suite à donner aux plaintes relatives aux infractions commises par la police et le personnel des établissements pénitentiaires resteraient lettre morte. Les représentants de l’État partie sont invités à commenter ces allégations.

21.Concernant le problème des exécutions extrajudiciaires, la Corapporteuse tient à s’attarder plus particulièrement sur le sort de deux catégories de victimes: les femmes et les enfants. Le phénomène des meurtres de jeunes femmes, qui a été dénoncé maintes fois par plusieurs organes conventionnels, est alarmant en raison du nombre de cas et de l’âge (15 à 20 ans) des victimes. Les représentants de l’État partie voudront bien fournir des explications sur les causes de ce phénomène ainsi que des informations sur les mesures prises par les pouvoirs publics afin de mener des enquêtes sur ces violations et y mettre fin. Il va sans dire que les auteurs devraient être condamnés à des peines et les proches des victimes indemnisés. Cela vaut également pour les meurtres et les disparitions d’enfants.

22.À ce propos, la Corapporteuse constate avec préoccupation que, dans l’espoir de remédier aux maux du passé, l’État partie a proclamé une amnistie générale, croyant avoir ainsi fait un pas en avant, alors qu’en réalité il a fait deux pas en arrière. Les exécutions extrajudiciaires qu’elle a évoquées précédemment ciblent certaines catégories de personnes et, en fait, ces violations se poursuivent actuellement.

23.Les travailleurs migrants établis en El Salvador seraient victimes de discrimination et d’actes de violence. Même s’il ne fait aucun doute que l’État partie doit lutter contre ces violations, la Corapporteuse se demande si, compte tenu de la situation actuelle, l’appareil judiciaire est en mesure de s’acquitter de cette tâche. Dans tous les pays, l’obligation de veiller au respect des lois incombe au pouvoir judiciaire, lequel se fonde sur la législation interne et la Constitution. Enfin, Mme Belmir demande si, compte tenu des effectifs, des méthodes de travail et du mode de désignation des juges, les tribunaux salvadoriens sont à même d’assumer leur rôle en toute indépendance, conformément à la loi.

24.M. Gaye dit avoir relevé dans le rapport périodique deux passages qui suscitent des interrogations car ils semblent révéler de graves conflits d’intérêts. Dans le premier, il est dit que le Fiscal General est habilité non seulement à engager des actions judiciaires, mais aussi à nommer et à révoquer les juges. Ces attributions ne sont compatibles ni avec le principe généralement admis de l’indépendance du pouvoir judiciaire, ni avec celui du non-cumul des fonctions de poursuite et de jugement.

25.Dans le deuxième passage, il est dit que le chef de la police est chargé de nommer l’Inspecteur général de la police. Compte tenu des violations des droits de l’homme qui peuvent être commises dans le cadre des enquêtes de police, en particulier les violations de la Convention, l’État partie devrait être doté d’une autorité indépendante capable de mener des enquêtes objectives et impartiales. Or, en El Salvador, la police semble avoir le droit de choisir ses propres inspecteurs.

26.Concernant le problème des abus de pouvoir, M. Gaye note que l’État partie ne précise pas dans son rapport périodique quels actes exactement entrent dans cette catégorie d’infractions. Il voudrait donc savoir si ce terme est utilisé pour désigner des mauvais traitements ou des tortures. Il croit comprendre qu’en cas d’allégations d’abus de pouvoir, la procédure qui est entamée est généralement de type disciplinaire plutôt que judiciaire. En outre, les plaintes faisant état d’actes de torture ne sont pas suivies d’une enquête, ce qui signifie qu’elles ne sont pas portées devant les tribunaux, que les auteurs ne sont pas punis et que les victimes n’obtiennent pas de réparations. De plus, les efforts déployés par le Procureur pour la défense des droits de l’homme semblent n’avoir aucun résultat. Or, ces incidents constituent une violation potentielle des dispositions de la Convention.

