Nations Unies

CAT/C/SR.938

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale10 décembre 2012Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante- quatrième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 938 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 4 mai 2010, à 10 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Troisième rapport périodique du Liechtenstein

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Troisième rapport périodique du Liechtenstein (CAT/C/LIE/3; CAT/C/LIE/Q/3/et Add.1)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation du Liechtenstein prend place à la table du Comité.

2.M.  Marxer(Liechtenstein), présentant le troisième rapport périodique de son pays, dit que son Gouvernement accorde une grande importance à tous les traités internationaux et régionaux en matière de droits de l’homme et à leur mise en œuvre effective. Le Liechtenstein œuvre activement au renforcement du système de protection des droits de l’homme dans le cadre de l’ONU, en particulier du système des organes créés en application de traités. Son engagement inébranlable en faveur de l’interdiction de la torture ressort à l’évidence des efforts que déploie le Liechtenstein pour promouvoir les normes internationales au sein des organes multilatéraux, ainsi que dans le cadre des résolutions contre la torture du Conseil des droits de l’homme et de l’Assemblée générale. Le Gouvernement du Liechtenstein a aussi contribué à la mise en place et au renforcement de la Cour pénale internationale. Aucun cas de torture ou d’autre peine ou traitement cruels, inhumains ou dégradants n’a jamais été relevé au Liechtenstein depuis que le pays est membre de l’ONU et d’autres organisations internationales.

3.Le cadre et la pratique juridiques en matière d’application de la Convention au Liechtenstein se sont beaucoup améliorés depuis la présentation du deuxième rapport au Comité (1999). En novembre 2006, le pays a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Au moment de la révision de la loi sur l’exécution des peines, le gouvernement a créé une Commission pénitentiaire précisément chargée de suivre l’exécution des peines. C’est cette commission qui a été désignée comme mécanisme national de prévention aux termes du Protocole facultatif. Ses recommandations et rapports réguliers offrent l’occasion d’un dialogue constructif en matière pénale avec le Ministère de l’intérieur et le Ministère de la justice. Il ressort du rapport annuel de la Commission pour 2009 qu’aucun détenu n’a déposé de plainte pour mauvais traitement. Sous sa forme révisée, la loi sur l’exécution des peines tient compte des recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture, notamment en ce qui concerne la fréquence des visites de prisons par la Commission pénitentiaire et les rapports que la Commission doit présenter au gouvernement.

4.Le Code de procédure pénale a été amendé pour améliorer la protection des témoins et le traitement des personnes en détention provisoire. Aux termes de la loi de 2008 sur l’aide aux victimes, le Service d’aide aux victimes a pris de nouvelles dispositions en matière de dédommagement et de réadaptation des victimes dans le sens de l’article 14 de la Convention. Le rapport sur le voyage au Liechtenstein du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en 2004, et notamment sur sa visite de commissariats de police et de la prison de Vaduz, a confirmé qu’il n’y avait eu aucun cas de torture ou de peine ou traitement cruels, inhumains ou dégradants.

5.Le Liechtenstein a contribué aux efforts déployés au niveau mondial pour lutter contre la torture dans le cadre de ses activités de promotion du développement et de la coopération humanitaire internationale. Il soutient depuis des années le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture et contribue au financement de l’Organisation mondiale contre la torture. Depuis 2009, il appuie un programme de prévention en Amérique latine par le biais de l’Association pour la prévention de la torture (organisation non gouvernementale). Depuis le début de la période considérée, le Liechtenstein a contribué à hauteur de plus de 600 000 dollars des États-Unis à l’action menée au niveau mondial contre la torture.

6.M me Kleopas (Rapporteuse pour le Liechtenstein) se déclare satisfaite du rapport à la fois concis et approfondi que l’État partie a présenté, ainsi que de la contribution importante que celui-ci apporte à la lutte contre la torture. Elle se félicite également qu’il ait ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et ait désigné un mécanisme national de prévention.

