NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.82022 mai 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Quarantième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 820e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genèvele mardi 6 mai 2008, à 10 heures

Président: M. GROSSMAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Deuxième rapport périodique de l’Indonésie

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATIONDE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour)

Deuxième rapport périodique de l’Indonésie (CAT/C/72/Add.1; CAT/C/IDN/Q/2 et réponses écrites aux questions figurant dans la liste des points à traiter (document sans cote distribué en anglais seulement))

1. Sur l ’ invitation du Président, M. J enie , M. P uja , M. C ornelis , M. H arkrisnowo , le docteur  A bbas , M. M uzhar , M. S utadi , M. E ffendy , M. S oeparto , M me S yukrie , M. M asudi , M. L yong , M me F irman , M. M ardjono , M. S itepu , M me S oedewo , M. R ambe , M. M uchti , M.  R oembiak , M me S inaga , M. S unaryono , M. D ay , M me D iansari , M. G ofur , M me M arpaung , M.  F irman et M. A dnan (Indonésie) prennent place à la table du Comité.

2.M. JENIE (Indonésie) souligne que la composition de sa délégation atteste l’importance que son gouvernement attache au dialogue engagé avec le Comité et sa volonté de donner plein effet à la Convention contre la torture. L’Indonésie, l’une des plus grandes démocraties et le pays du monde musulman comptant le plus grand nombre d’habitants, est désormais dotée d’un système de gouvernement très décentralisé: 436 de ses villes ont maintenant leurs propres comités locaux chargés de veiller à la mise en œuvre du Plan national d’action relatif aux droits de l’homme, dont l’une des tâches les plus importantes est de veiller à ce que la population ait des recours en cas de violation de ses droits. Le programme de réformes engagé par l’Indonésie pour réparer les injustices passées, défendre l’état de droit et éliminer la corruption, se poursuit, et les nombreux amendements à la Constitution de 1945 introduits entre 1999 et 2002 ont renforcé le processus de démocratisation et la protection des droits de l’homme. Il a été procédé à un réexamen complet des lois et règlements afin d’en éliminer tous les textes incompatibles avec la Constitution modifiée et les normes internationales, et de nouvelles lois sont promulguées pour consolider ce processus. En matière judiciaire, trois importantes institutions ont été mises en place: la Cour constitutionnelle, la Commission judiciaire et le bureau du Médiateur qui, œuvrant en synergie, contribueront grandement à la mise en œuvre de la Convention par l’Indonésie.

3.Le droit de ne pas être torturé est expressément consacré par l’article 28 de la Constitution indonésienne, qui dispose que la Cour constitutionnelle doit veiller en permanence au respect de ce principe par voie d’amendements, de décisions administratives, d’interprétations jurisprudentielles, etc. Quant à la Commission judiciaire, elle est habilitée à entreprendre d’importantes réformes, notamment pour prévenir la corruption au sein de la magistrature. C’est ainsi que les juges candidats à la Cour suprême doivent désormais avoir travaillé sur la question de l’application des instruments relatifs aux droits de l’homme et notamment de la Convention. La Commission judiciaire a également pour mission de renforcer la dignité et l’autorité des juges à tous les niveaux de l’appareil judiciaire. Universitaires et organisations de la société civile ont la possibilité d’exposer dans les publications de la Commission leur avis au sujet des décisions des tribunaux. La Commission joue également un rôle important en ce qui concerne la recevabilité des preuves. En droit indonésien, les preuves sont déclarées recevables lorsqu’elles sont obtenues dans le cadre d’un procès public et la Commission doit écarter toutes preuves qui n’auraient pas été obtenues d’une manière conforme aux normes reconnues en matière de droits de l’homme et notamment aux dispositions de la Convention − sans pour autant porter atteinte à l’indépendance des magistrats. Enfin, la Commission veille à ce que l’État s’acquitte de l’obligation qui lui incombe de fournir les services d’un avocat à tout suspect susceptible d’être condamné à plus de cinq ans de prison.

4.Un autre changement fondamental a été la mise en place d’un bureau national du Médiateur chargé d’assurer le suivi et la supervision externes de l’action des services publics et des autorités judiciaires et notamment de recevoir des plaintes. Depuis un an, le bureau assure un suivi des établissements pénitentiaires, qui deviendra systématique. Ce suivi a montré que de nombreuses et graves difficultés restent à surmonter, en raison notamment de contraintes financières.

5.Des changements apportés récemment à la Constitution ont instauré l’équilibre structurel voulu entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. En particulier, le Parlement élu veille activement à améliorer la mise en œuvre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qui ont été ratifiés. Dans le cadre du processus de démocratisation et de décentralisation, toute une série d’élections − parlementaires, présidentielles et locales − ont eu lieu ces dernières années dans des conditions qualifiées par les observateurs internationaux de libres, démocratiques, équitables et pacifiques. Le processus électoral se poursuit au niveau des districts et des régions, et la population se montre de plus en plus attachée à la démocratie et aux droits et libertés fondamentaux.

6.La politique d’autonomie régionale mise en place depuis janvier 2001 a permis d’améliorer considérablement les services rendus au public, y compris dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l’homme. Les administrations régionales sont désormais en mesure de répondre aux attentes de la population et de veiller au respect de ses droits et notamment des dispositions pertinentes de la Convention. Directement élues par leurs administrés, elles sont à l’avant‑garde en ce qui concerne la défense de ces droits. En vertu de la loi no 32 de 2004 sur l’autonomie régionale, les gouverneurs, responsables de districts et autres édiles locaux sont désormais élus au suffrage direct et à la fin de 2009, quelque 500 gouvernements locaux auront été élus de la sorte. Les collectivités locales seront en mesure de veiller, tant sur le plan législatif qu’au niveau de l’exécutif, à ce qu’il soit tenu compte de leurs intérêts et de leurs besoins. L’éradication de la torture et des pratiques analogues se fera de bas en haut, depuis le niveau local jusqu’aux échelons les plus élevés.

