NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.466

5 septembre 2001

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-sixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 466e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 7 mai 2001, à 10 heures

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Deuxième rapport périodique de la République tchèque

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* Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.466/Add.1.

________________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

GE.01-41889 (F) 090501 050901

La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 3 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de la République tchèque (CAT/C/38/Add.1; HRI/CORE/1/Add.71)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation tchèque, composée de M. Somol, M me  Shellongová, M. Kýr et M me  Burčíková, prend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à la délégation tchèque et l’invite à présenter le deuxième rapport périodique de la République tchèque (CAT/C/38/Add.1).

3.M. SOMOL (République tchèque) dit que le rapport initial de l’ancienne République fédérative tchèque et slovaque avait été présenté au Comité contre la torture en novembre 1991. Trois ans plus tard, en novembre 1994, le Comité a examiné, à sa treizième session, le rapport initial de la République tchèque présenté après la séparation de la République fédérative tchèque et slovaque en deux États indépendants et souverains. Auparavant, le 13 janvier 1993, la République tchèque était devenue membre de l’Organisation des Nations Unies et avait succédé à tous les instruments relatifs aux droits de l’homme auxquels l’ancien État tchécoslovaque était partie. Les deux rapports initiaux ont été accueillis favorablement par le Comité contre la torture, qui a également salué l’ensemble des changements sociaux intervenus après la révolution de novembre 1989 et noté qu’en République tchèque, toutes les institutions et garanties démocratiques nécessaires étaient en place pour assurer la mise en œuvre de la Convention. Il a aussi pris acte de la rapidité et de l’efficacité avec laquelle les autorités tchèques instruisaient les abus imputés aux fonctionnaires de police et au personnel des prisons et avaient instauré un système d’indemnisation et de réadaptation ainsi que de la façon dont elles prenaient au sérieux leurs responsabilités en matière d’éducation. La seule recommandation formulée par le Comité dans ses conclusions du 11 novembre 1994 avait trait à la réserve émise au sujet de l’article 20. Suite à cette recommandation, la République tchèque a retiré cette réserve et fait la déclaration portant reconnaissance de la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications en vertu des articles 21 et 22 de la Convention.

4.Le deuxième rapport périodique de la République tchèque porte sur la période allant du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1997. Cette période a été caractérisée par un renforcement accru des garanties juridiques et du respect général de l’interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La République tchèque, pour qui ces pratiques font partie des formes les plus graves de violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales, a adopté des mesures au niveau national et pris des engagements au niveau international pour remédier à certaines insuffisances qui persistent dans la mise en œuvre systématique des obligations juridiques internationales et des normes nationales, contribuant ainsi à améliorer une situation déjà satisfaisante. Durant la période considérée, elle a ratifié quelques instruments internationaux importants, notamment la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ainsi que ses Protocoles nos 1 et 2, l’Accord européen concernant les personnes participant aux procédures devant la Commission et la Cour européenne des droits de l’homme, le Protocole additionnel à la Convention européenne d’extradition, le deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d’extradition, le Protocole additionnel à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale et le Protocole n° 11 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

5.La République tchèque est depuis longtemps en butte à un problème de surpeuplement carcéral qui compte parmi les principaux facteurs à l’origine des émeutes qui se sont produites dans les établissements pénitentiaires en janvier 2000. Pour juguler l’accroissement de la population carcérale, le Ministère de la justice a pris des mesures, notamment en matière de détention avant jugement, dont les effets positifs sont déjà perceptibles. L’instauration d’un contrôle externe du respect des conditions de détention exercé par des procureurs a également permis d’accomplir des progrès sensibles. Ces mesures ont été possibles par l’amendement de la loi relative à l’exécution de la détention et la nouvelle loi sur l’exécution des peines d’emprisonnement.

6.Les conditions de détention des ressortissants étrangers en attente d’extradition a fait l’objet de vives critiques de la part du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). Pour combler le vide juridique en la matière, une nouvelle loi sur le séjour des étrangers en République tchèque a été adoptée. Elle régit les droits et devoirs des étrangers ainsi que leur condition de détention.

