Nations Unies

CAT/C/SR.1698

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

14 décembre 2018

Original : français

Comité contre la torture

Soixante-cinquième session

Co mpte rendu analytique de la 1698 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 22 novembre 2018, à 15 heures

Président (e):M. Modvig

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Septième rapport périodique du Canada (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Septième rapport périodique du Canada (CAT/C/CAN/7 ; CAT/C/CAN/QPR/7 ; HRI/CORE/CAN/2013) (suite)

1.Sur l ’ invitation du Président, la délégation canadienne reprend place à la table du Comité.

2.Le Président invite la délégation à répondre aux questions que le Comité lui a posées la veille.

3.M me Wright (Canada) dit que le Canada a lancé en 2017 l’initiative « Il est temps : Stratégie du Canada pour prévenir et contrer la violence fondée sur le sexe », qui repose sur la prévention, le soutien aux survivants et à leur famille, et la réactivité du système juridique et judiciaire aux besoins. Des données sur la violence conjugale figurent notamment dans le rapport intitulé « La violence familiale au Canada : un profil statistique », établi par le Centre canadien de la statistique juridique dans le cadre de l’Initiative de lutte contre la violence familiale. En juin 2018, le Gouvernement canadien a annoncé que la commission chargée de mener l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées avait jusqu’au 30 avril 2019 pour communiquer son rapport final et jusqu’au 30 juin 2019 pour achever progressivement ses activités.

4.M me Gélinas (Canada) dit que, depuis septembre 2018, le Bureau des enquêtes indépendantes du Québec est chargé d’enquêter sur toute allégation portée par un membre des Premières Nations ou de la nation inuite contre un policier au Québec. Plusieurs autres mesures sont en outre prévues, dont le recrutement, par le Bureau, d’un agent de liaison et de soutien autochtone et la formation du personnel du Bureau aux réalités et aux cultures des Premières Nations et des Inuits.

5.M.  Fuss (Canada) dit que dans l’action qu’il mène pour lutter contre la violence familiale, notamment par le financement de refuges et maisons de transition, le Gouvernement de la Colombie-Britannique s’attache à assurer aux autochtones touchés par la violence familiale des services respectueux de leur culture.

6.M me Wright (Canada) dit que toutes les femmes autochtones, où qu’elles vivent, doivent pouvoir bénéficier de services de santé respectant leurs valeurs culturelles. Le Gouvernement canadien est déterminé à garantir l’accès de la population autochtone à des services de santé appropriés et s’emploie notamment, par l’intermédiaire des Services aux autochtones Canada, à mettre sur pied un comité consultatif sur le bien-être des femmes autochtones.

7.M.  Fuss (Canada) dit que les autorités sanitaires de la Saskatchewan ont pris des mesures pour répondre aux préoccupations suscitées par les procédures de ligature des trompes, en collaboration avec les organisations des Premières Nations, les prestataires de soins et les partenaires des milieux de la santé. En janvier 2017, un examen externe indépendant a été engagé après que des femmes autochtones ont signalé avoir fait l’objet de pressions visant à les inciter à accepter cette intervention à la suite de leur accouchement. Conformément aux recommandations issues de cet examen, les autorités sanitaires de la Saskatchewan réfléchissent aux améliorations qui pourraient encore être apportées aux procédures existantes, notamment pour ce qui est de l’obtention du consentement. Dans l’Alberta, même si la pratique de la stérilisation forcée ou sous la contrainte n’a plus cours, les autorités provinciales entendent continuer de collaborer avec les gouvernements, les communautés et les organisations autochtones à la mise en place d’un système de santé qui soit non seulement accessible aux femmes autochtones, mais aussi sûr et adapté à leur culture.

8.M me Wherrett (Canada) dit que le Secteur des services de santé du Service correctionnel Canada (SCC) est agréé par un organisme tiers indépendant (Agrément Canada). Conformément à la politique du SCC, à son arrivée en prison, le détenu a la possibilité de se soumettre à un examen médical comprenant le dépistage des maladies chroniques, des maladies infectieuses et des maladies sexuellement transmissibles, ainsi qu’à une évaluation de l’état psychologique et du fonctionnement intellectuel s’effectuant au moyen du Système informatisé de dépistage des troubles mentaux. Il est aiguillé si nécessaire vers les services compétents à des fins d’examens complémentaires ou de prise en charge. Depuis les années 2011-2012, plus de 90 % des détenus qui en avaient besoin ont bénéficié d’un suivi par des professionnels de la santé mentale. Le projet de loi C-83 modifiant la loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi dispose que le SCC est tenu de soutenir l’autonomie professionnelle des professionnels de la santé qui dispensent des soins aux détenus et de faire en sorte que les détenus aient accès à des services en matière de défense des droits des patients. Le SCC a donné suite aux recommandations issues de différentes enquêtes en mettant en place une stratégie d’évaluation et de prise en charge des besoins en santé mentale des délinquants dans ses établissements et en dehors. Il a également instauré de nouvelles procédures visant à mieux accompagner les délinquants ayant des besoins complexes dans ce domaine. Des investissements importants ont été réalisés en 2017 et 2018 aux fins de la prise en charge des besoins en santé mentale des détenus dans les établissements fédéraux. Le SCC a aussi pris des mesures en faveur des détenus vulnérables, notamment en fournissant différents équipements et aides techniques pour les détenus qui présentent un handicap physique. Les détenues atteintes de troubles mentaux ne sont transférées vers des centres régionaux de traitement qu’en cas d’urgence et pour des périodes très courtes.

