NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.85121 novembre 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Quarantième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE (PARTIEL)* DE LA 851e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 12 novembre 2008, à 15 heures

Président: M. GROSSMAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial du Monténégro (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial du Monténégro (CAT/C/MNE/1 et Corr.1; CAT/C/MNE/Q/1 et Add.1) (suite)

1.À l'invitation du Président, les membres de la délégation du Monténégro prennent place à la table du Comité.

2.M. RADOVIC (Monténégro) signale qu'au Monténégro, les conventions internationales prévalent sur la législation nationale et peuvent, par conséquent, s'appliquer directement. Lors de l'amendement du Code pénal en 2006, des efforts ont été faits pour harmoniser les définitions des termes «torture» et «abus» avec celles figurant dans la Convention contre la torture. Le Code pénal définit le terme «torture» en y incluant la torture psychologique infligée par le recours à la force, aux menaces ou autres actes provoquant une douleur ou des souffrances aiguës. Il punit le fait de tolérer ou d'inciter à des actes de torture commis par des personnes agissant à titre officiel. L'omission ou la négligence lors de l'exercice de ses fonctions figurent également parmi les infractions pénales apparentées à la torture. En 2009, l'amendement du Code pénal permettra d'inclure des définitions plus précises du terme «torture».

3.La Constitution et le Code de procédure pénale prévoient l'habeas corpus dans le contexte de la garde à vue. Nul ne peut être retenu en détention provisoire pendant plus de 48 heures. En application de la Constitution et du Code de procédure pénale, la police doit délivrer une ordonnance de placement en détention provisoire dans les deux heures suivant l'arrestation. Cette décision écrite doit être transmise à la personne placée en détention et à son avocat. Elle peut être attaquée et, à tout moment pendant la garde à vue, le détenu ou son avocat peut demander un examen de la détention; celui-ci est effectué par un tribunal qui rend, à son terme, une décision écrite. Les tribunaux peuvent examiner n'importe quelle affaire de privation de liberté. La durée de la privation de liberté court à compter du placement de fait en détention provisoire, et non à compter de la délivrance de la décision écrite. Si un prévenu est jugé coupable et condamné à une peine d'emprisonnement, le temps passé en garde à vue et en détention provisoire est déduit de la durée de la peine.

4.À propos de la question de l'indépendance de la justice, M. Radovic précise que la Constitution énonce les principes de base du respect de l'indépendance de la justice en ce qui concerne les tribunaux et les parquets. Les juges sont nommés par le Conseil judiciaire, organe constitutionnel chargé de leur nomination et révocation ainsi que des sanctions disciplinaires. Les conditions de révocation des juges sont clairement exposées dans la Constitution. Ceux-ci sont nommés à des postes permanents jusqu'à leur départ en retraite.

5.La procédure d'élaboration des lois sur la création du Conseil judiciaire a commencé presque immédiatement après l'adoption de la Constitution, avec le concours de représentants du Conseil de l'Europe. Ces lois définissent clairement et régissent la procédure de recrutement des membres du Conseil judiciaire et précisent la nature de ses missions. Le financement du Conseil est prévu dans le budget de l'État. Dans l'éventualité où le Président de la Cour suprême n'approuve pas le budget soumis au parlement par le pouvoir exécutif, il peut se prononcer en faveur de l'adoption du budget par le biais du vote parlementaire. Le Conseil judiciaire a été créé le 19 avril 2008 et est déjà pleinement opérationnel. Il a nommé un grand nombre de juges et ouvert plusieurs procédures disciplinaires, ce qui constitue des progrès considérables dans la garantie de l'impartialité et l'indépendance des juges.

6.Même si le Code de procédure pénale de 2006 contient des dispositions limitant les échanges confidentiels entre un prévenu et son avocat, les amendements adoptés dès 2006 garantissent la confidentialité des communications avant l'interrogatoire et après la mise en détention. Le contrôle visuel de ces communications est autorisé, en principe au moyen d'un écran en verre permettant à un surveillant de prison d'observer l'interrogatoire. Aucune plainte concernant le refus de ce droit n'a été reçue.

7.S'agissant de l'affaire impliquant des membres de la communauté rom, visée dans le paragraphe 140 du rapport de l'État partie (CAT/C/MNE/1), M. Radovic informe qu'un accord extrajudiciaire a été conclu afin de satisfaire les recommandations du Comité. Le groupe de Roms originaires de Danilovgrad qui avait fait l'objet de torture a obtenu un total d'un million d'euros. L'action pénale n'avait pas été poursuivie lorsque le Comité a formulé sa recommandation en raison de la prescription.

