NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.55619 décembre 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trentième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)* DE LA 556e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 5 mai 2003, à 10 heures

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Deuxième rapport périodique de la Slovénie

La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de la Slovénie (CAT/C/43/Add.4; HRI/Corr.1/Add.35)

Sur l’invitation du Président, MM.  Gosnar , Korosěc, Klemenčič, Mekinc, Pavlin et Zidar prennent place à la table du Comité.

M. GOSNAR (Slovénie) dit qu’il est heureux de faire part aux membres du Comité des principaux changements intervenus depuis la présentation du rapport initial de la Slovénie il y a deux ans et demi. Son pays attache une attention particulière au respect des droits de l’homme et à l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Récemment, la Slovénie a pleinement appuyé l’adoption du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture qui met en place un système de visites préventives. En novembre 2001, elle a ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

3.Compte tenu du grand nombre d’engagements internationaux pris par la Slovénie dans le domaine du droit pénal, y compris en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, la répression du crime organisé, la lutte contre la traite des personnes et la prévention de la pornographie mettant en scène des enfants, le Gouvernement slovène a élaboré une série de mesures législatives. En octobre 2002, le Parlement a adopté la loi sur la coopération avec la Cour pénale internationale. Suite aux recommandations faites par le Comité contre la torture à l’issue de l’examen du rapport initial, le Gouvernement slovène a également élaboré une proposition visant à inclure dans le Code pénal slovène la définition de la torture telle qu’énoncée à l’article premier de la Convention. Cette proposition et d’autres sont actuellement examinées par les organes compétents du Gouvernement.

4.Le Parlement slovène a récemment adopté d’importants amendements à la loi sur les étrangers et à la loi sur l’asile. Les dispositions de ces deux lois ont été mises en conformité avec les exigences de l’article 3 de la Convention par l’inscription dans les textes du principe du non‑refoulement des personnes pour lesquelles il y a des motifs de croire qu’elles risquent d’être torturées.

5.Le projet de loi portant modification de la loi sur la police, actuellement en lecture au Parlement, prévoit une plus grande indépendance des enquêtes internes de la police dans les cas de suspicion d’abus de pouvoir de la part d’un agent de police. À l’avenir si un plaignant n’est pas d’accord avec les conclusions de l’enquête communiquées par le chef du service concerné de la police, la plainte est examinée au Ministère de l’intérieur par un petit groupe de trois personnes, dont deux sont issues de la société civile et des syndicats.

6.S’agissant de l’exécution des peines, plusieurs règles internes concernant les prisons ont été adoptées. D’autre part, un nouveau Code de déontologie médicale a été adopté.

7.Il y a lieu enfin de préciser que conformément aux recommandations du Comité, plusieurs organes compétents mettent désormais davantage l’accent sur l’éducation dans le domaine des droits de l’homme destinée au personnel chargé de l’application des lois. Les dispositions de la Convention contre la torture et d’autres instruments pertinents relatifs aux droits de l’homme sont inscrites aux programmes de formation des fonctionnaires de police, du personnel militaire et des gardiens de prison.

8.M. YAKOVLEV (Rapporteur pour la Slovénie) note avec satisfaction que la délégation slovène comprend des juristes, ce qui permettra aux membres du Comité d’avoir un dialogue intéressant au sujet du débat public en cours en Slovénie concernant la proposition visant à faire figurer dans le Code pénal les différentes formes que revêt la torture ou la définition unique de la torture que contient l’article premier de la Convention.

9.Sur un plan plus général il convient de signaler que le rapport couvre la période allant de mai 2000 au 31 mars 2001, que le Gouvernement slovène n’a émis aucune réserve au sujet de l’article 20 et qu’il a fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention. La Slovénie respecte pleinement les normes de la Convention. De plus, le rapport contient une longue partie consacrée à l’institution du Médiateur pour les droits de l’homme, ce qui témoigne de la volonté des autorités slovènes de faciliter les relations avec le public dans le domaine du droit pénal et notamment de prévenir ou de sanctionner tout acte de torture. M. Yakovlev aussi prend acte de la décision de la Cour suprême visant à limiter la durée de la détention provisoire deux ans au maximum ainsi que des règlements d’application de la loi sur les sanctions pénales prévues en cas d’abus de pouvoir de la part de la police. Il note en outre avec satisfaction la création d’une commission chargée de la protection des droits des minorités, notamment les Roms.

