Nations Unies

CAT/C/SR.944

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale10 décembre 2012FrançaisOriginal: anglais

Comité contre la torture

Quarante- quatrième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 944 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 7 mai 2010, à 10 heures

Président :M. Wang Xuexian (Vice-Président)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Quatrième rapport périodique du Cameroun (suite)

En l’absence de M.  Grossman, M.  Wang Xuexian (Vice-Président) prend la présidence.

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Quatrième rapport périodique du Cameroun (suite) (CAT/C/CMR/4; CAT/C/CMR/Q/4 et Add.1)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation camerounaise reprend place à la table du Comité.

2.M.  Nkou (Cameroun) transmet au Comité les salutations du Président camerounais, M. Paul Biya. Les membres de sa délégation se tiennent prêts à répondre aux questions du Comité.

3.M.  Mayang (Cameroun), répondant à une question de Mme Sveaass, dit que son Gouvernement envisage effectivement de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

4.Le Comité s’est interrogé sur le décalage apparent entre la loi et son application. Le Gouvernement camerounais prend toutes les mesures nécessaires pour appliquer les normes en matière de droits de l’homme inscrites dans les instruments internationaux que le pays a ratifiés, notamment par des activités de renforcement des capacités.

5.Aucune loi spécifique n’interdit les mutilations génitales chez les femmes, mais une législation en ce sens est envisagée dans le cadre de la réforme du Code pénal.

6.Il n’y a pas de discrimination sexiste en matière d’accès à la justice. Une nouvelle loi sur l’assistance judiciaire a été adoptée fin 2009 pour aider les membres des groupes les plus vulnérables à accéder plus facilement à la justice.

7.Le Gouvernement camerounais mène actuellement des activités de sensibilisation des femmes pour les informer de leurs droits ainsi que pour lutter contre la violence dans la famille et autres pratiques coutumières néfastes.

8.Le travail législatif dans le domaine des droits de l’homme a été d’une grande ampleur, et le Gouvernement a pris des mesures de sensibilisation des populations à la nouvelle législation et à sa mise en application.

9.Pour répondre à une question de M. Gaye sur la contradiction apparente entre les articles 37 et 116 du Code de procédure pénale, M. Mayang dit qu’en fait les deux dispositions ne sont pas incompatibles. L’article 37 contient des dispositions générales sur les droits des personnes en état d’arrestation, alors que l’article 116 établit les protections offertes aux suspects dès le début de la garde à vue. Les articles 122 et 132 établissent encore d’autres protections concernant le traitement des suspects.

10.M me Belmirs’était inquiétée du fait que l’article 32 du Code de procédure pénale semblait encourager la pratique de la torture. Cet article, qui porte sur le placement en garde à vue pour établir l’identité de suspects est en fait clair et sans ambiguïté sur le plan de la prohibition de la torture.

11.Le Président avait demandé des éclaircissements sur l’article 31 du Code de procédure pénale. Les arrestations faites en flagrant délit par des agents de la force publique ou des citoyens sont des actes de civisme visant à venir en aide à une personne en danger ou empêcher un malfaiteur de s’échapper. Ce sont là des situations exceptionnelles, et souvent dangereuses, où il n’est pas toujours possible de s’identifier ni d’informer le délinquant des raisons de son arrestation.

12.Il n’existe pas de statistiques sur l’application de l’article 315 du Code de procédure pénale relatif à l’irrecevabilité des preuves obtenues par la torture. Non parce que l’article n’a pas été invoqué mais parce que l’informatisation du système judiciaire n’en est encore qu’à ses débuts et qu’il n’est pas facile d’avoir accès aux décisions des tribunaux.

13.M.  Gayeavait demandé si la loi sur l’état d’urgence restait en vigueur. Elle figure toujours dans les recueils de lois, mais actuellement l’état d’urgence n’a pas été proclamé.

14.Il serait souhaitable que le Comité fournisse davantage d’informations sur l’affaire qu’il a évoquée et qui concerne l’ancien policier condamné à quinze ans de prison.

15.M me Banaken (Cameroun) dit que la loi no 2005/006 du 27 juillet 2005 sur le statut des réfugiés garantit aux non-ressortissants presque tous les droits exercés par les ressortissants camerounais. Le Gouvernement informe activement les réfugiés de leurs droits.

