Nations Unies

CAT/C/SR.878

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

18 janvier 2010

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante -deuxième session

Co mpte rendu analytique (partiel)* de la 878 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 5 mai 2009, à 10 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Quatrième rapport périodique d ’ Israël

L a séance est ouverte à 10 h 5 .

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Quatrième rapport périodique d’Israël (CAT/C/ISR/4; CAT/C/ISR/Q/4)

1.Sur l ’ invitation du Président, la délégation israélienne prend place à la table du Comité.

2.M. Y aar (Israël) dit que depuis la présentation de son rapport précédent au Comité en 2001, son pays a enregistré des avancées notables sur les plans juridique et pratique, conformément aux obligations qui lui incombent au titre de la Convention contre la torture, malgré les difficultés croissantes que lui ont posées des acteurs étatiques et non étatiques. Israël est pleinement déterminé à respecter ses obligations au titre de la Convention et sait qu’il doit agir avec modération pour respecter ses responsabilités au regard du droit international.

3.Israël fait face à des circonstances uniques et exceptionnelles. Il faut replacer les progrès réalisés dans l’application de la Convention dans leur contexte politique, social et de sécurité, sans oublier les difficultés auxquelles son pays continue de se heurter en raison de ses ressources limitées et des menaces qui pèsent sur sa sécurité. Dans de telles circonstances, les progrès réalisés aux niveaux politique et législatif sont d’autant plus encourageants.

4.M. N itzan (Israël) dit que, depuis sa création, son pays a connu plusieurs guerres et a dû faire face au terrorisme, particulièrement au cours des dix dernières années. La bande de Gaza est sous le contrôle d’une organisation terroriste qui soumet sans cesse Israël à des actes d’agression aveugles. Depuis le début de l’actuelle vague de terrorisme, plus de 1 100 Israéliens ont été tués et quelque 8 000 autres ont été blessés, civils et militaires confondus, en Israël, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Depuis que le Hamas est au pouvoir dans la bande de Gaza, les tirs de roquettes dirigés contre le sud d’Israël se sont intensifiés, terrorisant des centaines de milliers d’Israéliens et faisant de nombreux morts et blessés dans la population civile.

5.Son pays reste néanmoins pleinement déterminé à respecter ses obligations internationales en matière de droits de l’homme. Il sait que sa position selon laquelle les droits fondamentaux de l’ensemble des personnes sous sa juridiction ne doivent jamais être violés, quelles que soient les infractions commises, requiert qu’il fasse preuve de retenue et s’emploie à respecter les droits de l’homme et les principes du droit international. La prévention du terrorisme et le respect des droits fondamentaux de criminels brutaux et dangereux qui, eux, n’ont aucun respect pour le droit international humanitaire, sont des impératifs complexes, qui exigent de la retenue.

6.Parmi les avancées notables concernant l’application de la Convention par son pays, on retiendra qu’en 1999, la Cour suprême a décidé que les agents du Service général de sécurité israélien (ci-après «SGS») chargés des interrogatoires n’étaient pas habilités à utiliser des moyens physiques pour interroger des terroristes, sauf si ces moyens étaient équitables, raisonnables et indispensables. La Cour a précisé que par interrogatoire raisonnable, on entendait un interrogatoire au cours duquel on ne recourait pas à la torture ni à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants et où la brutalité était totalement interdite. Cette décision a été appliquée avec effet immédiat.

7.Autre fait marquant, l’adoption de la loi de 2002 sur le SGS, qui définit le mandat de cette institution et en règlemente le fonctionnement et le champ d’action. Cette loi, qui n’autorise pas l’utilisation de la force physique par les interrogateurs, définit avec précision les responsabilités et les limites du Service. Elle stipule que ses opérations, dirigées par le Premier Ministre, doivent être supervisées par plusieurs organes, dont un Comité ministériel, le Contrôleur de l’État et le Ministère de la justice.

8.En 2006, la Cour suprême a pris la décision historique de déclarer irrecevables les éléments de preuve obtenus illégalement. La Cour a souligné que la raison de sa décision était que les mises en accusation fondées sur de tels éléments de preuve, même si la véracité de leur contenu ne faisait pas de doute, pourraient encourager les organismes d’enquête de tirer bénéfice du fruit de leur faute. La Cour a jugé irrecevable tout l'élément de preuve obtenu illégalement et estimé que la recevabilité de telles preuves nuirait sensiblement au droit du défendeur à une procédure équitable.