7.Ainsi qu’il ressort des réponses écrites fournies par l’État partie (CAT/C/LIE/Q/3/Add.1, par. 5), il n’est pas actuellement prévu d’inscrire une définition de la torture dans la Constitution nationale. Certes, les dispositions de la Convention figurent déjà dans le système juridique moniste propre au Liechtenstein puisque la torture et toute forme de peine ou traitement cruels, inhumains ou dégradants sont expressément interdits et réprimés aux termes des articles 83 à 90 et 312 du Code pénal, mais l’absence dans la Constitution d’une définition du crime spécifique que constitue la torture au sens de la Convention pourrait empêcher de rendre des jugements appropriés dans le cas d’actes constitutifs de l’infraction de torture, allant ainsi à l’encontre des fins de la Convention. Se référant au paragraphe 11 de l’Observation générale no 2 du Comité, Mme Kleopas rappelle que le fait de codifier le crime de torture appelle l’attention de chacun sur la nécessité de prévoir un châtiment approprié qui tienne compte de la gravité de l’infraction et permet au public de contester l’inaction de l’État lorsque celle-ci constitue une violation de la Convention. Elle dit espérer que l’absence de plaintes pour actes de torture dans l’État partie signifie bien qu’il n’y a effectivement pas eu d’actes de torture et n’est pas attribuable au fait que la torture n’y constitue pas une infraction spécifique. Elle relève (par. 39 du rapport) que, pour les actes visés à l’article 312 du Code pénal, le délai de prescription est de cinq ans. Or, selon le droit international, l’interdiction de la torture est une norme impérative et la torture une infraction qui n’est susceptible d’aucune exception ni prescription.

8. Aux termes de l’article 128 a) du Code de procédure pénale de l’État partie, toute personne arrêtée doit être informée au moment de son arrestation ou immédiatement après de l’infraction qui lui est imputée et des raisons de son arrestation, ainsi que de son droit d’en informer un parent ou une personne de confiance et de désigner un conseil (par. 17 du rapport). Le Code impose la présence d’un défenseur pendant toute la durée de la détention avant jugement. On ne voit cependant pas bien si un détenu peut être privé de son droit à consulter son défenseur sans surveillance dès le début de la période de détention avant jugement.

9. La police peut retenir une personne pendant une durée ne pouvant pas dépasser 24 heures; la personne doit être informée des raisons de sa garde à vue. Elle doit également avoir la possibilité d’informer de sa situation une personne de confiance "à moins que la réalisation de l’objectif visé par la mesure ne s’en trouve compromise" (ibid., par. 21). Pareille exception pourrait amener à déroger aux procédures régulières en matière de détention. Selon l’article 129 du Code de procédure pénale, la police peut, dans certaines circonstances, arrêter un suspect sans mandat «en vue de le déférer devant le juge d’instruction». Cette formulation n’est pas claire, et on pourrait l’entendre au sens qu’un internement administratif pourrait être décidé en dehors des conditions prévues par la loi et sans que la personne détenue puisse d’emblée prendre contact avec un avocat, un parent ou un médecin.

10.Le droit des détenus à avoir accès à un médecin était garanti par la loi du Liechtenstein sur la santé publique, mais aucune disposition spécifique sur ce point ne figure plus dans la loi telle qu’elle a été révisée. Celle-ci a-t-elle été encore modifiée pour donner place à ce droit? Au moment de leur arrestation, les personnes placées en garde à vue reçoivent un avis, qu’elles sont priées de signer, indiquant qu’elles peuvent informer un parent, consulter un avocat et désigner un médecin en vue d’un examen médical, et ce à leurs propres frais, sauf si cela retarde la procédure d’enquête. Cette condition pourrait signifier que les personnes en garde à vue n’ont en fait pas le droit de consulter d’emblée un médecin.

11.Mme Kleopas voudrait savoir quelles sont les mesures que l’État partie a prises pour garantir les droits des détenus dans le cadre de son traité bilatéral d’extradition avec l’Autriche (ibid., par. 57).