7.M. MAVROMMATIS (Rapporteur pour la République tchèque) note avec satisfaction que la République tchèque s’est dotée de la législation voulue et a pris des mesures pratiques pour garantir l’exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales, remédiant ainsi à la situation héritée de l’ancien régime. Il se félicite de la qualité du deuxième rapport périodique de l’État partie et du document de base (HRI/CORE/1/Add.71), tout en déplorant la brièveté de ce dernier, dont la mise à jour serait appréciée par le Comité et d’autres organes conventionnels. D’une manière générale, M. Mavrommatis note le manque d’exemples concrets sur la mise en œuvre des premiers articles de la Convention. Il souhaiterait, à cet égard, savoir comment les décisions rendues par la Cour suprême permettent dans la pratique de garantir la primauté du droit international sur le droit national. Par ailleurs, il aimerait avoir des précisions sur la répartition de la population par nationalité et par langue laquelle semble indiquer que le tchèque est parlé par plusieurs groupes nationaux. Il souhaiterait également avoir de plus amples informations sur les mesures prises par les autorités pour assurer l’indépendance du pouvoir judiciaire (notamment sur les modalités de désignation des juges). M. Mavrommatis se félicite de l’adoption d’une loi sur les ressortissants étrangers et sur le droit d’asile qui permettra de combler progressivement, avec l’aide des organismes compétents, dont le HCR, certaines lacunes dans le domaine des droits de l’homme. Cette mesure illustre la volonté des pouvoirs publics d’assurer la promotion des droits de l’homme, volonté dont témoignent également le retrait de la réserve relative à l’article 20 et la déclaration faite par l’État partie au titre des articles 21 et 22. M. Mavrommatis déplore que le rapport à l’examen ne donne aucun détail sur les mesures concrètes prises par le Conseil des droits de l’homme, le Commissaire aux droits de l’homme et le médiateur. Il serait aussi intéressant de connaître les attributions de chacun de ces organes et de savoir si leurs recommandations sont contraignantes.

8.Le deuxième rapport périodique de la République tchèque ne couvre que la période allant jusqu’en novembre 1997. Or le Rapporteur aurait souhaité, pour être en mesure de faire des observations pertinentes, disposer bien à l’avance de renseignements sur les faits intervenus depuis cette date. Il serait, à cet égard, utile que les États parties présentent bien avant la session du Comité un document sur l’évolution de la situation dans leur pays après l’élaboration de leur rapport. Dans ce contexte, M. Mavrommatis aimerait aussi connaître les raisons pour lesquelles la République tchèque a présenté son rapport avec trois années de retard. Il note, par ailleurs, que le surpeuplement carcéral mentionné par M. Somol est un problème qui se pose dans de nombreux pays et que la construction de nouveaux établissements pénitentiaires ne permettra pas de le résoudre si elle ne s’accompagne pas de mesures de substitution non privatives de liberté. En ce qui concerne les minorités, il serait utile d’avoir des détails sur les mesures à court, moyen et long terme prises par les autorités tchèques pour trouver une solution au problème des Roms, surtout que bon nombre d’entre eux demandent l’asile dans d’autres pays européens et que de nombreuses allégations de mauvais traitements infligés à ce groupe de la population ont été portées à l’attention du Comité. Une réflexion sur ce sujet pourrait être utile dans l’optique de l’examen de rapports présentés par d’autres pays. Il serait bon aussi d’avoir des informations sur les cas d’apatridie en République tchèque ainsi que sur les brutalités commises au cours des émeutes de 1999 et 2000 et sur les résultats des enquêtes menées à cette occasion. M. Mavrommatis souhaiterait aussi avoir des précisions sur l’accès des avocats aux détenus dans les heures qui suivent l’arrestation, qui est garanti par la Constitution tchèque et par de nombreux instruments internationaux.

