NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.54324 mars 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 543e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le mercredi 20 novembre 2002, à 15 heures

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Conclusions et recommandations concernant le quatrième rapport périodique de l’Égypte

La séance est ouverte à 15 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Conclusions et recommandations concernant le quatrième rapport périodique de l’Égypte (CAT/C/55/Add.6) (CAT/C/XXIX/MISC.4)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation égyptienne reprend place à la table du Comité.

2.M. MARIÑO MENÉNDEZ (Rapporteur pour l’Égypte) donne lecture, en langue espagnole, des conclusions et recommandations du Comité concernant le quatrième rapport périodique pour l’Égypte (CAT/C/55/Add.6), dont le texte est le suivant:

A. Introduction

«Le Comité se félicite de la présentation du quatrième rapport périodique de l’Égypte, qui a été soumis dans les délais prescrits et a été établi en pleine conformité avec les directives du Comité concernant la forme et le contenu des rapports périodiques. Le Comité se félicite également du dialogue ouvert engagé avec les représentants de l’État partie au cours de l’examen oral du rapport et lors de l’examen des informations supplémentaires soumises par ces derniers. Le Comité note que le rapport contient des informations très utiles concernant l’adoption de nouveaux textes de loi visant à assurer la mise en œuvre et la dissémination de la Convention.

Le Comité n’ignore pas les difficultés que rencontre l’État partie dans la lutte qu’il poursuit contre le terrorisme, mais rappelle qu’aucune circonstance exceptionnelle quelle qu’elle soit ne peut être invoquée pour justifier la torture.

B. Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction les points suivants:

a)La promulgation d’une loi abolissant la flagellation en tant que sanction disciplinaire applicable aux détenus;

b)La publication de la lettre circulaire no 11 de 1999 réglementant la procédure à suivre pour les inspections inopinées, que le parquet a l’obligation d’effectuer dans les lieux de détention, en particulier s’il lui est notifié par écrit ou oralement qu’une personne est illégalement détenue dans un commissariat de police ou dans un autre lieu de détention;

c)Les décisions prises par les tribunaux égyptiens visant à refuser et d’admettre comme preuve tout aveu obtenu sous la contrainte;

d)Les efforts entrepris par l’État partie pour accorder une plus large place à la formation aux droits de l’homme des responsables de l’application des lois et des agents de la fonction publique;

e)La création en 1999 d’une commission des droits de l’homme ayant pour mandat de proposer des moyens de garantir une protection plus efficace des droits de l’homme;

f)La création en 2000 de la Direction générale des affaires relatives aux droits de l’homme, relevant du Ministère de la justice et chargée de veiller au respect des aspects juridiques des obligations internationales découlant des instruments relatifs aux droits de l’homme, ainsi que de préparer les réponses destinées aux organes internationaux, d’encourager une plus grande sensibilisation à ces questions et dispenser une formation aux membres de l’appareil judiciaire et du Département des poursuites;

g)Les mesures prises par l’État partie en vue de la création d’une commission nationale des droits de l’homme.

C. Sujets de préoccupation

Le Comité se déclare préoccupé par les questions suivantes:

a)Le maintien de l’état d’urgence depuis 1981, ce qui entrave le plein établissement de l’état de droit en Égypte;

b)Les nombreuses plaintes reçues concernant la persistance du phénomène de la torture et des mauvais traitements infligés à des détenus par des agents chargés de faire appliquer la loi, ainsi que l’absence de mesures de protection efficace et d’enquêtes rapides et impartiales; un grand nombre de ces plaintes font état de nombreux cas de décès de détenus;

c)Le Comité se déclare tout particulièrement préoccupé par les actes de torture et les mauvais traitements infligés dans des locaux administratifs placés sous le contrôle des Services de renseignements de la Sécurité d’État (SSI), dont la perpétration, de façon apparemment systématique, serait encouragée par l’absence de toute inspection obligatoire de ces locaux;

d)Le fait que les victimes de torture ou de mauvais traitements ne peuvent pas s’adresser directement aux cours de justice pour présenter leurs plaintes;

e)La durée excessive d’un grand nombre de procédures engagées dans des cas de torture ou de mauvais traitements et le fait qu’un grand nombre des décisions de justice visant à libérer des détenus ne sont pas appliquées dans la pratique;

f)Le Comité comprend les impératifs de sécurité dus à la nécessité de lutter contre le terrorisme, mais se déclare préoccupé par les restrictions des droits de l’homme qui risquent d’entraîner les mesures adoptées à cette fin;

g)Les nombreuses informations concernant les abus dont seraient victimes les mineurs en détention, en particulier le harcèlement sexuel des jeunes filles, de la part des agents chargés de faire respecter la loi, l’absence de mécanismes de surveillance permettant d’enquêter sur les abus et de poursuivre les responsables et le fait que les mineurs soient placés dans des lieux de détention en présence de détenus adultes;

h)Les plaintes reçues concernant les mauvais traitements infligés à des hommes en raison de leurs penchants homosexuels réels ou présumés, qui seraient encouragés par le manque de clarté de la législation pénale;

i)Les plaintes relatives à des expulsions forcées et à la destruction de logements de façon violente par les autorités, sans garanties juridiques appropriées pour les victimes; le Comité considère que cette pratique peut constituer un traitement inhumain ou dégradant conformément à l’article 16 de la Convention;

j)Les restrictions imposées par la loi et dans la pratique aux activités des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme;

k)Les importantes disparités existant entre les réparations accordées aux victimes de torture et de mauvais traitements.