7.Grâce à ces réformes et à l’instauration de la démocratie, le Gouvernement indonésien a pu régler les situations conflictuelles qui affectaient diverses régions et notamment Aceh. Cette province est entrée dans une phase pleine de promesses, marquée par la conclusion et la mise en œuvre de l’accord de paix; toutes les parties en présence participent au processus de réintégration et de reconstruction qui fait suite au tsunami dévastateur de décembre 2004, à l’occasion duquel la communauté internationale a su donner des preuves de sa solidarité. Dans les provinces de Papouasie occidentale et de Papouasie, les efforts de développement se sont intensifiés; priorité y est donnée à la sécurité alimentaire et au développement de l’économie communautaire ainsi qu’à l’amélioration des services de santé et d’éducation, au développement des infrastructures et aux mesures en faveur des autochtones. Le Président encourage les gouvernements régionaux intéressés à redoubler d’efforts dans ces domaines.

8.Dans sa lutte contre le terrorisme et d’autres formes de criminalité transnationale, le Gouvernement indonésien s’attache à respecter les droits de l’homme et le droit international. Aussi, les auteurs d’actes terroristes qui ont été appréhendés bénéficient‑ils d’une procédure régulière, de conditions de détention conformes aux normes reconnues et de l’habeas corpus. Tout en combattant le terrorisme, les autorités s’attaquent aussi à ses causes, qui sont notamment la pauvreté, l’injustice et l’extrémisme et elles souhaitent contribuer à la paix et à la sécurité dans la région et dans le monde entier en coopérant avec d’autres pays dans cette lutte.

9.L’application de la Convention suppose de trouver un juste équilibre entre les activités de promotion et les activités de protection. Il sera difficile de limiter les cas de violation de la Convention sans des actions de promotion plus énergiques, mais celles‑ci sont plus coûteuses et plus délicates à mettre en œuvre que les activités de protection. Toutes les parties prenantes doivent absolument œuvrer en synergie, et il faut également investir dans la coopération technique.

10.Dans une société démocratique, la liberté de la presse et des médias est indispensable à la promotion et à la protection des droits de l’homme. Les médias indonésiens sont parmi les plus libres qui soient et la plupart des grands journaux d’audience nationale ont des rubriques consacrées aux droits de l’homme, en sorte qu’aucune allégation de torture ou de violation de la Convention ne saurait passer inaperçue. En outre, des émissions télévisées sont régulièrement consacrées à des débats publics sur des questions de droits de l’homme, y compris des cas présumés de torture imputables à des agents de l’État. Il n’est donc pas exagéré de dire que le Gouvernement a mis en place avec succès, par l’intermédiaire des médias, des mécanismes de contrôle par la collectivité. D’une manière générale, il attache une grande importance aux partenariats instaurés avec des organisations de la société civile en vue de promouvoir les droits de l’homme dans le pays.

11.Il est vrai que le Code pénal indonésien en vigueur est toujours celui instauré par les autorités néerlandaises en 1915 − tel que révisé et modifié jusqu’en 1976. À l’heure actuelle, ce code est considéré comme l’un des principaux obstacles à la pleine application de la Convention par l’Indonésie et il apparaît urgent d’incorporer la définition de la torture dans le Code pénal révisé. Le Gouvernement indonésien est bien conscient que la Convention fait obligation aux États parties d’interdire, de prévenir et de punir la torture et les mauvais traitements partout où des personnes sont retenues − prisons, hôpitaux, écoles, établissements accueillant des enfants, des personnes âgées, des malades mentaux ou des handicapés, ainsi que dans tous autres contextes où l’abstention de l’État favorise et aggrave les risques de sévices infligés à titre privé. C’est pourquoi il est souhaitable qu’un dialogue constructif s’instaure entre le Comité et les États parties, afin d’aider ceux‑ci à mieux appliquer la Convention. L’Indonésie a la ferme volonté d’œuvrer dans ce sens et deux nouvelles lois importantes viennent d’être promulguées, la loi no 13/2006 sur la protection des témoins et des victimes et la loi no 12/2007 sur la traite des être humains; elles auront une incidence directe sur l’application de la Convention en Indonésie.

12.MmeGAER (Rapporteuse pour l’Indonésie) remercie la délégation de ses réponses écrites et rappelle que le rapport initial de l’Indonésie (CAT/C/47/Add.3), examiné par le Comité en 2001, était essentiellement consacré aux aspects juridiques de la situation dans le pays: le Comité avait demandé que des renseignements lui soient fournis dans d’autres domaines également. Il est vrai que l’État partie a connu d’importantes transformations depuis la signature de la Convention et le présent rapport atteste que l’effort de réforme s’est poursuivi. Mais le Comité a pour mission de s’assurer que non seulement les lois, mais aussi la pratique, sont conformes aux prescriptions de la Convention et à cet égard, le rapport à l’examen soulève davantage de questions qu’il n’apporte de réponses.

13.En ce qui concerne l’application de l’article premier de la Convention, le Comité cherche toujours à s’assurer que les États parties qualifient bien les actes de torture d’infractions pénales. Or la législation indonésienne semble comporter une faille puisque des poursuites ne peuvent apparemment être engagées qu’à l’encontre de personnes coupables de mauvais traitements, alors que le Comité avait été d’avis qu’en l’espèce, la notion de mauvais traitements ne couvrait pas celle de torture; les lois nos 39/1999 et 26/2000, pour importantes qu’elles soient, ne semblent pas avoir résolu le problème. D’ailleurs, il n’y a pas eu de poursuites ni de condamnations pour actes de torture au sens de la Convention car en vertu de la loi no 39/1999, il faut que des violations flagrantes des droits de l’homme aient été constatées pour que des actes de torture puissent faire l’objet d’une action en justice, les actes individuels n’étant pas pris en considération. Le Rapporteur spécial sur la torture a d’ailleurs lui aussi soulevé ce problème.

