Nations Unies

CAT/C/SR.1695

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

29 novembre 2018

Original : français

Comité contre la torture

Soixante-cinquième session

Compte rendu analytique de la 1695 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le 21 novembre 2018, à 10 heures

Président(e): M. Modvig

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Septième rapport périodique du Canada

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Septième rapport périodique du Canada (CAT/C/CAN/7 ; CAT/C/CAN/QPR/7 ; HRI/CORE/CAN/2013)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation canadienne prend place à la table du Comité.

2.M me  Wright (Canada), décrivant les faits nouveaux intervenus depuis la soumission du rapport en août 2016, indique que les ministres s’occupant des droits de l’homme aux niveaux fédéral, provincial et territorial se sont rencontrés pour débattre des priorités du Canada en ce qui concerne l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels le pays est partie. Les ministres se sont engagés à élaborer un protocole concernant les mesures que les autorités provinciales et territoriales devront prendre pour donner suite aux recommandations formulées par les organes conventionnels et ils ont convenu de mettre en place un comité composé de hauts responsables chargé de coordonner la coopération intergouvernementale dans ce domaine. Le processus de consultation entamé en vue de l’adhésion du Canada au Protocole facultatif se rapportant à la Convention se poursuit. Les organes compétents aux niveaux fédéral, provincial et territorial se sont d’abord employés à repérer les lacunes éventuelles à combler pour que le Canada soit à même de respecter les obligations créées par le Protocole facultatif et ils examinent actuellement les incidences de l’adhésion sur le fonctionnement des institutions qui pourraient avoir à jouer le rôle de mécanisme national de prévention.

3.Le Gouvernement a récemment soumis au Parlement le projet de loi C-83, qui modifie la loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi. Ce texte prévoit notamment d’éliminer le recours à l’isolement préventif ou disciplinaire et d’établir de nouveaux lieux de privation de liberté, les « unités d’intervention structurées », dotées des ressources et des personnels spécialisés nécessaires pour accueillir les détenus qui représentent une menace pour la sécurité. Le projet prévoit en outre que ces détenus bénéficient de programmes adaptés à leurs besoins, qu’ils passent au moins quatre heures par jour hors de leur cellule et qu’ils se voient donner la possibilité d’interagir avec d’autres personnes pendant au moins deux heures par jour. Par ailleurs, afin de fournir aux délinquants autochtones un appui à la réinsertion efficace et adapté à leur culture, le Service correctionnel du Canada a mis au point le Plan national relatif aux autochtones, qui prévoit notamment la mise en place de centres d’intervention pour autochtones conçus pour répondre aux besoins des délinquants appartenant à ces communautés. Ces établissements associeront les communautés autochtones à la mise en œuvre de programmes de réinsertion.

4.Le Canada a pris des mesures pour renforcer les enquêtes indépendantes ouvertes sur les allégations portées contre des membres de la police. En 2015 a été créée la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada, organe fédéral d’enquête totalement indépendant. En 2017, cette commission a publié 247 rapports sur des plaintes émanant de particuliers, qui avaient notamment pour objet des arrestations injustifiées et des cas d’usage excessif de la force. À ce jour, la majorité des recommandations formulées dans ses rapports ont été appliquées. Au Québec, un organe similaire, le Bureau des enquêtes indépendantes, a été mis en place en 2013 et, depuis 2016, il mène des enquêtes sur les plaintes déposées contre la police sur tout le territoire de cette province.

5.Le Canada a pris des mesures concrètes pour ne pas se rendre complice d’actes de torture ou de mauvais traitements dont seraient responsables d’autres États ou des sociétés opérant à l’étranger. En 2017, de nouvelles directives ministérielles ont été émises à l’intention de plusieurs ministères et organismes qui échangent des renseignements avec des organisations étrangères. Ces directives rappellent les principes fondamentaux relatifs aux droits de la personne ainsi que l’interdiction de la torture telle qu’elle est énoncée dans la Convention. En outre, elles prohibent la divulgation ou l’échange de renseignements en cas de risque important de mauvais traitements pour la personne concernée, de même que l’utilisation d’informations dont on pense qu’elles ont été obtenues par des mauvais traitements. Plus généralement, le Canada s’emploie à renforcer la responsabilisation et la transparence dans le domaine de la sécurité nationale et du renseignement. En 2017, une commission parlementaire multipartite a été créée. Cet organe est exceptionnellement autorisé à accéder à des renseignements hautement confidentiels et il est doté d’un vaste mandat l’habilitant à examiner les activités des services chargés de la sécurité nationale et du renseignement.

6.Le Gouvernement a soumis au Parlement le projet de loi C-59, qu’il espère voir adopté au début de 2019. Ce projet prévoit un large éventail de mesures visant à moderniser le cadre de sécurité nationale du Canada. Il prévoit en particulier la création d’un office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, qui aura pour mandat de surveiller toutes les activités liées à la sécurité nationale et au renseignement et d’enquêter sur les plaintes s’y rapportant.