8.Le Monténégro a signé la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et ainsi exprimé son engagement à honorer les obligations qui y sont énoncées. M. Radovic affirme que son gouvernement a entrepris une analyse exhaustive de l'instrument, et qu'il s'attèle actuellement à la préparation des cadres légal et institutionnel nécessaires à sa mise en œuvre. Le gouvernement a récemment communiqué ses réponses au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires.

9.L'affaire de la disparition de 15 citoyens près de la frontière entre le Monténégro et le Kosovo remonte à 1999 au moment des frappes aériennes de l'OTAN, qui avaient été décidées en application d'une politique non soutenue par le Monténégro. Dans ce contexte, le pays s'était opposé à la mobilisation de l'armée de la République fédérative de Yougoslavie. Les 15 personnes disparues avaient été emmenées de la frontière dans un bus appartenant à l'armée yougoslave. Le groupe de travail manifeste un fort intérêt pour l'affaire. Bien qu'elle ne puisse relever des autorités monténégrines, le gouvernement de M. Radovic souhaite coopérer avec le groupe de travail et a, par conséquent, pris des mesures visant à éclaircir la situation et obtenir de plus amples informations. Malgré l'absence actuelle d'informations complémentaires, les autorités continueront à appuyer le groupe de travail.

10.En ce qui concerne l'expulsion des citoyens musulmans vers la Bosnie-et-Herzégovine, M. Radovic n'adhère pas à l'affirmation de certaines organisations non gouvernementales (ONG) selon laquelle les autorités monténégrines ont joué un rôle obstructif à cet égard. Le Procureur général a ordonné l'ouverture d'une enquête spéciale, et des poursuites ont été engagées à l'encontre de six citoyens monténégrins pour exil forcé. L'un d'eux est décédé pendant l'enquête. Les autres sont d'anciens responsables nommés au Ministère de l'intérieur. L'un de ces derniers a dirigé le centre de sécurité de Herceg Novi et un autre celui de Bar. L'enquête a pris fin en juin 2008 mais le Procureur général a, par la suite, ordonné le recueil d'informations complémentaires sur trois autres suspects: le premier a occupé le poste de Vice-ministre de l'intérieur et donc été chargé de la sécurité publique sur l'ensemble du territoire du Monténégro; le deuxième a présidé l'unité organisationnelle du territoire de Herceg Novi; et le troisième a dirigé le centre de sécurité d'Ulcinj. Des travaux d'investigation soutenus sont toujours en cours et le Procureur général devrait décider s'il convient d'engager ou non des poursuites avant la fin de l’année.

11.Immédiatement après son entrée en fonction au début de l’année 2008, le Président de la Cour suprême a ordonné aux juges d'instruction traitant des affaires de crimes de guerre d'œuvrer plus énergiquement afin d'obtenir des éléments de preuve et faire la lumière sur les faits. Cinq de ces affaires font actuellement l'objet d'enquêtes et deux d'entre elles ont d'ores et déjà donné lieu à l'introduction de poursuites, à savoir l'affaire Kaludjerski Laz portant sur des crimes commis à la frontière entre le Monténégro et le Kosovo, et l'affaire Morinj, dans laquelle six personnes ont été poursuivies pour crimes de guerre impliquant des actes de torture. Une action judiciaire devrait être entamée sous peu au titre de ces affaires.

12.Des mesures sont prises pour indemniser 83 personnes ayant été expulsées du Monténégro vers la Bosnie-et-Herzégovine. Un accord amiable devrait être conclu dans un avenir proche.

13.En cas de torture, la responsabilité d'indemnisation incombe à l'État et non au coupable. Le montant de la réparation des préjudices patrimoniaux et non patrimoniaux dépend de l'intensité et de la durée de la douleur physique ou mentale infligée. Dans l'affaire impliquant la communauté rom de Danilovgrad, les victimes n'ont pas déposé de demande en réparation, bien que personne ne les en ait empêchées.

