Nations Unies

CAT/C/SR.992

Convention contrela torture et autres peinesou traitements cruels,inhumains ou dégradants

Distr. générale

20 mai 2011

Original: français

Comité contre la torture

Quarante-sixième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 992e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 16 mai 2011, à 10 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Rapport initial du Ghana

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

(CAT/C/GHA/1)

Sur l’invitation du Président, la délégation ghanéenne prend place à la table du Comité.

2.M. Barton-Odro (Ghana) dit que la République du Ghana est un pays très diversifié sur le plan culturel et que 56 langues vernaculaires y coexistent. Depuis l’indépendance, les gouvernements successifs ont mis l’accent sur l’unité du pays plutôt que sur la diversité culturelle, notamment en favorisant les mariages interethniques.

3.La Constitution interdit toute discrimination fondée sur le lieu d’origine, la naissance, l’appartenance ethnique, le sexe, la religion, la conviction ou tout autre type de croyance: les forces armées, la police et les services pénitentiaires ne sont dominés par aucun groupe ethnique. Chacun peut accéder à des postes de responsabilité dans la fonction publique à condition d’en avoir les compétences. La Commission des droits de l’homme et de l’administration de la justice − organe indépendant créé en vertu de la Constitution − est habilitée à recevoir des plaintes émanant de personnes dénonçant une inégalité d’accès à l’emploi dans les services publics, y compris les forces armées, la police et les services pénitentiaires.

4.Les tensions ethniques observées par le passé principalement dans les régions du nord n’ont pas été de nature à mettre en péril la stabilité ni l’unité du pays, et le Gouvernement ghanéen n’a donc jamais été obligé de décréter l’état d’urgence ni amené à faire face à une guerre civile qui l’aurait conduit à restreindre les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Les membres des forces de sécurité et les autres agents qui seraient à même de violer les droits d’autrui sont vivement encouragés à respecter la primauté du droit.

5.En 1975, le Gouvernement ghanéen a fait adopter le décret sur la preuve destiné à réglementer les dépositions avant et pendant le procès afin de faciliter l’administration de la justice. En vertu de ce nouveau décret, les déclarations d’une personne gardée à vue ou soumise à quelque forme de détention que ce soit sont considérées irrecevables si elles n’ont pas été faites en présence d’un témoin indépendant agréé par la personne gardée à vue ou détenue qui n’est pas un membre de la police ou des forces de l’ordre. Ledit témoin doit être en mesure de comprendre la langue de la personne en détention, de lire et de comprendre celle dans laquelle a été faite la déclaration et, en cas de déclaration écrite, attester qu’elle a été faite en la présence de cette personne avec son plein accord, et que le détenu en comprenait tous les termes. Dans l’hypothèse où l’accusé affirmerait à la barre que ces aveux lui ont été arrachés, le tribunal est tenu de vérifier la véracité de ses propos dans le cadre d’un «mini-procès».

6.Depuis qu’il est revenu à l’ordre constitutionnel en janvier 1993, le Ghana se consacre à promouvoir et à faire respecter les droits de tous. Les dispositions relatives aux droits de l’homme ont été solidement ancrées dans la Constitution pour éviter qu’on ne puisse trop facilement les modifier. Toute personne qui affirme être victime d’une violation de son droit à la vie, à la liberté, à la propriété, à un procès équitable, etc., peut attaquer l’État devant la Haute Cour. La Constitution reconnaît les droits fondamentaux de tous les citoyens, quels que soient leur race, leur lieu d’origine, leurs opinions politiques, leur couleur, leur religion, leur croyance ou leur sexe, à la seule condition qu’ils soient exercés dans le respect des droits d’autrui et de l’intérêt public. La Constitution garantit en outre à chacun le droit de pratiquer et de promouvoir sa langue et sa religion et de vivre selon les principes de sa culture et de ses traditions. Le Ghana est en quelque sorte devenu un havre de paix et de stabilité en Afrique. Les droits et libertés étaient déjà garantis par la Constitution avant que le Ghana n’adhère aux conventions internationales relatives aux droits de l’homme, et les cas d’aveux obtenus sous la torture ou autres formes de mauvais traitements y sont donc rares.