9.À propos de l’article 3 de la Convention, M. Mavrommatis note avec satisfaction les modifications apportées à l’article 57 du Code pénal en vertu desquelles il est désormais interdit d’expulser une personne ayant obtenu le statut de réfugié. Il demande toutefois des précisions sur les recours dont peut se prévaloir une personne pour ne pas être renvoyée vers un pays où elle risque d’être torturée. Dans le même temps, il serait intéressant de savoir ce qui se passerait au cas où les autorités jugeraient que le requérant qui demande à bénéficier de l’article 3 représente une menace pour la sécurité de l’État. D’autre part, des exemples concrets sur l’application de l’article 4 de la Convention et des statistiques sur les cas seraient les bienvenus. M. Mavrommatis souhaiterait en autre obtenir des précisions sur les procédures à suivre pour établir la compétence des tribunaux de la République tchèque pour connaître d’infractions tombant sous le coup de l’article 5 de la Convention. Il serait également intéressant de savoir quelles sont les mesures qui ont été prises par les autorités tchèques à la suite des recommandations du CPT au sujet des conditions de rétention des étrangers avant leur expulsion. La police peut-elle, par exemple, sur décision judiciaire, se rendre auprès de détenus pour les interroger, et, le cas échéant, les noms des fonctionnaires de police procédant aux interrogatoires sont-ils consignés?

10.M. EL MASRY (Corapporteur) relève avec une satisfaction particulière la franchise des auteurs du rapport de la République tchèque, qui n’ont pas hésité à faire une présentation critique de la législation et de la pratique et à en souligner les faiblesses. La République tchèque est engagée depuis 10 ans dans un processus de transformation économique et politique; cela ne va pas sans difficulté à la fois pour la population, qui a perdu des allocations et certaines garanties, et pour l’État, qui a dû renoncer à avoir la haute main sur tous les secteurs. Il en est résulté un certain nombre de problèmes, mais le Gouvernement a pris et continue de prendre des mesures positives pour mettre en œuvre les réformes requises.

11.En ce qui concerne l’article 10 de la Convention, les paragraphes 23 et 31 du rapport informent sur un grand nombre de programmes et de plans d’action dont il est trop tôt pour connaître les effets. Il n’en serait pas moins utile d’avoir de plus amples détails sur ces programmes, en particulier sur le programme de formation concernant le racisme à l’intention des juges et de tous les personnels des services pénaux. Ces programmes, qui ont peut‑être ‑ et la délégation voudra bien le confirmer ‑ déjà fait l’objet d’une évaluation, sont d’autant plus nécessaires que les minorités sont la cible de violences graves, qui sont le fait de skinheads d’extrême droite. Ce qui est inquiétant, c’est l’indifférence, l’inaction, voire dans certains cas la sympathie, de la population, des membres de la force publique et de l’autorité judiciaire face à ceux qui se livrent à ces violences. Ces groupes d’extrême droite abusent de leur liberté d’opinion et profitent du climat de liberté pour agresser physiquement et verbalement ou par écrit, les Roms, les juifs et les étrangers en général. Il faut reconnaître que le Gouvernement a saisi l’ampleur du problème et a pris des mesures, s’engageant, notamment, à assurer un enseignement véritablement multiculturel.

12.La République tchèque s’est lancée dans une entreprise majeure de révision et de réforme de la législation dans le souci de la moderniser. Il est donc étonnant de noter que le Parlement a supprimé purement et simplement les dispositions de la loi n° 59/1965 relative à l’exécution des peines d’emprisonnement qui prévoyaient un système de visite des prisons par des représentants de la société civile (membres du Parlement, commissions composées de représentants d’autorités locales). Il s’agissait d’une bonne garantie dont les prisonniers se trouvent désormais privés. Le contrôle externe du système pénitentiaire et du système de garde à vue par des représentants de la société civile est donc inexistant, comme le confirme le paragraphe 104 du rapport où il est dit de surcroît que même les organisations non gouvernementales n’ont pas le droit d’interroger les détenus en prison. L’absence de contrôle est encore aggravée par le fait que la police tchèque ne tient pas de registre des cas de mauvais traitements imputables à des policiers (par. 102 du rapport). Le Comité attend donc de la délégation qu’elle donne une explication convaincante pour justifier l’abrogation de la disposition de la loi n° 59 de 1965. En ce qui concerne les prévenus en détention avant jugement, ils peuvent recevoir des visites seulement s’ils coopèrent, ce qui est un moyen de pression difficilement justifiable. Toujours dans le contexte des droits des personnes placées en détention, il faudrait savoir s’il existe une autorité indépendante chargée de recevoir les plaintes, et, si tel est le cas, de connaître non seulement les dispositions légales qui en ont porté création, mais aussi et surtout ses modalités de fonctionnement dans la pratique. En effet, d’après un groupe tchèque de défense des droits de l’homme, si la plainte d’un prisonnier, qui dénonce les mauvais traitements qui lui ont été infligés en prison, est considérée comme dénuée de fondement, il est passible de poursuites; d’après ce groupe, environ 90 % des plaintes ont été jugées dénuées de fondement en 1999, d’où la nécessité de mettre en place un organe véritablement indépendant.