14.S'agissant de l'opération «Vol de l'aigle», 17 personnes ont été poursuivies pour planification d'une infraction pénale grave à l'encontre de l'ordre juridique et violation de l'intégrité territoriale du pays. Le premier jugement en première instance de cette longue action judiciaire complexe a été prononcé en août 2008. Onze desdites personnes ont été déclarées coupables de planification de l'infraction et les autres de détention illégale d'armes. Elles ont été condamnées à des peines d'emprisonnement allant de deux à six ans et demi. Les inculpations en première instance devraient être contestées.

15.Aucun tribunal du Monténégro ne statue sur la base de preuves obtenues sous la torture, étant donné que le juge d'instruction est tenu d'exclure ce type de pièces du dossier. Les déclarations faites par un suspect à la police ne sont recevables en tant que preuves que si un avocat a assisté à l'interrogatoire. Il n'y a trace d'aucune affaire dans laquelle le tribunal a statué sur la base d'un aveu extorqué sous la torture.

16.En ce qui concerne le châtiment corporel, toute violence envers des écoliers, au sens de la loi sur l'éducation formelle et familiale, est interdite. Un enseignant déclaré coupable d'avoir humilié, insulté ou infligé un châtiment corporel à un élève sera démis de ses fonctions.

17.La violence domestique est assimilée à une infraction pénale dans les amendements au Code pénal survenus en 2006 et des sanctions sont imposées en cas d'infractions diverses à l'encontre de l'intégrité physique ou mentale de la victime. Le Ministère de la justice et le Ministère de la santé, du travail et de la protection sociale préparent actuellement une loi pour la protection contre une telle violence, en prévoyant notamment des mesures préventives. Ce projet de loi sera présenté au grand public et aux ONG en vue de recueillir leurs commentaires. M. Radovic s'engage à fournir sous peu des statistiques sur les affaires de violence domestique traitées ces dernières années.

18.En réponse à une question sur l'état d’urgence en Serbie, il dit que l'affaire Ristic n'a aucune conséquence pour le Monténégro car la Serbie succède à l'État de Serbie-et-Monténégro.

19.Un nouveau Code de procédure pénale est en cours de rédaction et tous les efforts possibles sont consentis pour l'harmoniser avec la législation internationale ainsi qu'avec les normes édictées par le Conseil de l'Europe et les Nations Unies.

20.Les magistrats du parquet sont tenus d'enquêter sur les affaires de torture non seulement pour répondre aux allégations formulées par le public, mais également lorsqu'ils ont pris connaissance de ces affaires par l'intermédiaire de toute autre source.

21.Pour ce qui est de l'extradition, le Monténégro a récemment décliné une demande faite par le Bélarus en vue d'extrader un ressortissant biélorusse afin d'éviter que ses droits ne soient violés; celui-ci a en effet aidé au financement d'une campagne contre le candidat à la présidence du pays.

22.En réponse à une question sur les droits des minorités et la représentation proportionnelle, M. Radovic déclare que le Monténégro est un pays qui promeut le dialogue interculturel et a préservé l'équilibre et l'harmonie au sein des groupes ethniques et minoritaires au cours de ces dernières décennies de tumulte. La protection des droits des minorités est assurée dans la Constitution, et le ministre en charge de cette protection, de souche albanaise, l'a informé que des amendements à la législation sur les droits des minorités sont en cours afin de renforcer la discrimination positive et améliorer la représentation des minorités au parlement. Garantir la représentation proportionnelle dans l'administration publique est une tâche longue qui nécessite, entre autres, de trouver un juste milieu entre la proportionnalité et la qualité des ressources humaines employées.

23.En réponse à une question sur les droits des minorités et la représentation proportionnelle, M. Radovic déclare que le Monténégro est un pays qui promeut le dialogue interculturel et a préservé l'équilibre et l'harmonie au sein des groupes ethniques et minoritaires au cours de ces dernières décennies de tumulte. La protection des droits des minorités est assurée dans la Constitution, et le ministre en charge de cette protection, de souche albanaise, l'a informé que des amendements à la législation sur les droits des minorités sont en cours afin de renforcer la discrimination positive et améliorer la représentation des minorités au parlement. Garantir la représentation proportionnelle dans l'administration publique est une tâche longue qui nécessite, entre autres, de trouver un juste milieu entre la proportionnalité et la qualité des ressources humaines employées.