27.En ce qui concerne le surpeuplement carcéral, M. Gaye relève que la situation est devenue très instable dans l’État partie. Il demande si ce phénomène ne s’explique pas en partie par l’inertie au sein du système judiciaire, qui se manifeste par le fait que les auteurs présumés d’actes de torture ne sont pas poursuivis. Si les prévenus ne sont pas jugés dans un délai raisonnable, les prisons se remplissent au-delà de leur capacité d’accueil et la situation devient impossible à maîtriser, comme c’est actuellement le cas dans l’État partie. En outre, le personnel des établissements pénitentiaires ne reçoit pas la formation nécessaire pour s’occuper efficacement des détenus, notamment en les aidant à se réadapter en vue de leur réinsertion future dans la société. L’État partie ne semble pas avoir adopté de politiques de réinsertion à l’intention des détenus.

28.M me Sveaass indique qu’elle a régulièrement l’occasion de lire des informations faisant état de violences policières en El Salvador. Elle souhaiterait donc savoir si le Conseil d’éthique de la police, organe qui aurait été créé en 2001 afin de jouer le rôle d’organisme indépendant de surveillance de la Police nationale civile, est opérationnel.

29.Mme Sveaass note que diverses formations dans le domaine des droits de l’homme conçues à l’intention des membres des forces de l’ordre sont citées plusieurs fois dans le rapport périodique, mais que ces cours s’inscrivent essentiellement dans le cadre de la formation initiale. Ces mesures sont certes louables, mais insuffisantes: ces enseignements devraient être dispensés non seulement au stade de la formation initiale, mais aussi dans le cadre de la formation continue.

30.Mme Sveaass se félicite à cet égard de la décision de l’État partie de respecter les dispositions de l’alinéa f du paragraphe 10 du Protocole d’Istanbul, qui porte sur la formation du personnel chargé de l’application des lois en ce qui concerne l’interdiction de la torture. Elle demande si l’État partie a pris des mesures pour dispenser une formation au personnel médical comme l’exigent les dispositions de ce paragraphe. En outre, elle souhaiterait savoir si les forces de l’ordre reçoivent une formation spécialisée dans le domaine de la prise en charge des affaires de violence contre les femmes, dont les violences commises au sein de la famille.

31.Évoquant le problème des jeunes qui font partie de bandes criminelles, elle demande si la police emploie des méthodes particulières destinées à favoriser la réinsertion de ces personnes.

32.Mme Sveaass voudrait en outre savoir quel est le statut de la loi d’amnistie générale pour la consolidation de la paix adoptée en 1993 et si le nouveau gouvernement entend apporter des modifications à ce texte. Enfin, elle demande s’il est prévu de rouvrir l’enquête sur le meurtre de plusieurs prêtres jésuites et d’autres personnes perpétré à la fin des années 1980 dans l’État partie.

33.M me  Kleopas demande si la torture est soumise à la prescription en droit salvadorien. À son avis, les conditions régnant dans les prisons salvadoriennes sont assimilables à des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants: les détenus sont gravement sous-alimentés, ils vivent dans l’obscurité et n’ont pas le droit de recevoir des visites de leurs proches. Ils sont détenus dans des cellules surpeuplées et subissent des violences et des mauvais traitements. À ce propos, il serait intéressant de savoir si le nouveau gouvernement envisage de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention, étant donné que cela pourrait l’aider à trouver des solutions aux problèmes sévissant dans les établissements pénitentiaires. La nouvelle administration pourrait également envisager de dispenser une meilleure formation aux membres des forces de l’ordre et aux gardiens de prison qui, dans certains cas, semblent méconnaître leurs obligations.

34.Mme Kleopas demande si le Gouvernement salvadorien entend adopter des mesures afin de protéger les enfants qui risquent d’entrer dans des bandes. Étant donné que certains de ces enfants ont peut-être besoin d’une protection internationale, elle demande si l’État partie a l’intention de collaborer avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) afin de venir en aide à ces enfants.

