NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.84226 janvier 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Quarante et unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 842e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 6 novembre 2008, à 10 heures

Président: M. GROSSMAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Deuxième rapport périodique du Kazakhstan

La séance est ouverte à 10 heures .

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique du Kazakhstan (CAT/C/KAZ/2; CAT/C/KAZ/Q/2; CAT/C/KAZ/Q/2/Add.1 (document distribué en russe seulement))

1. Sur l ’ invitation du Président, M. K usdavletov, M . Z hukenov , M. T astemirov , M. D embayev , M.  S eksenbayev , M. B ayzhanov , M me  A mirova et M me  U tegenova (Kazakhstan) prennent place à la table du Comité.

2.M. KUSDAVLETOV (Kazakhstan) dit que dans la période récente, le Kazakhstan a mené des réformes économiques radicales qui ont déjà produit des effets perceptibles. En outre, comme d’autres pays désireux de préserver la sécurité et la stabilité, il s’est engagé sur la voie de la démilitarisation et du désarmement et s’emploie à lutter activement contre le terrorisme et l’extrémisme religieux. Tout récemment, des amendements à la Constitution ont été adoptés et des modifications apportées aux lois constitutionnelles concernant les élections, le Gouvernement, le Parlement et les pouvoirs du Président de la République. Plusieurs projets tendant à promouvoir les organisations de la société civile sont à l’étude et un plan d’action national relatif aux droits de l’homme est en préparation. D’autre part, le Kazakhstan a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels sans formuler de réserve, ainsi que d’autres instruments internationaux dont la Convention internationale contre la criminalité transnationale organisée et la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire.

3.Le Code pénal kazakh a été complété par l’adjonction de l’article 347-1, qui érige la torture en infraction conformément aux dispositions de la Convention. L’administration pénitentiaire, les centres de détention provisoire et les services de l’état civil, qui relevaient auparavant du Ministère de l’intérieur, sont désormais du ressort du Ministère de la justice. Depuis septembre 2008, le placement en détention provisoire d’un suspect doit être autorisé par un juge et non plus par le parquet. En conséquence, le nombre d’autorisations de ce type est tombé à 1 350 par mois, alors qu’il était en moyenne de 1 900 par mois en 2006, soit une réduction d’environ 40 %. Par ailleurs, le Gouvernement kazakh se rapproche progressivement de l’objectif de l’abolition de la peine de mort. Le moratoire sur les exécutions proclamé le 1erjanvier 2004 reste en vigueur et il le sera jusqu’à ce que la question de l’abolition de la peine capitale soit définitivement réglée. Grâce aux réformes constitutionnelles qui ont été engagées, la peine de mort ne s’applique plus qu’aux crimes les plus graves et les condamnés à mort ont désormais la possibilité de former un recours en grâce. Il convient de souligner que tous les condamnés à mort recensés au Kazakhstan, soit 31 personnes, ont obtenu que leur peine soit commuée en une peine de réclusion à perpétuité. Le Parlement est saisi d’un projet de loi prévoyant de faire passer le nombre d’infractions emportant la peine capitale de 18 à 8.

4.Le Kazakhstan a fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention, par lesquelles il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées au titre desdits articles. En outre, il compte adhérer prochainement au premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et reconnaître ainsi la compétence du Comité des droits de l’homme pour examiner des communications émanant de particuliers. Enfin, il a jeté les bases nécessaires à la création d’un mécanisme indépendant de prévention de la torture, tel que prévu par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, que le Kazakhstan a ratifié en octobre 2008.

5.Depuis 2004, la société civile mène des activités de surveillance dans les institutions et centres de détention relevant de l’administration pénitentiaire afin de vérifier si les libertés et les droits fondamentaux des détenus y sont respectés. Le Commissaire aux droits de l’homme, plusieurs organisations non gouvernementales et des représentants des médias se rendent dans les établissements pénitentiaires et les locaux des services de l’intérieur. Dans toutes les régions, des commissions publiques exercent une surveillance de la situation dans les centres de détention. Un projet de loi sur le régime de la probation et sur la réinsertion des condamnés à leur sortie de prison sera élaboré en 2009.

