Nations Unies

CAT/C/SR.1078

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

1er octobre 2013

Français

Original: anglais

Comit é contre la t orture

Quarante-huitième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 10 78 e séanceTenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 22 mai 2012, à 10 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Deuxième rapport périodique de Cuba

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Deuxième rapport périodique de Cuba (CAT/C/CUB/2; CAT/C/CUB/Q/2 et Add.1)

1. À l’invitation du Président, la délégation de Cuba prend place à la table du Comité.

2.M. Pino Bécquer (Cuba) dit que le deuxième rapport périodique de Cuba est le résultat de larges consultations participatives auxquelles ont été associés des organes du Gouvernement et de l’État, le Parlement, des ONG et d’autres institutions, qui ont procédé ensemble à une évaluation objective de l’application effective de la Convention par le pays.

3.La torture et les peines et traitements cruels, inhumains et dégradants étaient couramment pratiqués par les autorités cubaines jusqu’en 1959 et ont atteint un paroxysme pendant la dictature sanglante de Fulgencio Batista. La révolution cubaine, inspirée par des valeurs humaines et éthiques, a mis fin à de telles pratiques. Cuba s’est acquitté de ses obligations au titre de la Convention depuis qu’il est devenu un État partie en 1995. Cependant, l’État n’est pas en mesure d’exercer sa souveraineté sur le territoire qui est actuellement occupé par la base navale des États-Unis dans la baie de Guantánamo, base qui a été convertie en centre international de torture.

4.Certains aspects du régime pénitentiaire et des conditions de détention doivent encore être améliorés. Il est important de noter, cependant, que malgré les difficultés économiques que Cuba a rencontrées, il n’a jamais invoqué ces difficultés pour justifier un déni de justice ou empêcher des personnes privées de liberté de jouir de leurs droits fondamentaux. Le Plan directeur pour l’investissement dans le régime pénitentiaire, qui porte sur la période allant jusqu’à 2017, est en cours d’application, et le budget alloué permettra de rénover progressivement les locaux pénitentiaires et d’améliorer les conditions de vie. Les travaux de modernisation sont déjà achevés dans un grand nombre d’unités de visite – visites générales et conjugales – d’espaces cuisine et repas, de salles de classe et d’unités de soins médicaux.

5.Les 95 Règles minima pour le traitement des détenus sont une pierre angulaire du régime pénitentiaire cubain. Des moyens d’enseignement sont en place, et les personnes privées de leur liberté sont encouragées à améliorer leur conduite par un système prévoyant une réduction progressive de la sévérité du régime carcéral, avec pour objectif l’octroi d’une libération anticipée. Des dispositions ont également été prises en vue de faciliter la réinsertion sociale, plus particulièrement des jeunes. La population carcérale a bénéficié de programmes éducatifs qui se sont traduits par une amélioration des relations entre les détenus et leur famille, par de meilleures communications avec le personnel pénitentiaire et les agents chargés de la réadaptation, et par un environnement carcéral tourné vers l’avenir. Quarante-sept pour cent de la population carcérale suivent aujourd’hui un enseignement à différents niveaux, 43 % suivent des cours de formation professionnelle et 3 079 détenus ont achevé des études universitaires depuis 2002. À titre humanitaire, des grâces ont été accordées en 2011, dans le strict respect de la loi, à 2 992 personnes condamnées, parmi lesquelles des jeunes dont le niveau de développement culturel et les perspectives de réinsertion sociale s’étaient améliorés. Chaque année, la Cour suprême du peuple, le Cabinet du Procureur général de la République et les unités spécialisées du Ministère de l’intérieur procèdent à l’évaluation systématique des personnes condamnées et approuvent leur libération anticipée, compte tenu de leur comportement, de la nature des infractions commises, de leur situation familiale et de leur état de santé.

6.La législation existante, y compris les instruments applicables aux lieux de détention, comporte les garanties universellement acceptées visant à protéger toutes les personnes contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Des mesures pratiques ont été également prises afin de prévenir la commission d’actes constituant une violation de la Convention et contraires à la législation nationale. Les définitions que le droit pénal cubain donne des infractions concernées sont compatibles avec les dispositions de la Convention, et les actes de torture et les mauvais traitements sont absolument interdits. L’impunité n’est ni tolérée ni protégée par des lois ou des règlements quels qu’ils soient.