12.Abordant la question des garanties apportées aux personnes placées dans des hôpitaux psychiatriques et des établissements d’aide sociale, Mme Kleopas rappelle que le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) a recommandé que les personnes souffrant de problèmes de santé mentale doivent pouvoir donner librement et en connaissance de cause leur consentement à bénéficier d’un traitement, que ce droit doit être protégé par la loi et que toute exception à cette règle doit être strictement définie. Quelle disposition l’État partie entend-il faire figurer dans sa nouvelle loi sur la santé mentale pour aller dans le sens de cette recommandation?

13.En 2007 le CPT a recommandé d’interdire la pratique qui consiste à recouvrir d’un capuchon la tête des personnes que l’on vient d’arrêter. Le Comité partage ce point de vue. Le Rapporteur spécial sur la torture a constaté que le recours à cette pratique rendait pratiquement impossible de proscrire la torture parce que la victime était incapable d’identifier son bourreau. Or l’État partie maintient cette pratique dans certains cas, certes rares.

14.En ce qui concerne le droit à l’aide judiciaire, qui est important pour se défendre devant un tribunal et qui constitue une garantie fondamentale d’équité du procès, il ressort de l’avis distribué aux détenus que l’aide judiciaire n’est pas apportée dès la mise en état d’arrestation mais seulement au moment du placement en détention provisoire. Ce qui veut dire que les personnes arrêtées ne sont pas représentées lors de l’interrogatoire par la police. Les demandeurs d’asile ont eux aussi du mal à obtenir une aide et des conseils en matière judiciaire.

15.Étant donné que l’État partie a chargé sa Commission pénitentiaire de servir de mécanisme national de prévention aux termes du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, il serait souhaitable qu’il modifie la loi sur l’exécution des peines pour que la Commission ait des fonctions et un mandat spécifiques au titre du Protocole facultatif. Selon l’article 17 de la loi, deux au moins des cinq membres de la Commission ne doivent pas travailler dans la fonction publique nationale. Cela signifie cependant que les trois autres peuvent être des fonctionnaires, ce qui pourrait nuire à l’indépendance de la Commission en tant que mécanisme de prévention et pourrait aussi réduire le nombre et l’éventail des lieux de détention où elle peut se rendre. Il faut toutefois se féliciter qu’en 2009 la Commission ait effectué quatre visites dans la prison nationale et dans des commissariats de police. La Commission a fait des recommandations constructives, et Mme Kleopas espère que l’État partie informera le Comité de la suite donnée aux cinq ou six recommandations sur lesquelles il n’a pas d’informations.

16.En ce qui concerne la mise en place d’une institution distincte de la Commission et qui serait chargée de promouvoir les droits de l’homme, l’État partie semble peu favorable à ce projet en raison de sa petite taille. Une solution pourrait consister à créer une instance dotée d’un large mandat et habilitée à recevoir et étudier les plaintes en matière de violation des droits de l’homme, y compris des droits des enfants.

17.Mme Kleopas se félicite que l’État partie ait ratifié la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie. Cependant, il n’est pas en mesure de fournir au Comité des données statistiques permettant à celui-ci de s’assurer qu’il s’acquitte bien de son obligation de non-refoulement aux termes de l’article 3 de la Convention contre la torture. Peut-être pourrait-il créer un service chargé de préparer des données statistiques pour tous les organes des Nations Unies créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme; il pourrait à cet égard bénéficier de l’assistance technique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Selon les informations dont on dispose, il semblerait que le nombre de demandeurs d’asile ait sensiblement augmenté (s’élevant à 228 personnes environ) en 2009 dans l’État partie. On ne perçoit pas clairement si les demandes des requérants sont examinées cas par cas ni dans quels pays sont renvoyées les personnes à qui l’asile n’a pas été accordé. Il apparaît aussi que des pressions sont exercées sur les demandeurs d’asile pour les amener à quitter l’État partie et qu’une somme de 300 francs suisses leur est proposée s’ils y consentent. Ces informations viennent de sources dignes de foi.