7.M. Touzé (Rapporteur pour le Canada) salue le sérieux avec lequel le rapport à l’examen a été établi ainsi que, plus généralement, la régularité avec laquelle l’État partie soumet ses rapports et participe au dialogue avec le Comité, qui témoignent d’une véritable volonté de coopération de sa part. En ce qui concerne la définition de la torture, le Rapporteur relève avec satisfaction que la législation canadienne est parfaitement conforme à l’article 1 de la Convention. Pour ce qui est de la compétence pénale universelle, il constate que ce principe est reconnu au plan fédéral, mais que tel n’est pas le cas pour la compétence civile universelle, ce qui a eu des incidences sur la suite donnée par l’État partie aux recommandations formulées par le Comité concernant les affaires Khadr,Almalki,Elmaati,Nureddin et Abdelrazik. Dans l’affaire Khadr, le Gouvernement canadien a invoqué le caractère confidentiel de l’accord d’indemnisation conclu avec l’intéressé pour ne pas en divulguer la teneur. Cependant, pour que le Comité puisse déterminer si la réparation accordée est suffisante, il serait utile que la délégation lui communique des renseignements sur le montant exact de l’indemnisation, l’état d’avancement du versement et les éventuelles mesures de réadaptation, y compris psychologique, prises en faveur d’Omar Khadr. Dans les affaires Almalki , Elmaati et Nureddin, l’État partie a présenté des excuses publiques aux intéressés et leur a accordé une indemnisation, mais les agents canadiens soupçonnés d’avoir participé directement ou indirectement aux mauvais traitements infligés aux intéressés à l’étranger n’ont pas été poursuivis. La délégation voudra bien expliquer pourquoi les agents en question n’ont pas encore fait l’objet de poursuites et préciser le montant de l’indemnisation accordée aux trois victimes. Des détails sur la nature des violations de la Convention au titre desquelles cette réparation a été accordée et sur les torts reconnus par le Canada dans ces affaires seraient également utiles. En ce qui concerne l’affaire Adbelrazik, la délégation est invitée à indiquer quand aura lieu le procès civil qui devait s’ouvrir en septembre 2018 et à expliquer les raisons des reports successifs dont il a fait l’objet. Enfin, la délégation voudra bien donner des informations sur toute procédure en cours concernant des personnes ayant subi des actes de torture à l’étranger.

8.Toujours à propos de la compétence civile universelle, le Rapporteur relève que la loi sur l’immunité des États ne permet pas aux victimes de violations de la Convention commises à l’étranger d’intenter une action en réparation civile devant les juridictions canadiennes. Il aimerait savoir si l’État partie pourrait envisager de modifier cette loi afin que les victimes de violations de la Convention perpétrées à l’étranger puissent engager une procédure contre les États dans lesquels la pratique de la torture est systématique, y compris lorsque ceux-ci ne figurent pas sur la liste des États qui soutiennent le terrorisme et qui sont de ce fait exclus de l’immunité de juridiction ou si, à défaut, il pourrait envisager d’introduire dans la législation fédérale le principe du for de nécessité, qui est déjà reconnu par la législation de certaines provinces, afin de contourner l’obstacle que représente l’immunité de juridiction des États et, en conséquence, de prévenir les risques de déni de justice pour les victimes.

9.En ce qui concerne l’interdiction de l’utilisation de moyens de preuve obtenus par la torture, qui est expressément énoncée au paragraphe 4 de l’article 269.1 du Code criminel, la délégation est invitée à commenter les informations selon lesquelles, en 2010, le Ministre de la sécurité publique et de la protection civile a adressé au Service canadien du renseignement de sécurité une directive stipulant qu’en cas de menace à l’ordre public ou de risque de pertes en vies humaines, les informations émanant de services de renseignement étrangers pouvaient être utilisées même si elles avaient été obtenues par la torture. En 2011, le même Ministre aurait émis une autre directive préconisant l’échange de renseignements avec des services étrangers pourtant connus pour pratiquer la torture ou soupçonnés d’y recourir. La délégation est invitée à préciser si le Canada reconnaît l’existence de ces dérogations et à indiquer quelles menaces pourraient justifier l’utilisation d’informations obtenues par la torture et à quelle autorité il reviendrait de déterminer si celles-ci sont recevables ou non.

10.Le Rapporteur relève que la loi antiterroriste de 2015 est appelée à être modifiée par le projet de loi C-59 concernant des questions de sécurité nationale, qui a fait l’objet de vastes consultations publiques. Il constate toutefois que, d’après certaines organisations non gouvernementales (ONG), ce projet comprend encore certaines dispositions problématiques de la loi de 2015, en particulier un article autorisant le Gouvernement à refuser de transmettre des éléments de preuve aux avocats spéciaux lorsqu’il estime que cela compromettrait la sécurité nationale. Il serait intéressant de savoir pourquoi cet article a été maintenu et s’il est envisagé de l’abroger.

11.Le Rapporteur relève en outre que plusieurs dispositions de la législation régissant le placement à l’isolement posent problème (pertinence douteuse de la distinction entre isolement préventif et isolement disciplinaire, pouvoir discrétionnaire des fonctionnaires habilités à prendre les décisions de placement à l’isolement, absence de voies de recours permettant de contester cette mesure, durée excessive du placement) mais qu’un projet de loi − le projet C-83 − visant à modifier cette législation est à l’examen. Les articles 31 à 37 du nouveau texte, qui traitent des unités d’intervention structurées, appellent toutefois des éclaircissements de la délégation. Il serait utile en particulier de savoir sur quelle base un établissement pénitentiaire ou un quartier pénitentiaire pourra être désigné en tant qu’unité d’intervention structurée et d’avoir des précisions sur les objectifs de ces unités qui, aux termes de l’article 32 du projet, sont de « fournir un milieu de vie qui convient à tout détenu » et de donner au détenu « la possibilité d’avoir des contacts humains réels ». Une autre question qui se pose est celle de la durée maximale du placement dans ces unités. Plus généralement, il serait intéressant de savoir en quoi les locaux desdites unités se distingueront des cellules d’isolement actuelles.