14.Le Comité a demandé à l’État partie de fournir des exemples de poursuites engagées, et de condamnations et de peines prononcées en vertu de la loi no 39/1999. Or les informations données par la délégation à ce sujet laissent perplexe: entre 2000 et 2004, quelque 330 militaires et policiers ont été poursuivis pour mauvais traitements et entre 2005 et 2007, après que les corps de l’armée et la police ont été séparés, 362 militaires ont été poursuivis pour mauvais traitements et condamnés et purgent actuellement leur peine. Comment se fait-il qu’ils aient tous été jugés coupables et ont-ils bénéficié d’un procès équitable? Et pourquoi des personnes condamnées en 2005 à des peines de l’ordre de quelques mois sont‑elles toujours incarcérées? En outre, les chiffres cités dans la réponse de la délégation sont globaux et ne renseignent pas sur le nombre de condamnations relatives à des actes de torture. L’armée et la police étant des entités distinctes depuis bon nombre d’années maintenant, on peut s’étonner de ce que 362 affaires de mauvais traitements aient fait l’objet d’une action en justice au sein de l’armée mais aucune au sein de la police. Pourtant, de nombreux cas imputés à des policiers ont été décrits avec force détails par le Rapporteur spécial sur la question de la torture et diverses organisations.

15.En réponse à la deuxième question posée à propos de l’article premier de la Convention, l’État partie a indiqué que les «violations flagrantes des droits de l’homme» comprennent le génocide et les crimes contre l’humanité: dans les affaires de Tanjung Priok et du Timor‑Leste citées en exemple dans les réponses écrites, tous les intéressés ont été jugés non coupables: il serait utile d’apprendre quelles raisons ont motivé cette décision. Dans toutes les autres affaires de ce genre qui ont pu être évoquées, il semble que personne n’ait jamais été jugé coupable de torture. Le principe du procès équitable est certes très important, mais en présence de tant d’allégations de torture dont si peu ont fait l’objet d’une action en justice et aucune n’a abouti à une déclaration de culpabilité, il est permis de se demander si quelque élément, dans le système indonésien, empêche que les actes de torture soient sanctionnés.

16.En ce qui concerne l’article 2 de la Convention, il semble que les garanties fondamentales des détenus ne sont pas suffisantes. Dans son rapport sur sa mission en Indonésie (A/HRC/7/3/Add.7), le Rapporteur spécial sur la torture exprime un certain nombre de préoccupations quant au respect de ces garanties et conclut que la torture est une pratique courante dans les commissariats de police à Jakarta ainsi que dans les autres zones urbaines de Java, y compris à Jogjakarta. Dans ses réponses écrites, l’Indonésie a indiqué que des registres quotidiens et mensuels de détenus étaient tenus dans les centres de détention, mais la délégation pourrait indiquer si tel est le cas dans tous les lieux de détention, y compris dans les postes de police ou dans les installations militaires.

17.Pour ce qui est du sort de deux instituteurs qui auraient été emmenés de force en 2004 par 10 hommes armés portant l’uniforme militaire dans le district de Nagan Raya (question 3), l’État partie a indiqué que les intéressés, Mohammed Amin Alwi et Hasballah, avaient été au nombre des victimes d’actes de génocide perpétrés par le Mouvement pour un Aceh libre (GAM). LeComité doit-il en conclure que ces disparitions forcées sont imputables à ce groupe armé et que le Gouvernement indonésien n’y a aucune responsabilité? La délégation pourrait peut‑être apporter des éclaircissements sur la question et préciser notamment si des enquêtes ont été diligentées sur ces disparitions.

18.Il est dit dans le rapport que plusieurs affaires de torture ont été jugées par les tribunaux et en 2003, 12 militaires du 301e bataillon d’infanterie (Yonif) de Prabu Kiansantang, qui étaient accusés d’avoir commis des tortures sur des civils, ont été acquittés par le tribunal militaire 01 de Banda Aceh et ont réintégré leurs unités militaires. Il y a lieu de connaître les raisons pour lesquelles les intéressés n’ont pas été reconnus coupables. Dans les réponses écrites, il est indiqué que trois autres membres de l’armée ont été traduits devant le tribunal militaire 01 de Banda Aceh sur le fondement des articles 351 1) et 55 1) du Code pénal, et qu’ils ont été reconnus coupables d’exactions commises collectivement et condamnés à un emprisonnement de quatre mois et vingt jours. Ce sont des peines très légères qui ne sont pas proportionnées à la gravité des faits; il faudrait savoir aussi si après avoir exécuté leur peine, les intéressés ont pu réintégrer leurs unités militaires.

19.L’État partie affirme que le Rapporteur spécial sur la question de la torture n’a constaté aucune pratique généralisée de la torture par la police ou l’armée en Papouasie‑Nouvelle‑Guinée alors que dans son rapport, celui-ci donne de multiples exemples de l’usage excessif de la force par la brigade mobile. Le Rapporteur spécial fait aussi état d’informations selon lesquelles dans la prison d’Abepura les nouveaux arrivants seraient systématiquement soumis à des passages àtabac. Il est heureux que le nouveau directeur de cet établissement ait pris des mesures pour mettre un terme à cette pratique mais le Comité souhaiterait savoir si le Gouvernement a entrepris de mener des enquêtes. De manière plus générale, la délégation pourra peut‑être signaler les mesures qui ont été prises depuis la visite effectuée par le Rapporteur spécial dans le pays. Un mécanisme de plainte a-t-il été mis en place ou le Gouvernement considère-t-il que les enquêtes menées par les services pénitentiaires ou par le médiateur suffisent? Il conviendrait aussi de savoir si l’État partie envisage d’élargir l’accès des représentants de la Commission nationale des droits de l’homme (Komnas) ou des organisations non gouvernementales aux prisons, et d’autoriser des visites inopinées, ce qui a été refusé au Rapporteur spécial au cours de sa mission. L’Indonésie a annoncé il y a quelques semaines qu’elle allait ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture; la délégation pourra peut‑être préciser la date à laquelle la ratification est prévue ou quand un mécanisme national de prévention de la torture, habilité à effectuer des visites inopinées dans les lieux de détention, sera mis en place.