13.Le surpeuplement carcéral, déjà évoqué par M. Mavrommatis, est attribué par certaines sources à la tendance des tribunaux à recourir trop fréquemment au placement en détention et à refuser la libération sous caution, en particulier dans le cas d’étrangers. Le problème est encore aggravé par l’inexistence de peines de substitution qui, d’après certaines sources, permettraient pourtant de diminuer d’un tiers la population carcérale. Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), dans son rapport sur la visite qu’il a effectuée en République tchèque du 16 au 26 février 1997, et Amnesty International ont qualifié les conditions pénitentiaires de particulièrement mauvaises, soulignant surtout un intolérable entassement des détenus dans des cellules d’une incroyable exiguïté.

14.En ce qui concerne l’obligation de procéder immédiatement à une enquête impartiale en cas d’allégation de torture (art. 12) et le droit de porter plainte (art. 13), M. El Masry espère que la réforme approfondie de l’appareil judiciaire qui a été entreprise dans le pays aura pour effet d’accroître la confiance de la population dans son système judiciaire. Actuellement en effet, comme cela est indiqué dans le rapport établi par le Rapporteur spécial sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et toutes les formes de discrimination raciale, à la suite de sa mission en République tchèque, «de nombreux crimes racistes ne sont pas rapportés à la police parce que les victimes n’ont pas confiance en la justice», la raison étant que «les crimes racistes ne sont pas sanctionnés comme il se doit» (E/CN.4/2000/16/Add.1, par. 22). Le Rapporteur spécial donne plusieurs exemples de condamnations très légères d’auteurs de violences à l’égard de personnes appartenant à des minorités et de condamnations avec sursis prononcées après que la loi a été modifiée dans le sens d’une plus grande sévérité à l’égard de ces crimes. Pour ce qui est de l’obligation de mener une enquête impartiale énoncée à l’article 12 de la Convention, Amnesty International signale que, d’après une organisation de défense des droits de l’homme tchèque, de nombreuses plaintes pour brutalités policières ont été déférées au Département des inspections et des plaintes de la Direction de la police, ce qui signifie que les enquêtes dans les affaires mettant en cause des policiers sont menées par leurs pairs; cette faiblesse est du reste reconnue par l’État partie lui‑même dans son rapport qui souligne également le manque de transparence et le peu d’informations divulguées sur les opérations policières (par. 110 du rapport). À ce sujet, la Fédération internationale d’Helsinki pour les droits de l’homme a signalé, dans un rapport daté du 7 décembre 1999, que la Chambre des députés avait profondément remanié le projet de loi sur la presse de façon que les journalistes puissent être l’objet de poursuites pénales du chef de «fausses accusations». Le 13 décembre 1999, le Procureur général a engagé une action contre un journaliste pour «fausses accusations» contre des policiers, ce qui peut lui valoir jusqu’à trois ans d’emprisonnement. Pour ce qui est du droit de plainte, certaines ONG ont indiqué que les actions engagées dans ce domaine pouvaient durer plusieurs années avant qu’une décision soit prise, ce qui fait que les particuliers préfèrent s’abstenir de porter plainte.