12.En vertu de l’article 34 du projet de loi C-83, le transfèrement d’un détenu dans une unité d’intervention structurée ne peut être autorisé que s’il n’existe aucune autre solution valable et s’il y a des motifs raisonnables de croire, notamment, que la présence de l’intéressé met en danger la sécurité des autres détenus. Le Rapporteur souhaiterait savoir ce que recouvre l’expression « autre solution valable » et dans quelle mesure il est fait le choix de privilégier une autre solution. Il relève en outre le caractère flou de l’expression « motifs raisonnables de croire » et demande quels éléments sont pris en compte, dans la pratique, pour décider de la nécessité d’une mesure d’isolement. Il relève également que le risque de sécurité est envisagé au sens large et qu’il peut englober un nombre important de situations, et demande s’il est envisagé de limiter ou de définir les cas de figure constituant un risque susceptible de justifier une mesure d’isolement. Un autre sujet de préoccupation est la possibilité qu’une personne souffrant de troubles physiques ou mentaux fasse l’objet d’une mesure d’isolement. M. Touzé demande s’il serait possible d’exclure du projet de loi la possibilité de placer les personnes atteintes de troubles physiques ou mentaux dans une unité d’intervention structurée. Concernant plus généralement les décisions de mise à l’isolement, il regrette que la décision de placement ou de maintien en unité d’intervention structurée soit, jusqu’à un certain point, laissée à la discrétion du directeur de l’établissement pénitentiaire, pareil dispositif ne satisfaisant pas aux exigences en matière d’indépendance et d’impartialité. Les commentaires de la délégation sur ce point seront les bienvenus.

13.Le Rapporteur note que la population carcérale s’est accrue de 17,5 % depuis l’exercice 2006-2007, et ce, en dépit d’une diminution de près de 50 % du taux de criminalité. Plusieurs lois adoptées ces dix dernières années permettent en partie d’expliquer ce phénomène. La loi modifiant le Code criminel (emprisonnement avec sursis), entrée en vigueur le 1er décembre 2007, et la loi sur la sécurité des rues et des communautés, entrée en vigueur le 6 novembre 2012, éliminent les peines avec sursis pour certaines infractions, parmi lesquelles les infractions de terrorisme et certains sévices graves à la personne. De plus, la loi sur la sécurité des rues et des communautés institue des peines planchers et prévoit des peines maximales plus sévères pour certaines infractions. Ainsi, le nombre de délinquants condamnés à une peine d’emprisonnement avec sursis ou placés en liberté surveillée a diminué de 22 % entre l’exercice 2010-2011 et l’exercice 2015‑2016. Il serait intéressant d’avoir un complément d’information sur ce point.

14.En ce qui concerne le régime de la garde à vue, M. Touzé note que l’article 10 de la Charte canadienne des droits et libertés est pleinement conforme aux dispositions de la Convention. Il demande toutefois si l’État partie envisage de mettre à la disposition des policiers des cartes plastifiées sur lesquelles serait inscrit un texte concis et dépourvu d’ambiguïtés auquel ils pourraient facilement se référer lorsqu’ils informent les personnes détenues de leur droit à l’assistance d’un avocat. Il souhaiterait également savoir qui sont les avocats susceptibles d’être contactés au numéro 1-800, permanence téléphonique gratuite, et si les personnes indigentes peuvent, elles aussi, les solliciter. Relevant que le Canada a mis en place un régime de protection en faveur des mineurs placés en garde à vue, il demande ce qu’il en est des autres personnes pouvant être qualifiées de vulnérables, notamment des personnes atteintes de maladies mentales. Il souhaiterait également savoir si la décision de faire appel à un interprète lorsque le détenu ne parle pas l’une des langues officielles du Canada est laissée à l’appréciation de la police ou si celle-ci a l’obligation de fournir des services d’interprétation.

15.M. Touzé note que la police est tenue d’autoriser quiconque est placé en garde à vue à contacter un proche lorsque l’appel téléphonique a pour but d’aider l’intéressé à prendre contact avec un avocat, mais que cet appel n’est ni privé ni privilégié. Il invite la délégation à donner des précisions sur la pratique des services de police en la matière. Relevant que, selon la société civile, les personnes placées en garde à vue seraient détenues dans des conditions déplorables dans certains postes de police où elles seraient soumises à des interrogatoires prolongés, affamées ou privées de sommeil, il demande de plus amples renseignements sur les conditions matérielles de la garde à vue. En ce qui concerne les examens médicaux susceptibles d’être réalisés en garde à vue, M. Touzé relève qu’à l’issue de l’enquête menée en mai 2017 par la Cour du Banc de la Reine de Saskatoon sur l’affaire Michael Ryan, le jury du coroner a recommandé, d’une part, que l’on examine la bouche, les oreilles et les narines des personnes arrêtées lorsqu’elles sont placées en cellule et, d’autre part, que les policiers soient mieux formés aux premiers secours. Il demande ce qui a été fait pour appliquer ces recommandations et quelles mesures concrètes ont été prises à la suite de cette affaire.