18.Il ressort aussi d’informations dont dispose le Comité que les décisions d’irrecevabilité reposent sur le fait que les demandeurs d’asile ne donnent pas de réponses plausibles ou valables sur l’itinéraire qu’ils ont suivi, et ce avant même que leur demande ait pu être examinée à titre individuel. Il ne faut pas oublier que les demandeurs d’asile sont des gens prêts à tout pour échapper à des situations dangereuses. En n’examinant pas quant au fond leur demande de protection internationale et en s’efforçant d’amener ces personnes à quitter prématurément le territoire national, l’État partie se dérobe à ses obligations aux termes de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, qui dispose que l’État contractant doit examiner la demande d’asile ou désigner un autre État responsable.

19.Même lorsque l’État partie expulse des demandeurs d’asile, il est très important qu’il s’assure que toutes les garanties sont en place, que les demandes d’asile sont bien examinées et que les personnes ne risquent pas d’être refoulées en violation de l’article 3 de la Convention contre la torture.

20.Il est également signalé que des demandeurs d’asile ont été incarcérés au seul motif qu’ils étaient entrés illégalement au Liechtenstein. Le maintien en détention de demandeurs d’asile de bonne foi au seul motif qu’ils sont entrés illégalement sur le territoire national constitue une violation de l’article 31 de la Convention de 1951. Le Comité a également été informé du fait que, faute de place dans le centre d’accueil normal, des demandeurs d’asile ont été installés en 2009 dans un bunker sous-terrain privé de fenêtres. Cette situation est particulièrement pénible pour les familles, les enfants non accompagnés, les personnes vulnérables et, de manière générale, pour tout demandeur d’asile. Mme Kleopas voudrait des informations sur l’état d’avancement de la révision de la loi sur les étrangers et de la loi sur l’asile, en particulier sur les conditions et la durée de la rétention des étrangers.

21.Ce qui préoccupe également le Comité, c’est qu’il est très difficile à un apatride d’obtenir la naturalisation du fait qu’il faut normalement pour cela avoir résidé au Liechtenstein pendant 30 ans. Cette obligation vaut aussi pour les réfugiés, alors qu’aux termes de l’article 34 de la Convention de 1951 l’État partie doit faciliter dans toute la mesure du possible la naturalisation des réfugiés.

22.En ce qui concerne l’interrogatoire des détenus, Mme Kleopas demande quels sont les règlements, directives et pratiques que l’État partie a adoptés pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture. Elle voudrait savoir en particulier si un avocat peut être présent pendant tous les interrogatoires, si ceux-ci sont enregistrés, de préférence sur un support vidéo, et si l’identité de toutes les personnes présentes est communiquée.

23.Un autre point sur lequel on ne dispose pas d’informations, c’est la question de savoir comment l’État partie décide de la recevabilité éventuelle d’une déposition ou d’aveux obtenus par la torture. Y a-t-il une procédure distincte pour déterminer si pareille déposition peut même être communiquée au juge ou au jury?

24.M. Wang Xuexian (Corapporteur pour le Liechtenstein) se félicite de la haute qualité professionnelle du rapport présenté par l’État partie. Invoquant l’article 10, et faisant observer que, selon la Commission pénitentiaire, il n’est en fait pas organisé de stages de formation pour le personnel de la prison de Vaduz, il souhaite entendre ce que la délégation a à dire sur ce point. Il voudrait aussi savoir si l’État partie a l’intention de donner une formation, au Liechtenstein ou à l’étranger, au personnel médical affecté à la prison de Vaduz.

25.Notant, à propos de l’article 11, que le mécanisme national de prévention a recommandé qu’une solution soit apportée au problème du manque de place et d’effectifs à la prison de Vaduz, il souhaiterait connaître l’avis de l’État partie sur cette question.

26.M. Xuexian relève que, en différents passages de divers documents, l’État partie a utilisé trois expressions différentes pour désigner un type particulier de cellule («cellule d’isolement», «cellule de sécurité» et «cellule d’observation»). Il voudrait savoir s’il s’agit d’une seule et même chose et quelle est la fonction de ces cellules ainsi que la base juridique sur laquelle elles reposent.

