NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.445

27 novembre 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*

DE LA 445ème SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le jeudi 16 novembre 2000, à 15 heures

Président : M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Troisième rapport périodique du Bélarus (suite)

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*Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.445/Add.1.

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Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

GE.00-46065 (F)

La séance est ouverte à 15 h 30.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique du Bélarus (CAT/C/34/Add.12) (suite)

1.Sur l'invitation du Président, la délégation bélarussienne reprend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite la délégation bélarussienne à répondre aux questions posées par les membres du Comité.

3.M. IVANOVSKY (Bélarus) remercie les membres du Comité de l'analyse approfondie qu'ils ont faite du rapport et de leurs observations positives. Pour la première fois figure dans la législation nationale une référence aux actes de torture ou assimilables à la torture. Toutefois, compte tenu des observations formulées par le Comité, les autorités bélarussiennes sont disposées à examiner de nouveau la possibilité d'incorporer dans le droit interne une définition de la torture telle qu'elle est donnée à l'article premier de la Convention. D'ores et déjà, tous les actes visés par la Convention commis sur le territoire bélarussien sont dûment sanctionnés. La loi autorise les citoyens à engager une procédure judiciaire contre les agents de l'État qui leur ont infligé des souffrances morales ou physiques. À titre d'exemple, on peut citer la condamnation à une peine privative de liberté des assassins de M. Rybatchenko.

4.La procédure de placement en détention provisoire est rigoureusement réglementée par le Code de procédure pénale. L'inculpé est immédiatement informé de ses droits et peut communiquer avec un avocat ou un médecin dans un délai de 24 heures après l'arrestation. Lorsqu'un détenu se plaint de mauvais traitements, les autorités de la prison doivent l'autoriser à consulter un médecin extérieur à l'établissement pénitentiaire. D'après la loi en vigueur, la durée maximum de la détention provisoire est de 18 mois et seule la Cour suprême peut décider de prolonger ce délai. La personne placée en détention provisoire doit être informée des charges retenues contre elle dans les 10 jours suivant l'arrestation. Elle peut alors déposer une plainte devant les tribunaux.

5.Toute tentative, par un agent de l'État, d'expulser un réfugié du territoire bélarussien peut faire l'objet de poursuites judiciaires. Tout étranger ou apatride peut se prévaloir du droit de faire comparaître devant les tribunaux des agents de l'État responsables d'abus à son égard.

6.Revenant sur la question posée par un membre du Comité concernant 300 agents de l'État qui se seraient rendus coupables d'abus de pouvoir et de violences dans l'exercice de leurs fonctions, M. Ivanovsky précise que, chaque année, quelques dizaines de fonctionnaires sont effectivement poursuivis pour de tels actes. Contrairement à ce que veulent faire croire un certain nombre de défenseurs des droits de l'homme, les opposants au régime ne font l'objet d'aucune répression. Les autorités sont prêtes à vérifier toutes les allégations présentées.

7.Par ailleurs, les faits relatifs aux manifestations de juillet et d'octobre 1999 doivent être clarifiés : la légalité des moyens employés par les miliciens a été confirmée par le procureur. Les manifestants avaient jeté des pierres sur les miliciens et ceux‑ci ont réagi conformément à leur mandat qui est de faire respecter l'ordre public. Des poursuites ont été engagées contre les fauteurs de troubles.

8.Les allégations de mauvais traitements auxquels seraient soumis les délinquants mineurs, qui seraient de plus détenus avec des malades atteints du sida et de la tuberculose dans les villes de Rogatchov et Moguilov, laissent la délégation bélarussienne perplexe. Les autorités ne manqueront pas d'ouvrir une enquête sur les faits dénoncés et de traduire en justice les éventuels responsables. Par ailleurs, les affirmations selon lesquelles deux prévenus, MM. Tchiguir et Klimov, auraient été maltraités méritent une explication. Ces deux personnes ont été placées en détention provisoire pour avoir commis des crimes de droit commun n'ayant rien à voir avec leurs activités politiques. Les enquêtes effectuées sur les allégations de mauvais traitements n'ont mis en évidence aucun abus. Les services du procureur et du Ministère de l'intérieur mènent l'enquête sur les disparitions de MM. Gontchar, Zakharenko, Krasovsky et Zavadsky sur la base de toutes les informations disponibles mais, à ce jour, aucune piste sérieuse n'a pu être suivie.

9.Les extraditions se font conformément à la Convention de Minsk du 22 janvier 1993 sur les relations juridiques et l'octroi d'une assistance juridique en matière civile, familiale et pénale et aux dispositions des traités bilatéraux conclus avec d'autres pays. Si le pays requérant n'est pas partie à la Convention de Minsk ou à un accord bilatéral, l'extradition n'est pas possible. Le Comité de l'État pour les migrations, après consultation de différents ministères, a conclu à la nécessité pour le Bélarus d'adhérer à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Un projet de loi dans ce sens sera proposé au Parlement en 2001. Le représentant du Haut‑Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés à Minsk organise régulièrement des cours à l'intention des employés des services des migrations et ceux‑ci suivent également des stages dans d'autres pays.