16.La délégation est invitée à donner des précisions sur les différences qui existent entre le régime de droit commun et le régime d’exception, applicable aux faits de terrorisme, pour ce qui est de la durée de la garde à vue. Étant donné que le Code criminel prévoit que la personne placée en garde à vue est déférée devant un juge « le plus tôt possible » si un juge n’est pas disponible dans un délai de vingt-quatre heures, il serait intéressant de savoir s’il est fréquent qu’une personne arrêtée soit présentée devant un juge au-delà du délai de vingt-quatre heures. La délégation voudra bien indiquer par ailleurs si les critères établis par la directive du commissaire de 2015 sur la fouille des délinquants s’appliquent également aux personnes placées en garde à vue. Dans son rapport annuel d’activités 2016-2017, la Protectrice du citoyen constate avec préoccupation qu’au Québec, les fouilles à nu ne sont pas toujours pratiquées dans le respect de la dignité des détenus. Dans son rapport annuel 2016-2017, le Bureau de l’enquêteur correctionnel fait également état de l’examen non autorisé ou illégal des cavités corporelles de détenus. Des commentaires à ce sujet seraient les bienvenus.

17.M. Touzé constate avec préoccupation qu’en 2015-2016, les personnes placées en détention provisoire représentaient 60 % de la population moyenne des établissements pénitentiaires provinciaux, ce qui est un facteur de surpopulation carcérale et contribue à détériorer les conditions de vie des détenus. Il souhaiterait donc savoir quels sont les moyens mis en œuvre par l’État partie pour limiter le recours à la détention provisoire. En ce qui concerne les voies de recours accessibles aux détenus qui se disent victimes de mauvais traitements, il demande si le dispositif existant, qui permet de soumettre les plaintes à un gardien de prison, ou directement au directeur de l’établissement pénitentiaire ou au commissaire du Service correctionnel du Canada, permet véritablement de garantir l’impartialité de la procédure et le traitement des plaintes. Il souhaiterait en outre savoir comment s’articulent ces trois niveaux. Notant que, dans son rapport, l’État partie fait état de 22 plaintes déposées entre le 1er avril 2014 et le 30 septembre 2015 pour recours abusif à la force ou harcèlement de la part du personnel pénitentiaire, il demande également ce qui explique ce chiffre particulièrement bas sachant qu’à la même période, le Bureau d’enquête correctionnel a reçu 1 501 plaintes pour des faits semblables.

18.M. Touzé note qu’il existe des disparités entre les dispositifs mis en place à l’échelle des Provinces et les mesures prises au plan fédéral pour ce qui est de l’accès des détenus aux soins de santé. Il relève que la situation des femmes détenues présentant des troubles mentaux est particulièrement préoccupante. En effet, faute d’établissement spécialisé et indépendant de traitement des troubles psychiatriques pour les détenues sous responsabilité fédérale, les femmes concernées sont souvent placées dans des établissements « à sécurité maximale » et sont plus susceptibles d’être mises à l’isolement, ce qui engendre chez elles des comportements suicidaires. M. Touzé souhaiterait obtenir des éléments d’appréciation concernant la prise en charge effective de ces détenues.

19.Selon le rapport annuel 2016-2017 du Bureau de l’enquêteur correctionnel, les peuples autochtones sont lourdement surreprésentés dans les prisons fédérales. D’après ce même rapport, entre 2007 et 2016, la population carcérale fédérale s’est accrue de moins de 5 %, tandis que le nombre de détenus autochtones a augmenté de 39 %. Cette surreprésentation carcérale semble de prime abord révélatrice d’un phénomène plus général de discrimination à l’égard des populations autochtones et de marginalisation de ces populations. Si le Canada a modifié son Code criminel en 1997 pour favoriser le recours aux mesures de substitution à la détention dans les affaires mettant en cause des délinquants autochtones, à ce jour les autochtones composent 26,4 % de la population carcérale fédérale et, au total, 37,6 % des femmes détenues dans des établissements pénitentiaires fédéraux sont d’origine autochtone. Il serait intéressant de connaître le point de vue de l’État partie sur ces statistiques.