9.En 2015, le Gouvernement canadien s’est engagé à mettre en œuvre un certain nombre des recommandations issues de l’enquête du coroner sur la mort d’Ashley Smith, tendant notamment à restreindre le recours à l’isolement préventif. Le SCC a défini, en 2017, de nouveaux critères visant à garantir que les détenus les plus vulnérables, dont les détenus présentant de graves troubles mentaux mais aussi les détenues enceintes et les détenus à mobilité fortement réduite ou en soins palliatifs, ne puissent pas être mis à l’isolement préventif, à moins de circonstances exceptionnelles. Le recours à l’isolement préventif a diminué de 57 % entre avril 2014 et mars 2018. Les détenus placés en unité d’intervention structurée, dispositif distinct de l’unité d’isolement préventif prévu par le projet de loi C-83 doivent pouvoir avoir des contacts humains réels pendant au minimum deux heures par jour et recevoir au moins une fois par jour la visite d’un professionnel de la santé, qui pourra recommander au directeur d’établissement de modifier leurs conditions d’incarcération ou de les transférer. L’expression « contacts humains réels » s’entend d’interactions sociales et de stimulations psychologiques contribuant à l’équilibre psychique et à la réadaptation.

10.Conformément aux directives du SCC, la fouille à nu est effectuée en privé, par un membre du personnel du même sexe que la personne fouillée et en présence d’un témoin du même sexe. Si un directeur d’établissement est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un détenu a dissimulé un objet interdit dans une cavité corporelle et qu’un examen des cavités corporelles est nécessaire, il peut autoriser, par écrit, un médecin compétent à procéder à cet examen. Le projet de loi C-83 prévoit l’utilisation de détecteurs à balayage corporel comme méthode de fouille moins invasive.

11.Le Bureau de l’enquêteur correctionnel jouit d’un accès sans restriction aux établissements du SCC, dont il est pleinement indépendant. Il est notamment habilité à s’entretenir avec les détenus sous responsabilité fédérale, à enquêter sur les émeutes et autres événements graves qui se produisent dans les établissements pénitentiaires fédéraux, et à examiner les cas d’usage de la force contre des détenus ainsi que les cas de décès de détenus ou de blessures graves infligées à des détenus. Lorsqu’il est établi que des agents du SCC ont agi de manière inéquitable ou déraisonnable et/ou au mépris de la législation et des politiques en vigueur, le Bureau de l’enquêteur correctionnel adresse des recommandations au SCC qui, s’il les approuve, doit expliquer quelles mesures il entend prendre pour y donner suite. Toute décision rendue en dernière instance dans le cadre du processus de règlement des plaintes et griefs des délinquants peut faire l’objet d’une demande de contrôle juridictionnel par la Cour fédérale.

12.M me Gélinas (Canada) dit que le Gouvernement québécois s’emploie depuis plusieurs années à améliorer les conditions de détention. Ainsi, entre novembre 2015 et septembre 2018, la capacité d’accueil des établissements de détention du Québec a été augmentée d’environ 250 places, si bien que le taux d’occupation moyen a diminué de 99,6 % à 94,8 %. Des mesures ont également été prises pour donner suite aux recommandations issues du rapport de 2016 du Protecteur du citoyen concernant les conditions de détention au Nunavik. Parmi celles-ci figure la traduction d’un certain nombre de documents en inuktitut. Depuis 2015, les soins et services aux détenus en matière de santé physique et mentale sont assurés par les établissements de santé et de services sociaux du Québec. De plus, le programme d’intégration à la fonction d’agent des services correctionnels comprend une formation à la prévention du suicide et à la détection et la prévention des troubles mentaux chez les détenus. Un programme de dépistage systématique du risque suicidaire et de prévention du suicide a en outre été mis en place dans les établissements de détention du Québec.

13.M me Scott (Canada) dit qu’en Nouvelle-Écosse, les personnes qui sont détenues en établissement de détention préventive en application de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ont accès aux mêmes prestations de santé que les autres détenus. Un programme innovant permet de ne pas avoir à séparer les détenus qui présentent des troubles mentaux des autres détenus. Cela étant, les détenus dont les troubles mentaux sont jugés sévères sont transférés dans une unité de psychiatrie hospitalière réservée à leur prise en charge. Les hôpitaux et établissements de soins de longue durée sont tenus de signaler toute allégation de mauvais traitements formulée par un patient ; chaque plainte donne lieu à une enquête. Un mécanisme permet aux patients hospitalisés sans leur consentement de soumettre leur cas à un comité d’examen, dont les décisions sont susceptibles de recours devant la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse.

14.M me Wherrett (Canada) dit que des instructions ministérielles ont été émises en 2017 à l’intention des organismes qui communiquent des renseignements à des entités étrangères, dont la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le Ministère de la défense nationale, les forces armées canadiennes et le Service canadien du renseignement de sécurité. Ces instructions, qui font d’ailleurs expressément référence à la Convention, interdisent « la divulgation de renseignements qui se traduirait par un risque substantiel de mauvais traitement d’une personne par une entité étrangère ; la formulation de demandes de renseignements qui se traduirait par un risque substantiel de mauvais traitement d’une personne par une entité étrangère ; et certaines utilisations de renseignements vraisemblablement obtenus à la suite du mauvais traitement d’une personne par une entité étrangère ». Elles font obligation d’« éviter de contribuer sciemment au mauvais traitement infligé par des entités étrangères » et rappellent que la torture est une infraction pénale de portée extraterritoriale au Canada. De plus, l’instruction ministérielle à l’intention d’Affaires mondiales Canada, visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères, dispose ce qui suit : « 1. Les renseignements vraisemblablement obtenus à la suite d’un mauvais traitement ne pourraient pas être utilisés : a. de façon à créer un risque substantiel de mauvais traitements additionnels ; b. comme éléments de preuve dans des procédures judiciaires, administratives ou autres ; c. pour priver une personne de ses droits ou libertés, exception faite des cas où l’administrateur général […] autorise l’utilisation de ces renseignements, qu’il juge nécessaire pour éviter des pertes de vie ou des sévices graves à la personne. 2. Dans des circonstances exceptionnelles, […], il pourrait être nécessaire d’approuver l’utilisation de renseignements entraînant la privation des droits et libertés d’une personne lorsque, par exemple, les renseignements portent à croire que la personne est sur le point de commettre un acte terroriste […]. ». Un projet de loi édictant la loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères est aussi en cours d’examen par le Sénat.