9.Concernant les droits des prisonniers et des détenus, toutes les allégations de traitement inadéquat font l’objet d’enquêtes de la part des autorités compétentes, et des actions pénales ou disciplinaires sont engagées si ces allégations sont fondées en droit; les décisions de ne pas prendre de mesures sont soumises à un contrôle judiciaire. La Cour suprême a exprimé son respect du droit à la dignité dans sa décision de 2007, où elle affirme que toute personne détenue dans une prison israélienne a le droit de dormir dans un lit; cette décision est pleinement appliquée par l’administration pénitentiaire israélienne. La loi sur la procédure pénale de 2002 (interrogatoire des suspects) protège, elle aussi, les droits des prisonniers et des détenus car elle prescrit l’enregistrement de tout l’interrogatoire d’un suspect; les fonctionnaires de la police et des services d’enquête reçoivent une formation à cet effet.

10.La plupart des centres de détention d’Israël sont actuellement sous l’autorité de l’administration pénitentiaire, qui s’occupe désormais de quelque 6 000 cellules auparavant sous l’autorité de la police et des Forces de défense israéliennes.

11.Les allégations de recours à des techniques d’enquête illégales par le personnel du SGS sont traitées par l’inspecteur chargé des plaintes au sein du Service même, qui a les pouvoirs d’un enquêteur disciplinaire et agit de manière indépendante. C’est en se fondant sur ses conclusions que le Bureau du Procureur de l’État prend des décisions administratives concernant chaque plainte; ces décisions sont sujettes à contrôle par la Cour suprême. De plus, depuis 2004, le pouvoir conféré au Département des enquêtes sur le personnel de police (DIPP), qui l’habilite à mener des enquêtes sur les allégations d’infraction qui auraient été commises durant un interrogatoire par les agents du SGS, a été élargi et s’applique désormais à toute allégation d’infraction commise par le personnel du Service dans l’exercice de ses fonctions. Quatre affaires examinées par l’Inspecteur ont abouti à des mesures disciplinaires et un certain nombre d’autres ont entraîné des observations générales qui ont été adressées aux interrogateurs du Service.

12.La société civile joue un rôle actif en Israël. Conscient de la valeur de ce rôle en ce qui concerne la protection des droits de l’homme, le Gouvernement a associé des organisations non gouvernementales à l’élaboration de ses rapports aux organes conventionnels et aux autres instances internationales des droits de l’homme. Il a également inclus des représentants de la société civile dans ses délégations qui participent aux travaux des instances internationales et collabore avec eux pour promouvoir la connaissance des droits de l’homme et organiser des programmes de formation. Les autorités encouragent également le débat public en organisant des tables rondes et des conférences avec des représentants du monde universitaire et des organisations non gouvernementales actives dans le domaine des droits de l’homme, dans le cadre de la suite donnée aux rapports périodiques qu’Israël présente aux organes conventionnels de l’ONU.

13.Les autorités ne remettent pas en question le droit des prisonniers de recevoir la visite de leur famille; elles s’emploient activement à venir à bout des difficultés administratives et liées aux impératifs de sécurité afin de faciliter ces visites. Les demandes sont traitées par les autorités civiles et si certaines ne sont pas acceptées pour des raisons de sécurité, la plupart sont approuvées rapidement et les visites ont alors lieu régulièrement, sauf lorsqu’elles sont suspendues temporairement pour des raisons de sécurité. Des milliers de permis de visite sont octroyés tous les mois aux familles et des milliers de visites ont lieu, avec l’appui du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Les autorités approuvant toutes les demandes de visite aux prisonniers et aux détenus faites par le CICR, des centaines de visites dans les centres de détention ont lieu tous les ans.

14.Le Gouvernement israélien a étudié minutieusement les observations finales du Comité concernant son précédent rapport périodique et pris plusieurs mesures pour y donner suite. En ce qui concerne la recommandation dans laquelle le Comité dit que l’interdiction de la torture doit être inscrite dans le droit interne, il rappelle que cette interdiction figure à l’article 277 du Code pénal. L’observation finale concernant l’irrecevabilité des moyens de preuves obtenus sous la torture a reçu une suite positive lorsque la Cour suprême a pris la décision historique en vertu de laquelle les preuves obtenues par des moyens illégaux sont irrecevables. S’agissant d’indemniser les personnes qui ont été soumises à la torture, les tribunaux reconnaissent ce droit et ont accordé des indemnisations à plusieurs requérants. D’autre part, les autorités chargées de veiller au respect de la loi sont dotées de mécanismes qui permettent d’examiner les plaintes et de vérifier l’efficacité de l’enquête et des poursuites, conformément aux dispositions de la Convention.