27.Il a été signalé au Comité que cinq mineurs étaient détenus dans la même prison que des adultes. M. Xuexian voudrait savoir si c’est toujours le cas, rappelant que le Comité a toujours insisté pour que les mineurs soient détenus séparément. Dans l’affirmative, l’État partie a-t-il l’intention de séparer ces mineurs des adultes? M. Xuexian demande aussi si l’État partie a réfléchi aux peines qui pourraient être substituées aux peines de prison dans le cas de mineurs.

28.Abordant l’article 16, et rappelant qu’au paragraphe 103 de ses réponses écrites l’État partie a indiqué qu’une révision de la loi sur les infractions sexuelles était en cours et que la nouvelle version ferait de la violence familiale une infraction spécifique, M. Xuexian demande où en est cette révision. Il souhaite également des éclaircissements sur la contradiction apparente entre les paragraphes 103 b) et 105 des réponses écrites, qui ne permet pas de savoir si les données sur la violence font ou non l’objet d’une collecte systématique.

29.Rappelant que, selon l’État partie, il n’y a aucun trafic d’êtres humains au Liechtenstein, M. Xuexian souhaite obtenir des éclaircissements après que des informations soient parvenues au Comité, faisant état de l’entrée de 207 danseuses sur le territoire national. L’État partie s’est-il assuré qu’il s’agissait bien de danseuses professionnelles et qu’il n’y avait là aucune traite d’aucune sorte?

30.M.  Gallegos Chiriboga, remerciant le Liechtenstein pour sa contribution aux négociations sur la Convention relative aux droits des personnes handicapées, rapporte que des ONG actives dans le domaine du handicap ont signalé au Comité que des inspections d’établissements psychiatriques faisaient apparaître que des handicapés mentaux officiellement en traitement semblaient en fait privés de liberté.

31.Évoquant des informations selon lesquelles des demandeurs d’asile auraient été placés en détention simplement pour être entrés illégalement dans le pays, M. Gallegos Chiriboga dit que, dans le cas des demandeurs d’asile, la détention ne devrait être qu’une mesure de dernier recours, et durer le moins de temps possible. Il serait intéressant d’entendre sur ce point l’avis de la délégation.

32.M.  Gaye aimerait avoir des éclaircissements sur le cadre institutionnel et la structure politique de l’État partie. Il souhaiterait d’abord en savoir plus sur le statut du Prince régnant, faisant observer que, selon le paragraphe 7 du rapport, toute loi votée par le Parlement doit, pour entrer en vigueur, avoir été sanctionnée par le Prince et soulignant que le Prince occupe une fonction héréditaire alors que le Parlement est constitué de députés élus.

33.Le Prince dispose de pouvoirs constitutionnels considérables puisqu’il peut dissoudre le Parlement et destituer le gouvernement. M. Gaye demande si ces pouvoirs sont soumis à un contrôle, et comment. Relevant aussi que la nomination des juges élus par le Parlement n’est effective qu’après que le Prince l’a approuvée, il voudrait savoir comment l’indépendance des magistrats est alors garantie.

34.M. Gaye ne voit pas bien non plus quel est le statut d’instruments internationaux comme la Convention. Il semblerait qu’ils soient pleinement intégrés dans le droit positif national dès leur ratification. Mais à quelle place? Il apparaît au paragraphe 11 du rapport qu’un recours peut être engagé devant la Cour constitutionnelle pour obtenir confirmation de leur rang constitutionnel, mais M. Gaye voudrait savoir qui peut saisir la Cour, et comment.

35.Il est certes précisé au paragraphe 23 que l’accès à un médecin est garanti, mais comment ce médecin est-il désigné et qu’est-ce qui garantit son indépendance?

36.En ce qui concerne les migrants, M. Gaye serait reconnaissant à la délégation d’expliquer en quoi consistent les mesures d’expulsion à titre préventif, et de préciser si l’on peut interjeter appel contre elles. Relevant que, comme dans bien des États, un étranger est incarcéré à partir du moment où il n’est pas en règle vis-à-vis de la législation sur l’immigration, M. Gaye demande s’il n’y a pas d’autres options que la mise en détention.