15.Depuis 2008, les tribunaux ont validé deux décisions de délivrer un certificat de sécurité, respectivement en 2014 et en 2018 ; les personnes visées ne sont pas actuellement en détention. Un certificat de sécurité valant mesure de renvoi exécutoire, une évaluation est effectuée afin de déterminer notamment si l’intéressé serait exposé à un risque en cas de renvoi et s’il représente un danger pour la sécurité nationale. En 2014, la Cour suprême du Canada a estimé que le régime des certificats de sécurité était conforme à la Charte canadienne des droits et libertés.

16.Le programme de détention liée à l’immigration repose sur le principe selon lequel la détention ne sera utilisée qu’en dernier recours, dans des circonstances bien définies et uniquement après que d’autres solutions appropriées auront été envisagées. Des mesures ont été prises, au titre du cadre national en matière de détention liée à l’immigration, pour favoriser les solutions de substitution à la détention, fournir de meilleurs services médicaux et sanitaires dans les centres de surveillance de l’immigration et améliorer les infrastructures de détention pour migrants. En juillet 2018, le Gouvernement canadien a annoncé le lancement d’un programme élargi de solutions de rechange à la détention, devant permettre notamment de réduire la durée pendant laquelle la personne pourra être maintenue en détention et comprenant les programmes suivants : un programme national de services de gestion des cas et de surveillance dans la collectivité ; un programme national de communication par reconnaissance vocale ; et un programme de surveillance électronique mis en œuvre à titre expérimental dans la région du Grand Toronto. La politique de l’Agence des services frontaliers du Canada en ce qui concerne les personnes vulnérables est que, lorsque la sûreté ou la sécurité n’est pas en jeu, la détention doit être évitée ou utilisée uniquement en dernier recours dans le cas des personnes âgées, des femmes enceintes, des personnes malades ou handicapées et des personnes ayant des troubles du comportement ou des problèmes de santé mentale. Conformément à une instruction ministérielle de 2017 et à la directive nationale sur la détention ou l’hébergement de mineurs, un mineur ne doit pas être placé en détention, sauf dans des circonstances exceptionnelles ; les solutions de substitution à la détention doivent être privilégiées et l’intérêt supérieur du mineur doit être pris en considération.

17.Les normes régissant les conditions de détention dans les centres de surveillance de l’immigration (CSI) relevant de l’Agence des services frontaliers du Canada sont conformes aux normes internationales pertinentes, et sont révisées régulièrement. Toutes les personnes placées en détention reçoivent une brochure d’information décrivant leurs droits et les services dont elles peuvent bénéficier, publiée dans les deux langues officielles que sont l’anglais et le français ainsi que dans 14 autres langues. Les personnes détenues dans les centres de surveillance de l’immigration ont accès à des services médicaux, des programmes éducatifs destinés aux mineurs et des activités récréatives. Elles peuvent recevoir des visites de leur conseil ou de membres de leur famille ou d’organisations non gouvernementales (ONG). De nouveaux aménagements sont en cours dans ces centres pour garantir de meilleures conditions de détention aux détenus handicapés. Il est notamment prévu que soient construites des cellules individuelles pour accueillir ceux dont le handicap mental nécessite une surveillance accrue. Des ailes réservées aux familles doivent aussi être créées.

18.En vertu d’un accord conclu le 27 juillet 2017, la Croix-Rouge canadienne a été chargée par l’Agence des services frontaliers du Canada de surveiller les conditions de détention des migrants, et notamment de s’assurer que les migrants détenus sont traités humainement, qu’ils ont la possibilité d’entretenir des liens avec leur famille et que les garanties juridiques les concernant sont respectées. La Croix‑Rouge est tenue d’effectuer 86 visites annuelles et de rendre un rapport de suivi à l’issue de chacune d’entre elles, ainsi qu’un rapport annuel, que l’Agence des services frontaliers du Canada s’engage à publier.

19.M me Scott (Canada) dit qu’il existe en Nouvelle-Écosse un mécanisme de contrôle indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes mettant en cause des membres des forces de l’ordre, l’Équipe d’intervention en cas d’incident grave. Celle-ci est habilitée à enquêter sur les cas de blessure grave, d’agression sexuelle ou encore de décès dont la responsabilité est imputée à un policier, de sa propre initiative ou à la demande du Commissaire de la GRC, du Ministre de la justice, voire du public. À l’issue de l’enquête et de la publication du rapport d’enquête circonstancié, c’est au directeur de l’Équipe d’intervention qu’il appartient de lancer des poursuites et de saisir les procureurs de la Couronne. De nombreuses plaintes ont été déposées depuis 2016, et plusieurs procédures ont été ouvertes, dont une a abouti à une condamnation.

20.M.  Fuss (Canada) dit que l’enquête interne menée par la Police provinciale de l’Ontario sur les incidents de Tyendinaga a conclu à l’absence de toute discrimination à l’égard des détenus. De plus, l’Équipe chargée des relations avec les autochtones et l’Équipe de liaison pour les événements majeurs, créées en 2014 au sein de la Police provinciale de l’Ontario, ont élaboré un cadre régissant les relations de la police avec les Premières Nations, qui préconise de faire montre de souplesse dans la gestion des crises et la résolution des différends.

21.M me Wherrett (Canada) dit que la GRC révise régulièrement sa politique en matière de détention pour veiller à ce qu’elle soit conforme aux principes de la Charte canadienne des droits et libertés et à l’article 29 du Code pénal. Lorsqu’ils appréhendent un suspect, les membres de la police doivent informer celui-ci de ses droits et des motifs de son arrestation. Les déclarations de l’intéressé doivent être volontaires et ne peuvent être obtenues par la menace, la ruse, des promesses ou des pressions. Tout policier qui fait un usage excessif de la force s’expose à des poursuites civiles et pénales. La GRC a élaboré des directives nationales selon lesquelles tout acte de l’un de ses membres qui aboutit à des blessures graves ou à la mort doit donner lieu à l’ouverture d’une enquête menée par un organisme d’enquête indépendant, et à défaut, par un groupe de policiers extérieurs aux faits. La procédure peut aboutir au renvoi de l’auteur des faits. Un plaignant qui ne serait pas satisfait des conclusions de l’enquête menée en interne ou toute autre personne agissant en son nom peuvent saisir la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC.