10.À propos de la prise en compte des dispositions de l’article premier de la Convention, M. Yakovlev se félicite, comme indiqué plus haut, de ce qu’une proposition visant à inclure la définition de la torture dans le droit pénal soit en cours d’élaboration. Une telle définition doit figurer dans la législation au même titre que celle du génocide ou du terrorisme étant entendu que certains éléments, tels que la protection de la sécurité de l’État, doivent être pleinement pris en considération dans cette définition.

11.Au sujet de l’article 2 de la Convention, M. Yakovlev aimerait obtenir de plus amples renseignements sur les travaux de la Commission chargée de la protection des droits des minorités ethniques ainsi que des statistiques sur les victimes de la torture et d’autres violations de la Convention. Il serait également intéressant de connaître les nouvelles lois visant à limiter le pouvoir des forces de police ainsi que les mesures prises pour assurer la formation de ces forces. À ce sujet, M. Yakovlev note que la réorganisation de la justice et la réforme de la législation en vue de leur mise en conformité avec les dispositions de la Convention se heurtent très souvent aux préjugés et à une certaine force d’inertie au sein de la police. Tout en tenant compte des impératifs de la lutte que mène ce corps contre la criminalité, il importe que son pouvoir soit limité par les lois de l’État afin d’éviter tout débordement. C’est dire que l’application des lois en vigueur est beaucoup plus complexe que l’adoption d’une nouvelle législation. M. Yakovlev souhaiterait également avoir des statistiques sur les cas de recours à la force par la police. Le projet de loi portant modification de la loi sur la police prévoit la possibilité d’adresser une plainte au Ministère de l’intérieur, mais il serait utile de connaître les mesures de contrôle judiciaire existant dans ce domaine.

12.Par ailleurs, M. Yakovlev aimerait obtenir des précisions sur la procédure suivie lorsqu’une communication est adressée à la commission chargée de l’examen des plaintes et avoir une description du travail concret accompli par cet organe. D’autre part est‑ce que les violations commises par la police font toujours l’objet d’une plainte et est‑ce qu’une enquête a lieu, même en l’absence d’une plainte? M. Yakovlev souhaiterait également savoir si une loi a été adoptée pour réglementer les formalités d’accès des détenus à un médecin et veiller à ce qu’il n’y ait pas de représentant de la police lors d’un examen médical et de la fourniture de soins médicaux au détenu. Il demande aussi s’il existe un code régissant les méthodes d’interrogatoire et quelles sont les modalités précises du déroulement des interrogatoires. Par exemple est‑il possible de procéder à un interrogatoire de nuit, avec tous les risques de violation des droits des détenus que cela comporte. M. Yakovlev aimerait également savoir si la loi sur les réfugiés et sur les étrangers contient des dispositions autorisant la reconduite à la frontière de personnes représentant un danger pour la sécurité nationale.

13.En ce qui concerne l’article 16 de la Convention, M. Yakovlev demande si le Gouvernement slovène envisage de faire face au surpeuplement des prisons par des solutions de substitution de nature à améliorer les conditions de détention (par exemple l’assignation à domicile). Il serait également utile de savoir si le Gouvernement slovène a l’intention d’ouvrir de nouveaux centres de détention. Enfin, M. Yakovlev demande des précisions sur les causes des décès survenus dans des centres de détention. Est‑ce que ces décès donnent lieu à des enquêtes objectives et quelles en sont les conclusions?

14.M. YUMengjia (Corapporteur pour la Slovénie) note avec satisfaction que la Slovénie a pris un certain nombre de mesures pour donner suite aux dispositions de la Convention et améliorer leur application. L’État partie a fait preuve d’autocritique dans son rapport, ce qui témoigne de la volonté de la Slovénie de s’exprimer franchement dans le cadre du Comité contre la torture et d’autres organes conventionnels. Toutefois, d’après les documents reçus de différentes sources, des difficultés subsistent. S’agissant de l’article 10 de la Convention, M. Yu Mengjia dit qu’il convient de d’envisager les activités de formation menées par la Slovénie, notamment à l’intention des forces de police, dans le contexte de la réponse du Gouvernement slovène au rapport du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) sur sa visite en Slovénie. D’autre part, le fait que la Slovénie a l’intention d’élaborer une publication qui rassemblera tous les rapports présentés à ce jour par la Slovénie au Comité contre la torture en vertu de l’article 19 de la Convention est une bonne chose, mais il serait intéressant de savoir si les conclusions et recommandations du Comité seront également jointes à cette publication.