7.Cependant, les autorités cubaines ne sont pas satisfaites des résultats obtenus jusqu’à présent et prennent des mesures pour garantir le respect de toutes les dispositions normatives et pratiques de la Convention. Par exemple, des études sont en cours en vue d’amender et de mettre à jour le Code pénal. La définition du crime de torture sera plus explicite et sera alignée sur la Convention. L’Assemblée nationale du pouvoir populaire a décidé, en décembre 2011, de rénover la législation pénale. Cependant, les difficultés matérielles, y compris le blocus économique imposé par le Gouvernement des États-Unis, ont entravé la rénovation de certaines installations carcérales. Le blocus touche tous les aspects de la vie à Cuba et les dommages qu’il a infligés à l’économie s’élèvent à 104 000 millions de dollars des États-Unis.

8.L’établissement de statistiques est un défi pour tous les pays en développement et l’intervenant n’est pas en mesure de fournir au Comité toutes les données statistiques détaillées qu’il a demandées. La législation pénale cubaine ne donne pas de définition de l’infraction de violence faite aux femmes, mais impose des sanctions applicables aux comportements qui pourraient constituer une telle infraction et à la violence en général. Il est difficile, cependant, de fournir des statistiques désagrégées sur le nombre de poursuites intentées pour des cas de violence faite aux femmes.

9.Le retard avec lequel le rapport est présenté n’implique de la part de Cuba aucune négligence dans l’exécution de ses obligations au titre de la Convention. Le dialogue actuel a lieu dans des circonstances particulières. Cuba est victime d’une politique hostile du Gouvernements des États-Unis, destinée à favoriser l’instabilité intérieure et à renverser l’ordre constitutionnel choisi librement par le peuple cubain, en d’autres termes à promouvoir un «changement de régime». Les mécanismes des Nations Unies chargés des droits de l’homme sont en outre manipulés à cette fin. Ceux qui sont derrière la campagne contre le pays de l’intervenant ont eu recours à des mensonges et à des distorsions des faits. Le Comité doit être conscient de ces circonstances pour conduire une évaluation objective et impartiale de la situation à Cuba. Cuba a répondu aux communications qu’il a reçues des procédures de l’ONU chargées des droits de l’homme, mais déplore que les sources et la crédibilité des allégations n’aient pas été examinées de plus près.

10.Les questions très diverses figurant sur la liste établie par le Comité ont nécessité des consultations nationales d’une grande ampleur. Certaines de ces questions semblent avoir été formulées sur la base d’allégations biaisées et fausses émanant de sources qui appuient la politique hostile du Gouvernement des États-Unis. Par exemple, la question 22 de la liste mentionne des personnes qui seraient en grève de la faim. Certaines des personnes concernées n’étaient même pas détenues à l’époque et d’autres n’ont jamais entrepris de grève de la faim. Les autorités cubaines observent strictement la Déclaration de Malte de l’Association médicale mondiale sur les grévistes de la faim lorsqu’elles ont à traiter des cas de ce genre. Une assistance médicale de qualité est assurée. Toutes les personnes privées de leur liberté reçoivent des soins médicaux gratuits et des soins stomatologiques garantis.

11.À la question 26, des données statistiques sont demandées sur les plaintes concernant des actes de torture ou des mauvais traitements. Le Cabinet du Procureur général de la République accorde une haute priorité aux informations, aux plaintes et aux pétitions émanant des citoyens faisant état d’une conduite irrégulière et de violations des normes juridiques. Entre 2007 et 2011, le Cabinet du Procureur général a traité 419 982 informations, plaintes ou pétitions, émanant de citoyens, concernant des procédures civiles, pénales ou administratives ou le droit du travail. À la suite des enquêtes menées sur les 263 plaintes faisant état de mauvais traitements dans des locaux pénitentiaires ou dans des centres de détention, le Cabinet du Procureur général a constaté que 46 fonctionnaires chargés de l’application des lois encouraient une responsabilité pénale.