35.En ce qui concerne les châtiments corporels, Mme Kleopas relève que le Comité des droits de l’enfant s’est dit préoccupé par le fait que la pratique des châtiments corporels au sein de la famille était très répandue en El Salvador et qu’il a recommandé à l’État partie de l’éradiquer. Bien que les châtiments corporels soient interdits à l’école, elle n’a trouvé aucune information permettant de savoir si ces sanctions étaient encore autorisées dans les institutions publiques pour mineurs. Elle aimerait savoir si le Gouvernement salvadorien envisage d’interdire les châtiments corporels dans le contexte familial.

36.M. Mariño Menéndez voudrait savoir si la violence des gangs sévissant dans l’État partie a poussé des Salvadoriens à quitter le pays ou, plus généralement, si le Gouvernement salvadorien a été informé de l’existence d’une forme de protection qui aurait été mise en place afin d’apporter une assistance aux victimes de ces violences, notamment en les aidant à partir à l’étranger. Les États qui respectent les droits de l’homme doivent offrir une protection à ceux de leurs ressortissants qui résident à l’étranger ainsi qu’aux migrants étrangers qui vivent sur leur territoire. M. Mariño Menéndez souhaiterait des éclaircissements sur un article de la Constitution cité au paragraphe 119 du rapport périodique, dont la teneur donne à penser qu’un étranger vivant en El Salvador n’est pas libre de demander une protection aux représentants diplomatiques de son pays. À son avis, cette disposition est excessivement restrictive. Des explications sur la pratique de l’État partie dans ce domaine seraient donc bienvenues.

37.Concernant la question de l’asile, M. Mariño Menéndez demande si l’État partie établit une distinction entre les réfugiés et les étrangers qui peuvent demander une protection pour des motifs humanitaires et obtenir un permis de séjour à ce titre.

38.Dans ses réponses à la liste des points à traiter (CAT/C/SLV/Q/2/Add.1), l’État partie a fourni des données sur le nombre d’expulsions d’étrangers par voie aérienne et par voie terrestre qui ont eu lieu entre 2005 et 2009. M. Mariño Menéndez demande si, pendant cette période, des étrangers sont entrés en El Salvador par voie maritime et y ont demandé l’asile et par quelle voie ceux dont la demande a été rejetée ont été expulsés du pays. Il aimerait en outre savoir si des mineurs non accompagnés ont tenté d’entrer sur le territoire salvadorien et si les autorités ont fait bénéficier ces enfants d’un traitement spécial compte tenu de leur vulnérabilité, notamment en ne les renvoyant pas immédiatement dans leur pays, en vérifiant leur origine nationale, en s’efforçant de retrouver leur famille ou en contactant des représentants de leur pays d’origine. Des informations complémentaires seraient bienvenues sur cette question.

39.Les modifications apportées en 2006 à la loi pénitentiaire ont permis d’améliorer sensiblement la situation dans les prisons, bien que le Gouvernement salvadorien soit encore confronté à un nombre considérable de difficultés. M. Mariño Menéndez voudrait savoir si l’État partie envisage d’offrir une formation professionnelle aux détenus, en particulier les plus jeunes, afin de les aider à se réadapter et d’éviter qu’après leur remise en liberté ceux-ci ne tombent dans le cercle vicieux de l’alternance des récidives et des séjours en prison. Il demande si des prisons ou des quartiers de haute sécurité existent en El Salvador et quels sont les critères pour y placer des détenus. En particulier, il souhaiterait des précisions sur les règles régissant la détention au secret.

40.En ce qui concerne le meurtre des six prêtres jésuites et d’autres personnes commis en 1989 dans l’État partie, M. Mariño Menéndez souhaiterait savoir s’il y a eu de nouveaux éléments permettant de clore l’enquête, d’établir la responsabilité des auteurs et, ainsi, de mettre fin à l’impunité dont les responsables de ces violations ont bénéficié pendant des décennies. Il voudrait savoir si des mesures ont été prises afin d’engager une collaboration avec l’Espagne dans cette affaire, étant donné que des ressortissants de ce pays figuraient parmi les victimes.