22.M.  Fuss (Canada) dit que le nouveau centre de détention provisoire ouvert en Alberta en 2013 a augmenté les ressources matérielles et financières consacrées à la santé des détenus et signale que des tablettes numériques connectées au wifi sont mises à la disposition des détenus de ce centre. De plus, l’Alberta procède actuellement à des aménagements dans le deuxième plus grand centre de détention provisoire de la province et prévoit d’accorder aux détenus des périodes de temps hors de la cellule plus longues et l’accès à un téléphone.

23.M me Bachand (Canada) dit que la question de l’éventuelle adhésion du Canada au Protocole facultatif se rapportant à la Convention est toujours à l’examen et que des consultations sont menées entre les différents niveaux de gouvernement pour réfléchir à la possibilité de créer un réseau de mécanismes nationaux de prévention. Les ministres s’occupant des droits de l’homme aux niveaux fédéral, provincial et territorial ont procédé à un exercice de cartographie visant à recenser les différents types de lieux de détention du pays et à déterminer de quelle autorité relève chacun d’eux, en tenant compte également de la compétence des gouvernements autochtones. Outre la question de la répartition des compétences, les consultations ont mis en évidence d’autres problèmes, comme l’immensité du pays, qui rend difficile la réalisation de visites régulières dans les lieux de détention se trouvant dans des régions reculées. La question de l’étendue des pouvoirs à octroyer au mécanisme national de prévention se pose aussi. Le Canada s’est déjà doté d’un mécanisme d’inspection des lieux de détention, dont la mission consiste à traiter les plaintes, non à prévenir les mauvais traitements à l’échelle systémique. Conscient qu’outre les établissements pénitentiaires, il existe de nombreux lieux où des personnes sont privées de liberté sur l’ordre d’une autorité publique ou avec son consentement exprès ou tacite, le Canada veut être sûr de pouvoir s’acquitter de ses obligations en vertu du Protocole facultatif avant d’adhérer à cet instrument. En tout état de cause, le Gouvernement a pris acte des préoccupations de la société civile concernant le manque de transparence du processus actuel et s’engage à y remédier.

24.Le Canada n’entend pas apporter de modification à loi sur l’immunité des États qui permettrait d’engager des poursuites pour des actes de torture commis à l’étranger, mais prend bonne note des suggestions du Comité à ce sujet. Cela étant, le Canada s’est engagé à garantir à toutes les victimes de torture et de mauvais traitements vivant sur son territoire l’accès à des moyens de réadaptation appropriés, à une aide financière et à des services de santé physique et mentale, et ce, où que les faits aient été commis.

25.Le Canada sollicite rarement des assurances diplomatiques aux fins d’extradition ou d’expulsion mais, lorsque c’est le cas, les autorités compétentes examinent la fiabilité de ces assurances et se posent la question de savoir s’il convient ou non de mettre en place un dispositif de surveillance après le renvoi. Souvent, les assurances elles‑mêmes prévoient un contrôle et un suivi de la situation de l’intéressé, ainsi que des visites en détention aux fins de l’évaluation régulière de son état de santé. Les assurances sont communiquées à l’intéressé, qui peut les contester avant son renvoi ou son extradition. Le Canada réfute l’affirmation selon laquelle les transferts accompagnés de telles assurances seraient contraires à l’article 3 de la Convention, sachant que celles‑ci sont précisément utilisées pour éviter de contrevenir au principe de non-refoulement. Le courrier adressé en mai 2016 au Premier Ministre concernant le traitement des détenus transférés aux autorités afghanes lors de la mission militaire menée par le Canada en Afghanistan entre octobre 2001 et mars 2014 n’est pas resté lettre morte. Une réponse y a été apportée, décrivant les actions entreprises par le Gouvernement canadien pour établir les responsabilités et pour réexaminer le cadre existant afin d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise. La règle 6 du Code de conduite des forces armées canadiennes consacre l’interdiction de toute forme de torture et fait expressément référence à la Convention contre la torture. Elle précise aussi qu’en vertu de la troisième Convention de Genève, tous les détenus doivent être protégés contre les actes de violence, les insultes ou l’intimidation.

26.M me Wright (Canada) dit que le Gouvernement canadien est conscient que les autochtones − et tout particulièrement les femmes et les jeunes − sont surreprésentés dans le système de justice pénale. À preuve, en 2016-2017, les autochtones comptaient pour 4,1 % de la population canadienne, et pour 28 % des détenus placés dans un établissement relevant du SCC. Ces statistiques tragiques ne sont autres que les vestiges du colonialisme, et il conviendra de corriger cette situation en élaborant et en mettant en œuvre des réformes législatives et des programmes de partenariat qui tiennent compte de la culture et de l’histoire des autochtones.

27.M me Anderson (Canada) dit que le Gouvernement du Québec s’emploie depuis plusieurs années à combattre la surreprésentation des autochtones au sein du système de justice pénale, notamment en favorisant la concertation entre autochtones et membres de l’appareil judiciaire, en améliorant les pratiques en milieu correctionnel et en finançant les corps de police autochtones. Il appuie en outre la mise en place de comités de justice communautaire en milieu autochtone qui offrent des services de médiation sociale et mènent des activités de prévention de la criminalité. Il contribue aussi à la mise en œuvre du Programme de mesures de rechange pour les adultes en milieu autochtone qui vise à favoriser une plus grande participation des communautés autochtones à l’administration de la justice, et permet aux personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction de participer à un processus de réparation et de réconciliation dans le cadre des procédures judiciaires. Divers programmes d’accompagnement permettent aux personnes qui ont vécu l’itinérance, aux personnes toxicomanes ou encore aux personnes ayant des troubles mentaux et étant particulièrement vulnérables d’accéder à des services qui ont pour effet d’améliorer leur situation plutôt que de la dégrader comme le ferait un placement en détention. En outre, le recours à la visiocomparution résout les problèmes d’ordre logistique liés à l’isolement géographique et permet d’éviter les transfèrements.