7.Le Ghana s’efforce de faire respecter les dispositions constitutionnelles et autres lois pour protéger les droits des personnes face aux agents de l’État qui seraient en position de les violer. Ainsi, dans l’affaire Issah Mohammed, alias Molbila, encore fraîche dans la mémoire de tous les Ghanéens, l’examen post mortem a permis de conclure que les trois soldats qui l’avaient admis lors de son placement en détention militaire l’avaient battu à mort. Ils ont donc été inculpés de meurtre, ce qui au Ghana emporte la peine capitale. L’affaire est actuellement devant la Haute Cour.

8.Le Ghana s’est toujours employé à faire respecter le droit international et à s’acquitter de ses obligations conventionnelles. En décembre 2010, lors de son adhésion au Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, il a fait une déclaration par laquelle il a reconnu la compétence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples pour recevoir des requêtes émanant directement de particuliers et d’organisations non gouvernementales (ONG) dénonçant des violations des droits de l’homme.

9.D’autre part, bien que le Protocole facultatif à la Convention contre la torture, qui a été approuvé par le Conseil des ministres, n’ait pas encore été ratifié par le Parlement, la Commission des droits de l’homme et de l’administration de la justice est déjà habilitée, en vertu de son mandat, à effectuer des visites dans les lieux de détention du pays afin de prévenir la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

10.Le Président (Rapporteur pour le Ghana), se référant aux paragraphes 41 et 101 du rapport à l’examen, demande si l’État partie a l’intention de transposer dans son Code pénal une définition de la torture assortie de peines appropriées, et quelle est à l’heure actuelle la définition de cette pratique au Ghana, si la Convention est directement applicable devant les tribunaux nationaux et, dans l’affirmative, si certaines de ses dispositions ont déjà été invoquées dans le cadre de procédures judiciaires. La délégation ghanéenne pourrait aussi indiquer si en pratique il existe dans les prisons des quartiers séparés pour les personnes qui exécutent une peine et celles qui sont en attente de jugement. Le Rapporteur souhaiterait, par ailleurs, savoir si les tribunaux ghanéens continuent de prononcer des condamnations à la peine de mort et si cette peine est encore appliquée, et dans l’affirmative, si l’État partie a l’intention de l’abolir. Notant que l’État partie a prévu la possibilité, en cas d’état d’urgence, de déroger à certains droits constitutionnels − y compris le droit de ne pas être soumis à la torture −, le Président rappelle qu’en vertu de la Convention, ce droit est absolu et ne peut faire l’objet d’aucune restriction. La délégation ghanéenne pourrait aussi indiquer si l’État partie entend donner suite à la demande du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui a émis en 2010 le souhait d’effectuer une visite dans le pays. Des informations seraient les bienvenues sur la manière dont l’État partie entend informer la population de l’existence des bureaux mis en place dans tous les chefs-lieux des régions dans le cadre du programme d’aide juridictionnelle aux indigents et des centres de médiation communautaire créés dans diverses communautés pour assurer la représentation en justice des pauvres, d’autant plus que le pays comprend 56 communautés linguistiques différentes. Il serait en outre intéressant de connaître le nombre exact d’avocats associés au programme d’aide juridictionnelle, et de savoir s’ils sont tenus de suivre une formation aux dispositions de la Convention et s’il n’existe pas un lien entre le surpeuplement carcéral et la pénurie d’avocats et enfin si l’État partie a tenté de mettre en place un système informatisé et centralisé d’enregistrement de tous les placements en détention de manière à toujours avoir une idée précise de la situation carcérale dans le pays. La délégation ghanéenne voudra bien en outre donner de plus amples informations sur le régime carcéral des jeunes délinquants et indiquer si l’État partie entend porter l’âge de la responsabilité pénale à 18 ans et s’il veille à réduire au maximum le délai entre la demande de soins d’un détenu et l’accès à un médecin. Le Comité aimerait aussi savoir si, en pratique, l’État partie autorise les organisations non gouvernementales à se rendre dans les centres de détention et à rencontrer les détenus de leur choix, s’il a prévu d’augmenter les fonds budgétaires alloués à la Commission des droits de l’homme et de l’administration de la justice pour lui permettre de se doter d’un personnel compétent qui est habilité à effectuer des visites, et si ladite Commission a déjà été saisie de plaintes pour torture ou a déjà établi dans les lieux de détention la preuve de l’existence de mauvais traitements dans des établissements pénitentiaires. La délégation ghanéenne pourrait également préciser si l’État partie a mis en place un mécanisme pour éviter que les femmes soupçonnées de sorcellerie ne fassent l’objet de persécutions et d’actes de violence graves − qui dans certains cas ont déjà entraîné la mort − et si un appui est fourni à la société civile pour qu’elle puisse sensibiliser la population à ce problème et lutter ainsi contre les accusations fallacieuses dont sont victimes ces femmes.