37.M.  Bruni juge très encourageant qu’aucune allégationdetorture ou de mauvais traitement n’ait été présentée aux autorités judiciaires de l’État partie depuis l’entrée en vigueur de la Convention. Peu d’États parties peuvent afficher pareil bilan. M. Bruni se félicite aussi de la grande clarté et de l’exhaustivité du rapport et des réponses écrites.

38.En ce qui concerne l’article 2 3) de la Convention, il est dit au paragraphe 28 du rapport que l’exécution de l’ordre d’un supérieur ne saurait être invoquée pour justifier un acte de torture. Il serait intéressant de savoir de quel recours pourrait disposer dans la pratique un responsable de l’application des lois qui aurait reçu un ordre qui, selon lui, l’amènerait à commettre un acte de torture ou à infliger une peine ou un traitement inhumains ou dégradants. Ce fonctionnaire pourrait-il contester cet ordre?

39.S’agissant de l’article 10, il est indiqué au paragraphe 60 du rapport et au paragraphe 59 des réponses écrites que les agents des forces de sécurité suivent une formation de trois mois consacrée au traitement des prisonniers et de toute personne placée sous leur responsabilité et aux soins qui leur sont dus, mais aucun programme de formation spéciale n’est prévu pour le personnel médical, comme M. Wang Xuexian l’a déjà relevé. Certes, le Liechtenstein est un petit pays, avec une petite prison et un personnel médical qui a étudié à l’étranger et, mais M. Bruni appelle l’attention de l’État partie sur l’existence du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture, dit aussi Protocole d’Istanbul, que l’ONU a publié en 2004. Il contient des informations juridiques et médicales à l’usage de toutes les personnes qui, par leur profession, ont à s’occuper non seulement de personnes en état d’arrestation, mais aussi de demandeurs d’asile et de migrants, et peut s’avérer très précieux pour repérer des signes de mauvais traitements ou de torture sur des personnes qui n’osent pas se plaindre parce qu’elles ont peur, sont traumatisées ou viennent d’un environnement culturel différent. Il serait intéressant d’entendre ce que l’État partie a à dire sur ce point.

40.Concernant l’article 13, on trouve au paragraphe 76 du rapport des informations sur les mesures de protection des intérêts des mineurs et autres personnes victimes d’agressions sexuelles et d’actes de torture. M. Bruni souhaite que l’État partie précise si une personne qui se plaint d’avoir été victime de sévices en détention peut bénéficier, selon la loi, de la mesure de protection la plus urgente, qui consiste à la transférer en un lieu ou elle ne serait plus en contact avec l’auteur des sévices.

41.M me Gaerse félicite du rôle exemplaire que joue le Liechtenstein dans les efforts d’élimination de la torture. Il est certes admirable qu’il n’y ait pas eu d’affaires de torture au Liechtenstein mais, en même temps, la torture n’y existe pas en tant qu’infraction. De sorte que si un acte de la nature de la torture était perpétré, il n’existerait pas de chef d’accusation spécifique pour en poursuivre l’auteur. Or, ce qui fait l’intérêt de la Convention, c’est qu’elle institue une infraction spécifique de torture.

42.Il est dit au paragraphe 74 des réponses écrites qu’au cours des 10 années écoulées 125 prisonniers ont été transférés en Autriche pour purger leur peine en raison des capacités carcérales limitées du Liechtenstein. Mme Gaer souhaite obtenir des informations sur la répartition de ces personnes par sexe, âge, race et nationalité, et savoir s’il s’agissait de ressortissants liechtensteinois.

43.En ce qui concerne le suivi dans les établissements autres que les prisons, Mme Gaer voudrait savoir si les plaintes pour sévices physiques, administration abusive de médicaments ou violences sexuelles y ont fait l’objet d’un suivi systématique. Si oui, les responsables ont-ils été congédiés et des poursuites ont-elles été engagées contre eux?