D. Recommandations

Le Comité recommande à l’État partie:

a)De reconsidérer le maintien de l’état d’exception;

b)D’adopter une définition de la torture qui corresponde pleinement à la définition du paragraphe 1 de l’article premier de la Convention;

c)De prendre des mesures pour garantir que toute plainte concernant des actes de torture ou des mauvais traitements soit examinée rapidement, avec impartialité et de manière indépendante, y compris les plaintes relatives à des décès en détention;

d)D’adopter des mesures pour que l’inspection obligatoire des lieux officiels de détention par des représentants de la loi et des juges soit réalisée et ait lieu dans de courts délais;

e)De prendre des mesures pour veiller à ce que toutes les personnes en détention aient accès immédiatement à un médecin et à un avocat et puisse également contacter immédiatement les membres de leurs familles;

f)De supprimer toutes les formes de détention administratives; en outre, les locaux sous le contrôle des SSI devraient être obligatoirement inspectés et les allégations d’actes de torture et de mauvais traitements qui y seraient commis devraient faire l’objet d’enquêtes rapides et impartiales;

g)De veiller à ce que sa législation donne plein effet aux droits reconnus par la Convention et de mettre en place des recours efficaces en vue de l’exercice de ces droits; l’État partie doit veiller en particulier à ce que les procédures aient lieu dans un délai raisonnable après le dépôt de la plainte et que toute décision de justice visant à libérer des détenus soit effectivement appliquée;

h)D’abolir la détention au secret;

i)D’instaurer un recours contre les décisions des tribunaux militaires dans les affaires de terrorisme;

j)De mettre fin à toute pratique d’abus de mineurs dans les lieux de détention et de sanctionner les coupables et d’interdire le contact de mineurs détenus avec des présumés criminels adultes;

k)D’adopter des mesures pour éliminer toute ambiguïté dans la législation pouvant donner lieu à la persécution d’individus en raison de leur orientation sexuelle; l’État partie devrait en outre adopter des mesures visant à empêcher tout traitement dégradant lors des fouilles corporelles;

l)D’adopter les mesures nécessaires pour établir effectivement sa compétence à l’égard de tous les responsables présumés de torture qui se trouvent sur son territoire et ne sont pas extradés vers d’autres États pour être soumis à la justice, conformément aux dispositions des articles 5 à 8 de la Convention;

m)Le Comité réitère à l’intention de l’État partie les recommandations qu’il lui a adressées le 3 mai 1996 en se fondant sur ses conclusions dans le cadre de la procédure suivie conformément à l’article 20 de la Convention et le prie de l’informer des mesures prises pour les appliquer dans la pratique;

n)Le Comité, tenant compte des affirmations de l’État partie qui a exprimé sa volonté de coopérer avec les mécanismes de protection des droits de l’homme de l’ONU, lui recommande d’autoriser la visite sur son territoire du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur la question de la torture;

o)D’adopter les mesures nécessaires pour que les organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme exercent leurs activités sans entraves et, en particulier, puissent avoir accès à tous les lieux de détention et établissements pénitentiaires afin de garantir un meilleur respect de l’interdiction de la torture et des mauvais traitements;

p)D’instaurer des règles et des normes précises permettant d’accorder aux victimes de torture et de mauvais traitements pleine réparation, sans différences non justifiées de façon appropriée entre les indemnisations accordées;

q)De poursuivre le programme de formation du personnel chargé de faire appliquer la loi, en particulier en ce qui concerne les obligations énoncées dans la Convention et le respect des droits de tous les détenus à être assisté d’un médecin et d’un avocat et à communiquer avec sa famille;

r)D’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention;

s)De diffuser largement les conclusions et les recommandations du Comité dans l’État partie, dans toutes les langues appropriées».

3.M. HAMID (Égypte) dit qu’il a écouté attentivement les conclusions et recommandations dont il vient d’être donné lecture et remercie les rapporteurs pour leur travail. La délégation égyptienne a présenté son rapport dans les délais prescrits et conformément aux directives du Comité; elle y a adjoint des documents complémentaires et a apporté des réponses orales au cours de la discussion, ainsi que des réponses écrites par la suite, témoignant ainsi de sa volonté de coopérer totalement et inconditionnellement et de nouer un dialogue constructif avec le Comité, dans le but de mieux appliquer la Convention et de renforcer le respect des droits de l’homme sur son territoire. De plus, les membres du Comité se sont montrés très encourageants à son endroit, tant dans les observations qu’ils ont formulées au sujet du troisième rapport qu’au cours des débats concernant les troisième et quatrième rapports. Or les recommandations dont il vient d’être donné lecture ne sont pas dans le même esprit et ne vont pas du tout dans le sens de ce qui s’est passé au cours des débats. Certaines des réponses pourtant apportées à plusieurs reprises par la délégation n’ont pas été prises en considération dans ces recommandations, qui sont parfois fort éloignées de la réalité qui prévaut dans le pays. En second lieu, quelques unes d’entre elles sont déjà appliquées, comme il a été démontré au cours du débat: c’est le cas par exemple des inspections sans préavis sur les lieux de détention. Certaines de ces recommandations enfin sont peu claires et très générales, ce qui les rend difficiles à appliquer; il s’agit plutôt de jugements politiques, outrepassant parfois le mandat du Comité. L’Égypte avait espéré du Comité des recommandations concrètes, susceptibles d’être appliquées et de la faire progresser dans la voie de la promotion des droits de l’homme, et qu’elle pourrait ainsi mettre à profit les grandes compétences des membres du Comité. Quoi qu’il en soit, la délégation égyptienne examinera ces conclusions et recommandations avec attention et les transmettra à son gouvernement. M. Hamid espère que ce ne sera pas la dernière phase du dialogue entre l’Égypte et le Comité.

4. Le PRÉSIDENT remercie M. Hamid de ses propos.

5. La délégation égyptienne se retire.

6. La première partie (publique) de la séance prend fin à 15 h 30.

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