28.M me Wright (Canada) dit que, bien que des informations aient filtré dans la presse, le Gouvernement canadien est dans l’obligation de garder le secret concernant plusieurs affaires citées par les membres du Comité, dont l’affaire Omar Kadr. À ce titre, les mesures de prise en charge psychologique ou de réadaptation dont ont pu bénéficier les intéressés sont confidentielles. Pour ce qui est de l’affaire Abousfian Abdelrazik, qui est devant la justice, la délégation ne saurait pas davantage fournir des informations, en ce qu’elles pourraient nuire aux relations internationales et à la sécurité nationale du Canada.

29.M.  Moore (Canada) dit que dans les régions où les autochtones comptent pour une part importante de la population carcérale, des affichettes rédigées dans leur langue maternelle les informant de leurs droits, et notamment de leur droit d’être assistés par un conseil, sont placardées dans les endroits stratégiques des centres de détention et des locaux de police. Les provinces et les territoires ont tous mis en place un service d’assistance téléphonique opérant 24 heures sur 24 qui permet aux personnes arrêtées d’avoir accès à un avocat. Dans certaines régions, des services d’interprétation simultanée sont également offerts.

30.Le délai de vingt-quatre heures fixé par le Code criminel pour conduire l’accusé devant un juge de paix peut être suffisant ou non selon, par exemple, le lieu de l’arrestation. C’est pourquoi il est précisé dans le Code que la présentation devant le juge doit avoir lieu « le plus tôt possible ». Cela étant, on peut parler de retard injustifié même lorsque ce délai a été respecté, si les agents de l’État ont manqué de diligence et gardé la personne plus de temps qu’il n’était nécessaire pour accomplir les démarches. En tout état de cause, les dispositions du Code criminel en la matière ne portant pas atteinte aux principes énoncés dans la Charte canadienne des droits et libertés, notamment au droit d’habeas corpus et au droit d’être protégé contre la détention arbitraire.

31.Lorsqu’il exprime son désaccord avec les constatations du Comité au sujet d’une communication présentée en vertu de l’article 22 de la Convention, le Gouvernement canadien ne se soustrait nullement aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. À l’instar de nombreux autres États, le Canada a adopté la position selon laquelle les demandes de mesures provisoires et les décisions du Comité ne sont pas contraignantes, étant donné que rien dans l’article 22 ou dans les autres articles de la Convention ne leur confère un tel caractère.

32.M.  Cochrane (Canada) dit que, depuis son arrêt en l’affaire Suresh c.Canada, en 2002, la Cour suprême n’a pas eu l’occasion de préciser en quoi consistaient les circonstances exceptionnelles pouvant justifier l’expulsion d’une personne exposée à un risque de torture dans le pays de renvoi. Depuis cette décision, le Gouvernement canadien n’a procédé à aucun renvoi de personnes courant un risque de torture, mais il a expulsé deux individus qui risquaient d’être condamnés à mort et exécutés dans le pays de destination. Dans ces deux affaires, les juges, se fondant sur l’arrêt Suresh, sont parvenus à la conclusion que la menace que représentaient ces individus pour la population et la nécessité de s’en prémunir prévalaient sur le risque couru par les intéressés dans le pays de renvoi.

33.Les demandeurs d’asile déboutés qui ne sont pas autorisés à contester le rejet de leur demande devant la Section d’appel des réfugiés au motif, notamment, que leur demande est manifestement dénuée de fondement, ont néanmoins la possibilité de demander à la Cour fédérale l’autorisation d’introduire une requête en contrôle juridictionnel et rien ne fait obstacle à l’exercice de cette voie de recours. Quant aux personnes qui n’ont pas obtenu l’autorisation de contester le rejet de leur demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR), elles peuvent soumettre une nouvelle demande dans certains cas, notamment lorsque des bouleversements importants se sont produits dans leur pays d’origine et que la situation qui y règne leur fait désormais courir un risque en cas de renvoi. Le taux d’acceptation des demandes d’ERAR soumises pendant les cinq années écoulées s’établit à 5,2 %. Les autorités n’envisagent pas de revoir la procédure d’ERAR.

34.Le Canada estime que les États-Unis d’Amérique restent un pays tiers sûr pour les demandeurs d’asile qui répondent à la définition du réfugié. L’Entente sur les pays tiers sûrs qu’il a signée avec cet État est fondée sur l’existence dans les deux pays de cadres juridiques conformes à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et à la Convention contre la torture. Les autorités canadiennes ont effectué une analyse des politiques et pratiques actuelles de l’Administration américaine en matière d’immigration et de surveillance des frontières, notamment en ce qui concerne le traitement des demandes de protection au titre de la Convention relative au statut des réfugiés et du principe de non-refoulement énoncé dans la Convention, et sont parvenues à la conclusion que les États-Unis d’Amérique demeuraient un pays sûr où toute personne peut demander l’asile et l’obtenir si elle remplit les conditions requises. Le Canada a toutefois fait savoir aux autorités américaines qu’il estimait nécessaire d’actualiser l’Entente compte tenu des avancées technologiques réalisées notamment dans le domaine biométrique.

35.M.  Fuss (Canada) dit qu’en décembre 2017, les ministres fédéraux, territoriaux et provinciaux chargés des droits de l’homme se sont réunis pour la première fois en trois ans et qu’à l’issue de cette rencontre, ils ont décidé d’élaborer un protocole pour la mise en œuvre des recommandations des organes conventionnels ainsi qu’une stratégie de mobilisation des parties prenantes. Les gouvernements ont d’ores et déjà consulté des représentants de la société civile et des communautés autochtones afin de savoir quelles questions devaient être prises en considération dans les futurs projets de protocole et de stratégie. Ils entendent poursuivre cette collaboration dans le cadre non seulement de l’élaboration mais aussi de la mise en œuvre de ces documents.