12.Les personnes qualifiées de «défenseurs des droits de l’homme» visées à la question 32 et dans le reste de la liste ne remplissent pas les conditions requises par la Déclaration de 1998 relatives aux défenseurs des droits de l’homme pour recevoir une telle appellation. Agissant au service et selon les instructions d’une puissance étrangère, elles cherchent essentiellement à saper et détruire l’ordre juridique interne de Cuba, dans le cadre duquel devraient être conduites toutes les activités de cette nature, conformément à l’article 3 de la Déclaration. À Cuba, les véritables défenseurs des droits de l’homme sont protégés. Personne n’a été poursuivi ou puni pour avoir exercé l’un quelconque de ces droits, y compris le droit à la liberté d’expression, d’opinion et d’association, garantis par la Constitution et les lois de la République, qui sont entièrement compatibles avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Enfin, l’intervenant note que Cuba n’a épargné aucun effort pour donner suite aux recommandations formulées par le Comité en 1997.

13.M. Mariño Menéndez(Rapporteur de pays), notant le ferme attachement de l’État partie à sa souveraineté, se réjouit que l’État partie accepte une surveillance internationale, par exemple de la part du Comité et du groupe de travail de l’Examen périodique universel. En tant que Rapporteur de pays, l’intervenant a également consulté les rapports de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, qui est sans doute au-dessus de tout soupçon.

14.Cuba est un petit pays qui peut être fier de réussites majeures dans les domaines du développement social, des soins de santé et de l’éducation. Comme indiqué par la délégation, il a un très puissant voisin qui est hostile au régime cubain, état de fait qui a eu toute une gamme de conséquences économiques et politiques, dont le Comité a généralement tenu compte. Les droits de l’homme sont indivisibles et interdépendants, comme il est reconnu dans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne de 1993. Les progrès concernant les droits économiques, sociaux et culturels devraient s’accompagner de progrès dans le domaine des droits civils et politiques. Vu l’absence de statistiques, plus spécialement en ce qui concerne l’application des dispositions de la Convention dans les lieux de privation de liberté, le Comité peut difficilement suivre la situation dans l’État partie. Tout en accueillant avec satisfaction les chiffres soumis par la délégation au sujet des plaintes présentées au cours de la période 2007-2011, l’intervenant souligne la nécessité de statistiques supplémentaires désagrégées.

15.Comme le Comité l’a recommandé dans ses observations finales sur le rapport initial de l’État partie (A/53/44), la torture, telle qu’elle est définie dans la Convention, devrait être clairement identifiée et criminalisée. C’est pourquoi l’intervenant accueille avec satisfaction l’annonce faite par la délégation, selon laquelle l’Assemblée nationale du pouvoir du peuple a approuvé la modification et la mise à jour du Code pénal. Certes, comme il est noté dans le rapport, la législation pénale cubaine comporte toute une série d’infractions pouvant être des éléments constitutifs du crime de torture, par exemple l’abus d’autorité, les voies de fait, la privation de liberté, les menaces, la contrainte, les sévices sexuels et la maltraitance des prisonniers de guerre, mais la certitude juridique implique nécessairement que la torture soit définie en tant qu’infraction distincte et soit passible d’une peine correspondant à la gravité du crime.

16.Selon la Constitution, les traités internationaux l’emportent sur le droit interne. L’intervenant demande si la Convention a été invoquée directement dans un jugement prononcé par un tribunal cubain. Le Comité estime que la peine de mort constitue un traitement inhumain et recommande aux États parties de l’abolir. Il semble y avoir à Cuba un moratoire de fait, puisque aucune condamnation à la peine de mort n’a été prononcée depuis 2003. L’intervenant demande si les autorités ont l’intention d’adopter une législation abolissant entièrement la peine de mort.

17.Les États parties sont tenus d’adopter des mesures visant à prévenir et éliminer le recours des forces de l’ordre à la torture et aux mauvais traitements. L’intervenant voudrait savoir qui est officiellement autorisé à détenir une personne au nom de l’État. Par exemple, une personne peut-elle être détenue par les services de renseignement? Il y a une pratique, connue sous le nom d’arrestation ou détention de courte durée, qui aurait pour but d’exercer un contrôle sur les activités politiques de certains partis. Selon la Commission interaméricaine des droits de l’homme, qui a utilisé l’expression détention arbitraire temporaire, la période de détention, qui est initialement de vingt-quatre heures, peut être prolongée jusqu’à sept jours. L’intervenant demande si la détention de courte durée est consignée dans un registre officiel, si les personnes détenues peuvent contacter leur famille et combien de temps dure habituellement ce type de détention. Selon le rapport, l’habeas corpus est garanti en vertu de la législation cubaine. L’intervenant voudrait savoir si l’habeas corpus s’applique également à la détention de courte durée et, dans l’affirmative, s’il y a des décisions judiciaires pertinentes. Il s’interroge sur la distinction faite dans le Code de procédure pénale entre la détention provisoire et la détention avant jugement et demande si le Procureur général de la République peut faire passer un détenu d’une catégorie de détention à une autre. Il s’interroge aussi sur les circonstances dans lesquelles les deux formes de détention peuvent être prolongées jusqu’à cent quatre-vingts jours.