24.M. MIHALJEVIC (Monténégro) indique que son pays adhère au Statut de Rome de la Cour pénale internationale et qu'il est déterminé à se conformer à l'ensemble des obligations internationales ainsi assumées. En 2007, le pays a conclu avec les États-Unis d'Amérique une entente concernant l'article 98 du Statut de Rome par l'échange de notes verbales. Aucun accord officiel n'a été signé ni ratifié. Le Monténégro pense que cette entente renforcera la coopération avec les États-Unis et aidera à réformer les secteurs de la sécurité et de la défense. Il a pleinement conscience des conséquences que cela implique et a exprimé sa volonté de contribuer à l'enquête et à la poursuite des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale. Le Monténégro a certes accepté de ce concerter avec les États-Unis en cas de présence de citoyens américains sur le territoire d'une partie contractante, mais cela ne signifie pas pour autant qu'il refusera de livrer un suspect à la Cour ou qu'il entravera l'application du droit international. M. Mihaljevic souligne que l'entente est sujette à examen et peut être révoquée. À ce jour, aucune affaire n'a nécessité de concertation. Il reste à espérer que la question sera résolue grâce à des échanges entre l'Union européenneet les États-Unis ou par l'adhésion du Monténégro à l'Union européenne. Le gouvernement de M. Mihaljevic entend présenter, d'ici la fin de l’année, un projet de loi sur la mise en œuvre du Statut de Rome.

25.Mme VUKANIC précise que les services de sécurité se composent de la police, de l'armée, de l'Agence de sécurité nationale, des autorités douanières et des organes des affaires intérieures. Aucun d'entre eux, excepté la police, n'a le pouvoir de procéder à un interrogatoire, sauf disposition contraire de la loi. Les personnes en détention doivent être informées des motifs de leur arrestation et sont en droit d'être assistées d'un avocat de leur choix. L'Agence de sécurité nationale recueille des renseignements sur les questions en rapport avec la sécurité du pays. Selon une loi publiée dans le Journal officiel n° 28, l'Agence n'est pas autorisée à exercer les pouvoirs de police en matière d'enquête et d'interrogatoire.

26.Le Monténégro accueille 5 470 ONG, dont 10 % peuvent être considérées comme actives. Leur relation avec l'Office gouvernemental de la coopération avec les ONG repose sur des bases saines et solides. En mai 2008, des consultations publiques ont été organisées sur le plan national en vue de l'intégration du Monténégro dans l'Union européenne couvrant la période 2008-2012. Les ONG ont signé un mémorandum sur leur participation active dans le processus et plusieurs d'entre elles luttant pour la protection des droits de l'homme ont soumis des propositions d'activités spécifiques.

27.Les ONG participent à l'ensemble des principaux groupes de travail gouvernementaux et parlementaires qui définissent les politiques et stratégies, notamment pour la protection des droits de l'homme. Les représentants d'ONG siègent à la commission nationale pour la mise en œuvre du plan d'action visant à combattre la corruption et le crime organisé, au Conseil pour l'intégration européenne, et au comité d'éthique de la police. L'État débloque des fonds pour financer le fonctionnement des ONG. Les ressources proviennent du budget ministériel et du budget des collectivités locales. Leur allocation est réglementée par la loi sur les organisations non gouvernementales, et les ONG elles-mêmes ont voix au chapitre. Des fonds peuvent également être obtenus par le lancement d'appels d'offres.

28.En réponse à une question sur le droit d'asile, Mme Vukanic signale que l'article 6 de la loi sur le droit d'asile stipule qu'une personne s'étant vu accorder l'asile ou dont le droit a cessé ou est révoqué ne peut être ramenée ou expulsée à la frontière d'un État où elle risque de subir des tortures, des traitements ou des châtiments inhumains ou dégradants. Dès l'octroi de l'asile, les étrangers reçoivent un permis de séjour. En application de l'article 13 de la loi sur la nationalité, ils sont également en droit de demander la nationalité monténégrine. Les apatrides jouissent de certains privilèges quant à l'obtention de cette nationalité. En vertu de l'Accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne, le Monténégro a accepté de conclure des accords de réadmission avec tous les pays voisins. À ce jour, cet engagement a été honoré avec la Slovénie et la Croatie, tandis que des négociations sont en cours avec la Bosnie-et-Herzégovine. La nationalité monténégrine peut être obtenue conformément aux accords internationaux; des accords de réciprocité sont actuellement en discussion avec la Croatie et la Serbie en vue de la double nationalité.