15.Des allégations concernant des pratiques répréhensibles de la police ont été examinées par le Département des enquêtes sur le personnel de police et traitées avec rigueur. Depuis l’arrêt de 1999 de la Cour suprême, seules quelques plaintes concernant les méthodes employées par les enquêteurs du SGS ont été présentées et la Haute Cour de justice israélienne a conclu qu’il n’avait pas été fait usage de méthodes d’interrogation illégales. Différents mécanismes de dépôt de plaintes sont à la disposition des prisonniers et des détenus placés sous l’autorité de l’administration pénitentiaire en cas d’usage de la force par le personnel des prisons. Dans le domaine de la formation et de l’éducation, les membres des forces de sécurité reçoivent tous un cours sur la Convention dans le cadre de la formation de base qu’ils reçoivent dans l’exercice de leurs fonctions.

16.M. M ariño M enéndez (Rapporteur pour l’État partie), dit que le Comité se rend bien compte que des progrès ont été accomplis concernant l’application de la Convention, dont la nouvelle loi sur le Service général de sécurité, mais n’en souligne pas moins qu’aucune des difficultés auxquelles Israël doit faire face dans sa lutte pour sa survie et contre le terrorisme ne peut excuser ou justifier son incapacité à respecter pleinement le droit international. L’interdiction de la torture et des traitements cruels ou inhumains est une norme obligatoire, en temps de guerre, en temps de paix ou lors des états d’urgence, et le droit fondamental de ne pas être soumis à la torture est un droit absolu. Tout acte de torture commis par Israël, ses agents et ses organes, que ce soit sur le territoire national ou en dehors de celui-ci, engage la responsabilité internationale de l’État.

17.Le Comité est préoccupé par le fait qu’aucune loi israélienne n’érige en infraction la torture, telle qu’elle est définie dans la Convention. En Israël, les victimes d’infractions comportant un élément de traitement cruel ou inhumain sous la forme de mauvais traitements physiques ou psychologiques sont généralement des détenus ou des personnes sans défense, et les actes provoquant une souffrance psychologique ou une détresse grave perpétrés par des agents de la force publique ou avec leur accord ne sont pas complètement érigés en infraction par le droit pénal israélien. De plus, les sanctions infligées pour les infractions assimilables à la torture sont trop clémentes. Des mesures devraient être prises pour éliminer la torture et les autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, quel que soit le motif pour lequel ils sont infligés. En particulier, la définition de la torture contenue dans la Convention devrait être incorporée dans le droit interne et la future Constitution devrait en interdire explicitement la pratique.

18.Les interrogatoires auxquels procède le SGS, chargé d’interroger les suspects de menées terroristes ou d’actes menaçant la sûreté de l’État, ne sont pas enregistrés et, d’après les informations reçues d’organisations non gouvernementales, ses méthodes comprenaient le recours à la torture, justifié par l’état de nécessité. Aucune des quelque 600 plaintes visant des actes de torture ou des traitements inhumains déposées par des détenus de 2001 à 2008 n’a donné lieu à une enquête. Les mécanismes de garantie ne fonctionnent donc pas et on peut parler d’un état d’impunité. Le Comité aimerait entendre les commentaires de la délégation à ce sujet et savoir si, dans la pratique, le renforcement de l’état d’urgence en Israël entraîne implicitement l’autorisation d’obtenir des informations à n’importe quel prix, y compris en recourant à des méthodes d’interrogation assimilables à la torture dans les cas extrêmes. Le devoir d’obéissance aux ordres peut-il être invoqué comme excuse du recours à la torture? Est-ce que l’impunité existe dans la pratique parce qu’il est clair que les auteurs d’actes de torture ne seront pas poursuivis? Compte tenu de l’état d’urgence permanent, l’avocat de la défense a-t-il accès aux informations classées confidentielles?

19.Dans le cadre des lois relatives à la lutte contre le terrorisme, la détention avant jugement, qui comprend l’internement administratif relevant du droit militaire dans les territoires palestiniens occupés, peut être prolongée pendant des périodes anormalement longues, ce qui signifie que les personnes détenues ne sont pas déférées devant un juge pendant des semaines, voire des mois. Le Comité souhaite recevoir des informations complémentaires sur l’internement administratif auquel l’État a recours dans le cadre de la défense de sa sécurité. Tous les États doivent établir un équilibre entre les impératifs de la sécurité nationale et ceux du respect des droits de l’homme; l’internement administratif prolongé sans mise en accusation et sans intervention d’un juge constitue un traitement inhumain.