10.L'indépendance du système judiciaire est consacrée par l'article 110 de la Constitution ainsi que par le Code de procédure pénale. L'argument selon lequel les juges ne peuvent pas être indépendants puisqu'ils sont nommés par le Président de la République est fallacieux, d'autant plus qu'ils sont investis d'un mandat à vie et ne peuvent être révoqués que pour des motifs très graves. Les avocats, eux aussi, sont indépendants et font partie d'une association professionnelle ne relevant pas du Ministère de la justice. Seuls les avocats commis d'office sont rémunérés par l'État. Le Procureur général est désigné par le Président de la République, avec l'accord du Conseil de la République. Les procureurs sont nommés par le Procureur général. Conformément à l'article 127 de la Constitution, les procureurs jouissent d'une indépendance absolue.

11.La question de la liberté d'expression dépasse le cadre de la Convention mais, dans un souci de transparence, M. Ivanosky tient à indiquer au Comité que, parallèlement aux médias officiels, il existe des organes d'information tout à fait indépendants, qui représentent parfois des courants d'opposition (journaux, chaînes de radio et télévision). Il tient à la disposition du Comité un journal - indépendant du pouvoir - qui a très récemment consacré un article à M. Klimov et aux conditions de sa détention.

12.La possibilité d'indemniser les victimes d'injustices - pour préjudice moral ou dommage matériel - est prévue par la loi. Ainsi, deux juges, M. Khromenkov et Klopov, qui avaient été poursuivis pour corruption, ont été acquittés et indemnisés. En l'absence de noms et de faits concrets, il est difficile pour les autorités de confirmer ou d'infirmer les allégations concernant

le non‑respect du droit des détenus à prendre contact avec un médecin ou un avocat. Quoi qu'il en soit, les agents de l'État reconnus coupables d'avoir fait obstacle à l'exercice de ce droit sont toujours dûment sanctionnés.

13.Les activités des "miliciens" (Omon) sont suivies de près par les ministères compétents et par le bureau du procureur. Par ailleurs, le législateur a défini comme une atteinte grave à l'ordre public les actes des hooligans, qui sont clairement distingués, du simple fait de manifester.

14.Les femmes sont détenues dans des établissements séparés et sont surveillées par des gardiennes; les allégations de traitements cruels à leur égard n'ont pas été confirmées. La formation du personnel pénitentiaire répond aux exigences les plus élevées. Il existe au Bélarus 28 établissements pénitentiaires, dont un pour les femmes et trois pour les mineurs. Durant l'instruction, les inculpés sont placés en détention dans neuf "centres d'enquête" dont le fonctionnement est étroitement surveillé par le procureur compétent. Au 1er octobre 2000, la population carcérale au Bélarus s'élevait à plus de 58 000 personnes, dont plus de 7 000 étaient placées à l'isolement. Les établissements pénitentiaires sont effectivement surpeuplés, ce qui s'explique en partie par la recrudescence de la criminalité au début des années 90. En effet, plus de 100 000 crimes et délits sont commis chaque année. Le Gouvernement, qui n'est pas en mesure de faire construire de nouvelles prisons à cause des difficultés économiques du pays, fait tout son possible pour améliorer les conditions de détention.

15.La question de la peine de mort a été soumise à référendum et l'écrasante majorité des citoyens s'est prononcée en faveur de son maintien. Cette peine n'est appliquée que pour les crimes accompagnés de circonstances aggravantes. Le nombre de condamnations à la peine capitale a diminué depuis 1998 (45 exécutions en 1998, 4 condamnations à mort en 2000). La législation prévoit aussi l'octroi de la grâce présidentielle et la commutation de la peine capitale en réclusion à perpétuité.

16.La délégation bélarussienne insiste sur l'esprit d'ouverture avec lequel elle a répondu au Comité et se tient à sa disposition pour lui fournir tout renseignement complémentaire.

17.Mme GAER (Rapporteur pour le Bélarus) remercie la délégation pour les réponses apportées mais souhaiterait obtenir un complément d'informations au sujet de l'arrestation très récente, à Minsk, d'une centaine de jeunes manifestants et des enquêtes menées sur les quatre disparitions signalées. Le Comité étudiera soigneusement les renseignements fournis sur l'indépendance judiciaire et les médias. Par ailleurs, il fait siennes les recommandations du Groupe consultatif et de contrôle au Bélarus de l'OSCE concernant l'adoption de mesures de nature à rétablir la confiance dans le pays.

18.Enfin, Mme Gaer demande quelles sont les mesures qui garantissent l'exercice du droit de porter plainte. Elle voudrait savoir quel est le nombre de plaintes déposées et quelle suite leur est donnée.