11.Le Rapporteur voudrait savoir quelles sont les attributions du nouveau Conseil chargé des réfugiés instauré en janvier 2011, et s’il est arrivé que des réfugiés soient renvoyés dans leur pays d’origine alors qu’ils faisaient valoir qu’ils risquaient d’y être exposés à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants et, le cas échéant, si l’État partie a obtenu au préalable, de l’État de destination des assurances diplomatiques que l’intéressé ne sera pas soumis à la torture. Notant que les quelque 14 000 réfugiés vivant dans des camps ont dans une certaine mesure accès à l’éducation, aux soins de santé et à un logement et se voient délivrer un permis de travail, le Président demande quel est le montant des ressources allouées à la prise en charge des réfugiés − qui sont 1 300 à arriver au Ghana chaque semaine − et ce que l’État partie fait pour combattre la violence dont sont victimes les femmes et les enfants se trouvant dans ces camps.

12.Il serait utile de connaître la durée des peines prononcées pour violation du décret sur le Service des prisons (par. 81) portant interdiction de la torture et des mauvais traitements et de savoir s’il existe un mécanisme indépendant de surveillance de l’application de ce décret, qui vise les membres des forces de l’ordre et les personnels pénitentiaires, si la pratique de la flagellation («canning») − interdite par la Convention − est fréquente dans le pays et si le décret susmentionné et les dispositions du Code pénal précisent bien que l’ordre d’un supérieur ne peut être invoqué pour justifier la torture.

13.Le Rapporteur demande comment le Ghana s’acquitte de ses obligations en vertu de l’article 5 de la Convention et s’il a pris en particulier les mesures nécessaires pour établir sa compétence, en cas de non-extradition d’un délinquant, conformément au paragraphe 2 de l’article 5. S’agissant de l’article 8 de la Convention, il voudrait savoir si le Ghana a conclu des traités d’extradition aux niveaux bilatéral et multilatéral et s’il a déjà reçu des demandes d’extradition de personnes soupçonnées de torture. Enfin, le Rapporteur souhaite savoir si l’État partie a conclu des accords d’entraide judiciaire avec d’autres pays, y compris pour des procédures relatives à des infractions de torture et, dans l’affirmative, combien de demandes d’entraide judiciaire il a reçues.

14.MmeSveaass (Corapporteuse pour le Ghana) demande des renseignements détaillés sur les activités et la situation financière de la Commission des droits de l’homme et de l’administration de la justice, créée en 1992. Elle fait observer que la Commission aurait dû présenter un rapport distinct de celui de l’État partie et que ses représentants ne devraient pas faire partie de la délégation ghanéenne. Par ailleurs, elle voudrait savoir si une enquête a été ouverte sur le décès du directeur de district de la Commission, survenu à Bawku en 2009. La Corapporteuse se fait l’écho des préoccupations exprimées par la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, Mme Ertürk, à la suite de sa mission au Ghana en 2007, au sujet de l’ampleur de la violence à l’égard des femmes et des enfants au Ghana. Bien qu’officiellement illégales, les mutilations génitales féminines sont encore pratiquées, de même que d’autres traditions qui constituent une forme moderne d’esclavage des jeunes filles. Mme Sveaass demande quelles sont les mesures prises pour mettre un terme à ces pratiques et punir leurs auteurs, et quels sont les mécanismes de plainte et les services de protection auxquels peuvent s’adresser les victimes. Elle voudrait aussi savoir si l’État mène des campagnes de sensibilisation aux droits de la femme, notamment pour combattre le harcèlement sexuel à l’école.