20.Le Comité croit comprendre que des civils arrêtés dans la bande de Gaza sont détenus dans des prisons israéliennes comme combattants irréguliers et qu’en droit israélien un combattant ainsi qualifié peut faire l’objet d’une mesure d’internement administratif d’une durée indéterminée, sans être déféré devant un juge, et privé des garanties accordées aux prisonniers de guerre. Dans ses réponses aux questions posées par le Comité, Israël a insisté sur le fait que la Convention ne s’appliquait pas en dehors de son territoire et qu’il n’avait pas à répondre à certaines questions sur le traitement réservé aux prisonniers faisant l’objet d’une telle mesure. Le Comité rappelle que la Convention s’applique aux actes d’Israël et de ses agents sur le territoire national et en dehors de celui-ci, et donc, en l’occurrence, aux territoires occupés. M. Mariño Menéndez souhaite savoir si ces prisonniers ont accès à un avocat; dans l’affirmative, dans quelles conditions et quelle est l’autorité qui supervise l’internement administratif?

21.Durant la récente invasion de la bande de Gaza, des blessés n’ont pu se faire soigner en Israël parce qu’ils étaient des civils. De plus, dans les territoires occupés et en particulier en Cisjordanie, de nombreuses plaintes ont été exprimées à propos du traitement humiliant réservé aux habitants au nom de la sécurité d’Israël et de sa lutte contre le terrorisme. Le Comité souhaite savoir comment Israël justifie de tels actes, sachant qu’il doit respecter les droits fondamentaux et, en particulier, celui de ne pas être soumis à la torture ou à un traitement inhumain.

22.La Convention dispose que quiconque ayant demandé l’asile ne peut être expulsé vers des pays où il risque d’être soumis à la torture, même si des soupçons de terrorisme pèsent sur lui. Le Comité a reçu des informations selon lesquelles des personnes ayant demandé l’asile en Israël, apparemment pour entrer dans le pays dans des buts répréhensibles, auraient été renvoyées en Égypte sans que soit mesuré le risque qu’elles y soient soumises à la torture. Le Comité souhaite savoir s’il existe un accord tacite entre Israël et l’Égypte selon lequel certains étrangers feraient l’objet d’un renvoi immédiat et, dans l’affirmative, quelles garanties ont été données qu’ils ne seraient pas soumis à la torture. Si elles existent, ces garanties sont-elles bien appliquées?

23.M me G aer (Corapporteuse) se dit consciente des difficultés auxquelles Israël fait face dans le cadre de sa lutte contre le terrorisme et la violence et accueille avec satisfaction les assurances données par le Gouvernement quant à son intention de respecter les principes du droit international relatif aux droits de l’homme, y compris la Convention contre la torture.

24.Elle note à propos de l’article 11 de la Convention que la réponse de l’État partie à la question 21 de la liste des points à traiter n’indique pas le nombre d’affaires rejetées à la suite d’enregistrements audiovisuels montrant des actes de torture ou de mauvais traitements. La délégation peut-elle fournir ces informations maintenant et donner des éclaircissements sur la raison pour laquelle la règle de l’enregistrement audiovisuel ne s’applique pas aux interrogatoires menés par le SGS ni à aux interrogatoires de tout détenu accusé d’atteinte à la sécurité? L’État partie compte-t-il étendre la règle de l’enregistrement à ces types d’interrogatoire? L’État partie n’a pas répondu non plus à plusieurs questions du Comité concernant le traitement réservé aux mineurs. Mme Gaer invite la délégation à donner des informations sur les mesures mises en place pour protéger les droits des mineurs durant les interrogatoires, particulièrement en ce qui concerne la présence d’un avocat ou d’un membre de la famille. Est-il vrai que, comme l’indiquent des organisations non gouvernementales, dans 95 % des affaires de mineurs palestiniens déférés devant des tribunaux militaires, la condamnation repose sur des aveux?

25.Mme Gaer souhaite savoir dans quels délais les détenus pour raisons de sécurité ont accès à un avocat, reçoivent des soins médicaux et peuvent entrer en contact avec des membres de leur famille.