19.Le PRÉSIDENT demande à la délégation quelques éclaircissements sur l'indépendance des juges. En effet, la description qu'elle a donnée du fonctionnement du pouvoir judiciaire ne correspond pas à celle qui est donnée dans la note d'information sur le Bélarus, datée du 10 octobre 2000, adressée au Comité par Amnesty International. Dans ce document, il est indiqué que le Président Loukachenko a promulgué le 3 mai 1997 un décret restreignant considérablement l'indépendance des juges vis-à-vis du pouvoir exécutif puisqu'en vertu de ce texte, le Ministère de la justice est habilité à délivrer les autorisations d'exercer la profession d'avocat et rend obligatoire l'affiliation des avocats au collège des avocats, organe soumis au contrôle de l'État, ce qui constitue une violation directe des règles internationales, notamment des Principes de base relatifs au rôle du barreau.

20.M. RASMUSSEN demande quelle est la durée maximale de la détention dans un centre de détention temporaire (IVS) et si les cellules y sont pourvues de matelas et de couvertures.

21.M. CAMARA se déclare satisfait de la réponse de la délégation sur le statut du Procureur général. Il convient que le fait que ce magistrat soit nommé par le Président ne l'empêche pas d'être indépendant. Ayant à l'esprit l'article 12 de la Convention, qui impose aux États parties l'obligation de veiller à ce que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale sur toute allégation de torture, il demande si l'ouverture de poursuites en cas d'infraction pénale constitue une obligation pour le procureur ou si elle dépend de sa libre appréciation.

22.M. IVANOVSKY (Bélarus) revient sur les troubles qui ont eu lieu récemment à Minsk. À sa connaissance, une cinquantaine de manifestants seulement, et non une centaine, ont été arrêtés, et ceux d'entre eux qui étaient mineurs ont été relâchés. Il n'a pas entendu parler de brutalités policières dont ces personnes auraient été victimes. Toutefois si le Comité dispose de précisions, la délégation les transmettra aux autorités qui ne manqueront pas de mener des enquêtes.

23.En ce qui concerne les disparitions d'opposants, des enquêtes approfondies ont été ouvertes mais pour le moment on ne sait pas encore à qui en attribuer la responsabilité; on ignore si ces disparus sont morts en détention des suites de mauvais traitements ou s'ils sont toujours détenus quelque part dans le pays. Le Gouvernement communiquera au Comité les résultats de l'enquête dès qu'elle aura abouti.

24.Il existe un bureau spécial du procureur chargé de recevoir les plaintes de détenus. Au cours des neuf premiers mois de l'année 2000, 752 plaintes ont été reçues et 88 plaignants ont obtenu gain de cause.

25.Pour ce qui est du décret promulgué par le Président de la République, portant sur la profession d'avocat, il s'agit d'une question complexe qui appelle une analyse approfondie, raison pour laquelle M. Ivanovsky propose de donner ultérieurement un complément d'information écrit au Comité, s'il le désire.

26.La durée de la détention dans les IVS est normalement de 48 heures, mais elle peut être prolongée jusqu'à 72 heures au maximum. Les cellules ne sont pas pourvues de matelas ni de couvertures, mais elles sont suffisamment spacieuses.

27.Répondant à la question relative aux obligations incombant aux procureurs, M. Ivanovsky dit que si le procureur a connaissance d'une infraction, il est tenu d'engager une procédure pénale d'office ou d'ordonner aux autorités compétentes d'instruire l'affaire.

28.M. MALEVICH (Bélarus) précise que les avocats sont totalement indépendants, car ils sont élus au collège des avocats par leurs pairs et ce n'est qu'ensuite que leur élection est confirmée par un représentant du pouvoir exécutif. Le décret dont il a été question précédemment a été pris d'ailleurs à l'initiative de ce collège d'avocats et il vise à fixer des règles d'éthique professionnelle et à régir d'autres questions comme celle de la lutte contre la concurrence déloyale entre avocats. En effet, certains ne déclarent pas leurs revenus au fisc, ce qui leur permet de demander des honoraires moins élevés que leurs collègues.

29.Pour ce qui est de la liberté de la presse, il convient de souligner que le nombre de journaux qui paraissent dans un pays dépend en grande partie de la situation économique. Des journaux d'opposition pourront certainement voir le jour lorsque les conditions économiques du Bélarus se seront améliorées.

30.Mme GAER (Rapporteur pour le Bélarus) revenant sur la question de l'indépendance du pouvoir judiciaire, objecte que le fait que les juges soient nommés et destitués par la même personne, en l'occurrence le Président de la République, ne garantit pas cette indépendance. De même, l'institution d'une période probatoire de cinq ans oblige à se demander selon quels critères le mandat des juges est prorogé et quels fonctionnaires sont habilités à prendre ce genre de décision.

31.La délégation bélarussienne se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 16 h 25.

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