29.À propos du droit des victimes de torture à un recours effectif, elle explique que toute personne privée de sa liberté a le droit de déposer plainte pour mauvais traitement. La protection des personnes placées en garde à vue est régie par la loi sur la police et les règlements applicables. Les personnes sujettes à des actes de torture peuvent déposer plainte auprès de la police, du Comité de contrôle civil du travail de la police, du comité d'éthique de la police, ou du Ministère de l'intérieur. La loi sur la police prévoit une indemnisation et une protection judiciaire des victimes de torture.

30.Mme JOVOVIC (Monténégro) ajoute que les personnes en détention ont le droit de passer un examen médical, sous réserve de l'accord du tribunal compétent, et de présenter l'expertise médicale en tant que preuve de la torture infligée.

31.Mme VUKANIC (Monténégro), répondant à des questions sur la traite des êtres humains, signale que cette pratique est en déclin au Monténégro. En comparaison avec d'autres types d'infractions pénales, l'impact est négligeable. Des statistiques détaillées compilées par la police, les magistrats du parquet et les tribunaux sont disponibles sur le site Web du Coordonnateur national pour la lutte contre la traite des êtres humains. En 2001, le Monténégro a été le premier pays de la zone géographique à lancer une stratégie nationale de lutte contre la traite des êtres humains; cette stratégie a pour priorité la prévention, l'éducation et les sanctions. Le plan d'action associé définit les fonctions de toutes les institutions participant à la stratégie. Un projet intitulé «Action contre la traite des êtres humains au Monténégro» a été adopté en 2004. Dans le cadre de la lutte contre la traite, des liens forts ont été tissés avec les ONG, et un mémorandum de coopération a été signé en vue d'une meilleure protection des victimes. Le foyer sécurisé pour les femmes et le lobby monténégrin des femmes sont, à ce titre, des partenaires clés. Le service de police a créé une unité anti-traite, et les victimes de traite étrangères sont placées dans des centres d'accueil et obtiennent, au bout de trois mois, un permis de séjour valable pour une durée d’un an. En coopération avec ses partenaires internationaux, le Monténégro a élaboré son Code de conduite pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle dans le tourisme et l’industrie des voyages, et rédigé un manuel de formation dans ce domaine à l'intention des juges et des magistrats du parquet.

32.En réponse à une question sur les procédures disciplinaires de la police, elle indique que ces procédures sont traitées dans les articles 79 à 82 de la loi sur la police. Pour les infractions plus graves, il est fait application de la loi relative aux fonctionnaires et aux agents publics; les procédures concernant les violations graves relèvent du Code de procédure pénale. Les décisions de la commission disciplinaire peuvent être contestées auprès du Ministère de l'intérieur, dont les décisions peuvent, à leur tour, faire l'objet d'un recours auprès des tribunaux municipaux.

33.Depuis 2006, des poursuites disciplinaires ont été engagées à l'encontre de 491 officiers; 22 cas impliquent des éléments de torture ou autres violations des droits de l'homme. Entre 2006 et 2008, quatre officiers de police ont été poursuivis au pénal pour allégations de torture.

34.Mme DJONAJ (Monténégro), répondant à une question sur la nourriture servie aux personnes placées en garde à vue, affirme que les détenus reçoivent des plats provenant d'un restaurant ouvert 24 heures sur 24 et géré par une unité spéciale du service de police.

35.Se référant à une question concernant l'affaire Milorad Mitrovic, elle souligne que, le 6 mai 2008, M. Mitrovic a été impliqué dans un affrontement entre plusieurs personnes (dont aucune n'est officier de police) dans la ville de Herceg Novi. La police est finalement intervenue et a arrêté trois ressortissants serbes, dont M. Mitrovic, pour atteinte à l'ordre public. M. Mitrovic, blessé lors de l'affrontement, a été soigné sur place avant d'être emmené à l'hôpital de Risan. Les personnes arrêtées se trouvaient dans un état d'ébriété et la police a confisqué leurs documents de voyage afin de garantir leur comparution au tribunal, le jour suivant, pour délits mineurs.