18.Le Comité a été informé de certaines pratiques qui auraient cours à Cuba, qui semblent constituer un traitement inhumain, par exemple les menaces collectives ou les actes de répudiation ou de harcèlement dirigés contre des militants sociaux ou politiques ou des opposants au régime. L’intervenant demande si les autorités ont pris des mesures contre les auteurs de tels actes. Notant l’existence à Cuba de centres de détention qui ne sont pas soumis au contrôle du Procureur général de la République ou des tribunaux, il demande combien il y a de ces centres et combien de personnes y sont détenues. Quand des décès surviennent dans des lieux de détention, quelle sorte d’enquête est conduite et les résultats sont-ils rendus publics?

19.L’intervenant recommande que Cuba ratifie la Convention relative au statut des réfugiés et le Protocole s’y rapportant, la Convention sur la réduction des cas d’apatridie et la Convention relative au statut des apatrides. Cuba a signé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, mais ne les a pas encore ratifiés. Néanmoins, l’intervenant est heureux de noter que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels fait partie des stages de formation que l’État partie organise à l’intention des juges et des procureurs.

20.Le Comité a eu connaissance de cas d’expulsion forcée ou de bannissement permanent de citoyens cubains par l’État partie. Les personnes concernées se verraient refuser la possibilité de retourner et s’exposeraient à des poursuites pénales si elles entraient dans le pays. Leur statut est donc l’équivalent du statut d’apatride. L’intervenant demande si leurs enfants peuvent acquérir la nationalité cubaine. L’expulsion est une option qui a été apparemment offerte à certains détenus, mais ils ont préféré rester dans le pays. L’intervenant demande quelle est leur situation actuelle. Au demeurant, José Daniel Ferrer a été libéré de prison, mais informé qu’il faisait encore l’objet d’inculpation pour «désordre public».

21.Le Comité a eu connaissance d’informations selon lesquelles les mouvements de certaines personnes à l’intérieur de l’État partie seraient soumis à des restrictions, ce qui serait une forme de surveillance ou de punition. L’intervenant demande quelle est l’autorité qui refuse à des personnes le droit de se déplacer librement à travers le pays et combien de personnes sont actuellement touchées par de telles restrictions. Étant donné la générosité habituelle de l’État partie dans les questions d’asile, il demande si une approche plus compatissante pourrait être adaptée à l’égard des migrants en situation irrégulière. Actuellement, il semble qu’ils puissent être renvoyés dans leur pays d’origine au mépris du principe de non-refoulement. L’intervenant demande combien il y a eu, à ce jour, de personnes qui ont été traitées de cette manière.

22.À propos de la question de l’indépendance de la justice, l’intervenant aimerait connaître les observations de la délégation sur le rapport de 2011 de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, qui a indiqué que la subordination des tribunaux de l’État partie au Conseil d’État, présidé par le chef de l’État, signifiait que le pouvoir judiciaire était directement responsable devant l’exécutif. Le même rapport jugeait préoccupantes les dispositions de l’article 72 du Code pénal, qui qualifie d’infraction un état dit «état dangereux» (estado peligroso), et des articles 479 et 480 du Code de procédure pénale prévoyant une procédure sommaire spécialement accélérée. L’intervenant accueillerait avec intérêt des informations complémentaires sur ces aspects de la législation de l’État partie, y compris des statistiques sur le nombre des procédures sommaires visées. Il demande s’il y a eu une enquête indépendante et transparente au sujet du décès de M. Juan Wilfredo Soto García, survenu le 7 mai 2011 apparemment à la suite de coups qu’il avait reçus. L’intervenant voudrait savoir si des citoyens étrangers qui auraient commis des actes de torture à l’étranger, mais qui se trouvent sur le sol cubain, ont été jugés à Cuba conformément aux dispositions de l’article 5 de la Convention. Enfin, il s’interroge sur l’étendue des compétences de la juridiction militaire, et, plus particulièrement, voudrait savoir si des civils peuvent être jugés par des tribunaux militaires et, dans l’affirmative, à quelles restrictions est soumise cette procédure.