16.Aucune législation spécifique n’est envisagée pour protéger les Pygmées. Ceux-ci exercent les mêmes droits que les autres citoyens. Cependant, le Ministère des affaires sociales et le Ministère des forêts et de la faune ont mis en place un plan de développement visant à améliorer les conditions de vie des Pygmées et des groupes ethniques locaux par le biais d’initiatives de gestion environnementale à base communautaire. Ce plan vise aussià préserver l’identité de ces groupes et à promouvoir leurs valeurs culturelles.

17.M.  Nkou (Cameroun) rappelle que le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Antonio Guterres, s’est récemment rendu au Cameroun. De retour à Genève, il a rencontré les ambassadeurs du Groupe africain et les a incités à prendre le Cameroun pour modèle en matière de traitement des réfugiés.

18.M.  Mayang (Cameroun), évoquant la question posée par Mme Sveaass sur le sens de l’expression «bonne collaboration des autorités pénitentiaires», dit que sa délégation ne l’a pas retrouvée dans le rapport et demande des précisions.

19.M.  Banda (Cameroun) dit que, conformément aux Principes de Paris, la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés soumet des rapports et recommandations aux autorités compétentes après les visites qu’elle a effectuées. Elle assure un suivi de ces rapports et encourage les instances concernées à appliquer ses recommandations. De toute évidence, les organismes publics ont pris des mesures en ce sens, même s’il faudra du temps pour que les recommandations de la Commission nationale soient pleinement appliquées, en particulier pour ce qui est de l’administration pénitentiaire. La Commission prie les autorités compétentes de reconnaître les violations des droits de l’homme quand elles se produisent et d’expliquer clairement ce qu’elles entendent faire pour y remédier.

20.La Commission est composée de 30 membres d’horizons divers. Ce sont des personnes à l’intégrité avérée désignées par les membres des associations professionnelles auxquelles elles appartiennent (ordre des avocats, ordre des médecins, etc.) Toutefois, ces personnes ne sont pas élues pour défendre les intérêts de leur profession mais pour promouvoir et protéger les droits de l’homme.

21.M.  Mayang (Cameroun) dit qu’il existe des mécanismes de contrôle des conditions d’incarcération. Indépendamment des visites inopinées, il est procédé tous les trois mois à des inspections à l’initiative des procureurs ou de l’Inspecteur général des prisons; des rapports sont faits au Ministère de la justice. En outre, des organisations de la société civile agréées peuvent se rendre dans les prisons à des fins d’inspection.

22.Conformément au Code de procédure pénale, des registres de garde à vue et registres d’écrou sont tenus dans tous les lieux de détention. Depuis l’exercice budgétaire 2008, une dotation de 10 millions de francs CFA est allouée à l’administration pénitentiaire pour l’achat du matériel de greffe des prisons (registres d’écrou, fiches signalétiques, chemises d’écrou, etc.).

23.La détention provisoire est régie par le Code de procédure pénale (art. 218 à 221). Le délai de détention commence à partir du moment où est présenté un titre de détention et prend fin quand un juge prononce la mise en liberté. Le juge fixe la durée de la détention provisoire dans le titre qu’il délivre, mais celle-ci ne peut dépasser six mois. Toutefois la détention peut être prolongée sur décision motivée pour une durée maximale de 12 mois dans le cas des infractions graves, et pour six mois dans le cas des infractions de droit commun. Ces décisions peuvent être contestées par voie d’appel judiciaire. Toutefois, dans les cas de flagrant délit où le titre a été délivré par le procureur de la République, la durée de la détention n’est pas fixée par le Code mais par un juge, et la personne détenue peut la contester devant le juge.

24.En décembre 2009, la population carcérale s’élevait à 23 196 personnes, dont un grand nombre étaient en détention provisoire. La population carcérale augmente pour un certain nombre de raisons, dont l’explosion démographique générale, l’augmentation de la criminalité urbaine et le manque de ressources humaines etmatérielles appropriées.

25.L’enchaînement des détenus est une mesure disciplinaire et n’est pas conçu comme une violation de la dignité humaine. Faute de quartiers de sécurité renforcée, les prisonniers dangereux sont d’ordinaire détenus avec les autres et les chaînes servent à les isoler. Dans le cadre de la réforme des prisons, des quartiers de sécurité renforcée seront construits pour loger ce type de détenus.