36.Mme JOVOVIC (Monténégro), répondant à des questions sur les soins psychiatriques et de santé prodigués aux détenus, explique que les prisonniers déclarés coupables sont traités dans l'hôpital spécial de la prison à Podgorica. Cet établissement est une unité organisationnelle du service carcéral créée en décembre 2005; il emploie trois docteurs et 14 infirmiers(ères), et propose des services allant des soins psychiatriques à la petite chirurgie. Si les prisonniers nécessitent des soins qui ne relèvent pas des compétences de l'établissement, ils sont transférés dans des hôpitaux ordinaires ou des centres de santé. Lors de leur admission, ils sont examinés par le médecin de la prison. Ils peuvent également demander à consulter un médecin de leur choix, sous réserve de l'accord du tribunal, qui est donné dans tous les cas. Sur la recommandation d'une commission médicale et avec le consentement du tribunal compétent, les prisonniers souffrant de troubles mentaux graves sont envoyés vers l'hôpital psychiatrique spécial de Kotor.

37.M. MARIÑO MENENDEZ, Rapporteur de pays, demande des éclaircissements sur le statut juridique des milliers de personnes d'origine kosovare et déplacées à l'intérieur du territoire du Monténégro. Il n'est pas encore établi s'il s'agit de ressortissants ou d'étrangers pouvant être expulsés et qui, par conséquent, ne sont pas protégés par la législation applicable aux travailleurs étrangers. Il souhaite connaître les mesures que le gouvernement envisage pour répondre aux besoins de ces personnes.

38.Il se fie à la déclaration selon laquelle le gouvernement n'impose pas de conditions sur son financement aux ONG, lesquelles sont des membres de la société civile et doivent être libres de promouvoir les droits de l'homme et dénoncer les violations. Il souhaite obtenir des informations sur la procédure relative à l'assassinat en 2004 de Dusko Jovanovic, rédacteur en chef d'un journal, et demande si oui ou non quelqu'un a été inculpé et le motif de l'assassinat déterminé. Le bureau du médiateur étant le dispositif de prévention national créé en accord avec les obligations imposées au Monténégro en vertu du Protocole facultatif, il aimerait connaître les mesures ayant été adoptées pour conférer à ce bureau le pouvoir lui permettant mener ses activités à bien.

39.Mme KLEOPAS, Co-rapporteuse de pays, souligne que, même si l'État partie a progressé dans l'élaboration de sa législation, il reste encore quelques domaines dans lesquels un large fossé existe entre la loi et la pratique. Les objectifs de la Convention ne peuvent être atteints que par l'application de la loi. Mme Kleopas a reçu des rapports d'ONG et d'autres organismes européens d'enquête sur les abus commis par la police lors de la détention provisoire. Ces abus ne font apparemment pas l'objet d'enquêtes, malgré les informations fiables transmises à l'État et attestant de leur commission. La raison de l'inaction semble résider dans l'absence de dispositif indépendant dédié aux plaintes déposées contre la police. Bien que le médiateur soit autorisé à recevoir des plaintes, il ne procède pas à des visites régulières des lieux de détention ou de garde à vue. Elle a hâte de recevoir de la délégation des informations écrites sur les affaires de mauvais traitements et d'abus, notamment des membres de la presse.

40.Elle se demande si, dans le cadre de sa réforme, une quelconque disposition a ou non été prévue pour le contrôle indépendant de la justice. S'agissant des crimes de guerre passés, elle suggère que l'État partie prenne des mesures visant à accélérer et finaliser les enquêtes et poursuites en cours. Vu le temps considérable écoulé depuis la commission de ces crimes, la crédibilité du système judiciaire monténégrin risque d'être amoindrie par des retards plus importants.

41.Elle se réjouit de noter que le Monténégro travaille actuellement à l’élaboration d'une législation sur la violence domestique, et demande si le viol conjugal sera ou non assimilé à une infraction pénale. Il est surprenant qu'il faille, au Monténégro, obtenir le consentement du tribunal pour avoir accès à son propre dossier médical, alors même qu'il s'agit d'un droit fondamental qui ne doit pas nécessiter le recours à la justice. Mme Kleopas désire savoir si, dans le cadre des efforts déployés par le pays pour combattre le terrorisme, celui-ci a ou non adopté des lois susceptibles d'affecter les droits des suspects. Le Comité est d'avis que les droits des détenus ne doivent pas être restreints de quelque manière que ce soit, peu importe les circonstances de la détention. Mme Kleopas souhaiterait recevoir une réponse écrite aux questions qu'elle a posées concernant la discrimination à l'égard des personnes d'origine rom.