15.À propos de l’obligation de réparer les dommages causés par une décision d’un organe de l’État (art. 14 de la Convention), le rapport indique (par. 116) que les particuliers peuvent effectivement demander réparation auprès du service d’indemnisation du Ministère de la justice et qu’il existe bien une procédure à cette fin mais qu’à ce jour, aucune requête n’a été jugée fondée. Or, plus loin, le paragraphe 119 fait état d’efforts engagés pour créer le poste de médiateur, institution qui devrait être utile pour «traiter les cas individuels difficiles de réparation des préjudices et dommages causés à autrui par la torture ou par des mauvais traitements». Il apparaît donc que le service d’indemnisation cité au paragraphe 116 ne remplit pas son office.

16.Au sujet de l’article 15, l’État partie ne donne aucun renseignement nouveau, se limitant à affirmer que le témoignage obtenu par une coercition illicite ne sera pas retenu en justice. Néanmoins, le corapporteur ne peut pas ne pas relever qu’au paragraphe 73 sont citées plusieurs formes de «coercition illicite», notamment le recours à des moyens coercitifs légaux mais «totalement excessifs alors que d’autres méthodes auraient suffi (par exemple l’utilisation d’une arme à feu pour arrêter une personne non armée…)». L’article 15 appelait donc un commentaire plus poussé.

17.L’article 16 aurait mérité également des renseignements plus détaillés. En effet, les trois principaux droits qui permettent de protéger l’intégrité de toute personne en état d’arrestation ‑ le droit de prendre contact avec un avocat de son choix, d’être examiné par le médecin de son choix et de prévenir ses proches ou des tiers ‑ ne sont, selon l’État partie lui‑même, l’objet d’aucune disposition de la loi sur la police ni du Code de procédure pénale; l’État partie a néanmoins affirmé dans sa réponse aux recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture qu’il n’y avait aucun obstacle à leur exercice. Toutefois, la mission du CPT a conclu de sa visite que le droit de communiquer avec un avocat n’est effectif, qu’à partir du moment où la personne interpellée fait l’objet d’une inculpation officielle, alors que chacun sait que c’est entre l’arrestation et la comparution devant l’autorité judiciaire que le risque de mauvais traitements est le plus grand. Quant au droit d’être examiné par un médecin, l’État partie a indiqué que dans la pratique il serait difficile d’y donner effet, pour des raisons financières (honoraires du médecin) ou parce que l’intéressé risquerait de chercher à influencer les témoins par l’intermédiaire du médecin. M. El Masry pense qu’il est donc essentiel de trouver le moyen de faire connaître leurs droits aux personnes en état d’arrestation dès le moment où elles sont entre les mains de la police, par exemple en leur remettant un formulaire énonçant leurs droits, qu’elles seraient tenues de signer après en avoir pris connaissance. Enfin, toujours au sujet de l’article 16, la mission du CPT a rencontré en prison un détenu qui aurait été transféré 14 fois, entre avril et juin 1995, de sa prison au commissariat de police à Prague où il aurait été passé à tabac et menacé d’une arme à feu. Ces interrogatoires n’ont pas fait l’objet de procès‑verbaux, ce qui ne laisse pas d’être préoccupant.

18.En ce qui concerne les violences contre les minorités, M. El Masry se félicite de la volonté du Gouvernement de combattre la discrimination et le racisme, qui a été mise en relief par le Rapporteur spécial sur le racisme. Celui‑ci a relevé en particulier l’élaboration d’un projet de loi relatif à l’interdiction de la discrimination, la création d’un organe chargé d’en surveiller l’application et les mesures visant à éliminer la discrimination raciale dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et du logement. Il faut saluer l’introduction dans le projet de loi d’une définition claire de la discrimination, d’autant plus nécessaire que les juges ont tendance à donner à l’expression «motifs racistes» une interprétation très restrictive. Cette loi prévoirait également des sanctions. Cela étant, il faut bien voir qu’il y a une marge entre la loi et la pratique et que dans la réalité les manifestations de racisme et d’intolérance sous de nombreuses formes, augmentent en République tchèque. Dans son rapport de 1999, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) dénonce les activités des skinheads ou de sympathisants de ces groupes, qui font publiquement l’apologie d’idées racistes et fascistes lors de rassemblements et dans des écrits haineux à l’égard des Roms, des Tziganes, des juifs et des autres minorités. D’après l’ECRI, il est très rare que les autorités engagent des poursuites bien que le Code pénal contienne des dispositions réprimant expressément la propagande et les propos racistes. La situation est aggravée par les préjugés et les stéréotypes toujours présents dans la société et la solution passera certes par des mesures d’ordres administratif et législatif mais aussi, et peut‑être surtout, par l’éducation et la connaissance des autres cultures.