26.Le Code de procédure pénale dispose que la détention est une mesure de nature exceptionnelle. Ce principe est d’application encore plus stricte s’agissant des mineurs, dont le placement en détention relève à la fois du Code pénal et du Code de procédure pénale. La législation prévoit que les mineurs doivent être placés dans des centres spéciaux ou, à défaut, être détenus séparément des adultes. Les détenus mineurs étant en petit nombre, la conception matérielle de certaines prisons étant inappropriée et les ressources humaines étant insuffisantes, il n’est pas toujours possible d’appliquer intégralement les règlements en ce qui concerne les détenus en général et les mineurs en particulier. Cependant, ce genre de situation est exceptionnel, et il n’y a que deux prisons où les mineurs ne sont pas séparés des adultes. Le Gouvernement s’emploie à corriger cette situation. Avec le soutien de l’Union européenne, des quartiers réservés aux mineurs ont été construits dans les prisons de Douala et Bafoussam, et la prison de Yaoundé a été rénovée. Dans les quartiers des prisons réservés aux mineurs comme dans les centres de réinsertion, les soins de santé, l’éducation, la nourriture et les activités de loisir sont assurés. Des agents spécialisés du Ministère des affaires sociales travaillent avec les détenus pour préparer leur réinsertion sociale après leur libération.

27.Les conditions de détention dans les 74 prisons actuellement en activité se sont régulièrement améliorées depuis 2007 grâce aux crédits alloués à cette fin et au Programme d’amélioration des conditions de détention et de respect des droits de l’homme, qui en est actuellement à sa deuxième phase. Une infirmerie a été construite à la prison centrale de Yaoundé, et il est prévu que neuf autres prisons seront équipées d’une infirmerie. Le coût des rations alimentaires quotidiennes est actuellement de 215 francs CFA et il est prévu de le faire passer à 500 francs CFA. Six nouvelles prisons sont en chantier. Les nouvelles améliorations à apporter aux conditions de détention seront financées au titre de l’Initiative d’allègement de la dette multilatérale. L’informatisation des données relatives aux prisons, financée par le Commonwealth, permettra de combler les lacunes du système carcéral dans ce domaine, notamment en matière d’informations sur la surpopulation. Le Gouvernement travaille aussi à réformer l’administration carcérale pour la rendre plus accessible et plus soucieuse de la dignité humaine, et pour que les prisonniers puissent mieux exercer leurs droits. Une attention particulière est accordée aux femmes détenues, et le personnel carcéral sera formé pour être en mesure de répondre à leurs besoins. Le nombre de décès en détention a diminué depuis 2008. La plupart des décès sont dus à la maladie, mais des enquêtes sont toujours diligentées quand les causes naturelles ne sont pas évidentes.

28.Une des solutions apportées au problème de la surpopulation carcérale consiste à transférer des prisonniers d’un établissement à l’autre, l’inconvénient étant dans ce cas que les détenus transférés sont privés du soutien que leur apportent leurs parents. Il est donc préférable de construire de nouvelles prisons ou de remettre en état celles qui existent déjà.

29.Une question a été posée sur les dispositions pénales particulières qui s’appliquent aux chefs traditionnels. Il n’y a pas de prisons privées au Cameroun, et les arrestations illégales sont passibles de poursuites. Les seules pratiques traditionnelles qui sont tolérées sont celles qui s’appliquent dans le cadre de la loi. Une autre question porte sur l’usage d’armes à feu meurtrières dans la prison de New Bell. Des détenus des prisons de New Bell et Yoko ont tenté deux évasions massives, en juin 2007 et juin 2008, respectivement. Les armes à feu ont été utilisées pour maîtriser la situation mais uniquement à titre défensif et sans intention de tuer. Aucun blessé n’a été à déplorer.

30.En ce qui concerne le droit des détenus à être informés de leur droit d’accéder à un avocat ou à un médecin et à entrer en contact avec leurs parents, M. Mayang dit que le Code de procédure pénale fait obligation aux agents de la police judiciaire d’en informer les détenus dès le début de l’instruction.