20.L’État partie a signalé qu’après la séparation des forces de police de l’armée indonésienne en 2004, des mesures ont été prises pour soumettre les policiers à un contrôle indépendant. Le Comité voudrait savoir quelles procédures ont été organisées pour garantir que les policiers rendentcompte de leurs actes et plus précisément, quel est l’organe chargé d’enquêter sur les exactions qui auraient été commises par des policiers.

21.Les informations selon lesquelles les coups de fouet ou de canne seraient autorisés dans certaines régions pour punir les auteurs de certaines infractions sont particulièrement préoccupantes. La délégation explique ces pratiques par la décentralisation. Mais il importe tout particulièrement de veiller à ce que dans le cadre d’un tel processus, les autorités décentralisées respectent les lois nationales ainsi que les dispositions de la Convention contre la torture. Desprécisions sur les mesures prises pour veiller à la conformité des règlements locaux (Qanuns) avec les dispositions de la Convention seraient utiles.

22.En ce qui concerne la Wilayatul Hisbah (police des mœurs ou de la religion), un certain nombre de questions se posent. Le Comité voudrait ainsi savoir si ses membres reçoivent une formation sur les dispositions de la Convention, notamment sur l’interdiction de la torture, et quelle autorité est chargée de la contrôler. Il demande également des précisions sur l’étendue de la compétence de la Wilayatul Hisbah pour recevoir des plaintes de la population pour violation de la charia, et voudrait savoir si des mesures disciplinaires ont déjà été prises contre certains agents qui auraient outrepassé leurs fonctions. Pour ce qui est de la lutte contre la traite des êtres humains, la délégation est invitée à préciser si des personnes condamnées en application des textes relatifs à la traite ont également été inculpées ou condamnées sur le fondement des articles 351 à 358 du Code pénal visant les mauvais traitements.

23.En ce qui concerne l’article 3 de la Convention, MmeGaer demande si la question du transfert illégal de personnes a fait l’objet d’enquêtes et si le Gouvernement indonésien a déjà rejeté une demande d’extradition en invoquant le principe de non‑refoulement.

24.À propos de l’article 4 de la Convention, Mme Gaer demande si le nouveau Code pénal qui, comme l’Indonésie l’avait indiqué lors de l’examen de son rapport initial en 2001, devait permettre de répondre aux préoccupations du Comité, est entré en vigueur ou si l’on peut espérer qu’il le sera à brève échéance; peut‑être serait-il possible d’envisager de promulguer sans plus attendre les dispositions de projet qui concernent la définition de la torture de façon à gagner du temps. Selon les informations communiquées par l’État partie, le Code pénal contient un chapitre relatif aux infractions commises par de hauts responsables; la délégation pourrait‑elle indiquer si des personnes ont été accusées et condamnées sur la base de ces dispositions? Il faudrait préciser également sur le fondement de quelles dispositions du Code pénal les sept militaires impliqués dans l’assassinat à Sumatra de M. Man Robert ont été poursuivis. Ces militairesont été démis de leurs fonctions alors que dans de précédentes affaires de torture les responsables avaient réintégré leurs unités militaires; on peut se demander s’il y a eu un changement dans la loi ou dans la pratique.Concrètement, il faudrait savoir ce qu’il advient d’un individu qui a été reconnu coupable de torture, s’il est radié des cadres ou si, à l’extinction de sa peine, il peut reprendre son service. La question est importante en raison des informations reçues par le Comité qui font état de faits graves, perpétrés tout d’abord au Timor‑Leste (avant l’indépendance), puis dans la province d’Aceh et, plus récemment, en Papouasie‑Nouvelle‑Guinée. Or, un certain nombre de hauts responsables de l’armée ont exercé ou exercent leurs fonctions dans chacune de ces trois régions. Ces responsables ont-ils été inculpés de mauvais traitements et des enquêtes ont‑elles été menées avant que les intéressés ne soient affectés au commandement militaire d’autres régions? Est-il possible d’établir un lien entre leur présence dans les régions précitées et l’augmentation des exactions qui auraient été commises par le personnel militaire en poste dans ces différentes régions?

25.En ce qui concerne le viol, l’ancien Code de procédure pénale contenait un article disposant qu’une plainte doit être confirmée par deux témoins pour prouver un viol; il faudrait savoir si cette disposition existe aussi dans le nouveau Code. Des données statistiques sur les actions en justice engagées pour viol seraient très utiles. Il en va de même pour les violences sexuelles dans la province d’Aceh pendant le conflit armé. Dans ses réponses écrites, l’État partie indique qu’en cas d’urgence, les fouilles corporelles sur des femmes peuvent être effectuées par les membres de la Bhayangkari, c’est-à-dire les épouses des membres de l’Association de la police. Le Comité voudrait savoir si celles-ci bénéficient d’une formation particulière, et avec quelle fréquence elles sont sollicitées.

26.À propos de l’affaire d’Abepura, l’État partie indique que trois militaires ont été reconnus coupables de mauvais traitements et ont été condamnés à des peines d’emprisonnement de quatre mois. Mme Gaer voudrait savoir s’il s’agit des cas évoqués par l’État partie au paragraphe 39 de son rapport, si après avoir purgé leur peine, les intéressés ont réintégré leurs unités militaires et s’il est courant que des militaires reconnus coupables de tels actes soient autorisésà réintégrer leurs unités.D’après les informations communiquées au Comité par des ONG, seuls deux militaires auraient été poursuivis dans l’affaire d’Abepura et l’un et l’autre auraient été acquittés. Or dans ses réponses écrites, l’État partie indique que 16 personnes − 7 civils et 9 militaires − ont été traduites en justice et qu’elles ont toutes été condamnées à des peines allant de six à quatorze mois d’emprisonnement. Des précisions seraient par conséquent les bienvenues.

27.MmeGaer remercie la délégation de ses informations sur la violence familiale et voudrait savoir si des mesures ont été prises pour faire en sorte que le personnel judiciaire chargé de traiter ces affaires reçoive une formation appropriée sur la législation applicable et sur les moyens permettant de détecter ce type de violences, et pour que les victimes bénéficient d’une prise en charge adéquate. Elle demande si des plaintes ont déjà été déposées pour violences dans la famille et si des condamnations ont été prononcées. Dans l’affirmative, des précisions sur les peines appliquées seraient les bienvenues.