19.M. RASMUSSEN remercie le Gouvernement tchèque, par l’intermédiaire de sa délégation, de son rapport. Il s’associe aux observations du rapporteur et du corapporteur et revient sur la question des trois droits essentiels pour la protection des personnes en état d’arrestation: le droit d’avertir un parent ou un tiers de l’arrestation, le droit de se faire examiner par un médecin et le droit de communiquer avec un avocat. En février 1997, la mission du Comité européen pour la prévention de la torture avait recommandé précisément de mettre au point un formulaire en plusieurs langues destiné à informer les personnes arrêtées de leurs droits. Dans sa réponse, le Gouvernement tchèque a fait savoir qu’il était prévu de faire établir un formulaire de ce genre dans les principales langues du monde. Or, d’après Amnesty International qui a consacré un rapport aux mauvais traitements subis par les innombrables personnes de diverses nationalités arrêtées lors des manifestations de protestation contre la réunion du Fonds monétaire international en 2000, les étrangers arrêtés n’ont pas été informés de leurs droits dans une langue qu’ils pouvaient comprendre, n’ont pas été assistés par un interprète, auraient été obligés de signer des documents écrits en tchèque et auraient été contraints d’acquitter une amende sans comprendre à quoi elle allait servir, croyant à tort qu’il s’agissait d’une caution et qu’ils seraient ainsi libérés. Il importe donc de savoir s’il existe un formulaire simple rédigé en plusieurs langues et, dans l’affirmative, s’il est vraiment utilisé par la police. M. Rasmussen aimerait également savoir si une suite a été donnée aux plaintes pour mauvais traitements déposées par les manifestants en 2000 et si des condamnations ont été prononcées. Enfin, plus généralement, les personnes arrêtées et détenues arbitrairement ont‑elles droit à réparation et y a‑t‑il eu des cas d’indemnisation?

20.Mme GAER joint sa voix à celle des autres membres du Comité qui ont souligné la franchise avec laquelle les auteurs du rapport ont abordé tous les sujets. Ce rapport est un exemple de la façon dont les organisations non gouvernementales peuvent être associées à l’établissement d’un rapport périodique, et il serait très intéressant de savoir comment les autorités ont procédé pour tirer ainsi parti d’une occasion de dialogue national. Le rapport abonde en statistiques et comme les données chiffrées en appellent toujours d’autres, Mme Gaer aurait souhaité en particulier une ventilation des chiffres par sexe, par région géographique, par établissement de détention également (prisons des armées, hôpitaux psychiatriques, établissements pour handicapés mentaux, établissements pénitentiaires). Elle aimerait aussi obtenir quelques renseignements sur la diffusion de la Convention, se demandant en particulier si elle a jamais été invoquée ou même seulement mentionnée dans des décisions de justice et si elle sert de référence lors de débats sur la situation des prisons par exemple. Le Gouvernement s’efforce‑t‑il, et par quels moyens, de la faire connaître?

21.Comme les autres membres du Comité, Mme Gaer est préoccupée par l’inertie de la puissance publique face aux violences fondées sur la discrimination et par son incapacité à protéger les minorités et notamment les Roms. Elle relève que les autorités mentionnent très souvent dans le rapport la pratique, dans toutes sortes d’établissements, de ce qui est appelé en anglais «bullying», et qui peut désigner des violences, des agressions, des brimades, des actes de bizutage selon le cas; elle demande quelle réalité recouvre ce terme pour la République tchèque. Le Comité tchèque d’Helsinki expose les mesures de protection mises en place à l’intention des femmes et des mineurs victimes de violences mais rien n’est dit des moyens mis en œuvre pour surveiller la situation des femmes dans les prisons et sur leur protection contre les violences sexuelles; par exemple on ne sait pas si elles sont gardées par des femmes surveillantes. Aux paragraphes 61, 62 et 63, il est simplement fait état de «violences» sans que leur nature soit précisée et il est même dit qu’il existe des cas de «violence cachée» qui ne sont pas enregistrés parce qu’ils peuvent être considérés «comme le résultat du surpeuplement des établissements pénitentiaires». Il est permis de douter que la raison soit uniquement celle‑ci et il faudrait savoir si des mesures sont prévues pour améliorer la situation.