31.Les sanctions pénales prononcées par des juges indépendants s’appliquent aux policiers qui ont commis des actes de torture ou ont infligé des lésions corporelles. Le tribunal militaire de Garoua enquête sur le décès de M. Oumarou à la suite de l’action des Équipes spéciales d’intervention rapide à Salack. Quant au décès des neufs jeunes de Bepanda, les gendarmes interrogés sur cette affaire ont nié avoir soumis ces jeunes gens à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants. Aucune charge de meurtre n’a été retenue contre eux parce que les corps n’ont pas été retrouvés; la seule charge qui a été retenue contre eux est le manquement aux obligations professionnelles.

32.Bien que les traitements cruels, inhumains ou dégradants ne constituent pas une infraction spécifique, les actes criminels de cette nature entraînent des poursuites. La question a été posée de savoir comment un ordre de torture émanant d’un supérieur pouvait être contesté. Le mandat de la «police des polices» s’étend aux enquêtes administratives et judiciaires de toute sorte, y compris s’agissant de torture ou de mauvais traitements et offre donc un moyen de contester le bien-fondé d’un ordre de ce type.

33.Plusieurs questions ont été posées sur les institutions du pays. La durée du mandat des membres du Conseil constitutionnel et la question de savoir s’il peut être renouvelé sont à l’ordre du jour du Gouvernement. Quant à l’indépendance de la «police des polices», il faut savoir que, bien qu’elle fasse partie de la Délégation générale à la sécurité nationale, elle en est en fait indépendante dans l’exercice de ses pouvoirs d’inspection. Les plaintes pour abus d’autorité sont examinées par les tribunaux administratifs. Le Ministre de la justice peut toutefois ordonner une suspension de la procédure en cas de menace à l’ordre public.

34.L’action en habeas corpus et la libération immédiate sont une seule et même chose et peuvent être ordonnées par un tribunal ou un juge si l’arrestation a été illégale ou si les procédures en vigueur n’ont pas été suivies. Dans ces cas, le Code de procédure pénale prévoit des indemnisations. Les juges des tribunaux militaires sont indépendants, même s’ils sont nommés par le Ministre de la défense.

35.Parce que les données n’ont pas été informatisées, on ne dispose pas de statistiques sur les gardés à vue. Il est exact que des fonctionnaires de police mis à pied pour une infraction peuvent être remis au contact des détenus, l’idée étant que la mise à pied aura eu un effet dissuasif.

36.M me Banaken (Cameroun), répondant aux questions du Comité sur les réfugiés, le droit d’asile, l’extradition et le non-refoulement, dit que le refoulement d’individus que l’État juge indésirables est un acte souverain de l’État. Il n’implique ni arbitraire ni mépris pour les droits de l’homme.

37.M.  Banda (Cameroun), s’exprimant en tant que Président de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés, répond aux questions sur l’application du Protocole d’Istanbul et la formation du personnel médical. Le personnel médical et paramédical ainsi que les responsables pénitentiaires sont formés pour repérer les marques physiques et psychologiques de torture et reçoivent une formation complémentaire dans des universités étrangères. Une personne qui affirme avoir été torturée peut demander à un médecin de son choix de donner un avis indépendant autorisé. Le texte du Protocole d’Istanbul est en consultation libre. En outre, le Gouvernement entend renforcer les capacités dans ce domaine et recherche une coopération internationale à cette fin.

38.M.  Nkou (Cameroun), abordant la question des allégations de harcèlement de journalistes, dit que son pays compte quelque 600 journaux et magazines, 100 chaînes de radio et plus de 500 sociétés de retransmission de programmes de télévision, des médias numériques, des maisons d’édition privées et associations de presse. Le Gouvernement subventionne des chaînes de radio et de télévision privées et a aboli la censure en tant que mesure administrative. Les délits de presse n’en sont pas moins passibles de la loi, le but étant de promouvoir chez les journalistes un comportement responsable ainsi que de protéger l’ordre public et les droits des simples citoyens. Plusieurs journalistes ont été incarcérés pour des infractions telles que chantage, escroquerie, extorsion ou diffusion de fausses nouvelles. Nombre de journalistes sont mal formés et le Gouvernement recherche une assistance étrangère pour remédier à cet état de fait.