28.En ce qui concerne l’article 5 de la Convention, l’État partie indique au paragraphe 41 de son rapport que les tribunaux des droits de l’homme sont habilités à enquêter et à se prononcer sur les violations flagrantes des droits de l’homme commises par des nationaux indonésiens en dehors du territoire indonésien et que le principe de compétence universelle existe bien en vertu de la loi no 26/2000. Le Comité voudrait savoir s’il est arrivé que des mesures soient prises contre des personnes résidant actuellement sur le territoire de l’Indonésie qui auraient pris part aux violations massives des droits de l’homme perpétrées au Timor-Leste en 1999. Interpol a lancé des avis de recherche internationaux en vue de l’extradition d’un certain nombre de ces criminels. L’Indonésie va-t-elle, en tant que membre d’Interpol, livrer ceux qui se trouvent sur son territoire?

29.En ce qui concerne les articles 6, 7, 8 et 9 de la Convention, le Comité voudrait savoir si les enquêtes sur les actes d’intimidation contre des personnes ayant témoigné devant les tribunaux spéciaux des droits de l’homme pour le Timor-Leste (question 28) ont abouti à des condamnations. Des précisions sur les moyens effectivement mis en œuvre pour aider les autorités du Timor-Leste à traiter les graves violations des droits de l’homme qui ont été commises seraient également utiles.

30.La non‑rétroactivité des lois établie par le deuxième amendement à la Constitution constitue un obstacle à l’élucidation des violations des droits de l’homme qui ont été commises avant que la loi sur les droits de l’homme ne soit adoptée. D’après un récent article du Jakarta  Post, quelque 500 généraux de l’armée et officiers de police à la retraite auraient formé une coalition pour protester contre les enquêtes menées par la Commission nationale des droits de l’homme (Komnas Ham) sur les violations commises dans le passé et réclamer le renvoi des membres de la Commission pour abus d’autorité. Le Président indonésien aurait publiquement affirmé son soutien aux activités de la Commission et invité toutes les institutions gouvernementales à appuyer cette dernière dans la conduite de ses enquêtes. La délégation voudra peut‑être réagir à ces informations. Elle pourrait notamment indiquer si une coopération s’est effectivement instituée avec la Commission et si une stratégie a été arrêtée au sujet du traitement des affaires de violations des droits de l’homme antérieures à l’entrée en vigueur de la loi applicable.

31.Dans sa réponse à la question no 37 relative à l’affaire Munir, l’État partie indique que l’auteur présumé du meurtre de M. Munir a été reconnu coupable et condamné à vingt ans de réclusion; or d’après d’autres sources, celui‑ci aurait été condamné à seulement deux ans d’emprisonnement et aurait été acquitté du chef de meurtre par la Cour suprême. Des explications seraient les bienvenues, ainsi que des informations sur d’éventuelles poursuites engagées contre d’autres personnes soupçonnées d’être impliquées dans la conspiration contre M. Munir.

32.À la question no 29 relative aux collèges spéciaux du Timor‑Leste, l’État partie répond que, comme il ne reconnaît pas la compétence du Comité pour connaître des requêtes émanant de particuliers, il ne se considère pas en mesure de fournir au Comité les renseignements demandés. Cette objection n’est pas recevable puisque les questions sont posées dans le cadre de l’examen prévu à l’article 19 de la Convention, et non au titre de l’article 22. Il serait utile d’entendre les explications de la délégation à ce sujet.

33.Le Comité souhaiterait savoir comment l’État partie garantit le droit à l’assistance d’un avocat et s’il envisage d’étendre le mandat de la Commission nationale des droits de l’homme à cet aspect des garanties judiciaires ou d’établir d’autres commissions qui seraient chargées d’assurer les droits de la défense, notamment par l’organisation de l’aide juridictionnelle.

34. M me Gaer s ’ interroge sur l ’ applicabilité aux cas individuels des deux textes de loi contenant des dispositions qui interdisent la torture et sur les mécanismes de protection juridique. Elle souhaiterait également des précisions sur la compétence de la Komnas Ham (Commission nationale des droits de l ’ homme), notamment en ce qui concerne les visites de prisons.

35. Parmi les autres problèmes préoccupants qui appellent une attention particulière, M me Gaer évoque la violence à l ’ égard des femmes et la traite des femmes et des enfants et l ’ incitation à la violence contre des communautés religieuses.

36.M. GROSSMAN (Corapporteur pour l ’ Indonésie), demande si des mesures ont été prises pour donner suite à la recommandation du Rapporteur spécial tendant à ce que la torture soit spécifiquement définie et érigée en infraction pénale et si un calendrier a été fixé à cet effet. Il souhaite savoir aussi si le mémorandum d’accord du 6 avril 2000 sur les questions juridiques et judiciaires et les questions relatives aux droits de l’homme est juridiquement contraignant, en d’autres termes si les agents de l’État qui ne coopèrent pas peuvent être sanctionnés et de quelle manière. Si tel n’est pas le cas, quels sont les effets de ce mémorandum? Toujours en ce qui concerne l ’ entraide judiciaire, la question se pose de savoir si l ’ Indonésie reconnaît le principe de la compétence universelle et quelles ont été les mesures prises à ce jour pour poursuivre ou extrader les auteurs de crimes internationaux commis au Timor ‑Leste.

37. De nombreuses sources ont fait état d ’ un usage excessif de la force par les membres des unités de la brigade mobile. À ce propos, il serait intéressant d ’ avoir des précisions sur le financement de ces unités paramilitaires et sur l ’ organisation, la durée et le contenu de leur formation; il faudrait savoir par qui elle est assurée, si elle comprend des informations sur les dispositions relatives à la torture et des exemples concrets, et si la formation des membres des forces armées indonésiennes (TNI) comprend un volet sur les normes internationales relatives aux droits de l ’ homme, y compris l ’ interdiction de la torture, et présente des cas de personnes qui ont été sanctionnées.