44.Traitant du paragraphe 25 des points à traiter qui porte sur les actes de violence au foyer, le paragraphe 104 des réponses écrites fournit quelques statistiques, mais il serait utile d’avoir davantage de données ventilées par sexe, âge, race et nationalité, et de savoir si les personnes concernées sont des ressortissants liechtensteinois. La seconde partie du tableau est moins claire. Il y est question de mesures comme la fourniture de conseils par des fonctionnaires de police, l’expulsion ou l’interdiction d’entrée. L’expulsion dont il est question ici est-elle l’expulsion hors du foyer ou hors du Liechtenstein? Et l’interdiction d’entrée concerne-t-elle le foyer ou le pays?

45.Selon les indications données, il n’y a pas de statistiques sur les infractions commises pour des motifs racistes. Mme Gaer voudrait des informations actualisées sur les progrès réalisés dans ce domaine et savoir s’il est prévu de mettre au point des indicateurs en la matière. Elle voudrait savoir également ou en est l’étude sur les causes fondamentales de l’extrémisme, en particulier de l’extrémisme de droite, dont l’État partie a annoncé la mise en route devant le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale.

46.Tout en se félicitant qu’il n’y ait pas eu au Liechtenstein de violation des dispositions de l’article 3, Mme Gaer voudrait néanmoins en savoir davantage sur les normes en vigueur. L’article 3 interdit qu’une personne soit expulsée «vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture». Sur quelles normes les autorités s’appuient-elles pour apprécier la situation? Faut-il que la personne risque en toute certitude d’être torturée? Utilisent-elles le critère de «probabilité de la torture» retenu par certains États? Dans quelle mesure cette appréciation tient-elle compte des garanties prévues par la loi? S’agit-il d’une décision administrative ou judiciaire? Il serait bon d’avoir des éclaircissements sur ces points.

47.M me Belmir constate que, dans son rapport, l’État partie a cherché à justifier l’absence d’une définition de la torture dans la législation nationale en invoquant le fait qu’il avait ratifié la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, laquelle ne contient cependant pas de définition de la torture. Les éléments constitutifs de cette infraction ont été définis par la Cour européenne des droits de l’homme dans sa jurisprudence.

48.En ce qui concerne la détention avant jugement et la garde à vue, Mme Belmir relève que le parquet, le juge d’instruction et le tribunal ont tendance à se consulter sur la répartition des responsabilités. La durée initiale de détention avant jugement est de 14 jours et peut être prolongée d’un mois à l’issue d’un premier réexamen, puis de deux mois après un nouveau réexamen. La même durée de détention est-elle prescrite pour toutes les infractions, ou est-elle fonction de la gravité de l’infraction?

49.Il est dit au paragraphe 22 que la police peut, à titre exceptionnel, arrêter un suspect sans mandat. S’agit-il à chaque fois de cas de flagrant délit?

50.Selon le paragraphe 21, une personne placée en garde à vue doit avoir la possibilité d’en informer un parent ou une personne de confiance «à moins que la réalisation de l’objectif visé par cette mesure ne s’en trouve compromise». La délégation du Liechtenstein pourrait-elle expliquer ce qu’il faut entendre par là?

51.Mme Belmir souhaiterait davantage d’informations sur les procédures de désignation des juges, la durée de leur mandat et la part prise en la matière par le Prince régnant.

52.Bien que le nombre de mineurs détenus au Liechtenstein soit très faible, le Comité des droits de l’enfant a recommandé à l’État partie de spécifier dans sa législation la durée maximale de la détention avant jugement dans le cas de mineurs, précisant que cette durée doit être inférieure à celle qui est prévue pour les adultes.

53.Quand le Comité européen pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe s’est rendu au Liechtenstein en février 2007, il a eu connaissance d’allégations d’usage excessif de la force, d’emploi de menottes serrées et d’insultes au moment de l’arrestation et, au moins dans un cas, de revêtement d’un capuchon sur la tête du suspect au moment de son arrestation et de son transfert en cellule. Le Comité a prié instamment les autorités de veiller à ce qu’il soit régulièrement rappelé aux policiers que toutes les formes de mauvais traitements, y compris les insultes, étaient inacceptables et passibles de sanctions sévères.