39.Le Gouvernement est prêt à verser une indemnisation à M. Philip Afuson Njaru maintenant que le Comité des droits de l’homme a pris une décision en sa faveur, mais il ne parvient toujours pas à le joindre parce que M. Njaru s’est apparemment rendu à l’étranger et a demandé l’asile dans le pays où il se trouve.

40.Quant à M. Ngota Ngota, ancien rédacteur en chef du Cameroon Express placé en détention provisoire à la prison Kondengui de Yaoundé en mars 2010 pour un certain nombre d’infractions, il a subi un examen médical avec ses deux complices dès son arrivée à la prison. Cet examen a confirmé qu’il souffrait d’hypertension et d’une hernie inguinale. Il s’est aussi avéré que M. Ngota Ngota était séropositif. Il a reçu le traitement approprié à son état et a ensuite été admis à l’infirmerie de la prison parce qu’il souffrait d’une forte fièvre et d’une éruption cutanée. Son état a empiré bien qu’il ait reçu le traitement médical approprié et, selon le médecin de la prison, son décès dans la nuit du 21 au 22 avril était dû à une infection opportuniste en relation avec son état d’immunodéficience aiguë. Le Président a cependant ordonné qu’une enquête soit menée, à laquelle les membres de la famille de M. Ngota Ngota et ses collègues journalistes ont été priés de s’associer. Les conclusions de l’enquête seront rendues publiques.

41.En ce qui concerne les événements de février 2008 et les questions posées à ce sujet, le rapport officiel sur l’enquête ne fait état d’aucun cas de torture. S’il y a eu des morts et des blessés, c’est à la suite de heurts entre les manifestants et des policiers qui agissaient en légitime défense. Les manifestations avaient été organisées pour protester contre la hausse du coût de la vie, en particulier du prix des denrées alimentaires et de l’essence. Les procédures sont toujours en cours pour deux affaires liées à ces incidents, et les personnes mises en accusation resteront en détention tant que l’enquête n’aura pas abouti. Il ne convient pas de charger une commission de vérité et de réconciliation de se pencher sur les événements puisqu’ils n’ont duré que trois jours.

42.Pour ce qui est de la protection des enfants, la session annuelle du Parlement des enfants offre au Gouvernement l’occasion d’entendre les enfants parler de ce qui les préoccupe. Mais il ne faut pas en attendre la solution à tous leurs problèmes.

43.Le Gouvernement verse normalement sa quote-part au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture et reprendra ses versements aussitôt que la situation budgétaire du pays se sera améliorée. En ce qui concerne le montant des indemnisations versées aux victimes de la torture au Cameroun, M. Ayissi Messi a obtenu du tribunal un jugement ordonnant qu’il soit indemnisé par la Délégation générale à la sûreté nationale à hauteur de 2 425 000 francs CFA et M. Mukong a reçu cent millions de francs sur la base des conclusions du Comité des droits de l’homme.

44.M me Banaken (Cameroun), répondant à la question relative au mariage des femmes victimes de viol avec leur violeur, dit qu’on ne dispose pas de chiffres à ce sujet; la loi autorise pareils mariages, et les futurs époux n’ont pas à donner les raisons pour lesquelles ils souhaitent se marier.

45.M.  Nkou (Cameroun) insiste sur le fait que son Gouvernement est bien décidé à protéger les droits de l’homme et à lutter contre l’impunité. C’est pourquoi M. Nkou aimerait recevoir des informations précises de la part du Comité sur les cas de disparition mentionnés, en particulier celui de M. Jacques Tiwa.

46.Le Président dit que les réponses très complètes de la délégation aident très certainement le Comité à mieux comprendre l’état de la mise en application de la Convention au Cameroun. Il invite les membres du Comité, en particulier les rapporteurs, à demander les éclaircissements qu’ils souhaitent obtenir.

47.M me Sveaass (Rapporteuse pour le Cameroun) dit que le Comité a été impressionné par la bonne volonté avec laquelle la délégation a répondu à toutes les questions posées, ainsi que par son empressement à demander des conseils.

48.Pour ce qui est de la question du viol et du mariage, elle pense que ce serait franchir une étape dans la lutte contre la subordination des femmes que de mettre fin à l’impunité en cas de viol. Rien ne permettrait alors au violeur d’échapper au châtiment pour son crime en épousant sa victime.