20.Pour ce qui est des disparitions et des assassinats de femmes et de filles autochtones, le Rapporteur salue les efforts entrepris au plan national, notamment le lancement, le 1er septembre 2016, de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, dirigée par une commission indépendante. Eu égard aux renseignements communiqués par l’État partie aux paragraphes 148 et suivants de son rapport, M. Touzé demande si l’État partie envisage de mettre en place un cadre juridique contraignant visant à prévenir et à réprimer les actes de violence commis à l’égard des femmes autochtones, afin de respecter les obligations mises à sa charge par la Convention. S’agissant plus particulièrement de la stérilisation des femmes autochtones, il rappelle que le Comité contre la torture a maintes fois considéré que la stérilisation forcée était une forme de torture ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant au sens de la Convention. Il note que l’État partie a accepté la recommandation qui lui avait été adressée par l’Argentine, dans le cadre de l’Examen périodique universel, tendant à ce qu’il prenne les mesures voulues pour enquêter sur les plaintes pour stérilisation forcée de femmes autochtones, sanctionner les auteurs et protéger les victimes, et demande ce qui a été fait à ce jour pour appliquer cette recommandation. Il demande également si cette forme de violence constitue une infraction pénale au regard du droit interne et, dans le cas contraire, si des mesures ont été prises pour modifier la législation. Il souhaiterait en outre connaître l’état d’avancement du procès intenté devant les tribunaux de Saskatchewan en octobre 2017 par plus de 60 femmes autochtones stérilisées de force, pour la plupart au cours des dix à quinze dernières années. Enfin, s’inquiétant du refus du Gouvernement d’intervenir pour enquêter de manière efficace et indépendante sur les allégations d’usage excessif de la force par la police provinciale de l’Ontario lors des événements de Tyendinaga, M. Touzé demande des informations complémentaires sur les mesures que l’État partie a prises pour s’acquitter de ses obligations conventionnelles.

21.M. Tuzmukhamedov(Corapporteur pour le Canada) rappelle que le Canada a annoncé son intention de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en 2006. En juillet 2018, toutefois, l’État partie est revenu sur cet engagement en faisant savoir qu’il envisageait d’adhérer au Protocole facultatif. Dans son rapport, le Canada indique que le processus d’adhésion au Protocole facultatif comprendra de « vastes consultations » entre le Gouvernement fédéral et les autres parties prenantes. Le Corapporteur demande des précisions sur l’état d’avancement et la nature de ces consultations et souhaite savoir si les organisations de la société civile et les groupes qui représentent les populations autochtones sont associés à cette démarche. Il s’enquiert en outre des obstacles à la ratification du Protocole facultatif. À ce sujet, il serait intéressant de savoir si la question de la ratification du Protocole facultatif était inscrite à l’ordre du jour de la réunion des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux s’occupant des droits de l’homme tenue en décembre 2017 et s’il est prévu d’organiser des réunions interministérielles de ce type de façon régulière.

22.M. Tuzmukhamedov note que les enquêteurs du Bureau de l’enquêteur correctionnel examinent les plaintes de détenus, tiennent des réunions avec des comités de détenus et d’autres organismes de défense des délinquants, et effectuent régulièrement des visites annoncées au cours desquelles ils rencontrent tout détenu ou groupe de détenus qui souhaite les voir. Il fait observer que ce dispositif n’est pas pleinement conforme aux prescriptions du Protocole facultatif dans la mesure où certains établissements, notamment les établissements psychiatriques, échappent à sa surveillance, et demande si le Canada pourrait envisager élargir le champ d’intervention du Bureau. Enfin, il aimerait comprendre pour quelles raisons le Ministère de la sécurité publique refuse d’autoriser plusieurs organisations, notamment la Fédération des femmes du Québec, à effectuer une visite de l’Établissement de détention Leclerc, centre pénitentiaire provincial devenu mixte en février 2016.

23.Le Corapporteur fait observer que l’État partie n’a pas donné suite à la recommandation formulée par le Comité dans ses précédentes observations finales tendant à ce qu’il modifie la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés afin de respecter sans condition le principe absolu de non-refoulement consacré par l’article 3 de la Convention et à ce qu’il prenne toutes les mesures nécessaires pour appliquer pleinement ce principe dans la pratique, en toutes circonstances. Le paragraphe 2) de l’article 115 de cette loi, qui prévoit des dérogations au principe de non-refoulement, reste donc en vigueur. Le recours possible à de telles dérogations a été confirmé, si ce n’est élargi, en 2002, par la Cour suprême du Canada qui, dans l’affaire Suresh c. Canada, a conclu qu’elle n’excluait pas « la possibilité que, dans des circonstances exceptionnelles, une expulsion impliquant un risque de torture puisse être justifiée ». La Cour suprême n’a pas précisé ce qu’elle entendait par « circonstances exceptionnelles », et a ajouté que « l’étendue du pouvoir discrétionnaire exceptionnel d’expulser une personne risquant la torture dans le pays de destination, pour autant que ce pouvoir existe, sera définie dans des affaires ultérieures ». Le Corapporteur aimerait en savoir plus sur ces « affaires ultérieures » et sur la nature de ces « circonstances exceptionnelles ». Il invite la délégation à donner des exemples de cas dans lesquels le Ministre de la citoyenneté et de l’immigration a expulsé une personne en dépit du risque de torture auquel elle était exposée, au motif que le risque pour la sécurité du Canada l’emportait en l’espèce.