38. La durée maximale de la garde à vue autorisée par le Code de procédure pénale est de soixante jours. Bien que normalement réservée à certains cas particuliers, il semblerait que cette disposition soit fréquemment appliquée. Il serait donc bon de préciser à nouveau quelles sont les circonstances particulières dans lesquelles l ’ application est autorisée et quels sont les mécanismes de contrôle juridictionnel qui existent. Plus important encore, la délégation pourrait décrire la pratique, en donnant des chiffres et des exemples concrets et en indiquant s ’ il est arrivé que la mesure soit contestée et, dans l ’ affirmative, quelle a été la suite. Il faudrait savoir aussi si la détention militaire fait l ’ objet d ’ un contrôle juridictionnel, s ’ il y a eu des plaintes dénonçant des traitements inhumains ou dégradants pendant ce type de détention et si des poursuites ont été engagées et des condamnations ont été prononcées.

39. Le personnel pénitentiaire compte apparemment un effectif féminin très réduit dans certains établissements. Sachant qu ’ il est essentiel que la surveillance des détenues soit assurée par des femmes, des dispositions ont ‑elles été prises pour corriger cette situation et, en outre, existe ‑t ‑il des mécanismes indépendants de surveillance et d ’ enquête concernant les cas de harcèlement sexuel en prison?

40. Faisant référence à l ’ actualité récente, M. Grossman demande des précisions sur les motifs de la condamnation de Johan Teterisa à la réclusion à perpétuité. Il s ’ interroge à ce sujet sur les restrictions légales à la liberté d ’ expression en Indonésie et sur le sens donné dans ce contexte au simple fait d ’ exhiber un drapeau. Il souhaiterait en outre savoir combien de personnes exécutent actuellement une peine de prison pour trahison. Citant l ’ article 12 de la Convention, il demande des explications sur l ’ acquittement d ’ Eurico Guterres par la Cour suprême et voudrait aussi connaître les dispositifs en place pour lutter contre la corruption.

41. La loi n o  39 de 1999 contient certaines dispositions interdisant la torture et il serait donc utile de savoir par quels moyens les victimes d ’ actes de torture peuvent s ’ en prévaloir, et si leur application peut déboucher sur l ’ octroi de réparations. La compétence des tribunaux spéciaux des droits de l ’ homme, créés en vertu de la loi n o  26/2000, se limite aux violations flagrantes et massives des droits de l ’ homme. Une telle restriction apparaît incompatible avec l ’ article 4 de la Convention, qui vise tous les actes de torture, y compris les tentatives de pratiquer la torture; on est donc fondé à s ’ interroger sur la définition des violations massives qui justifie cette disposition de la loi n o  26/2000. Les tribunaux spéciaux sont ‑ils compétents pour accorder des réparations adéquates aux victimes?

42. Le Rapporteur spécial sur la torture fait état dans son rapport de nombreuses allégations concernant des aveux obtenus sous la contrainte ou la torture. Il faudrait savoir quels mécanismes les tribunaux peuvent employer pour établir une distinction entre ces aveux et ceux obtenus par des méthodes légales et s ’ il existe un système d ’ évaluation externe de la Commission nationale de la police par une entité indépendante.

43. Certaines sanctions prévues par la charia ont été incorporées dans le Code pénal de la province d ’ Aceh. C ’ est le cas en particulier de la flagellation publique qui, en tant que châtiment corporel, constitue un traitement inhumain et dégradant et devrait à ce titre être interdite. Les observations du Rapporteur spécial sur la torture à ce sujet ont ‑elles été entendues? Comme la violence à l ’ égard des femmes, et plus particulièrement la violence au foyer, constitue un problème préoccupant, la délégation est invitée à exposer les mesures qui peuvent avoir été prises pour faire mieux connaître la loi sur l ’ élimination de la violence dans la famille et, plus globalement, la politique des pouvoirs publics face à ce type de violence et les moyens mis en œuvre pour la combattre. Enfin, le Comité souhaite savoir si la législation contient des dispositions garantissant une protection adéquate contre le viol. Il a été signalé que certains cas de viol avaient donné lieu à une médiation de la police ayant abouti au versement par l ’ accusé d ’ une somme d ’ argent à la victime à la place d ’ une enquête. Des éclaircissements sur ce point seraient utiles.

44. M me SVEAASS , s ’ intéressant plus particulièrement à la situation des enfants, prend note avec satisfaction de l ’ adoption de la loi de 2000 sur les droits de l ’ homme, qui interdit les châtiments corporels contre les enfants, de la loi n o  23 de 2002 sur la protection de l ’ enfance et de la loi n o  20 de 2003 sur le système éducatif national. Elle souligne néanmoins que toutes ces mesures législatives ne sont pas suffisantes si elles ne s ’ accompagnent pas d ’ activités visant à les faire connaître, à les appliquer et à en surveiller l ’ application. C ’ est pourquoi elle souhaite savoir ce qui est fait pour favoriser la mise en œuvre des dispositions existantes et si des mécanismes de coordination ont été mis sur pied. Des renseignements préoccupants reçus de diverses sources montrent que beaucoup reste à faire dans la pratique pour protéger les enfants et les jeunes contre la violence, les mauvais traitements et les châtiments corporels non seulement dans la famille et à l ’ école mais aussi en détention; elle demande quelles mesures concrètes sont prises à cette fin et si les enfants ont accès à des mécanismes de plainte.

45. Les fillettes et les jeunes filles sont particulièrement exposées à certaines formes de violence, parmi lesquelles les mutilations génitales, encore répandues dans certaines régions, la traite et l ’ exploitation sexuelle et les mariages forcés. Il semble que les femmes qui militent pour les droits de la femme sont, quant à elles, apparemment victimes d ’ actes de harcèlement et de mauvais traitements. La délégation pourra indiquer si les pouvoirs publics ont adopté des mesures pour lutter contre ces pratiques et faire face à cette situation et aussi comment la protection des droits des enfants des travailleuses migrantes est assurée.