15.S’agissant de l’article 10 de la Convention, la Corapporteuse note avec préoccupation que la formation de la police dans le domaine des droits de l’homme laisse à désirer. Elle demande des renseignements sur les programmes d’information concernant l’interdiction de la torture et sur la formation dispensée aux forces de l’ordre pour déceler les actes de torture, notamment au moyen du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul). La délégation ghanéenne est invitée à fournir aussi des renseignements sur les programmes de formation à l’intention des agents de l’Unité d’appui aux victimes de la violence familiale.

16.En ce qui concerne l’article 11 de la Convention, la Corapporteuse note que les lieux de détention sont surpeuplés et que nombre d’entre eux n’étaient initialement pas conçus pour accueillir des prisonniers. Au paragraphe 92 de son rapport, l’État partie reconnaît avec franchise que «la probabilité pour que les actes de torture soient perpétrés dans les centres de détention est très élevée, ce qui a amené l’État à créer des salles d’interrogatoire dans certains centres de détention à titre expérimental». La Corapporteuse demande si les interrogatoires font l’objet d’un enregistrement vidéo et si cette initiative a une réelle incidence sur la réduction des risques de torture. D’une manière générale, elle demande davantage de renseignements sur les mesures prises pour améliorer les conditions d’accueil carcéral. Par ailleurs, selon certaines sources comme Amnesty International, les visites dans les prisons ne seraient pas toujours autorisées et les conditions de détention ne feraient l’objet d’aucune supervision. La délégation ghanéenne est invitée à réagir à ces informations. Mme Sveaass évoque aussi le grand nombre de personnes placées en détention dans l’attente d’un jugement et le fait que certaines seraient même oubliées par le système judiciaire. Elle demande à cet égard si toutes les personnes sont enregistrées dès leur placement en détention. De même, elle voudrait en savoir plus sur les dizaines d’immigrés clandestins qui seraient placés dans des centres de détention pendant de très longues périodes.

17.La Corapporteuse demande s’il existe un mécanisme permettant de contrôler et de suivre la situation des personnes placées, de leur plein gré ou non, dans des établissements de santé, notamment des hôpitaux psychiatriques. Elle évoque des cas dans lesquels des handicapés mentaux auraient été maltraités, notamment dans l’hôpital psychiatrique d’Accra où les conditions d’accueil seraient effroyables. Elle voudrait avoir des renseignements sur le recours aux électrochocs, à la médicamentation forcée et à divers mécanismes de contrainte sur les personnes placées dans des établissements de santé. D’une manière générale, la Corapporteuse demande quel est le budget alloué à la santé en général et aux services de santé mentale en particulier.

18.Mme Sveaass voudrait savoir si le Bureau du renseignement et des normes professionnelles de la police, qui est chargé de vérifier si les incidents dus à des fautes professionnelles de ses agents, a effectivement été saisi de 882 plaintes au cours des neuf premiers mois de 2009. Elle demande des renseignements sur la suite donnée aux plaintes faisant état de harcèlement, d’arrestations arbitraires et de détention accompagnée de violations des droits de l’homme, et sur les procédures en place pour ouvrir des enquêtes indépendantes au sujet des allégations de torture impliquant des agents des forces de l’ordre.

19.Notant que le rapport à l’examen ne contient guère d’informations sur les mécanismes de plainte, la Corapporteuse demande quel est le nombre de plaintes officiellement enregistrées dans les prisons, dans les locaux de police et dans les établissements psychiatriques. Elle souhaite aussi obtenir des renseignements concrets sur les programmes de protection de témoins et les mesures de réparation et d’indemnisation des victimes. Concernant l’article 15, elle voudrait savoir si la justice a déjà écarté des témoignages et des déclarations dont il était établi qu’ils avaient été obtenus par la torture. S’agissant de la traite, la Corapporteuse voudrait savoir si le Ghana envisage de ratifier la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et si la loi sur la traite des êtres humains, adoptée en 2005, a contribué à mieux lutter contre ce fléau. Elle demande combien de personnes ont fait l’objet d’enquêtes, de poursuites et de condamnations dans le cadre d’affaires de traite et quelles sont les structures en place (centres d’hébergement, assistance médicale, aide juridique, etc.) pour venir en aide aux victimes. Enfin, la Corapporteuse évoque des incidents récurrents depuis 2006, lors desquels des orpailleurs indépendants ont été passés à tabac et, dans certains cas, abattus par des agents de sécurité de grandes compagnies d’exploitation aurifère. Elle demande si l’État a identifié et jugé les responsables.