49.Il est regrettable que l’État partie n’ait pas de dispositions particulières pour lutter contre les mutilations génitales féminines. Mme Sveaass espère que les diverses mesures prises pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et des enfants pourront être élargies de façon à permettre d’interdire les mutilations génitales féminines.

50.Mme Sveaass insiste sur l’importance de l’accès des femmes à la justice, qui est un indicateur essentiel de l’attachement d’un État à la défense des droits de l’homme.

51.Tout en sachant qu’il est difficile à l’État partie d’obtenir des données statistiques, Mme Sveaass souhaiterait connaître le nombre de plaintes pour mauvais traitements qui ont été déposées et quel est le montant des dédommagements versés, en particulier dans les cas de violation de l’habeas corpus, que la délégation a décrit comme un droit fondamental au Cameroun.

52.En cas d’allégations d’impunité, la meilleure façon de faire la lumière est de mener de bonnes enquêtes indépendantes pour pouvoir prouver que ces allégations étaient sans fondement ou, dans le cas contraire, que les coupables sont poursuivis et les victimes dédommagées.

53.Compte tenu des allégations de Reporters sans frontières, le Comité est particulièrement préoccupé par le sort des journalistes emprisonnés. Il a été informé que des journalistes avaient été placés en détention non pour avoir commis des infractions de droit commun mais pour avoir publié des allégations que l’État partie a du mal à réfuter. Des enquêtes exhaustives et un suivi approfondi pourraient montrer que ces allégations sont infondées. Mme Sveaass voudrait savoir si la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés a pris des mesures en faveur d’enquêtes ouvertes et transparentes sur le sort de ces journalistes.

54.À cet égard, toutes les informations médicales et judiciaires sont importantes. Même si l’auteur d’une infraction est séropositif, il a le droit d’être protégé et soigné.

55.Mme Sveaass évoque trois affaires de brutalités policières qui ont été signalées et qui semblent graves mais n’ont entraîné qu’une mise à pied de trois mois. Elle voudrait davantage d’éclaircissements à ce sujet.

56.Abordant la situation des défenseurs des droits de l’homme, elle fait observer qu’il y aurait intérêt à ce que les plaintes pour harcèlement soient examinées à l’occasion d’une visite que le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme serait invité à faire dans le pays.

57.M.  Gaye (Corapporteur pour le Cameroun) reconnaît, comme Mme Sveaass, la bonne qualité du rapport et des réponses écrites. Effectivement, la plupart de ses préoccupations y ont trouvé une réponse, au moins sous réserve de confirmation, même s’il est évident qu’il reste un travail de suivi à effectuer. M. Gaye souhaite néanmoins aborder quelques points particuliers.

58.M. Gaye avait compris que la loi sur l’état d’urgence avait été abrogée et il apprend maintenant qu’elle reste en vigueur. C’est un point qu’il a précédemment évoqué parce que cette loi dispose qu’une personne peut être placée en garde à vue sur ordre de l’autorité administrative – et non pas de l’autorité judiciaire – pendant une période de deux mois renouvelable. Voilà qui paraît bien long pour une garde à vue, et l’on peut craindre que cette période ne puisse être mise à profit par les agents de la force publique pour torturer les détenus. Il serait souhaitable que soient explicitement indiquées les garanties que la loi offre à ces personnes.

59.S’agissant du commissaire de police condamné à 15 ans d’emprisonnement pour l’exécution extrajudiciaire de sept personnes, la question posée par M. Gaye portait sur le point de savoir quelles sont les peines normalement prononcées pour des meurtres de ce type, de façon que le Comité puisse les comparer avec la peine réellement infligée.

60.Le pouvoir dont dispose le Ministre de la justice de suspendre une procédure judiciaire si la poursuite de celle-ci risque de constituer une menace à l’ordre public est un phénomène que l’on retrouve dans d’autres pays. Mais M. Gaye estime que ce pouvoir ne devrait pas relever de l’appréciation du seul ministre et être soumis à une forme de contrôle ou de surveillance.

61.Pour ce qui est des privilèges des chefs traditionnels, M. Gaye prend note des assurances fournies quant à l’égalité de tous les citoyens devant la loi et au fait que le droit pénal s’applique aussi aux chefs, mais le Comité a reçu tant d’informations qui donnent à penser que tel n’est pas le cas qu’il semblerait qu’il faille procéder à un suivi et s’assurer que, dans la réalité, les chefs sont bien passibles de la loi.