46. D ’ après les renseignements dont le Comité dispose, 75 % des enfants de moins de 5 ans n ’ ont pas de certificat de naissance. M me Sveaass se demande s ’ il existe un lien entre cette situation et le fait qu ’ un certain nombre des noms figurant sur les listes de personnes torturées établies par les ONG ne sont accompagnés d ’ aucuns renseignements sur leurs date et lieu de naissance. Rappelant que le Comité des droits de l ’ enfant a recommandé au Gouvernement indonésien de faire en sorte que la totalité des naissances soient enregistrées d ’ ici à 2015, elle demande quelle suite a été donnée à cette recommandation.

47. Un autre élément particulièrement préoccupant est l ’ âge légal de la responsabilité pénale, qui est actuellement de 8 ans. Des modifications ont ‑elles été ou vont ‑elles être introduites dans la législation pénale en vue de relever cet âge? En ce qui concerne les enfants en conflit avec la loi, nombreuses sont les allégations de détention d ’ enfants avec des adultes, y compris des condamnés. Peut ‑être la délégation a ‑t ‑elle des renseignements précis sur le nombre de mineurs détenus et la proportion d ’ enfants et de jeunes placés en détention avec des adultes. Les réponses écrites mentionnent la promulgation récente d ’ un décret contenant des dispositions sur la séparation des détenus; il serait utile de savoir dans quelle mesure ces dispositions sont prises en compte et appliquées. D ’ après des chiffres récents, sur 4 000 mineurs délinquants traduits en justice, environ 85 % ont été condamnés à une peine de prison, ce qui représente une proportion inquiétante, en particulier au vu des conditions de détention qu ’ ils vont devoir subir compte tenu du surpeuplement de nombreuses prisons. Il importe donc de savoir si des dispositions ont été ou vont être prises pour placer les jeunes délinquants dans des établissements différents dotés des moyens de leur dispenser un enseignement, ou pour appliquer des peines de substitution, et s ’ il existe un mécanisme de surveillance de la pratique des violences sexuelles contre les enfants en détention. De façon plus générale, il semblerait que les auteurs de violences graves sur la personne d ’ enfants bénéficient d ’ une certaine impunité, ce qui soulève la question des mécanismes de plainte auxquels les enfants peuvent avoir accès.

48. M me BELMIR demande quel est le fondement légal des sanctions telles que la flagellation publique et sur la place des dispositions inspirées de la charia dans l ’ ordre juridique. Elle se demande si celles ‑ci s ’ inscrivent dans un cadre normatif et découlent de textes soumis à un contrôle de la constitutionnalité ou si elles relèvent davantage d ’ un droit coutumier régional.

49.En ce qui concerne la police des mœurs ou de la religion (Wilayatul Hisbah), il serait intéressant de savoir si elle relève de l’organisation administrative ou judiciaire de l’État, si elle est soumise à un quelconque contrôle, si des recours peuvent être formés contre ses actions et si ses membres peuvent faire l’objet de sanctions. Ces considérations amènent à s’interroger sur le rôle de la justice dans l’État partie et notamment sur la place que tient la religion dans l’administration de la justice. Dans le rapport de la mission qu’il a effectuée en Indonésie en juillet 2002 (E/CN.4/2003/65/Add.2), le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats mentionne des allégations de corruption généralisée et systématique de l’appareil judiciaire touchant tous les personnels – juges, procureurs, policiers et autres fonctionnaires de justice. Il faudrait savoir dans quelle mesure ces allégations sont exactes et connaître les causes d’une telle situation, notamment le lien éventuel qu’elle pourrait avoir avec le transfert de l’administration de la justice du Ministère de la justice et des droits de l’homme à la Cour suprême.

50.Le traitement réservé aux mineurs en conflit avec la loi est très préoccupant. Tant la loi de l’État partie – âge de la responsabilité pénale fixé à 8 ans − que sa pratique − enfants détenus avec des adultes – sont contraires aux droits de l’enfant tels qu’ils sont reconnus dans les normes internationales. Le Comité souhaiterait savoir si ces pratiques se fondent sur un référentiel religieux et comment l’État partie pense les concilier avec les normes internationales.

51.M. MARIÑO MENÉNDEZ demande, à propos de l’application de l’article 2, quel organe exerce les fonctions de police judiciaire, en particulier pour ce qui concerne l’interpellation, l’interrogatoire et la garde à vue des suspects. Dans ses réponses écrites, l’État partie fait référence à des «enquêteurs autorisés», mais des précisions sur les attributions de ces derniers seraient utiles. Il faudrait également préciser si les suspects interpelés, après avoir été interrogés dans les locaux de la police, sont transférés dans des centres de détention provisoire et si tel est le cas, s’il existe un registre dans lequel sont consignés ces transferts.

52.Concernant les inspections effectuées dans les lieux de détention par la Commission de médiation, il serait intéressant de savoir à quelle autorité celle‑ci signale les irrégularités constatées à l’occasion de ses visites et si elle peut saisir directement les services du procureur. Il semblerait que l’exercice de la profession d’avocat ne soit pas clairement réglementé et qu’il n’existe pas d’organisation professionnelle des avocats. Il serait souhaitable que des mesures soient prises dans ce sens afin de permettre aux avocats de jouer pleinement leur rôle et de garantir ainsi les droits de la défense, notamment au titre de l’aide juridictionnelle.

53.En ce qui concerne les garanties consacrées à l’article 3, une question fondamentale est celle de savoir si l’expulsion d’un étranger relève exclusivement de la compétence du ministre concerné ou si la décision de ce dernier peut faire l’objet d’un contrôle juridictionnel en cas de risque allégué de torture dans le pays de renvoi.

54.L’article 5 de la Convention contre la torture est fondé sur le principe de droit international aut dedere, aut judicare et vise à établir la compétence universelle des États parties en ce qui concerne les actes de torture. Il semblerait pourtant que la législation indonésienne n’établisse pas clairement la compétence de l’État pour poursuivre des étrangers se trouvant sur son territoire qui auraient commis des actes de torture. Le Comité souhaiterait entendre la délégation sur ce sujet.