54.M me Sveass se souvient que, dans une des recommandations de son rapport (A/HRC/10/77), le Groupe de travail sur l’Examen périodique universel avait souhaité que le Liechtenstein fasse référence à l’orientation et à l’identité sexuelles dans ses initiatives et lois relatives à l’égalité. L’État partie a répondu que ses lois et procédures faisaient déjà l’objet d’un réexamen en vue d’éliminer toute discrimination dans ce domaine. Mme Sveass voudrait savoir où en sont les choses.

55.S’agissant de la création de bureaux de médiateurs pour les personnes handicapées, notamment au titre de la loi sur l’aide aux victimes, Mme Sveass demande comment les rapports des fonctionnaires compétents sont présentés et diffusés.

56.Il est question, dans les réponses concernant les points à traiter, de l’important travail des services publics d’assistance aux victimes, notamment s’agissant des victimes d’infractions, d’actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Quelle est la composition de ces services sur le plan professionnel? Les réfugiés qui ont été victimes d’actes de torture avant leur arrivée au Liechtenstein peuvent-ils eux aussi s’adresser à eux?

57. M.  Mari ñ o Menéndeznote que le manque de statistiques sur les demandes d’asile et de permis de séjour de longue durée au Liechtenstein est attribué à l’insuffisance des ressources humaines. Le Comité se féliciterait de tout effort supplémentaire que l’État partie pourrait déployer à cet égard.

58.M. MariñoMenéndez relève que le Liechtenstein a conclu des accords de renvoi de demandeurs d’asile avec la Suisse et l’Autriche et que le gouvernement a fait des démarches pour renvoyer des demandeurs d’asile en Italie. Si, aux termes de ces accords, les décisions sont prises automatiquement sans qu’il soit procédé à un examen de fond de la demande d’asile, il peut y avoir violation du principe de non-refoulement. Selon les informations apportées en réponse à la liste des points à traiter, la loi relative aux étrangers fait l’objet d’un réexamen à la lumière de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Quand peut-on escompter que la version amendée sera adoptée?

59. Parmi les traités ratifiés par le Liechtenstein que cite le rapport on ne trouve aucun instrument concernant la traite des personnes. S’il ya dans le pays des femmes victimes de pareille traite, elles ont besoin d’une protection particulière. Par exemple, on pourrait leur proposer un permis de séjour pour contribuer à la lutte contre les réseaux qui se livrent à la traite.

60. Même si certaines peines prononcées par l’État partie sont exécutées dans des établissements pénitentiaires d’Autriche ou ailleurs, ce sont les autorités du Liechtensteinqui restent responsables des conditions de détention des prisonniers. M. MariñoMenéndez voudrait savoir si des mécanismes de contrôle ont été mis en place.

61.Le Président dit comprendre que le Liechtenstein, qui est un petit pays, ait du mal à affecter du personnel et des moyens pour faire face à certaines des difficultés que pose la mise en application de la Convention. Par exemple, le nombre de demandes d’asile est passé de 26 en 2008 à 227 en 2009. Il faut davantage de personnel bien formé, notamment pour veiller au respect des dispositions de l’article 3.

62. Selon les informations données en réponse à la liste des points à traiter, lorsque des demandeurs d’asile affirment qu’ils risquent des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique s’ils sont expulsés ou renvoyés, leur demande fait l’objet d’un examen attentif. Le Président voudrait savoir quel organe judiciaire est chargé de cet examen, et quelles sont les mesures prises pour obtenir de meilleures données statistiques sur les demandeurs d’asile.

63.Est-il souvent arrivé que des personnes arrêtées aient eu la tête recouverte d’un capuchon pour qu’elles ne puissent pas reconnaître les policiers? Que pense de cette pratique la Commission pénitentiaire? Le Président propose que l’on recoure à des procédés moins dégradants.

La première partie (publiq ue) de la séance prend fin à 11 h 55.