23.M me Sveaass(Rapporteur de pays) demande des renseignements plus détaillés sur les organisations (en particulier les organisations de la société civile) qui ont participé à la préparation du rapport périodique et voudrait savoir selon quelles modalités exactement elles ont apporté leur concours. Elle demande si l’État partie envisage d’engager un processus de consultations pour la mise en œuvre des observations finales du Comité. Le Comité a reçu des informations détaillées sur les difficultés rencontrées par les personnes actives dans les organisations de la société civile, en particulier celles qui se définissent elles-mêmes comme des défenseurs des droits de l’homme ou qui expriment des opinions critiques. C’est pourtant un droit fondamental de la personne de pouvoir exprimer une opinion. Des ONG comme la Comisión Cubana de Derechos Humanos y Reconciliación Nacional et le Consejo de Relatores de Derechos Humanos de Cuba auraient tenté depuis 1987 de se faire enregistrer comme organisations de la société civile. L’intervenante demande quels critères les ONG doivent remplir pour être officiellement enregistrées et comment se déroule le processus d’enregistrement.

24.Il serait utile de savoir si les détenus sont informés par écrit ou oralement de leur droit de désigner un avocat, et s’il y a un délai maximum pour la notification de ce droit. Dans l’affirmative, ces règles sont-elles rigoureusement suivies et quels mécanismes de contrôle existe-il pour assurer l’observation effective de leur application? L’intervenante aimerait entendre les observations de la délégation sur la légitimité de l’infraction dite d’«état dangereux» et sur sa compatibilité avec la présomption d’innocence. Elle demande combien de personnes sont actuellement détenues sur la base de ce chef d’inculpation et si les infractions qui ont motivé l’inculpation sont spécifiées. Le Comité accueillerait avec intérêt toute annonce de plan concernant la révision de l’article du Code pénal relatif à cette infraction. Il serait également utile d’avoir des données sur le nombre de personnes actuellement détenues dans le système pénitentiaire et sur les charges retenues contre elles. L’État partie a affirmé qu’une formation était dispensée sur la conduite appropriée des examens de médecine légale et sur l’application du Protocole d’Istanbul. Il serait utile de savoir ce qu’il advient des rapports sur les examens de médecine légale, qui demande ces rapport dans les lieux de détention et combien d’examens ont été effectués dans les locaux de détention de la police à seule fin de documenter et de rechercher des signes de torture et de mauvais traitements.

25.Le Comité a reçu des informations signalant de mauvaises conditions dans les prisons et les lieux de détention de la police dans l’État partie, y compris un manque d’eau et de nourriture, des cas de détention à des températures trop basses et le recours fréquent à la mise à l’isolement comme mesure disciplinaire. Bien que les visites familiales soient autorisées, certains détenus seraient placés dans des centres si éloignés de leur domicile que leurs proches ne peuvent pas y faire de fréquentes visites. Toutes les personnes incarcérées ont le droit d’être détenues dans des conditions conformes aux normes énoncées dans les instruments internationaux pertinents, indépendamment de l’infraction commise ou de leur origine. Le Comité souhaiterait avoir des informations complémentaires sur les conditions de détention dans l’État partie. L’intervenante accueillerait également avec intérêt des éclaircissements sur le statut juridique des défenseurs des droits de l’homme qui ont été bannis après avoir été libérés de prison en 2010 et 2011 dans le cadre d’un accord avec l’Église catholique, et aussi sur le statut juridique de ceux qui ont choisi de rester dans l’État partie.