24.La délégation est aussi invitée à donner des précisions sur le recours par l’État partie aux assurances diplomatiques pour motiver une décision d’expulsion, de renvoi ou d’extradition. La Cour suprême ayant statué dans l’affaire Inde c.Badesha « qu’il [n’était] pas nécessaire que les assurances diplomatiques écartent toute possibilité de torture ou de mauvais traitements », la délégation voudra bien expliquer comment l’État partie s’assure que les assurances données sont suffisantes et appropriées et surveille le respect de ces assurances après le renvoi de l’intéressé, en précisant si des accords ont été conclus dans ce sens avec les États de destination. En ce qui concerne les détenus transférés par le Canada aux autorités afghanes et américaines, il est indiqué au paragraphe 89 du rapport qu’aucun d’entre eux n’a mentionné avoir subi de mauvais traitements au cours de la période considérée. Cela étant, dans une lettre ouverte adressée au Premier Ministre du Canada le 7 juin 2016, des parlementaires, des ministres à la retraite, des diplomates, ainsi que des avocats, des défenseurs des droits de l’homme et des universitaires, ont réclamé l’ouverture d’une commission d’enquête sur le transfert par le Canada de détenus afghans qui ont ensuite été torturés. La délégation voudra bien indiquer si des détenus transférés par le Canada se trouvent actuellement sous le contrôle des autorités afghanes ou américaines et, dans l’affirmative, si leur transfert a donné lieu à l’obtention d’assurances diplomatiques, si les visites effectuées dans les lieux de détention ont révélé que ces assurances avaient été violées et, le cas échéant, si l’État partie a ouvert des enquêtes sur les allégations de torture et quelle en a été l’issue. Il serait utile de savoir si pour ses prochaines opérations militaires l’État partie a adopté une politique interdisant expressément les transfèrements de prisonniers vers un pays où il existe des motifs sérieux de croire qu’ils seront soumis à la torture, comme le lui a recommandé le Comité dans ses précédentes observations finales.

25.Le Corapporteur rappelle les préoccupations formulées par le Comité dans ses précédentes observations finales au sujet des certificats de sécurité et constate que, contrairement à ce qui lui a été recommandé, l’État partie n’a pas pris de dispositions pour reconsidérer l’utilisation de tels certificats, qui restreint les droits de la défense. Il prie la délégation de donner des renseignements à jour sur les procédures concernant M. Mahjoub, M. Jaballah et M. Harkat, tous trois visés par un certificat de sécurité. Faisant observer que M. Harkat n’a pas été inculpé d’une infraction pénale, que les preuves versées au dossier ont apparemment été détruites, et que les faits qui sont reprochés à M. Harkat sont fondés sur le témoignage d’un informateur qui n’a pas passé avec succès le test polygraphique, il souligne que cette affaire montre bien que la délivrance de certificats de sécurité ne répond pas aux normes établies par le droit national et international. Il serait intéressant de savoir quels sont précisément les critères retenus pour justifier une telle mesure et ce qui peut être fait pour veiller à ce que les considérations de sécurité nationale ne portent pas atteinte aux garanties d’une procédure régulière. La question se pose en particulier d’une éventuelle modification de la législation visant à donner des lignes directrices claires sur ces points. De nombreuses ONG ont en outre souligné que le simple fait d’attendre l’aboutissement de la procédure de délivrance des certificats de sécurité peut s’apparenter à de la torture. M. Harkat a été détenu pendant quarante-trois mois, il est assigné à résidence depuis plusieurs années et lui et sa famille vivent dans la peur depuis le début de la procédure d’expulsion lancée il y trois ans, ce qui ne peut qu’avoir de graves répercussions sur son état de santé mentale et physique Il serait intéressant d’entendre les commentaires de la délégation à ce propos. La délégation est aussi invitée à fournir le complément d’information sur l’affaire Apaolaza Sancho demandé par le Comité dans sa liste de points à traiter à l’occasion de l’examen du sixième rapport périodique du Canada (CAT/C/CAN/Q/6).

26.La Commission de l’immigration et du statut de réfugié a élaboré des lignes directrices applicables au traitement des demandes d’asile présentées par des personnes jugées vulnérables, notamment les victimes de torture. Toutefois, ces lignes directrices ne sont pas obligatoires, et c’est aux instances chargées de se prononcer qu’il appartient de les appliquer ou non. De plus, les conditions de détention des migrants en attente d’une décision les concernant sont un sujet de préoccupation. La situation des demandeurs d’asile qui présentent des troubles mentaux, en particulier, pose problème car le transfert de ces personnes vers un établissement de détention provincial offrant des services de santé mentale n’est pas une solution adaptée à leur besoins. La délégation voudra bien indiquer en particulier si l’État partie envisage de doter les centres relevant de l’Agence des services frontaliers du Canada de services de soins médicaux et psychologiques et quels ont été les résultats concrets des investissements consacrés à la rénovation des établissements de détention destinés aux demandeurs d’asile. Étant donné que l’incertitude quant à l’aboutissement de leur demande d’asile ne fait qu’accroître la souffrance et le sentiment d’isolement des migrants placés en détention, en particulier ceux qui ont été victimes de torture, le Corapporteur souhaiterait savoir si ces personnes ont accès aux services d’un avocat ainsi que d’un interprète, ce qui leur permettrait de mieux comprendre les raisons et les conditions de leur détention.

27.La délégation voudra bien indiquer si l’État partie a donné suite à la recommandation formulée par le Comité dans ses précédentes observations finales concernant le projet de loi C-31 visant à protéger le système d’immigration du Canada (adopté depuis lors), tendant à ce qu’il modifie les dispositions régissant la rétention obligatoire et le déni du droit d’appel. Des précisions sur les cinq cas d’allégation de mauvais traitement de personnes détenues par les services de l’immigration dans des établissements correctionnels provinciaux mentionnés au paragraphe 169 du rapport seraient également appréciées, tout comme des informations complémentaires sur le fonctionnement du mécanisme de plainte auquel ont accès les demandeurs d’asile détenus dans l’attente de la détermination de leur statut, et sur les mesures prises pour en assurer l’efficacité. Le Corapporteur demande en outre à la délégation de décrire toutes les catégories de demandeurs d’asile qui n’ont pas accès à la Section d’appel des réfugiés, d’expliquer dans quelle mesure cette restriction est compatible avec les dispositions de la Convention et de préciser par quelle instance les demandes d’asile des personnes visées ont été déclarées manifestement non fondées, et pour quel motif.