15.À propos des articles 11 et 12 de la Convention, M. Yu Mengjia note que si le rapport initial de la Slovénie faisait déjà état de nombreuses dispositions législatives importantes, le deuxième rapport périodique en mentionne plusieurs mesures positives dont l’incorporation aux Règles sur l’exécution des peines d’emprisonnement d’un chapitre spécial qui décrit en détail la nature et l’étendue des compétences concernant la supervision des prisons slovènes ainsi que l’élaboration d’un projet de Code de déontologie judiciaire. Il se félicite de l’approche personnalisée adoptée à l’égard des détenus qui, selon le rapport du CPT, ont chacun un dossier dès leur admission dans l’établissement pénitentiaire. Ce dossier est signé à la fois par le détenu, le Directeur de la police et le département d’éducation de la prison. Il serait intéressant de savoir quels les résultats ont été obtenus par cette approche novatrice. M. Yu Mengjia note aussi avec satisfaction l’efficacité avec laquelle le médiateur remplit ses fonctions et demande comment l’État partie réagit aux allégations, notamment celles du médiateur concernant le nombre de suicides parmi les détenus. Estime‑t‑il que les critiques qu’il reçoit à ce sujet sont justifiées? M. Yu Mengjia voudrait aussi savoir si le port des menottes imposé aux détenus de la prison de Ljubljana lorsqu’ils sont conduits au tribunal n’est pas excessif. Il demande également si le nombre des sanctions (888 782) mentionné dans le rapport présenté par le Gouvernement slovène en réponse au rapport sur la visite du CPT est exact. Le Comité a par ailleurs reçu plusieurs allégations concernant des cas individuels et il voudrait savoir ce que compte faire le Gouvernement au sujet de ces cas.

16.Au sujet de l’article 3 de la Convention, M. Yu Mengjia demande si la composition de la Commission récemment mise en place pour connaître des plaintes – que la délégation de l’État partie a mentionnée dans sa présentation – ne risque pas d’entraîner des conflits d’intérêts et s’il ne serait pas opportun, comme le préconise le CPT, de faire en sorte que les forces de police ne fassent plus partie de ce mécanisme. Des explications sur les délais de 30 jours et de 8 jours indiqués au paragraphe 102 du rapport seraient les bienvenues. En effet, M. Yu Mengjia se demande si l’auteur d’une plainte ne devrait pas disposer, en fonction de la nature de la plainte, d’un délai supérieur à 8 jours pour compléter les informations qui lui sont demandées. Il voudrait aussi des explications sur les retards dans le traitement des plaintes (signalés par le médiateur), dont il est question au paragraphe 125 du rapport, et savoir si des mesures ont été prises pour y remédier.

17.En ce qui concerne l’article 14 de la Convention, M. Yu Mengjia souhaite recevoir des informations sur le nombre de cas où une indemnisation a été accordée à des victimes d’actes de torture. S’agissant de l’article 15, il se félicite de ce que le Comité n’a reçu aucune allégation de torture au titre de cet article. Enfin, M. Yu Mengjia dit qu’il a eu quelque difficulté à lire le rapport qui ne lui semble pas bien structuré. Il remercie toutefois la délégation slovène de sa contribution à un dialogue constructif avec le Comité.