26.Tout en accueillant avec satisfaction les renseignements communiqués en réponse à la question 17 de la liste, l’intervenante demande des précisions au sujet des mandats en vertu desquels des organisations nationales et sociales conduisent des visites dans les prisons. Il serait intéressant de savoir quelles organisations effectuent de telles visites et à qui il en est rendu compte. Elle demande si le personnel du Comité international de la Croix-Rouge pourrait effectuer des visites inopinées dans des lieux de détention dans l’État partie et s’il aurait la possibilité de parler en privé à des détenus au cours de ces visites. Notant que les responsables du décès de 26 patients survenu en janvier 2010 dans un hôpital psychiatrique de la Havane ont été inculpés d’abandon, de négligence et de détournement de fonds, elle demande quelles mesures et quelles garanties ont été mises en place pour qu’une telle tragédie ne puisse pas se produire à l’avenir. Il serait intéressant de savoir si les patients survivants de cet hôpital et les proches parents de ceux qui sont décédés ont reçu une indemnité. Le Comité souhaite avoir des renseignements complémentaires sur le cadre juridique applicable à la privation de liberté pour maladie mentale, y compris des précisions sur les dispositions juridiques en vertu desquelles les malades peuvent être placés en hôpital psychiatrique contre leur volonté.

27.L’intervenante accueille avec satisfaction les statistiques que le chef de la délégation a communiquées au sujet des plaintes reçues entre 2007 et 2011 par le Cabinet du Procureur général de la République. Il serait cependant utile d’avoir davantage d’informations sur les questions soulevées dans ces plaintes. En particulier, l’intervenante demande un compte rendu plus détaillé des 263 plaintes faisant état de mauvais traitements dans des centres de détention, ainsi qu’une indication des mesures qui ont été prises contre les auteurs de ces faits. Elle aimerait savoir s’il y a en place des mécanismes permettant d’enregistrer les plaintes anonymement. Elle demande des éclaircissements sur le fait que réparation ne peut être obtenue par les victimes de torture qu’à condition que l’indemnisation ait été ordonnée par les tribunaux et soit le résultat d’une condamnation pénale. Elle demande combien il y a eu de cas enregistrés d’indemnisation pour faits de torture ou mauvais traitements et s’il y a eu des cas dans lesquels des victimes de violence ont été indemnisées en raison d’un manquement à l’obligation de diligence des autorités de police.

28.Le Comité se dit préoccupé par des informations selon lesquelles des personnes qui organisent des manifestations sur la voie publique, en particulier des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes et des écrivains, sont systématiquement arrêtées parce que présumées susciter des désordres publics. Apparemment, les autorités font un usage excessif de la force et se montrent excessivement brutales pendant ces arrestations qui semblent devenir de plus en plus fréquentes. L’intervenante demande quelles mesures l’État partie entend prendre face à cette pratique inacceptable. Au demeurant, les dissidents, plus spécialement les membres du mouvement Femmes en blanc, subiraient des harcèlements, des pierres seraient lancées sur leur domicile, leurs enfants seraient victimes de discrimination à l’école, leurs proches seraient contraints de quitter leur emploi, et la surveillance des opposants au Gouvernement serait une pratique courante. L’intervenante voudrait savoir comment peut s’expliquer l’apparente absence de protection de ces personnes, combien il y a de victimes d’actes dits de répudiation («actos de repudio») et combien d’auteurs de tels actes ont été arrêtés et, en particulier, elle demande des renseignements à jour sur la situation juridique de M. Oscar Elias Biscet, de M. José Daniel Ferrer García et de sa famille et de M. Calixto Ramón Martínez Arias. Le Comité voudrait aussi avoir des précisions sur les enquêtes dont aurait pu faire l’objet le décès de M. Wilmar Villar Mendoza, membre de l’Unión Patriótica de Cuba, qui a trouvé la mort le 18 janvier 2012 à l’hôpital de Juan Bruno Zayas à Santiago de Cuba. Enfin, tout en se félicitant de l’apparent moratoire sur la peine de mort appliqué dans l’État partie, elle prie instamment le Gouvernement d’amender le Code pénal afin d’abolir la peine de mort.

29.M. Brunidemande des précisions complémentaires sur la définition juridique d’une infraction contre la sécurité de l’État. Il serait utile d’avoir des renseignements sur les affaires dans lesquelles des personnes ont été poursuivies pour de telles infractions, y compris sur les chefs d’accusation retenus contre elles et sur les peines qui leur ont été imposées. Étant donné que l’État partie n’a pas signé de traités d’extradition concernant la torture, l’intervenant demande si la Convention est considérée comme constituant la base juridique de l’extradition en ce qui concerne le crime de torture, comme il est recommandé à l’article 8, paragraphe 2, de la Convention.