62.Rappelant les questions qu’il a déjà posées, M. Gaye avoue qu’il a été étonné de lire, dans les réponses écrites à la liste des points à traiter à propos de l’article 137 du Code de procédure pénale, que le procureur de la République peut, au cours d’un contrôle de garde à vue, ordonner la libération de personnes en vertu d’une ordonnance d’habeas corpus. Si une personne détenue a une ordonnance d’habeas corpus, les autorités responsables du lieu de détention doivent la libérer immédiatement. On ne comprend pas alors pourquoi le procureur de la République doit ordonner sa libération.

63.M.  Bruni, se référant à la description des cinq comités provinciaux de prévention de la torture au paragraphe 114 g) du rapport, relève qu’ils ont pour fonction «d’accompagner les populations victimes de torture»; leur rôle n’est donc pas strictement de prévenir la torture mais d’aider les populations à faire face à la torture après qu’elle a eu lieu. Comme il ressort de ce paragraphe que des éléments de la population ont été victimes de la torture, M. Bruni souhaiterait savoir de qui il s’agit.

64.Il est indiqué au paragraphe 91 du rapport que l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture. C’est là un bon principe, mais M. Bruni voudrait savoir quel est, sur le plan pratique, le mécanisme qui permet de refuser d’exécuter – et permet éventuellement de signaler – un ordre dont l’exécution reviendrait à commettre un acte de torture.

65.M. Bruni relève que le rapport évoque un programme d’amélioration des conditions de détention élaboré conjointement avec le Fonds européen de développement et qui doit être achevé à la fin de 2010. Comme l’État partie a parlé de déficit budgétaire, M. Bruni voudrait savoir où en est effectivement ce programme et à quels obstacles il s’est heurté alors que la date prévue pour son achèvement s’approche.

66.M me Belmir se déclare préoccupée par la pratique d’enchaînement des prisonniers. L’État partie soutient qu’il n’y a là rien qui porte atteinte à la dignité humaine, mais Mme Belmir ne peut l’admettre. Aussi le prie-t-elle instamment de mettre un terme à cette pratique, qui devrait être réservée aux animaux.

67.Il est ressorti d’une enquête sur les événements de 2008 que les agents de la force publique n’avaient pas commis d’infractions. Tout cela est parfait, mais Mme Belmir refuse de croire qu’une commission de vérité et de réconciliation soit inutile au motif que, selon la délégation, pareil mécanisme n’est appliqué dans d’autres pays que pour des événements de plus longue durée. Il est portant arrivé à plusieurs occasions que des troubles qui n’avaient duré que deux ou trois jours entraînent la constitution d’une commission de vérité et de réconciliation. Une enquête administrative portant sur les événements et aboutissant à un apaisement ne saurait suffire.

68.Mme Belmir relève que, faute de place, des mineurs sont parfois détenus dans le même quartier que des adultes. Il y a là un fait préoccupant et elle espère qu’à l’avenir des efforts seront entrepris pour les séparer.

69.M. Mariño Menéndez voudrait davantage d’informations sur le plan de développement visant à améliorer les conditions de vie des Pygmées dont il a été question. Les Pygmées peuvent être considérés comme population autochtone dans le pays en ce sens qu’ils se trouvaient sur son territoire avant l’arrivée des populations actuelles. Il estime que la Convention no 169 de l’OIT pourrait offrir un cadre approprié pour leur protection.

70.Dressant un parallèle avec le cas, évoqué par M. Bruni, où le Ministre de la justice est en droit de suspendre une procédure judiciaire, M. Mariño Menéndez fait observer que de toute évidence une possibilité similaire existe dans le cadre du Code de justice militaire qui, comme l’a expliqué la délégation, prévoit que le commissaire du Gouvernement peut arrêter une procédure militaire sur instructions du Ministre chargé de la justice militaire. M. Mariño Menéndez y voit un parfait exemple d’empiètement de l’exécutif sur les prérogatives du judiciaire et une situation qui semble remettre en question les fondements de l’état de droit. Il demande davantage d’informations sur ce point, et voudrait savoir en particulier si la décision du Ministre fait l’objet d’un contrôle, pour que l’on n’ait pas l’impression de tomber dans l’arbitraire.