18.M. MARIÑOMENÉNDEZ souhaiterait savoir quelles sont les règles régissant l’utilisation des armes à feu par les forces de police et dans quelles situations elles peuvent être utilisées. En ce qui concerne les recommandations formulées par le Comité au sujet des Roms lors de l’examen du rapport initial (CAT/C/24/Add.5), il note que la Slovénie est partie à la Convention‑cadre pour la protection des minorités nationales et aligne actuellement son droit interne sur les normes européennes relatives aux droits de l’homme en vue de son adhésion à l’Union européenne. Compte tenu des modifications apportées à la législation sur les étrangers, qui ont été décrites dans la présentation orale, et de l’adoption du principe de non‑refoulement, il souhaiterait savoir si le fait d’entrer illégalement en Slovénie constitue en droit interne un motif justifiant l’expulsion du territoire. Dans l’affirmative, quel est l’organe qui décide de l’expulsion et, s’il s’agit d’un tribunal, est‑il possible de surseoir à l’application de la décision? Sachant que, d’une part, la Slovénie a conclu des accords d’extradition avec des pays voisins permettant d’y renvoyer immédiatement les immigrés clandestins qui en sont ressortissants, et qu’elle a, d’autre part, ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, M. Mariño Menéndez souhaiterait savoir si l’État partie envisage de conclure, avec des pays ne reconnaissant pas la compétence de la Cour pénale internationale, des accords d’extradition permettant de faire juger dans leur pays d’origine des personnes justiciables de cette juridiction.

19.Par ailleurs, des renseignements sur le rôle dévolu aux organisations non gouvernementales dans la législation de l’État partie seraient les bienvenus. Est‑il prévu qu’elles participent à la préparation des rapports aux organes conventionnels, à l’inspection des lieux de détention et aux activités menées par des organismes publics comme la commission chargée des droits des minorités?

20.M. MAVROMMATIS se félicite de la qualité du rapport et des progrès considérables accomplis par la Slovénie dans la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Tout en prenant acte des nombreuses dispositions incluses dans la législation en vue de protéger les droits des Roms, il aimerait savoir ce que l’État partie envisage de faire pour lutter contre les préjugés qui persistent à l’égard de cette minorité. Par ailleurs, il souhaiterait avoir de plus amples renseignements sur les enquêtes relatives aux allégations de mauvais traitements commis par les forces de l’ordre. Si les personnes chargées des enquêtes sont nommées par le directorat de la police, peuvent‑elles être qualifiées d’indépendantes? Quelles mesures l’État partie prend‑il pour assurer que tout décès intervenu en garde à vue ou à la suite de mauvais traitements infligés par des membres de la police fasse l’objet d’une enquête judiciaire?

21.Au sujet des procédures de recours mentionnées au paragraphe 112 du rapport, M. Mavrommatis demande comment l’organe disciplinaire a pu estimer que tous les éléments n’étaient pas réunis pour conclure à l’existence d’une faute disciplinaire dans l’affaire décrite au paragraphe 112 a), si les mauvais traitements ont été infligés en présence de témoins. Dans le cas où un fonctionnaire est reconnu coupable de faute disciplinaire, la victime a‑t‑elle droit à une indemnisation? Constatant que dans l’affaire décrite au paragraphe 112 d), où un mineur a été maltraité par un fonctionnaire de police, la procédure disciplinaire a été arrêtée pour cause de prescription, M. Mavrommatis souhaiterait obtenir des renseignements sur le régime de la prescription et sur ses conséquences en ce qui concerne le droit d’engager une action civile. S’agissant du cas du fonctionnaire de police qui a illégalement privé cinq personnes de leur liberté et qui a été suspendu pour cet acte (par. 112 i)), il voudrait savoir combien de temps l’intéressé a été suspendu.

22.Le PRÉSIDENT dit qu’il aimerait avoir des précisions sur les instances judiciaires habilitées à connaître des plaintes déposées contre des mesures de détention qui sont mentionnées au paragraphe 113 du rapport et sur la procédure qui a permis dans les cas cités d’aboutir à une annulation de ces mesures. Existe‑t‑il des dispositions dans la législation interne prévoyant un droit analogue du droit d’habeas corpus? En outre, le Président souhaiterait savoir en quoi consistent les atteintes à la dignité d’un groupe de femmes appartenant à une unité de l’armée dont il est fait état au paragraphe 124 du rapport et qui ont manifestement été jugées assez graves pour donner lieu à des procédures disciplinaires. Quelle a été l’issue de ces procédures? Enfin, Mme Gaer, qui participe à une réunion au Lichtenstein lui ayant demandé de poser une question en son nom, il prie la délégation de fournir au Comité des données sur la nature et l’ampleur de la violence entre détenus dans les établissements pénitentiaires de Slovénie.

23.Le Président remercie la délégation slovène et l’invite à se présenter à une séance ultérieure pour répondre aux questions du Comité.

24.La délégation slovène se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 10 h 55.

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