55.En ce qui concerne les personnes déplacées à l’intérieur du pays, la priorité doit être de répondre à leurs besoins essentiels. Le Représentant du Secrétaire général chargé de la question des personnes déplacées dans leur propre pays a formulé un certain nombre de recommandations (E/CN.4/2002/95/Add.2) visant à mettre un terme au déplacement. Il préconise entre autres options possibles l’intégration des populations déplacées dans les communautés existantes. Il serait utile de savoir quelle suite a été donnée à ces propositions, dans la pratique comme dans les textes.

56.M.WANG Xuexian reconnaît les efforts consentis par l’État partie pour s’acquitter de ses obligations en vertu de la Convention mais note que, de l’aveu même de l’État partie, des obstacles à la mise en œuvre complète de cet instrument persistent, notamment l’absence de définition spécifique de la torture et l’insuffisance de la formation des agents de l’État. Il faut espérer que l’État partie parviendra à surmonter ces difficultés. L’établissement d’une nouvelle commission pour la vérité et la réconciliation a été évoqué comme une possibilité. La délégation pourra peut‑être indiquer quand cette commission sera établie et quel en sera le mandat. Ce dernier point intéresse particulièrement le Comité; l’objectif d’une telle commission doit être de rendre justice aux victimes et de punir les coupables et non, comme cela s’est produit dans d’autres pays, de permettre une amnistie générale.

57.Mme KLEOPAS dit que faire de la torture une infraction pénale est une obligation en vertu de l’article 4 de la Convention et que la législation indonésienne, qui ne remplit pas cette prescription, prive les responsables de l’application des lois d’un moyen essentiel de prévenir la torture. Dans son rapport sur sa récente mission en Indonésie (A/HRC/7/3/Add.7), le Rapporteur spécial sur la question de la torture formule des recommandations très pertinentes, en particulier en ce qui concerne les mineurs, dont la mise en œuvre donnerait les moyens à l’État partie de prévenir efficacement la torture. Aussi serait‑il intéressant de savoir quelle suite celui‑ci entend leur donner. Il serait également utile de savoir si l’État partie a l’intention de faire la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention, car en reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des requêtes émanant de particuliers, l’État partie se doterait d’un nouveau mécanisme indépendant de protection des victimes de la torture. À propos de la violence contre les femmes, il semble que ni les initiatives prises par le Gouvernement pour renforcer la protection des femmes ni les travaux de la commission nationale chargée de la question n’ont réussi à faire régresser le problème, qui se serait même aggravé. Cette situation s’expliquerait notamment par l’existence, à l’échelon des provinces, de règlements discriminatoires à l’égard des femmes, fondés sur la tradition religieuse. D’après des sources non gouvernementales, le Ministre de l’intérieur est compétent pour réviser les textes adoptés à l’échelle infranationale s’ils sont incompatibles avec la loi fédérale, mais les règlements en question n’ont apparemment fait l’objet d’aucune révision.

58.M. GALLEGOS CHIRIBOGA dit que le changement de société souhaité par l’État partie qui nécessite, outre des mesures législatives, une remise en question profonde de certaines attitudes, coutumes et traditions, ne doit pas faire oublier le passé. La Commission pour la vérité et la réconciliation a un rôle déterminant à jouer à cet égard, à condition toutefois de ne pas être utilisée pour favoriser l’impunité. En vertu de la Convention, l’État partie a l’obligation de poursuivre les auteurs d’actes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est de la plus haute importance qu’il prenne devant le Comité un engagement ferme dans ce sens.

59.M. GAYE demande des précisions au sujet de la répartition des compétences entre les autorités locales et le Gouvernement pour ce qui est de l’établissement des règles de droit. Il souhaiterait également savoir si un citoyen qui s’estime victime d’actes de torture ou un ayant droit d’une personne dont la disparition n’a pas été élucidée peut lui‑même engager une procédure judiciaire si le parquet saisi par ailleurs décide de ne pas mettre en mouvement l’action publique et classe l’affaire sans suite. Des clarifications concernant le régime de la preuve dans l’État partie, notamment sur le point de savoir si celui‑ci prévoit des restrictions aux moyens de preuve autorisés, seraient également utiles.

60.Dans le droit pénal indonésien, la torture n’est pas une infraction distincte; nul ne peut donc être inculpé pour ce motif. Des agents de l’État ont en revanche été condamnés pour mauvais traitements, mais les peines prononcées ne correspondent pas du tout au degré de gravité associé par la Convention à de tels actes. Il faudrait savoir si ce décalage résulte du libellé de la loi elle‑même ou de l’application de la loi par les juges. En outre, il semblerait qu’un agent de l’État condamné pour mauvais traitements puisse reprendre ses fonctions après avoir exécuté sa peine; or, pour être véritablement dissuasive, la sanction pénale devrait s’accompagner de sanctions professionnelles. Il sera intéressant d’entendre l’opinion de la délégation sur ce sujet.

61.M. PUJA (Indonésie) remercie les membres du Comité de leurs nombreuses questions, dont la pertinence témoigne de l’intérêt avec lequel ils ont étudié le rapport et les réponses écrites du Gouvernement indonésien. La délégation s’efforcera de préparer des réponses aussi précises et aussi complètes que possible dans le temps qui lui est imparti. Le dialogue avec le Comité est toujours une expérience enrichissante qui permet d’échanger des vues, de recevoir des conseils constructifs et de progresser sur la voie des meilleures pratiques. Combattre la torture est une tâche complexe qui exige des efforts tant au niveau législatif que sur le plan de la sensibilisation du public et du renforcement du rôle de la société civile. Des stratégies associant toutes les parties prenantes doivent donc être mises en place, ce à quoi l’Indonésie s’emploie déjà activement. La lutte contre l’impunité et le renforcement des garanties contre la banalisation de la torture reçoivent également toute l’attention du Gouvernement. L’Indonésie ne ménage aucun effort pour s’acquitter pleinement de ses obligations en vertu de la Convention mais le processus engagé à cet effet nécessite du temps.

62.Le PRÉSIDENT remercie la délégation et l’invite à répondre aux questions qui viennent d’être posées à une prochaine séance.

La séance est levée à 12 h 50.

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