36.M.  Touzé (Rapporteur pour le Canada) dit qu’il a pris bonne note de l’information communiquée par la délégation selon laquelle l’enquête sur les meurtres et disparitions de femmes et de filles autochtones devrait prendre fin en juin 2019, mais il souhaiterait avoir la confirmation que les autorités feront tout leur possible pour établir la vérité. Il souhaiterait en particulier connaître la suite donnée aux recommandations du Bureau des enquêtes indépendantes et demande si des mesures concrètes ont été prises pour accorder une réparation aux familles des victimes. S’agissant des stérilisations forcées de femmes autochtones, il souhaiterait des précisions sur les procédures engagées contre les hôpitaux dans lesquels ces opérations ont été pratiquées et demande si les intéressées ont bénéficié d’une réparation complète, y compris d’un accompagnement psychologique.

37.En ce qui concerne le placement à l’isolement, le Rapporteur souhaiterait savoir si le projet de loi C-83 prévoit des dispositions interdisant le placement de détenus présentant des troubles psychiatriques dans une unité d’intervention structurée et s’il existe des voies de recours permettant de contester une décision de placement dans ce type de structure. Des précisions sur le degré d’indépendance et d’impartialité de l’autorité habilitée à prendre des décisions de placement à l’isolement et sur la durée de cette mesure seraient bienvenues. Il serait utile de savoir en outre si le projet de loi C-83 ne concerne que les établissements pénitentiaires fédéraux ou s’il couvre également les établissements provinciaux et territoriaux. Enfin, sachant que des ressources importantes devront être mobilisées pour donner concrètement effet aux dispositions de ce texte une fois qu’il aura été adopté, la délégation voudra bien indiquer ce que l’État partie compte faire pour que celui-ci ne reste pas lettre morte faute de moyens. La délégation est aussi invitée à expliquer les divergences entre les statistiques sur les placements à l’isolement citées par le SCC et celles citées par le Bureau de l’enquêteur correctionnel et confirmer l’information selon laquelle le seul moyen pour un détenu d’obtenir le réexamen par un tribunal d’une décision de placement à l’isolement est de former un recours en habeas corpus.

38.Le Rapporteur aimerait par ailleurs savoir si la pratique de la privation de soins médicaux à des fins punitives est interdite non seulement en Colombie-Britannique, mais aussi au plan fédéral et si des mesures sont prises pour garantir que les détenus puissent bénéficier de soins médicaux gratuits. Concernant les fouilles de détenus, il s’enquiert des mesures que l’État partie envisage de prendre pour garantir le remplacement des fouilles corporelles par l’utilisation de détecteurs à balayage corporel et demande si la législation prévoit que les fouilles doivent obligatoirement être réalisées par des personnes du même sexe que le détenu. Le Rapporteur prie en outre la délégation d’expliquer pourquoi il a été décidé de distribuer des tablettes numériques aux personnes placées en détention provisoire en Alberta, comme elle l’a indiqué dans ses réponses, et quel est le rapport entre cette mesure et le problème du surpeuplement carcéral.

39.Concernant la loi sur l’immunité des États, le Rapporteur souhaiterait recevoir une réponse à sa question concernant la possibilité que l’exception prévue par ladite loi dans le cas des États qui soutiennent le terrorisme s’applique également dans le cas des États qui pratiquent la torture, et sur la possibilité que le mécanisme du for de nécessité, qui est déjà prévu par plusieurs législations provinciales, soit institué au plan fédéral. Il souhaiterait également entendre la délégation sur la question de l’obligation de réparation qui incombe à l’État partie en vertu de l’article 14 de la Convention, dont le champ d’application ne se limite pas au territoire national, selon l’interprétation qu’en font le Comité et le Rapporteur spécial sur la question de la torture. Concernant les incidents de Tyendinaga, la délégation voudra bien indiquer si l’État partie pourrait revenir sur sa position et faire en sorte qu’une enquête soit ouverte sur les allégations d’usage excessif de la force visant la police provinciale de l’Ontario. Des précisions seraient également bienvenues sur la suite donnée par l’État partie à la décision du Comité concernant la communication no 327/2007 (Régent Boily c. Canada).

40.Le Rapporteur conçoit que certains aspects des accords conclus par les autorités dans l’affaire Khadr, en particulier le montant de l’indemnisation qui a été accordé à l’intéressé, doivent rester confidentiels, mais il ne voit pas pourquoi des renseignements ne pourraient pas être fournis sur les autres formes de réparation, en particulier les mesures de réadaptation, dont cette personne a pu bénéficier. Un complément d’information serait bienvenu sur ce point. Enfin, s’agissant de l’affaire Abdelrazik, la délégation voudra bien commenter les allégations de l’intéressé selon lesquelles les autorités canadiennes retardent délibérément la tenue du procès parce qu’elles sont responsables de son arrestation au Soudan.

41.M.  T uzmukhamedov (Corapporteur pour le Canada) demande dans combien de temps l’État partie compte achever les travaux menés en vue de son adhésion au Protocole facultatif se rapportant à la Convention et quel ministère dirige ces travaux. En ce qui concerne les règles d’engagement de l’État partie, il rappelle que, dans l’affaire Brocklebank, qui porte sur des actes de torture commis par des casques bleus canadiens en Somalie, la Cour d’appel de la cour martiale a considéré que les actes en question avaient été perpétrés dans le contexte d’une opération de maintien de la paix et qu’en conséquence, le droit des conflits armés internationaux et le droit international humanitaire ne s’appliquaient pas. La Cour d’appel a souligné en outre qu’aucune directive n’avait été donnée aux soldats avant leur départ sur le rôle qu’ils auraient à jouer en tant que participants à une mission de maintien de la paix et qu’au cours de leur formation générale, on ne leur avait donné aucune instruction sur la distinction entre les missions de maintien de la paix et les opérations militaires. Étant donné que la plupart des forces armées canadiennes déployées à l’étranger participent à des opérations de maintien de la paix, il serait intéressant de savoir quel manuel de doctrine est utilisé dans ce type de contexte, et si des leçons ont été tirées de l’affaire Brocklebank, notamment si les mesures nécessaires de formation ont été prises dans le cadre du déploiement de militaires canadiens en Afghanistan. Enfin, le Corapporteur souhaiterait entendre des réponses de la délégation sur les mesures prises pour garantir que les demandeurs d’asile qui se trouvent dans des centres de détention des services de l’immigration très éloignés des grandes villes puissent avoir accès à un interprète ainsi que sur la question des migrants mineurs en détention.