28.En ce qui concerne les visites de contrôle dans les prisons et les centres de détention, la délégation voudra bien indiquer en quoi consistent les visites effectuées par la Croix‑Rouge canadienne dans les établissements où sont détenus des migrants, quelle est la teneur des recommandations formulées à l’issue de ces visites et quelle suite leur a été donnée, en précisant à quels établissements la Croix-Rouge n’a pas eu accès, et pour quelle raison. Elle voudra bien indiquer également si des ONG se sont elles aussi rendues dans des centres de détention de migrants et si, oui, lesquels. Le Corapporteur souhaiterait aussi connaître l’avis de la délégation concernant les allégations selon lesquelles des mineurs seraient détenus avec des adultes dans le contexte de l’immigration et savoir si des plaintes ont été déposées pour ce motif et, dans l’affirmative, si celles-ci ont été examinées, par quelle instance, et quelle en a été l’issue. D’après les directives ministérielles en vigueur, les mineurs migrants peuvent être détenus « dans des circonstances très précises » : la délégation voudra bien expliquer quelles sont ces circonstances, ce qu’il en est dans les faits et, d’une manière plus générale, ce qui peut être entrepris pour interdire cette pratique. De plus, des sources concordantes indiquent que, étant donné qu’elle n’est pas encadrée, la détention des enfants de migrants ne peut faire l’objet d’un contrôle, sauf dans le cadre d’un contrôle des motifs de détention des parents, ce qui signifie que l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas pris en considération. Il serait intéressant de savoir si l’État partie entend prendre des mesures pour combler ce vide juridique.

29.La durée de la détention des demandeurs d’asile n’étant pas davantage encadrée, il arrive que des personnes soient détenues pour une durée indéterminée ou à plusieurs reprises. Michael Mvogo, Camerounais en situation irrégulière arrêté pour possession de substances illicites, en est l’exemple le plus criant, puisqu’il a passé près de neuf ans en détention avant d’être expulsé vers le Cameroun en 2015. Dans l’affaire Charkaouic. Canada, la Cour suprême a statué que la détention d’une durée indéterminée sans espoir d’être libéré […] peut causer un stress psychologique et constituer de ce fait un traitement cruel et inusité et souligné que la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés n’autorise pas la détention pour une période indéterminée. Le Corapporteur rappelle à ce sujet que, dans ses précédentes observations finales, le Comité avait recommandé à l’État partie de faire en sorte qu’une durée raisonnable soit fixée pour la détention liée à l’immigration. La délégation voudra bien indiquer si l’État partie entend modifier sa législation en conséquence, et de quelles voies de recours disposent les détenus pour contester la légalité et la durée de leur détention dans ce contexte.

30.La délégation est invitée à fournir des informations précises sur les activités menées par le Bureau de l’enquêteur correctionnel, notamment sur les plaintes qu’il a examinées au cours de la période considérée et sur la suite donnée à ses recommandations, qui n’ont pas un caractère contraignant. Étant donné que la loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ne prévoit pas de contrôle indépendant des lieux de privation de liberté, il serait intéressant de savoir si l’État partie encourage des organismes indépendants à se rendre régulièrement dans les lieux de privation de liberté, et dans l’affirmative, si les équipes se composent de professionnels de la santé aptes à détecter d’éventuels signes de torture physique ou psychologique, ou un état extrême de stress, et s’il entend prendre des mesures pour mieux surveiller l’état de santé des détenus placés à l’isolement.

31.En ce qui concerne la responsabilité des services de police, le Corapporteur souhaiterait obtenir un complément d’information sur les mécanismes disciplinaires en place dans les provinces et territoires. Il souhaiterait également savoir quels mécanismes et garanties permettent d’assurer l’indépendance de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale, et quels sont exactement les pouvoirs de la Commission pour ce qui est d’enquêter sur les membres de la Gendarmerie royale et du personnel apparenté qui auraient commis des actes relevant de la Convention. Il demande en outre si des membres de la Gendarmerie royale ont été suspendus ou relevés de leurs fonctions, sanctionnés administrativement, poursuivis et condamnés dans le cadre d’affaires sur lesquelles la Commission a enquêté ou recommandé d’enquêter, et si des organismes autres que la Commission ont mené des enquêtes sur des cas de mauvais traitements infligés par des policiers à des civils. Il souhaiterait savoir si l’État partie pourrait mettre en place, d’ici à la soumission de son prochain rapport périodique, une base de données d’accès public répertoriant les décès impliquant la police et si l’État partie prévoit de se doter au niveau fédéral et dans les provinces d’un système uniforme ou complémentaire d’examen indépendant des cas d’actes répréhensibles imputés à des policiers. Il demande des renseignements à jour sur la suite donnée aux allégations de recours indu à la force, d’arrestations injustifiées et de conduite oppressive mentionnées au paragraphe 174 du rapport de l’État partie, tant sur le plan administratif que sur le plan judiciaire. Il souhaite savoir en outre quels mécanismes et procédures de plainte sont en place à l’usage des personnes qui ont été victimes de mauvais traitements de la part de membres des services de sécurité et de renseignement, des services d’immigration, des services pénitentiaires ou des forces armées. Enfin, il demande si les peines prononcées contre les policiers reconnus coupables de mauvais traitements et d’usage excessif de la force sont appropriées et quels types de mesures de réparation et d’indemnisation l’État partie accorde aux victimes et à leur famille.