26.Au sujet de l’article 12 de la Convention, elle demande quels sont les mécanismes mis en place pour garantir que les organes chargés d’enquêter sur les allégations concernant les interrogateurs du SGS, les membres de la police et les membres des Forces de défense israéliennes puissent mener leur travail de manière impartiale et indépendante. Selon des informations reçues d’organisations non gouvernementales et des autorités israéliennes, il existe des allégations concernant des actes de torture et de mauvais traitements commis par les interrogateurs du SGS. Selon des organisations non gouvernementales, aucune de ces allégations n’a fait l’objet d’une enquête pénale. Elle se demande si ces informations sont exactes. Si ce n’est pas le cas, la délégation peut-elle donner des informations sur le nombre d’enquêtes menées et leur issue? Les rapports des organisations non gouvernementales indiquent également que même si les règlements des Forces de défense israéliennes disposent qu’une enquête pénale doit être menée dès qu’une plainte est déposée concernant des actes de violence ou de cruauté commis sur des détenus, ces enquêtes aboutissent rarement à des poursuites contre l’auteur des faits et les détenus prennent donc rarement la peine de déposer une telle plainte. Mme Gaer invite la délégation à commenter ces affirmations. Les organisations non gouvernementales ont aussi mis en doute la crédibilité des enquêtes menées concernant les exactions commises par des militaires durant les opérations militaires dénommées «Plomb durci» au motif qu’elles avaient été menées par les Forces de défense israéliennes elles-mêmes. Elle souhaite savoir pourquoi le Gouvernement n’a pas mis en place un organe d’enquête indépendant, par exemple sur le modèle de la Commission Kahan.

27.Concernant la question 27 de la liste des points à traiter, le Comité ne voit pas bien comment l’exemption prévue à l’article 18 de la loi sur le SGS est appliquée dans la pratique et combien de plaintes ont été rejetées en vertu de cet article: il souhaite aussi savoir s’il existe un mécanisme permettant de veiller à ce que cet article soit correctement appliqué. Le Comité souhaite aussi recevoir des précisions sur le nombre et la nature des plaintes déposées contre le SGS ou ses agents et, surtout, sur la suite donnée à ces plaintes.

28.La réponse de l’État partie à la question 28 de la liste des points à traiter soulève des questions au sujet des procédures suivies pour enquêter sur la responsabilité de la police et des autorités publiques dans les incidents qui ont provoqué des décès. Pourquoi, par exemple, les corps des victimes de l’incident d’octobre 2000 n’ont-ils pas été autopsiés avant d’être enterrés? Existe-t-il un protocole type d’enquête prompte et impartiale lorsque des civils sont tués par la police ou les forces de sécurité et des enquêtes sont-elles menées, notamment lorsque les événements se sont déroulés dans les territoires palestiniens occupés?

29.Au sujet de la réponse donnée par Israël à la question 29, Mme Gaer souhaite savoir si les «résidents palestiniens» mentionnés comprennent les détenus et voudrait recevoir des données sur le nombre de plaintes relatives à des actes de torture déposées contre des agents du SGS.

30.Concernant l’article 15 de la Convention, la réponse à la question 31 ne permet pas de comprendre si les décisions concernant la recevabilité de la preuve sont laissées à l’appréciation des juges. Si c’est le cas, ceux-ci prennent-ils seuls la décision? Leur action fait-elle l’objet d’un contrôle et comment vérifie-t-on que les preuves n’ont pas été obtenues sous la contrainte?

31.Concernant l’article 16, le Comité aimerait que la délégation réponde à ses questions sur l’utilisation de l’isolement carcéral et les conditions de détention des personnes détenues pour raisons de sécurité. Les informations reçues par le Comité selon lesquelles l’internement administratif peut être prolongé indéfiniment sont-elles exactes? Israël a déclaré, dans sa réponse à la question 35 de la liste des points à traiter, que 85 818 permis d’entrée avaient été délivrés à des résidents palestiniens pour qu’ils puissent se rendre en Israël et effectuer des visites familiales à des personnes détenues pour raisons de sécurité. La délégation peut-elle fournir des informations sur le nombre de permis refusés et sur les motifs des refus?

32.La réponse de l’État partie aux questions du Comité concernant la nature et la portée de la procédure coordonnée de renvoi immédiat (liste des points à traiter, question 15) ne mentionne pas la torture. MmeGaer souhaite savoir comment le risque d’être torturé que courent les personnes qui recherchent la protection d’Israël a été évalué dans le cadre de cette procédure et si les autorités qui interrogent de telles personnes reçoivent une formation particulière. Elle souhaite également savoir quelles mesures de garantie sont mises en place dans le cadre de cette procédure pour que les personnes ne soient pas expulsées, refoulées ou extradées vers un État où elles risquent d’être torturées. La réponse à la question 16 ne mentionne que la Convention relative au statut des réfugiés et pas la Convention contre la torture. La délégation peut-elle expliquer la différence entre les interdictions de refoulement faites au titre de l’article 33 de la Convention relative au statut des réfugiés et celles faites au titre de l’article 3 de la Convention contre la torture?