20.M.Gallegos Chiriboga voudrait des renseignements détaillés sur les conditions de vie des personnes placées dans des établissements de santé, en particulier l’hôpital psychiatrique d’Accra. Il demande s’il existe un mécanisme permettant aux personnes maltraitées de porter plainte contre le personnel d’encadrement. Il exhorte l’État partie à combattre l’impunité et la violence dans les établissements de santé.

21.MmeBelmir, notant au paragraphe 10 du rapport à l’examen qu’aucun organe relevant du Président ou du Parlement ne possède ni ne doit se voir attribuer «un pouvoir judiciaire définitif», demande ce que signifie l’expression «pouvoir judiciaire définitif». Elle s’étonne aussi de lire au paragraphe 24 qu’un tribunal peut supprimer la liberté ou les droits de l’homme d’une personne et souligne que cette notion de suppression prête à confusion dans la mesure où il n’est pas possible de supprimer les droits fondamentaux d’une personne. MmeBelmir s’inquiète de l’insalubrité et de la vétusté des prisons ghanéennes et s’interroge sur le degré de protection des droits des personnes détenues dans ces lieux. Elle voudrait connaître le point de vue de la délégation concernant les lacunes et les défaillances des systèmes judiciaire et pénitentiaire qui font que des individus peuvent être détenus pendant des mois, voire des années, dans l’attente d’un jugement. Enfin, elle demande quelles sont les mesures prises pour remédier aux problèmes d’accès à la justice qui sont dus à de multiples facteurs tels que le montant élevé des honoraires, l’éloignement géographique des tribunaux, et la tendance des chefs religieux traditionnels à usurper le pouvoir de la justice.

22.M. Gaye voudrait savoir ce que l’État partie entend, au paragraphe 3 de son rapport, par «citoyens adultes». Au paragraphe 26, il est dit qu’une personne peut être arrêtée si elle est légitimement soupçonnée d’avoir commis ou d’être sur le point de commettre une infraction pénale. Il serait utile de savoir quelle autorité détient ce pouvoir d’arrestation; la délégation pourrait également indiquer si l’exercice de ce pouvoir peut faire l’objet d’un contrôle et, dans l’affirmative, en décrire les modalités. Dans son rapport, l’État partie insiste sur la nécessité de présenter rapidement les personnes arrêtées à un juge; il y a lieu de se demander comment cet objectif est atteint au vu de la lenteur du système de justice pénale ghanéen.

23.Il est indiqué dans le rapport que les tribunaux «ne sont pas tenus» de considérer des éléments de preuve obtenus sous la torture comme recevables. Il serait sans doute plus conforme à la Convention de dire que les tribunaux «sont tenus» d’écarter de tels éléments. Il est également question dans le rapport, de détention au secret mais sans plus de précisions. Des éclaircissements à ce sujet seraient les bienvenus, s’agissant en particulier des règles qui régissent ce type de détention. Il semblerait, par ailleurs, qu’en cas de circonstances exceptionnelles, une personne arrêtée puisse être détenue pendant dix jours avant d’être présentée à un juge. Quels commentaires la délégation peut-elle faire à ce sujeet? Le Comité voudrait en savoir davantage sur les garanties d’indépendance et les pouvoirs d’enquête du Bureau du renseignement et des normes professionnelles de la police. S’agit-il du seul organe habilité à connaître des plaintes pour actes de torture ou mauvais traitements imputés à la police? Les victimes ont-elles aussi la possibilité de saisir les juridictions ordinaires? Enfin, eu égard au surpeuplement carcéral, il serait utile de savoir si les tribunaux appliquent des peines de substitution.