41.M. Kovalev relève qu’El Salvador est le pays d’origine de beaucoup de migrants économiques et un pays de transit pour les demandeurs d’asile. D’après le HCR, les demandeurs d’asile qui entrent sur le territoire salvadorien seraient confrontés à des difficultés, dont l’une des causes serait la méconnaissance par les autorités de l’État partie des principes fondamentaux relatifs à la protection des réfugiés. Il serait intéressant de savoir si des mesures ont été prises afin de combler ces lacunes.

42.M me  Gaer, faisant observer que le problème des violences sexuelles ne se pose pas uniquement dans les prisons pour femmes, dit qu’elle souhaiterait de plus amples informations sur les mesures prises pour surveiller ce type de violence dans les établissements pénitentiaires. Elle voudrait savoir si l’article de loi autorisant l’abandon des poursuites contre l’auteur d’un viol si celui-ci épouse sa victime est encore appliqué bien qu’il ait été abrogé et, le cas échéant, quelles sont les mesures prises par les autorités salvadoriennes pour faire en sorte que les nouvelles dispositions en vigueur soient respectées.

43.Citant le rapport de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences (E/CN4/2005/72/Add.2), qui fait état d’allégations selon lesquelles une grande part des femmes travaillant dans la police seraient victimes de harcèlement et de sévices sexuels, Mme Gaer voudrait savoir quel type de mécanisme de plainte a été mis sur pied et quels résultats ont été enregistrés.

44.Bien que, d’après les renseignements fournis par l’État partie, des centaines de personnes aient été arrêtées pour traite, Mme Gaer dit n’avoir trouvé aucune information montrant que des individus auraient été condamnés à des peines d’emprisonnement pour s’être livrés à cette activité. Elle voudrait savoir combien de personnes ont été arrêtées pour participation à la traite d’êtres humains, combien de victimes ont été recensées et combien de peines avec sursis ont été prononcées dans ces affaires.

45.Le Président dit que le Comité est particulièrement heureux d’avoir l’occasion de dialoguer avec des représentants d’El Salvador étant donné le passé difficile de ce pays, qui a notamment connu une guerre civile sanglante et des violations systématiques des droits de l’homme. La création par l’ONU d’une opération de surveillance des accords de paix a été suivie d’une série de catastrophes naturelles qui ont fait un million de sans-abri parmi la population salvadorienne. Actuellement, le pays est confronté à la violence des gangs et à des tensions liées aux inégalités sociales, entre autres problèmes.

46.Au nombre des faits positifs, le Président cite le rôle important qui a été confié au Procureur pour la défense des droits de l’homme ainsi que la somme considérable d’informations que celui-ci a communiquées au Comité. En outre, il relève avec satisfaction que l’article 144 de la Constitution consacre le principe de la primauté des traités internationaux sur le droit interne. En revanche, il note qu’en vertu de l’article 297 du Code pénal le fonctionnaire ou agent public qui a, dans l’exercice de ses fonctions, fait subir des tortures physiques ou psychiques ou n’empêche pas qu’un tel acte soit commis alors qu’il a la faculté de le faire encourt un emprisonnement de trois à six ans. Estimant que cette peine n’est pas en rapport avec la gravité de l’infraction que constitue la torture, le Président souhaiterait connaître le point de vue de l’État partie sur ce point. Comme le souligne le Procureur pour la protection des droits de l’homme dans un rapport établi à l’intention du Comité, cette disposition suscite des doutes quant à sa compatibilité avec la Convention. En outre, le Procureur réfute l’argument selon lequel l’article 320 du Code pénal couvrirait des cas de figure qui ne sont pas prévus à l’article 297 dudit Code. Le Président se demande donc s’il n’y aurait pas une contradiction entre certaines dispositions du Code pénal et la Convention.

47.La loi organique relative à la Police nationale civile limite les pouvoirs de surveillance de l’Inspection générale de la Police nationale civile. En conséquence, le système de surveillance des activités des forces de police risque de jouir d’une indépendance réduite, ce qui est un motif de préoccupation.