33.Le Comité a reçu des informations d’organisations non gouvernementales concernant des actes de violence commis par des colons israéliens contre des Palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Selon les informations reçues, ces incidents ne font souvent pas l’objet d’enquêtes de la part des autorités et aucune mesure n’est prise contre les colons. Mme Gaer souhaite avoir des précisions de la délégation au sujet de ces allégations et savoir si les actes de violence des colons relèvent de la compétence des tribunaux militaires israéliens. Les rapports des organisations non gouvernementales comportent aussi de nombreux récits d’enlèvement et de meurtres de civils, et de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés aux détenus dans les territoires palestiniens occupés. Elle aimerait savoir si le Gouvernement israélien a la capacité de mener des enquêtes sur de tels actes commis dans les territoires occupés et de contraindre les responsables à en rendre compte.

34.M me Belmir souhaite recevoir des éclaircissements sur le sens du terme «juge» dans la loi sur le SGS et celle sur la justice militaire à l’alinéa 3 du paragraphe 20 du rapport de l’État partie. Elle voudrait également savoir si la récente jurisprudence de la Cour suprême israélienne peut fournir des orientations utiles aux débats sur le projet de Constitution, en particulier à propos de la discrimination entre les différents éléments de la société israélienne.

35.Le Gouvernement israélien a déclaré que les instruments internationaux auxquels l’État d’Israël était partiene s’appliquaient pas en dehors de son territoire mais n’a pas mentionné le fait qu’il était une puissance occupante. Différents organes conventionnels ont souligné que les personnes vivant en Israël et celles vivant dans les territoires palestiniens occupés n’étaient pas traitées de la même manière. Par exemple, l’âge de la majorité est établi à 16 ans pour les Palestiniens des territoires occupés mais à18 ans pour les Israéliens. Il s’agit là d’une discrimination.

36.MmeBelmir souhaite exprimer sa préoccupation au sujet des meurtres ciblés commis par l’État partie et de l’existence d’un centre secret de détention dit «centre 1391» qu’administre le SGS.

37.M. Gallegos Chiriboga demande des renseignements sur le nombre de personnes, en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, devenues handicapées à cause des violences. Les rapports des organisations non gouvernementales indiquent que de nombreux Palestiniens blessés durant l’opération «Plomb durci» n’ont pas pu se faire soigner, même lorsqu’ils risquaient de perdre un membre. La Cour suprême israélienne a statué que le risque de perdre un membre était une question de qualité de vie pour les patients mais pas un danger pour leur vie et que, par conséquent, elle ne garantirait pas nécessairement l’octroi d’un permis aux patients souhaitant sortir de la bande de Gaza pour des raisons médicales. Perdre un membre est pourtant un problème d’une gravité qui dépasse la notion de la qualité de vie; c’est même une question de vie ou de mort. Refuser l’accès aux soins médicaux à des personnes grièvement blessées confine pour le moins au traitement cruel, inhumain ou dégradant.

38.M me Sveaass demande si certaines lois israéliennes comportent une dérogation à l’interdiction de la torture et si on peut penser que la réduction du nombre de plaintes déposées visant des actes de torture est due aux problèmes que pose la procédure à suivre pour déposer de telles plaintes, qui dissuaderaient ceux qui, estimant que leurs droits ont été violés, voudraient entamer une telle procédure.

39.Mme Sveaass souhaite connaître les mesures prises par l’État partie pour garantir que des médecins indépendants soient désignés pour évaluer l’état de santé des détenus qui viennent d’être arrêtés, établir des rapports médico-légaux et déceler les mauvais traitements physiques ou psychologiques, particulièrement quand des plaintes ont été déposées. Elle voudrait recevoir des éclaircissements sur l’allégation selon laquelle des médecins ont été impliqués dans la pratique de la torture, comme auteurs ou comme complices. Elle souhaite également en savoir plus sur le code du secret en vigueur chez les médecins militaires et sur le rôle des dénonciateurs d’abus.