24.M. Mariño Menéndez note que le Ghana a ratifié le deuxième Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Ces instruments n’ont pas encore été incorporés dans le droit interne; des mesures devraient donc être prises rapidement pour accélérer les procédures législatives engagées à cette fin. Des organisations non gouvernementales ont appelé l’attention du Comité sur des cas présumés de corruption dans l’administration de la justice, lesquels pourraient s’expliquer en partie par les lenteurs du système. Sachant qu’il est dit au paragraphe 12 du rapport qu’aucun magistrat ne peut être poursuivi au pénal ni au civil pour une action ou omission dans l’exercice de ses fonctions, la délégation pourrait-elle indiquer si tout fait de corruption présumé dans ce contexte donne systématiquement lieu à une enquête.

25.La délégation a évoqué la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala); il serait utile d’en savoir davantage sur la protection offerte au titre de cet instrument, notamment sa durée. Est-ce que la Convention a récemment été appliquée à des ressortissants ivoiriens? Le décret sur la preuve de 1975 exige la présence d’un «témoin indépendant» pendant les interrogatoires. Des précisions sur son rôle seraient les bienvenues, de même que des renseignements sur les méthodes d’interrogatoire utilisées. Est-ce que, d’autre part, la présence d’un avocat pendant la garde à vue est obligatoire? La délégation pourrait aussi préciser dans quelle mesure le droit coutumier est encore appliqué dans l’État partie, notamment certaines de ses règles qui sont discriminatoires à l’égard des femmes en matière de propriété et d’héritage.

26.M. Bruni voudrait savoir pourquoi les mesures visant à incorporer les dispositions de la Convention dans le droit interne n’ont pas encore été adoptées. Au paragraphe 101 du rapport, il est dit que le problème de l’absence de législation spécifique concernant l’incorporation de la Convention dans le droit interne sera traité. Le Comité voudrait savoir quels progrès ont été accomplis en ce sens depuis la publication de ce document il y a près d’un an. Des précisions seraient également les bienvenues sur les compétences de la Commission des droits de l’homme et de la justice administrative pour connaître des affaires de tortures ou de mauvais traitements imputés à la police. Quels recours peuvent être, à cet égard, exercés par les détenus victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements infligés par un ou plusieurs surveillants? Dans son rapport, l’État partie indique que, pour prévenir la torture, des hauts responsables sont présents dans les salles d’interrogatoire de certains centres de détention. La délégation pourrait-elle donner des détails sur leur rôle et fournir des indications sur les méthodes d’interrogatoire employées?

27.Le Comité voudrait savoir s’il existe, au sein de l’armée, un mécanisme permettant à un subordonné de contester ou de refuser l’ordre d’un supérieur tendant à ce qu’un acte de torture soit commis. Les policiers reconnus coupables d’actes de torture ou d’incitation à commettre de tels actes peuvent-ils également se voir appliquer les peines prévues par le Code pénal? Au paragraphe 98 du rapport, il est dit que dans le cadre du programme «Justice pour tous», des juges se rendent dans les maisons d’arrêt pour entendre les prévenus et statuer rapidement sur leur cas. Que faut-il entendre par «rapidement»? Il semblerait que la responsabilité de l’État ne soit pas engagée par des actes de torture ou des mauvais traitements imputés à ses agents, dont la responsabilité personnelle serait seule à être mise en cause; des éclaircissements à ce sujet seraient les bienvenus. M. Bruni appelle, par ailleurs, l’attention de la délégation sur l’article 32 de la Constitution, en vertu duquel le nom de la personne détenue est publié au journal officiel et dans la presse dans les dix jours qui suivent le placement en détention, une mesure qui peut constituer un traitement humiliant. Enfin, le Comité voudrait savoir où en sont les travaux de construction de la nouvelle prison d’Ankaful.