30.L’intervenant voudrait savoir si le Gouvernement a une liste officielle des lieux de détention dans lesquels des personnes peuvent être privées de leur liberté. Dans l’affirmative, il serait utile de savoir si la détention en dehors de ces lieux constitue automatiquement une violation de la loi et si les responsables de cette détention illicite sont automatiquement poursuivis. L’intervenant demande des chiffres sur le taux actuel d’occupation dans le système pénitentiaire, chiffres qui montreraient si le surpeuplement carcéral est un problème dans l’État partie. Si les prisons sont surpeuplées, l’intervenant voudrait savoir comment les autorités envisagent de traiter ce problème. Il demande si les rapports rendant compte des visites du Procureur général dans les lieux de détention sont publiés. Il serait intéressant d’avoir des détails sur les constatations faites et les recommandations formulées dans ces rapports. L’intervenant serait heureux d’avoir une description des conditions de détention dans les cellules des commissariats de police de l’État partie.

31.M me Belmirdit qu’elle ne parvient pas à comprendre comment l’État partie peut affirmer que la justice est indépendante, étant donné qu’elle est manifestement subordonnée à l’Assemblée nationale du pouvoir du peuple et au Conseil d’État. De plus, l’État partie a affirmé que les tribunaux militaires pouvaient juger des civils dans certaines circonstances. Étant donné que la justice est le dernier bastion de l’espoir pour les victimes d’une infraction, l’intervenante prie instamment l’État partie de veiller à ce que son système judiciaire soit réellement indépendant.

32.M. Gayevoudrait savoir s’il est permis aux personnes en détention d’être examinées par un médecin de leur choix. Il demande s’il y a une période maximum à l’expiration de laquelle une personne maintenue en détention avant jugement doit être traduite devant un tribunal, car il ressort du rapport périodique de l’État partie que l’examen du dossier préliminaire de l’affaire peut se prolonger indéfiniment. L’intervenant est déconcerté par le fait que l’habeas corpus ne s’applique pas lorsque la privation de liberté résulte d’une sentence ou d’une ordonnance de mise en détention avant jugement rendue dans une procédure pénale, comme indiqué dans le rapport.

33.Étant donné l’absence dans la législation cubaine d’une définition du crime de torture en tant que tel, l’intervenant voudrait savoir sur quelle base des personnes pourraient être accusées de la commission d’actes de torture. Il demande si une personne n’ayant pas la nationalité cubaine qui se trouve sur le territoire cubain et qui a commis une telle infraction dans un autre État peut être jugée à Cuba. On ne voit pas clairement, à la lecture du rapport de l’État partie, quelles infractions exactement relèvent de la compétence universelle de Cuba. L’intervenant voudrait savoir si des mesures sont en place pour protéger les fonctionnaires chargés de l’application des lois qui signalent ou refusent d’exécuter des ordres donnés par des supérieurs de commettre des actes de torture. Il demande également davantage de renseignements sur le rôle du Fonds d’indemnisation prévu dans le Code pénal.

34.M me Gaer, notant l’affirmation de l’État partie selon laquelle les requêtes des détenus concernant des mauvais traitements physiques ou psychologiques font l’objet d’une enquête du cabinet du Procureur général de la République, dit qu’elle voudrait savoir combien de plaintes de ce type ont fait l’objet d’une enquête et quel en a été le résultat. Des fonctionnaires ont-ils fait l’objet de sanctions préliminaires à la suite de ces enquêtes? L’intervenante demande si les familles des personnes décédées pendant leur détention peuvent organiser des autopsies indépendantes effectuées par des médecins de leur choix. Toute information que la délégation pourrait communiquer sur le sort des détenus en grève de la faim, dont les noms figurent dans la liste des points à traiter (CAT/C/CUB/Q/2, par. 22), serait accueillie avec intérêt. L’intervenante demande également des informations sur la situation d’Alan Gross, qui est actuellement détenu sans avoir été inculpé et qui s’est plaint des mauvaises conditions de détention. Elle renouvelle la demande d’informations formulée par le Comité au sujet de la situation des défenseurs des droits de l’homme, y compris du groupe des Femmes en blanc (CAT/C/CUB/Q/2, par. 32).