32.M me Belmir constate que les juridictions pénales et militaires de l’État partie sont très lentes à statuer sur les affaires dont elles sont saisies, et demande quelles mesures l’État partie a prises pour remédier à cette situation.

33.M me Gaer souhaite en savoir plus sur les raisons pour lesquelles l’État partie n’est pas en mesure de fournir les données demandées par le Comité concernant les poursuites engagées, les condamnations prononcées et les peines infligées dans les affaires de violence familiale. Elle souhaite également connaître le degré de priorité que la Gendarmerie royale accorde au traitement des signalements de disparition de personnes. Se référant au paragraphe 173 du rapport de l’État partie, Mme Gaer demande si, parmi les 86 plaintes pour manquement au devoir jugées recevables, certaines concernaient la non-ouverture d’une enquête dans une affaire de disparition de personne ou le classement d’une affaire au motif que les allégations formulées étaient infondées. Elle demande également si les données disponibles confirment l’impression des femmes et des filles autochtones que la police n’enquête guère sur les enlèvements et les meurtres dont elles sont victimes. Pour terminer, Mme Gaer voudrait savoir si la torture est appréhendée, dans le cadre de l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, de la façon décrite au paragraphe 56 du rapport de l’État partie.

34.M. Hani regrette que l’État partie ne souscrive pas à l’interprétation de la notion de consentement tacite que le Comité fait au paragraphe 18 de son observation générale no 2 (2008) sur l’application de l’article 2 par les États parties. De plus, il s’interroge sur l’utilité du mécanisme de l’examen des risques avant renvoi, vu le nombre très faible de demandes qui trouvent une issue favorable. Il demande si l’État partie entend procéder à un réexamen de ce mécanisme et tenir compte de l’observation générale no 4 (2017) du Comité sur l’application de l’article 3 de la Convention. Il souhaiterait en outre savoir si l’État partie prévoit de renouveler et d’accroître sa contribution au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

35.M me Racu demande si la Cour fédérale et les tribunaux administratifs de l’État partie ont toujours pour pratique de ne recevoir les requêtes ou les plaintes de détenus que si les intéressés ont préalablement suivi le processus de règlement des plaintes et griefs prévu par le Service correctionnel. Elle invite la délégation à commenter les informations selon lesquelles les autorités pénitentiaires recevraient chaque année plus de 25 000 plaintes de détenus et en considéreraient beaucoup comme infondées, et à indiquer ce que l’État partie fait pour améliorer l’efficacité du mécanisme d’examen des plaintes de détenus et pour réduire le retard considérable accumulé dans le traitement de celles-ci.

36.M. Modvig, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, demande quelles mesures ont été prises pour donner suite aux conclusions de l’Enquêteur correctionnel selon lesquelles l’État partie ne ferait pas assez pour prévenir les décès de personnes en garde à vue. Il demande si la visite médicale au moment du placement en détention fait partie des exceptions évoquées au paragraphe 118 du rapport de l’État partie en ce qui concerne la conformité des pratiques du Service correctionnel à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela). Il invite la délégation à donner des précisions sur l’examen médical auquel sont soumis les détenus des établissements pénitentiaires provinciaux et territoriaux à leur arrivée en prison. Il voudrait également savoir si des signes de mauvais traitements ou de torture ont déjà été constatés chez des détenus ou des personnes placées en garde à vue et, le cas échéant, si le ministère public a été informé, et si la présence de tels signes chez un migrant en détention est prise en compte au moment de l’examen de sa demande d’asile.

37.M. Touzé (Rapporteur pour le Canada), évoquant la pratique de la mise à l’isolement dans les centres d’accueil pour jeunes au Québec, relève que, selon la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, l’arsenal législatif encadrant cette pratique pourrait être amélioré, notamment en éliminant la possibilité d’avoir recours aux mesures de contrôle planifiées selon les mêmes modalités pour les enfants que pour les adultes et en précisant les principes devant guider les décisions. Toujours selon la Commission, il n’existe pas de données démontrant que le personnel des établissements concernés est bien informé de la distinction à opérer entre les mesures de contrôle et les mesures disciplinaires. Les commentaires de la délégation sur ces points seront les bienvenus. La délégation est en outre invitée à donner des explications concernant l’utilisation du système Pinel, unique dispositif de contrainte autorisé pour empêcher les détenus de s’automutiler dans les établissements de sécurité moyenne et de haute sécurité, les établissements pour femmes et les centres régionaux de traitement, qui n’a pas toujours lieu uniquement en dernier ressort et sur autorisation d’un professionnel de la santé

La séance est levée à 12 h 55.