42.M me  Belmir voudrait savoir si l’État partie est parvenu à régler le problème des lenteurs de la justice et de quelle manière. Elle demande s’il est déjà arrivé que des victimes de violences commises par des acteurs non étatiques invoquent la Convention devant les tribunaux de l’État partie.

42.M.  Hani estime qu’au vu du faible taux d’acceptation des demandes d’examen des risques avant renvoi, la procédure d’examen des risques avant renvoi ne saurait être considérée comme un recours utile, d’autant qu’elle n’a apparemment pas d’effet suspensif. Renvoyant à l’observation générale no 4 du Comité sur l’application de l’article 3 de la Convention dans le contexte de l’article 22, il demande si le Gouvernement a l’intention de réexaminer cette procédure afin de garantir le respect du principe de non-refoulement.

43.M. Hani note que l’Entente entre le Canada et les États‑Unis sur les tiers pays sûrs interdit au Canada d’accueillir les demandeurs d’asile qui arrivent légalement par les postes frontières canadiens en provenance des États-Unis. Il rappelle que le Président des États-Unis Donald Trump a émis un décret interdisant aux personnes entrées illégalement sur le territoire des États-Unis de demander l’asile. Faisant observer que ce décret, qui est contraire à l’article 31 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, et l’entente précitée se conjuguent pour empêcher l’arrivée de demandeurs d’asile potentiels aux États-Unis et au Canada, il demande si le Canada entend revoir sa position sur cette question en suspendant l’application de l’accord conclu avec les États-Unis.

44.Regrettant que l’État partie ne donne pas systématiquement suite aux demandes de mesures provisoires qui lui sont adressées par le Comité, M. Hani rappelle qu’en n’accordant pas ces mesures, le Canada prive le Comité du temps nécessaire pour examiner les communications dont il est saisi et les intéressés, d’une protection contre le risque de subir un préjudice irréparable en cas de renvoi. Il demande si le Canada pourrait envisager de revoir sa position sur ce point afin de se conformer pleinement à l’article 22 de la Convention.

45.M me Gaer note que l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle ne recueille aucune donnée sur la violence familiale mais que, selon la délégation, il existe d’autres sources d’information sur la violence familiale. Elle invite donc la délégation à lui communiquer les données recueillies par ces autres sources. Elle souhaiterait également savoir si des membres de la GRC ou d’autres agents des autorités fédérales ou provinciales ont été poursuivis pour manquement à l’obligation d’enquêter sur des affaires de disparition ou de meurtre, notamment de personnes autochtones, et si les intéressés ont fait l’objet de mesures disciplinaires. Croyant comprendre qu’il existe au Canada 300 services de police non liés à la GRC, elle demande qui recueille des informations sur ces services et comment se procurer ces informations. En ce qui concerne les cas signalés de sévices infligés à des enfants âgés de moins de 8 ans, elle demande si des données sont recueillies sur la maltraitance des enfants hors des territoires de compétence de la GRC et par qui ces données sont recueillies.

46.Notant que l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées s’intéresse à toutes les formes de violence, y compris à la violence à l’égard des enfants, à la violence familiale, aux brimades et au harcèlement, au suicide et aux actes autodestructeurs, Mme Gaer demande si le Canada pourrait s’engager à faire figurer dans son huitième rapport périodique les conclusions de l’enquête au sujet de ces formes de violence. Elle demande si des données sur ces formes de violence continueront d’être recueillies par les autorités publiques après la clôture de l’enquête nationale. Elle ajoute qu’il est impératif de recueillir ce type de données tant pour les populations autochtones que pour les populations non autochtones, de façon à pouvoir élaborer des mesures de protection adaptées.

47.Le Président, renvoyant à la règle 30 de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) et au dernier rapport du Bureau de l’enquêteur correctionnel, rappelle sa question ayant trait aux mesures prises par l’État partie pour prévenir les décès en détention. Il demande si, dans les territoires et les provinces, les détenus sont systématiquement examinés par un médecin au moment de leur admission et dans combien de cas des signes de mauvais traitements ont pu être décelés dans le cadre de ces examens médicaux.

48.M me Wright (Canada) indique qu’en considération des conclusions du rapport provisoire de l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, le Gouvernement a alloué plus de 21 millions de dollars au développement des services de santé à l’intention des victimes et autres personnes touchées par la disparition et le meurtre de femmes et de filles autochtones, 10 millions de dollars à la création d’un nouveau fonds commémoratif et plus de 9 millions de dollars à la mise en place d’un Bureau national des normes et pratiques d’enquête chargé d’assurer le suivi, à l’échelle nationale, des grandes enquêtes menées par la GRC. Le Canada a en outre pris différentes mesures pour combler les retards observés dans l’administration de la justice. En 2017 et 2018, 75 nouveaux postes de magistrats ont été créés dans les juridictions supérieures. D’autre part, le projet de loi C-75, actuellement à l’examen, vise à moderniser le système de justice pénale, à diminuer les retards observés dans l’administration de la justice et à réduire la population carcérale, notamment en modernisant le régime de mise en liberté provisoire, en introduisant une nouvelle approche à l’égard des infractions contre l’administration de la justice, en limitant la tenue des enquêtes préliminaires aux faits passibles de la réclusion criminelle à perpétuité et en prévoyant une nouvelle classification des infractions.

49.M.  Moore (Canada)fait savoir, en réponse à la question concernant les demandes de mesures provisoires, que le Canada a instauré des procédures pour assurer la transmission, en temps voulu, de ces demandes aux autorités compétentes. Le plus souvent, il y est répondu favorablement, mais dans certains cas les autorités saisies ne considèrent pas les mesures demandées comme nécessaires, par exemple lorsque les agents chargés de l’examen des risques avant renvoi ont préalablement conclu que les intéressés ne courraient pas personnellement un risque réel de préjudice irréparable en cas d’expulsion. La décision de ne pas donner suite à la demande de mesures provisoires est prise par le Ministre de la sécurité publique et fait suite à la tenue de consultations approfondies avec les autorités compétentes.