42.Mme GAER désire savoir si la responsabilité de résoudre l'affaire Ristic, suite aux avis du Comité à ce sujet, incombe au gouvernement du Monténégro ou à celui de la Serbie.

43.Mme SVEAASS aimerait savoir si toutes les personnes déplacées peuvent demander l'asile et si tel est le cas, si c'est par le biais de la procédure appliquée pour la demande de titre de séjour au Monténégro. Elle se demande si le pays a ou non envisagé de ratifier la Convention adoptée par le Conseil de l'Europe sur la prévention des cas d'apatridie en relation avec la succession d'États.

44.Mme BELMIR déclare être perturbée par l'avis de l'État partie selon lequel celui-ci n'est pas concerné par la jurisprudence de la Cour constitutionnelle en ce qui concerne certaines mesures prises pendant les situatons d'urgence déclarés lorsque le Monténégro se trouvait sous l'autorité de la Serbie. Elle désire connaître les recours ouverts à un Monténégrin qui estime que ses droits ont été violés pendant ces situations d'urgence. Dans le cadre des efforts consentis pour réformer le système judiciaire monténégrin, il est essentiel de garantir l'indépendance de la justice. Compte tenu des pouvoirs plus larges conférés au parquet, dans la plupart des parties, suite aux attaques du 11 septembre 2001, il importe également que les réformes trouvent un équilibre entre les différentes branches du gouvernement et – au sein même de la branche judiciaire – entre le parquet et le juge d'instruction.

45.M. GALLEGOS CHIRIBOGA salue les progrès accomplis par le Monténégro dans l'élaboration de sa législation. Il fait sienne l'observation de Mme Kleopas concernant la nécessité d'un dispositif indépendant pour le contrôle de la justice, lequel renforcerait la légitimité de l'action de l'État partie dans ce domaine. Outre le fait d'ériger le médiateur en tant que dispositif de prévention national, il suggère que le gouvernement envisage la mise en place d'un dispositif similaire visant à contrôler les systèmes carcéral, d'immigration, et de police du Monténégro.

46.Le PRÉSIDENT dit qu'il ne doit y avoir aucun vide juridique dans lequel des personnes sont exclues de la protection de la loi. La diversité du Monténégro et le fait qu'aucun groupe unique ne jouisse d'une majorité signifient que le pays forme un microcosme de diversité mondiale. Il peut servir de modèle aux autres États parties de par le fait qu'il a développé un système judiciaire harmonieux et en accord avec la Convention. Les enquêtes pénales sont quelque peu entravées par la situation politique complexe du pays, toutefois la Convention lui impose de procéder à ces enquêtes et de s'opposer à l'impunité. S'agissant du respect de la Convention, rien ne constitue un stimulant plus efficace que la sanction des personnes l'ayant violée. Le Comité se réjouit à la perspective de poursuivre le dialogue avec le Monténégro et de recevoir le reste des réponses écrites de la délégation.

47.M. RADOVIC (Monténégro), se référant à la procédure appliquée dans l'affaire Dusko Jovanovic, précise que les personnes inculpées ont été acquittées, mais que, suite à un appel, la décision d'acquittement a été annulée. L'affaire est actuellement jugée par une juridiction supérieure, et la police recherche d'autres suspects. En réformant son Code de procédure pénale, le gouvernement s'efforce de trouver un équilibre entre l'octroi de pouvoirs suffisants au parquet et le respect des droits de l'homme. Il ne fait aucun doute que l'affaire Ristic ne relève pas de la responsabilité du Monténégro. M. Radovic remercie le Comité d'avoir permis d'entamer ce dialogue constructif, que son gouvernement a hâte de poursuivre.

48.Mme KOTLICA (Monténégro) informe que, pendant les années 90, suite à la guerre en ex-Yougoslavie, quelque 130 000 personnes ont été déplacées à l'intérieur du territoire du Monténégro, ce qui représentait, à l'époque, environ un quart de la population. En 2008, 16 municipalités accueillaient des centres pour réfugiés et personnes déplacées. D'autres formes de soutien gouvernemental comprennent l'accès à des soins de santé et à l'éducation à tous les niveaux. Concernant la loi sur l'emploi des étrangers, il a été prévu de délivrer des permis à ces derniers, y compris aux personnes bénéficiant de la protection subsidiaire. La délivrance de ces permis est accélérée à la demande de l'employeur.

Le débat faisant l’objet du présent compte rendu analytique prend fin à 17 h 10.

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