40.Compte tenu de l’abondance de données scientifiques sur la réinsertion et les conséquences à long terme de la torture, de l’emprisonnement et de la guerre, provenant d’experts de la réinsertion, internationaux et Israéliens, Mme Sveaass souhaite recevoir des précisions sur le barème des indemnisations, ainsi que sur les traitements offerts aux victimes de la torture. Les infrastructures de la bande de Gaza ont malheureusement subi de lourds dégâts durant les opérations militaires et des bâtiments abritant des services de santé mentale ou de gériatrie, et des centres de réadaptation ont été endommagés. Elle souhaite donc savoir comment le Gouvernement israélien entend reconstruire ces bâtiments où l’on dispensait de précieux services sociaux. Y a-t-il eu une réaction officielle au rapport publié par la mission d’experts médicaux indépendants dépêchée à Gaza par l’association Médecins pour les droits de l’homme-Israël et par la Société palestinienne des secours médicaux?

41.Pour conclure, Mme Sveaass attire l’attention de la délégation sur des informations reçues par le Comité faisant état de mauvais traitements et d’humiliations subis par les Palestiniens aux points de passage et d’obstacles à la réunification familiale dus au blocus. Elle souhaite aussi recevoir des précisions sur les mesures qui ont été prises pour assurer la sécurité des défenseurs des droits de l’homme qui travaillent dans les zones sous contrôle israélien.

42.M. Wang Xuexian dit que le Comité a certes accueilli avec satisfaction la déclaration de la délégation concernant la détermination de l’État d’Israël à respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention mais il serait heureux que cet engagement soit suivi d’actes. Il est compréhensible que les États parties soient préoccupés par leur sécurité mais les circonstances exceptionnelles ne peuvent jamais être invoquées pour justifier le recours à la torture. La sécurité d’un État partie ne peut pas reposer sur l’insécurité des autres.

43.La population de plus d’un demi-million de colons en Cisjordanie s’accroîtrait à un rythme annuel de 5 %; on peut donc supposer que les terres occupées par les colonies de peuplement appartenaient auparavant à d’autres groupes de personnes avant l’arrivée des colons. Certains groupes ont donc été privés de leurs terres, ce qui constitue une violation de l’article 16 de la Convention. De plus, d’après les estimations disponibles, 9 000 personnes auraient été arrêtées par les Forces de défense israéliennes, dont 700 mineurs, ce qui représente un taux d’arrestation très élevé. M. Wang Xuexian demande donc instamment au Gouvernement de se préoccuper des effets psychologiques et des traumatismes provoqués par cette situation.

44.M me K lé opas partage le point de vue exprimé par M. Wang Xuexian et formule l’espoir qu’après le dialogue franc établi entre le Comité et la délégation israélienne, le Gouvernement israélien s’emploiera à mieux appliquer la Convention. Les organisations non gouvernementales ont manifesté leurs préoccupations à propos de la situation sur le terrain, faisant état de mauvais traitements, de passages à tabac, de tortures, d’arrestations arbitraires et d’isolement cellulaire infligés, notamment, à des mineurs; or, ces informations ont été corroborées par les rapports des procédures spéciales et d’autres sources dignes de foi qui se sont rendues sur le terrain. Elle renvoie au rapport de janvier 2008 du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens depuis 1967, qui décrit les mauvais traitements infligés systématiquement aux Palestiniens.

45.Soulignant que la sécurité ne peut pas être obtenue par le recours à la torture, qui n’est jamais justifiable, Mme Kléopas demande à la délégation d’expliquer pourquoi la politique de démolition punitive de maisons a repris à Jérusalem-Est, et souhaite savoir le nombre de décès qu’a provoqué l’utilisation du phosphore blanc par les troupes israéliennes lors de la récente offensive dans la bande de Gaza. Il est troublant de constater que les interrogatoires de patients, y compris des mineurs, au point de passage d’Erez, ont augmenté de manière spectaculaire. Le fait que des patients ayant un besoin urgent de soins soient souvent soumis à des intimidations et menacés de ne pas être admis en Israël pour s’y faire soigner s’ils refusent de fournir des renseignements est particulièrement répréhensible. Depuis l’introduction de cette politique en 2007, plus de 50 personnes ayant besoin de soins médicaux non disponibles sur place sont décédées alors qu’elles attendaient la permission de quitter la bande de Gaza.

46.M. Gaye dit qu’il partage les préoccupations de ses collègues concernant les territoires occupés, particulièrement à la lumière des initiatives problématiques prises par des acteurs non étatiques. Il se demande si la torture et les traitements dégradants ou inhumains sont définis par le droit israélien et s’il est possible de sanctionner un agent de l’État israélien qui, se rendant compte qu’un concitoyen recourt à de telles pratiques, reste passif.