48.Lorsqu’une personne présente sa candidature en vue d’être admise à l’École de la sécurité publique, des vérifications sont effectuées afin de s’assurer que l’intéressé n’a pas d’antécédents judiciaires. Il serait utile de savoir si ce processus de filtrage est efficace dans la pratique et si des statistiques sur les candidatures qui ont été rejetées ont été établies.

49.Se référant à des informations émanant du Procureur pour la protection des droits de l’homme, selon lequel 21 000 personnes environ seraient détenues dans des conditions inhumaines en raison du surpeuplement carcéral et des cas de torture se seraient produits dans des centres de détention pour mineurs, le Président voudrait savoir si le programme du nouveau gouvernement prévoit des mesures tendant à améliorer les conditions de détention dans les prisons.

50.Dans un jugement rendu en 2004, la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême a considéré que certaines dispositions de la loi qui avait été promulguée afin de lutter contre les bandes criminelles (maras) étaient inconstitutionnelles dans la mesure où elles permettaient aux forces de l’ordre de faire un usage arbitraire de leur autorité. Il serait intéressant de savoir si le jugement de la Chambre constitutionnelle a été mis en application.

51.La Commission de la vérité a identifié les auteurs présumés des faits dans 30 affaires de violations graves des droits de l’homme. Il serait bon de savoir si les membres des forces armées et de l’appareil judiciaire qui ont été mis en cause ont été suspendus de leurs fonctions.

52.Le Comité a été informé que le programme public de réforme en matière de droits de l’homme vise à garantir la justice pour tous et à assurer l’accès des victimes à des réparations. Les diverses difficultés à surmonter ont-elles été classées par ordre de priorité?

53.Lisant au paragraphe 180 du rapport périodique que le nombre de fonctionnaires des forces de police qui ont suivi des séminaires et des formations entre 2003 et 2006 s’élève à 4 390, le Président demande quelle est la proportion de membres des forces de police qui ont reçu cette formation et si les cours étaient fondés sur des notions théoriques ou sur des cas pratiques. Les recommandations de la Commission de la vérité et les dispositions de la Convention ont-elles été évoquées dans ce contexte? Des formations sur la prévention de la torture ont-elles été également organisées à l’intention des membres des forces armées?

54.En 2008, le Bureau du Procureur pour la protection des droits de l’homme a été saisi de 652 plaintes. La plupart d’entre elles concernaient la Police nationale civile et dénonçaient des cas d’usage excessif de la force et de mauvais traitements infligés aux détenus. En outre, 19 plaintes pour torture et huit plaintes se rapportant à des exécutions extrajudiciaires ont été soumises au Bureau du Procureur. Quelle suite y a été donnée?

55.D’après le Bureau du Procureur et le Bureau de l’Inspection générale de la police, en février 2008, les forces de l’ordre sont entrées dans une école de San Jacinto afin d’arrêter le père de l’un des élèves et ont fait un usage excessif de la force pour parvenir à leurs fins. Cette affaire a été déférée devant une juridiction disciplinaire, mais la procédure n’a pas abouti à des résultats concluants. Les représentants de l’État partie sont invités à formuler des observations sur cette affaire.

56.Le Bureau du Procureur a signalé que des escadrons de la mort avaient mené des opérations dans le département de Sonsonate. Des dates précises et des noms ont été cités. En outre, en janvier 2005, un dirigeant syndicaliste du nom de José Gilberto Soto a été assassiné et la police n’a pas ouvert d’enquête en bonne et due forme. Quelles mesures l’État partie prend-il pour remédier à cette situation?

57.La Commission de la vérité a recommandé que les victimes de crimes commis dans le passé soient indemnisées, qu’un monument national soit érigé en leur honneur à San Salvador et qu’une journée nationale de commémoration soit célébrée. Le nouveau gouvernement entend-il donner suite à ces recommandations?

58.Le Président invite les représentants de l’État partie à répondre aux questions posées par les membres du Comité à une séance ultérieure.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 11 h 35.