50.M me Vallières-Roland (Canada)précise que, depuis l’entrée en activité du Bureau des enquêtes indépendantes, en juin 2016, 108 enquêtes ont été ouvertes. Sur 39 affaires ayant fait l’objet d’une enquête en 2016 et 2017, quatre ont été renvoyées devant le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Le Canada veillera à faire figurer des informations sur les résultats de ces enquêtes dans son prochain rapport périodique.

51.M me Wright (Canada) dit que selon le dernier rapport sur la violence familiale au Canada, publié en janvier 2018, la violence conjugale était la première forme de violence à l’égard des femmes en 2016. Cette année-là, 93 247 cas, dont 71 748 agressions physiques et 3 679 faits de violence sexuelle, ont été signalés aux services de police. La violence conjugale a fait près de quatre fois plus de victimes chez les femmes que chez les hommes. On a néanmoins observé, entre 2011 et 2016, une diminution de 7 % des faits de violence les plus graves commis dans le couple. De manière générale, les territoires affichent des taux nettement plus élevés que les provinces.

52.M.  Cochrane (Canada) fait observer que le faible taux d’acceptation des demandes d’examen des risques avant renvoi est à mettre en parallèle avec le taux d’acceptation initiale des demandes d’asile par la Section de la protection des réfugiés, qui a été de 62 % pour la période allant de janvier à septembre 2018 et de 68 % en 2017. En réponse à la question concernant l’Entente entre le Canada et les États‑Unis sur les tiers pays sûrs, il insiste sur le fait que le Canada continue de suivre l’évolution de la situation aux États-Unis, notamment les actions du Gouvernement en place.

53.M me Bachand (Canada) explique, en réponse à la question concernant l’adhésion du Canada au Protocole facultatif, que l’entité chargée de diriger la procédure d’adhésion est le Ministère des affaires mondiales, qui collabore étroitement dans cette tâche avec le Ministère de la justice et le Ministère de la sécurité publique. Il s’agit là d’un processus complexe dans le cadre duquel le Gouvernement s’est engagé à tenir des consultations avec les organisations de la société civile et les organisations autochtones une fois terminées celles qui sont menées actuellement avec les autorités des provinces et des territoires. Mme Bachand indique en outre que le Canada entend renouveler sa contribution au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

54.M me Wright (Canada) précise que le Canada s’engage à rendre compte des recommandations finales de l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées dans son prochain rapport périodique.

55.M me Scott (Canada) explique qu’un nombre croissant de détenus ne maîtrisent pas l’anglais et que les détenus non anglophones, ainsi que les détenus sourds et malentendants, ont le droit de bénéficier de l’assistance d’un interprète. Elle ajoute que les établissements pénitentiaires s’efforcent de veiller à ce que toutes les personnes placées en détention administrative qui remplissent les conditions requises pour bénéficier du régime provincial d’assurance maladie y soient effectivement affiliées. Pour les détenus qui ne remplissent pas les conditions requises, la prise en charge des soins de santé de base est assurée par le Programme fédéral de santé intérimaire ou par l’Agence des services frontaliers du Canada.

56.M me Wherrett (Canada) indique que le projet de loi C-83 prévoit d’éliminer l’isolement préventif en créant des unités d’intervention structurée. Il prévoit en outre que l’état de santé des détenus placés dans ces unités est systématiquement pris en compte et régulièrement évalué. Lorsqu’un détenu est placé dans une unité d’intervention structurée, le directeur de l’établissement décide s’il doit être maintenu dans cette unité dans un délai de cinq jours et tient compte pour cela de l’état de santé du détenu et de son plan correctionnel, notamment. Si le détenu concerné est autochtone, il est également tenu compte de facteurs systémiques propres à son statut d’autochtone. S’il est décidé de maintenir le détenu en unité d’intervention structurée, le directeur de l’établissement pénitentiaire réexamine la décision de maintien trente jours plus tard. La décision de maintien en unité d’intervention structurée est également réexaminée en cas de nécessité médicale. Mme Wherrett précise que le projet de loi C-83 concerne uniquement les établissements pénitentiaires fédéraux.

57.L’écart constaté entre les statistiques du SCC et celles du Bureau de l’enquêteur correctionnel s’explique par le type de plaintes que chacune de ces deux entités est chargée d’examiner. Pour ce qui est des fouilles à nu, les directives applicables prévoient qu’elles sont pratiquées dans un espace privé par un agent du même sexe que la personne concernée et en présence d’un témoin du même sexe. Dans certaines situations d’urgence, un agent du sexe opposé peut être autorisé à observer la fouille, mais en aucun cas un homme ne saurait être autorisé à pratiquer la fouille à nu d’une femme ou à y assister. Depuis l’entrée en vigueur de la loi modifiant la loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel, qui ajoute l’identité de genre aux motifs de discrimination illicites, chacun a désormais le droit de choisir le sexe de la personne qui le soumet à une fouille corporelle.

58.En ce qui concerne les décès en détention, Mme Wherrett fait savoir que le Service correctionnel a mis en œuvre les recommandations formulées par le Bureau de l’enquêteur correctionnel à l’issue de l’enquête sur le décès de Matthew Ryan Hines et continuera d’instaurer les changements nécessaires pour prévenir les décès évitables en détention. Des supports de formation ont été élaborés sur l’usage de la force et des recherches sont effectuées sur le lien potentiel entre l’utilisation d’agents inflammatoires et les décès en détention. Pour ce qui est de la détention des mineurs, selon une directive ministérielle, le placement de mineurs en détention administrative ne doit être envisagé qu’en dernier recours. De manière générale, la législation garantit le respect des obligations internationales relatives aux droits de l’enfant, notamment la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et la préservation de l’unité de la famille.

59.M me Wright (Canada) remercie le Comité pour ses questions pertinentes et sa lecture attentive du rapport du Canada et lui donne l’assurance que son pays accorde la plus grande importance à la procédure d’examen des rapports périodiques.

La séance est levée à 17 h 55.