47.Le Président, prenant la parole en tant que membre du Comité, dit qu’il existe un consensus sur les impératifs d’équilibre à respecter lorsqu’on fait la balance entre le désir légitime d’un État partie de protéger sa sécurité et la nécessaire protection des libertés civiles et des droits de l’homme. Cet équilibre n’est pas respecté en ce qui concerne les dispositions de la Convention. Dans une décision historique, la Cour suprême israélienne a reconnu en 1999 les dispositions de l’article 2 de la Convention, qui établissent clairement qu’aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier la torture. Il demande à la délégation d’expliquer la justification juridique de la décision de ne pas engager de poursuites en cas d’allégation de torture.

48.Concernant le paragraphe 12 du rapport périodique, le Président demande si la société civile et les organisations non gouvernementales prennent part à l’organisation de la formation à l’application des lois dispensée par la section de l’éducation et de l’information de la police. Il souhaite recevoir d’autres exemples de situations où un agent du SGS a été déclaré coupable au pénal ou au civil en vertu de la loi régissant les activités de ce service. Dans ce contexte, il souhaite savoir quelle est l’interprétation du tribunal des notions de comportement «raisonnable» et «de bonne foi» dans l’exercice des fonctions.

49.Le Président, préoccupé par le fait qu’il est dit, au paragraphe 32 du rapport, que les règles de la preuve appliquées dans les affaires de torture sont les mêmes que pour tout autre type d’infraction. L’élément du secret lors de la commission d’actes de torture diminue la capacité de la victime de fournir une preuve absolue. Il se demande donc si, en droit israélien, les victimes de torture doivent donner des preuves au-delà du doute raisonnable ou s’il est tenu compte de ce qu’étant entre les mains de l’État, ces personnes n’ont qu’une capacité restreinte de donner de telles preuves. L’analyse du tableau 1, au paragraphe 38, montre que les enquêtes consécutives à des plaintes déposées pour recours illicite à la force par les agents de la police s’élevaient à 1 273 en 2004 et que, dans 637 cas, il a été estimé que les preuves étaient insuffisantes. Il estime qu’il y a un lien direct entre l’attribution de la charge de la preuve aux personnes ayant déposé une plainte et le manque d’éléments de preuve.

50.Concernant le paragraphe 50, le Président demande quel est le pourcentage de plaintes déposées par rapport aux mises en examen et aux décisions dans les affaires traitées par le Bureau du Procureur militaire et les tribunaux militaires qui appliquent les dispositions pertinentes contre les soldats qui n’ont pas respecté les directives. Des organisations non gouvernementales ont fait état d’actes de violence répétés commis lors du transfert des détenus dans les centres d’interrogation; il est donc souhaitable d’en savoir plus sur la manière dont le système est saisi de plaintes.

51.Concernant l’affaire Mustafa Dirani, ressortissant libanais et membre du Hezbollah, le Président estime que la décision du tribunal de district de Tel-Aviv, dont il est question aux paragraphes 51 à 56, d’accorder une indemnisation pour les torts subis conformément au droit israélien, est une décision positive. Néanmoins, la Convention contre la torture et les autres instruments définissent le devoir d’indemniser même en l’absence d’un traité. À propos du paragraphe 75, la délégation pourrait apporter des éclaircissements sur le système des visites aux détenus et indiquer si la possibilité, pour les représentants du CICR, les membres des familles et les avocats de rendre visite aux personnes faisant l’objet d’une mesure d’internement administratif, est considérée comme un droit ou comme une variable de nature politique.

52.Le Président croit comprendre que la doctrine de l’exclusion des moyens de preuve obtenus sous la torture a été adoptée par les tribunaux mais il a également noté que dans les renseignements fournis dans les réponses à la liste des points à traiter par le Comité, l’exclusion d’un tel moyen de preuve n’est pas absolue. Il rappelle que la Convention a clairement établi l’irrecevabilité des aveux obtenus sous la torture.

53.Le Président souhaite savoir s’il existe un système de contrôle de l’internement administratif qui permette de s’assurer que cette mesure n’enfreigne pas d’importantes dispositions.

54.Ayant trouvé que les informations données dans les réponses écrites à la liste des points à traiter concernant l’application de la Convention étaient relativement ambiguës, le Président souhaite se voir confirmer que la commission d’actes de torture par un agent de l’État israélien sur une personne en Cisjordanie est effectivement considérée comme une infraction en droit israélien.

Le débat résumé prend fin à 12 h 25.