28.MmeKléopas dit que pour gagner du temps, elle s’en tiendra à quelques questions ou observations précises. Rappelant le principe de l’interdiction absolue de la torture, elle demande si cette pratique est prescriptible en droit ghanéen et si des auteurs d’actes de torture ont déjà été amnistiés au Ghana. Elle appelle l’attention de la délégation sur le fait que les enquêtes sur les plaintes relatives à des actes de torture visant la police doivent être confiées à des mécanismes pleinement indépendants. Il semblerait que le Bureau du renseignement et des normes professionnelles de la police, chargé d’enquêter sur les agissements fautifs des membres de la force publique, ne présente pas toutes les garanties voulues à cet égard. Il serait, par ailleurs, utile de savoir si des modifications ont été apportées au projet de loi sur la santé mentale de façon à le mettre en conformité avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Il semblerait que le pays compte 42 centres de détention pour mineurs, ce qui est beaucoup. Rappelant que la détention doit toujours être l’exception en matière de justice pour mineurs, Mme Kléopas demande quel est l’âge de la responsabilité pénale au Ghana.

29.MmeGaer,notant que le Ghana a ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, voudrait savoir quelles mesures prendraient les autorités si des particuliers poursuivis par la Cour, notamment pour des actes de torture, se présentaient aux frontières. Elle souhaite également savoir comment le droit des personnes privées de liberté à une assistance médicale est garanti dans la pratique et si les intéressés peuvent faire appel au médecin de leur choix. Au paragraphe 46 du rapport, il est dit que toutes les précautions doivent être prises pour écarter le risque d’évasion au cours de la visite médicale ou sur le trajet entre la cellule et la salle de consultation. Que faut-il entendre par «précautions» et est-ce que les autorités ont déjà été saisies de plaintes relatives à des mauvais traitements qui auraient été infligés dans ce contexte?

30.Il est contradictoire d’affirmer d’une part que l’utilisation de la torture pour obtenir des aveux est rare au Ghana et de reconnaître d’autre part que la probabilité d’actes de torture dans les centres de détention est très élevée. Quoi qu’il en soit, Mme Gaer voudrait savoir si les salles d’interrogatoire créées par le Gouvernement contribuent efficacement à la prévention de la torture? Concernant l’affaire de la morgue de l’Hôpital militaire no 37, il est indiqué dans le rapport que les auteurs présumés des faits ont tous été punis − soldats dégradés et civils licenciés − mais on ne sait pas si les intéressés ont également été poursuivis et condamnés à des peines d’emprisonnement. Qu’en est-il exactement? Il semblerait par ailleurs que, selon certaines informations, des femmes soient détenues à l’hôpital régional de Koforidua car elles ne seraient pas en mesure de s’acquitter de frais médicaux engagés. Quelles mesures ont été prises par le Gouvernement pour mettre fin à cette situation? Mme Gaer voudrait également savoir s’il existe des mécanismes de surveillance de la violence sexuelle dans les prisons, si les victimes sont encouragées à porter plainte et si des condamnations ont déjà été prononcées pour des actes de violence sexuelle.

31.M. Wang Xuexian, notant que, d’après la déclaration liminaire du chef de la délégation ghanéenne, toute personne affirmant que ses droits ont été violés a la possibilité de poursuivre l’État devant la Haute Cour, demande si des exemples concrets d’utilisation de ce recours pourraient être fournis. Selon la même déclaration, les membres des forces de sécurité et les autres agents de l’État qui sont susceptibles, de par leur position, de porter atteinte aux droits des personnes, sont vivement encouragés à respecter la primauté du droit. M. Wang Xuexian est d’avis que l’État partie devrait agir plus résolument à cet égard et faire en sorte que tous les agents de la force publique sans exception soient, non seulement encouragés à agir dans le respect de la légalité mais informés de l’obligation absolue qui leur incombe en la matière. Enfin, l’expert fait remarquer que même s’il n’existe pas de règle quant à la présence d’un représentant du mécanisme national de prévention dans la délégation d’un État partie au cours du dialogue avec le Comité et que l’indépendance du mécanisme national de prévention ghanéen n’est pas mise en cause, une telle présence peut éventuellement être perçue comme un manque d’indépendance, dans la mesure où les membres d’une délégation représentent le gouvernement de leur pays d’origine.

La délégation ghanéenne se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 h 20.