35.Elle invite la délégation à expliquer pourquoi l’État partie a rejeté les recommandations, figurant dans le rapport du groupe de travail sur l’Examen périodique universel (A/HRC/11/22, par. 132), demandant la libération des prisonniers de conscience, et à expliquer exactement de quels droits jouissent ces personnes dans l’État partie. Elle renouvelle la demande d’informations formulée par le Comité au sujet d’éventuels refus enregistrés d’aide judiciaire qui se seraient produits au cours de la période à l’examen, et demande combien de visites ont été effectuées au cours de la même période par le Comité international de la Croix-Rouge dans les lieux de détention.

36.M. WangXuexian, notant que l’État partie n’oblige pas les demandeurs d’asile à retourner dans leur pays d’origine si le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ne répond pas à leurs demandes d’asile dans la période de quatre-vingt-dix jours pendant laquelle ils sont autorisés à rester dans le pays, demande où ils sont envoyés à la place. L’intervenant voudrait aussi savoir quelles sanctions ont été prononcées contre les 46 agents des forces de l’ordre à propos desquels le Cabinet de l’avocat général, à la suite de son enquête sur des plaintes faisant état de cas de mauvais traitements, a estimé qu’ils étaient passibles de poursuites pénales. Une indemnité a-t-elle été accordée aux victimes? L’intervenant répète la demande d’informations formulée par le Comité sur d’éventuels jugements d’irrecevabilité prononcés par les tribunaux au motif qu’il avait été fait usage d’éléments de preuve ou de témoignages obtenus en recourant à la torture ou à des mauvais traitements. L’intervenant voudrait savoir si la présomption d’innocence et le droit de rester silencieux ont été incorporés à la législation de l’État partie.

37.M. Tugushi, notant l’affirmation de l’État partie selon laquelle le Cabinet du Procureur général de la République joue le rôle d’institution nationale de défense des droits de l’homme, souligne que le Comité voudrait savoir si l’État partie envisage de créer une telle institution conformément aux Principes de Paris. Il voudrait aussi savoir si l’État partie envisage d’adhérer au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et de mettre en place un mécanisme national de prévention. Dans ce contexte, il rappelle que le Comité a reçu de nombreuses informations signalant de mauvaises conditions carcérales, ainsi que des passages à tabac de détenus et le recours à la détention à l’isolement. Il demande des précisions au sujet d’informations selon lesquelles, en 2010 et en 2011, il a été proposé à certains détenus de choisir de s’exiler de Cuba au lieu d’être condamnés à des peines d’emprisonnement d’une durée pouvant aller jusqu’à dix ans.

38.L e Présidentse félicite du moratoire sur la peine de mort existant à Cuba, où la dernière condamnation à mort a été exécutée de façon sommaire en 2003, mais observe que la peine de mort fait toujours partie du Code pénal et peut être la peine applicable à une large gamme d’infractions. Il demande si les amendements qu’il est envisagé d’apporter au Code pénal comporteront des modifications concernant l’application de la peine de mort. Il voudrait aussi savoir s’il est vrai que l’article 75 du Code pénal, qui prévoit la détention préventive de personnes soupçonnées de pouvoir commettre une infraction pénale, a été largement utilisé comme arme contre des opposants politiques de l’État. Selon la Comisión Cubana de Derechos Humanos y Reconciliación Nacional, plus de 2 500 personnes ont été temporairement détenues pour des raisons politiques dans l’État partie au cours des neuf premiers mois de 2011. Les articles 72 à 75 du Code pénal, qui concernent les mesures contre les délinquants potentiels, seront-ils amendés? L’intervenant voudrait savoir si l’arrestation et le passage à tabac de représentants de l’opposition, y compris d’au moins 22 membres du groupe des Femmes en blanc, ont fait l’objet d’enquêtes et, dans l’affirmative, avec quels résultats. Il encourage l’État partie à fixer une date pour une visite à Cuba du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, auquel Cuba a adressé une invitation en 2009.

39.M. Reyes Rodríguez(Cuba) dit qu’il juge préoccupant qu’il n’est pas été accordé à sa délégation suffisamment de possibilités de réfuter ce qu’elle considère comme de fausses allégations, mais qu’il est prêt à examiner toute question que le Comité souhaite soulever.

40.L e Présidentdonne à la délégation l’assurance que toutes les possibilités lui seront offertes, lors de la prochaine réunion du Comité avec l’État partie, de contester les vues exprimées par les membres du Comité.

La partie publique de la séance prend fin à 12 h 5 .