22.À propos de l’éducation dans le domaine des droits de l’homme, Mme Gaer relève avec satisfaction que le rapport contient des renseignements détaillés sur les mesures qui ont été prises pour assurer une formation aux normes internationales interdisant la torture dans de nombreux établissements pénitentiaires. Constatant toutefois l’absence de statistiques précisant l’origine régionale ou nationale des détenus et leur statut (non-ressortissant, demandeur d’asile, etc.), elle souhaiterait savoir quels sont les efforts déployés par l’État partie pour faire en sorte que l’interdiction de la torture pour tout motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, qui figure à l’article premier de la Convention, soit prise en compte dans la formation susmentionnée.

23.Sachant qu’il est indiqué dans le rapport (par. 88) qu’il n’a été fait état d’aucun cas de torture ‑ au sens donné généralement à ce terme et selon la définition de la Convention ‑ dans les lieux de détention de l’armée et des forces de police, Mme Gaer souhaiterait savoir si une victime présumée a réellement la possibilité de demander une enquête ou de déposer plainte et si d’éventuels incidents seraient traités avec la transparence voulue. Par ailleurs, comment se fait-il qu’aucun membre de la police n’ait été condamné par les tribunaux pour mauvais traitements, alors que des membres du personnel pénitentiaire déclarés coupables ont fait l’objet de sanctions disciplinaires? En outre, quelles mesures sont prises pour contrôler la façon dont la police traite les plaintes déposées contre des policiers (par. 110)?

24.Selon le rapport du Centre d’assistance à l’obtention de la nationalité tchèque, les conditions des femmes placées en détention avant jugement qui sont accompagnées de leurs enfants ou qui sont enceintes sont déplorables et constituent un traitement dégradant. Que pense la délégation tchèque de cette allégation. De plus, il est indiqué dans ledit rapport que la proportion d’enfants roms est considérable dans les écoles pour handicapés mentaux. À quoi cela est-il dû? En outre, les enfants fréquentant ces établissements seraient maltraités. Est-ce que le Gouvernement s’est déjà penché sur cette question?

25.Enfin, Mme Gaer demande à la délégation de donner des exemples de personnes ayant reçu des indemnités pour mauvais traitements ou torture pendant la période considérée.

26.M. YU Mengjia dit que d’après le rapport du Centre d’assistance à l’obtention de la nationalité tchèque, il est demandé systématiquement aux détenus qui veulent dénoncer de mauvais traitements d’envisager la possibilité de retirer leur plainte. S’ils persistent dans leur intention et que le tribunal saisi juge leur requête sans fondement, ils sont passibles de poursuites pénales. La délégation tchèque pourrait-elle répondre à cette allégation.

27.D’autre part, il y a lieu de s’inquiéter du fait relevé dans le rapport de l’État partie (par. 54), que la décision d’appeler ou non le service d’urgence pour prodiguer des soins à un détenu soit prise par un membre du personnel pénitentiaire n’appartenant pas au corps médical.

28.M. Yu Mengjia souhaite enfin savoir ce que pense l’État partie du système à la base de l’organisation du travail et de la rémunération des personnes incarcérées qui, selon le rapport (par.64), est en contradiction avec la loi sur l’exécution des peines.

29.Le PRÉSIDENT remercie la délégation tchèque d’avoir présenté un rapport d’excellente qualité et l’invite à revenir à une prochaine séance pour répondre aux questions du Comité.

30.La délégation tchèque se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 11 h 40.

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