71.Il demande aussi dans quelle mesure le Cameroun participe aux activités du système africain de protection des droits de l’homme, et si la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a eu l’occasion d’intervenir dans des affaires intéressant le Cameroun.

72.Le Président invite la délégation à répondre aux questions qui ont été posées ou à le faire par écrit avant la fin de la semaine suivante.

73.M.  Nkou (Cameroun) dit que la plupart des informations demandées seront fournies par écrit mais qu’il sera répondu tout de suite à certaines questions particulièrement pressantes.

74.Le viol est une affaire très difficile. Comme les victimes répugnent souvent à admettre qu’elles ont été violées, il est difficile d’engager des poursuites judiciaires, même si les violeurs sont passibles de peines sévères aux termes de la législation camerounaise.

75.Les mutilations génitales féminines sont très rares au Cameroun et des mesures ont été prises pour empêcher cette coutume. Elle est surtout pratiquée au sein des populations déplacées ou réfugiées.

76.L’accès des femmes à la justice s’améliore à mesure qu’elles ont davantage accès à l’éducation. De plus en plus de filles fréquentent les écoles primaires et secondaires ainsi que l’université, et elles entendent bien défendre leurs droits.

77.Des événements semblables à ceux que le Cameroun a connus en 2008 se sont aussi produits ailleurs en raison de la crise économique, qui entraîne une hausse des prix de produits de première nécessité. Au Cameroun, les flambées de violence ont été attisées par des ONG politisées qui ne peuvent parvenir à leurs fins par la voie des urnes. À cause des dommages ainsi causés, nombre de personnes ont perdu leurs biens et leur source de revenus. La réponse de l’armée a été un acte de légitime défense.

78.Le dernier rapport de l’ONG Reporters sans frontières ne fait pas état du Cameroun. Les autorités ne harcèlent pas les journalistes. Ce sont les ONG politisées qui ont essayé de ternir l’image du pays.

79.Lorsqu’il est arrivé à Genève en sa qualité d’ambassadeur en 2009, M. Nkou a rencontré le Rapporteur spécial sur le droit à la liberté d'opinion et d'expression, qui a exprimé le vœu de se rendre au Cameroun. Bien que M. Nkou ait pris les dispositions nécessaires, le Rapporteur spécial n’est jamais allé au Cameroun. Son successeur au poste de rapporteur spécial a lui aussi reçu une invitation mais, à ce jour, il n’a encore entrepris aucune démarche pour y répondre. L’expert indépendant chargé d’examiner la question des obligations en rapport avec les droits de l’homme qui concernent l’accès à l’eau potable et à l’assainissement ne s’est pas présenté au rendez-vous pris au Palais des Nations. M. Nkou prie le Comité de porter à la connaissance du public ses plaintes quant au comportement de ces fonctionnaires.

80.M.  Mayang (Cameroun) dit que le Procureur de la République n’est pas habilité à se prononcer sur une ordonnance d’habeas corpus. Toutes les décisions de ce type sont du ressort du tribunal. Une fois que celui-ci a ordonné la libération d’une personne, le procureur est simplement chargé de transmettre cette décision après s’être assuré que la personne n’est pas détenue pour d’autres motifs.

81.S’agissant des peines encourues pour actes de torture, la mise à pied pour trois mois constitue une mesure provisoire qui peut être prise en attendant le prononcé de sanctions disciplinaires et judiciaires.

82.M me Nama (Cameroun) précise que son pays coopère étroitement avec la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Le Cameroun présentera un rapport à cette dernière lors de sa quarante-septième session ordinaire qui se tiendra à Banjul (Gambie) le 12 mai 2010. Un rapporteur désigné par la Commission a visité plusieurs prisons camerounaises.

83.M.  Nkou (Cameroun) assure le Comité que les autorités camerounaises examineront de près ses conclusions finales et n’épargneront aucun effort pour éliminer la torture.

84.Le Président dit qu’il n’a aucun doute quant à l’attachement de l’État partie à la mise en application la Convention. Il ajoute qu’il comprend les difficultés auxquelles se heurte un pays en développement qui compte quelque 240 groupes ethniques.

La première partie (publ ique ) de la séance prend fin à 12 h 20.