6.La réforme du système judiciaire se poursuit et, en particulier, des modifications ont été apportées au Code de procédure pénale et au Code de procédure civile afin de renforcer le rôle des tribunaux locaux et des juridictions de recours et de simplifier les procédures. Les nouvelles dispositions relatives à la participation de jurés aux procédures pénales sont entrées en vigueur le 1er janvier 2007. Enfin, des tribunaux spécialisés ont été mis sur pied, dont un tribunal des mineurs, et le Parlement examine actuellement un projet de loi tendant à modifier et à compléter certaines lois afin de garantir l’accès des personnes privées de liberté à un avocat dûment qualifié.

7.Les politiques visant à rendre plus humaines les conditions de détention dans le système pénitentiaire se poursuivent et grâce aux réformes entreprises dans ce cadre, la population carcérale est passée de 66 000 à 49 000 personnes entre 2002 et 2008, ce qui s’explique notamment par les amnisties accordées en 1999, 2000 et 2002 et par le fait que toute une série de dispositions du Code pénal ont été modifiées ou abrogées et qu’en conséquence, certains actes ont cessé de constituer une infraction pénale.

8.Le Kazakhstan compte 73 établissements pénitentiaires et 20 centres de détention provisoire. Progressivement, les conditions de détention y sont mises en conformité avec l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. De nouvelles prisons sont en construction et d’anciens bâtiments sont rénovés. La transition entre les établissements à cellules collectives et ceux pourvus de cellules individuelles est amorcée et près de 183 millions de dollars des États-Unis ont été alloués à cette fin. De plus, un poste de psychologue a été créé dans tous les établissements pénitentiaires, dont le personnel est désormais formé dans un institut spécialisé relevant du Ministère de la justice. Enfin, il convient de signaler que le Parlement examine actuellement deux projets de loi portant respectivement sur la lutte contre la violence familiale et sur les services sociaux, en vertu desquels les victimes de violences ou de traitements cruels pourront bénéficier d’une aide de l’État.

9.M. KOVALEV (Rapporteur pour le Kazakhstan) relève que la définition de la torture figurant à l’article 347-1 du Code pénal kazakh ne reprend pas tous les éléments de la définition contenue dans l’article premier de la Convention. En particulier, le fait que l’auteur d’un acte de torture est une personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite n’est pas mentionné dans cette définition. Le terme «agent public» utilisé dans le Code pénal kazakh a une portée beaucoup plus étroite que l’expression «personne agissant à titre officiel» figurant dans la Convention, ce qui restreint le champ d’application de l’article 347-1 dudit Code. De plus, les peines prévues dans le cas où le suspect est reconnu coupable de torture, à savoir notamment une amende représentant deux à cinq mois de salaire ou une peine de cinq ans d’emprisonnement, sont trop clémentes eu égard à la gravité de l’acte qu’elles sont censées réprimer, ce qui risque de favoriser l’impunité des auteurs. La délégation kazakhe est invitée à réagir à ces remarques et à commenter la définition de la notion de traitements cruels qui fait l’objet de l’article 107 du Code pénal.

10.Concernant l’article 2 de la Convention, il semble que, d’après des renseignements dont dispose le Comité, les violations des droits des suspects arrêtés par la police seraient monnaie courante. En effet, il s’écoulerait un laps de temps passablement long entre l’arrestation et l’établissement du procès-verbal, ce qui augmenterait le risque que des violations soient commises pendant cet intervalle. En outre, il serait fréquent que les suspects ne puissent pas informer leurs proches de leur arrestation dès leur placement en garde à vue. Or, l’article 138 du Code de procédure pénale dispose que l’enquêteur a l’obligation d’avertir les proches du suspect dans les douze heures qui suivent son arrestation. Dans certaines circonstances particulières, le délai peut être prolongé jusqu’à atteindre soixante-douze heures sur autorisation du Procureur. M. Kovalev souhaiterait savoir quelles sont ces circonstances et qui est habilité à déterminer qu’une prolongation de la garde à vue s’impose ou non. En outre, selon certaines sources, bien que la durée maximale de la garde à vue soit de soixante-douze heures, ce délai n’est pas respecté dans la pratique. La délégation est donc invitée à expliquer pourquoi, dans de nombreux cas, la durée de la garde à vue est prolongée au-delà du délai légal. Elle est également invitée à commenter des allégations selon lesquelles des collaborateurs du défenseur des droits de l’homme Rakhat Aliev auraient été arrêtés et détenus au secret dans un centre de détention provisoire où on les aurait torturés afin de leur faire avouer qu’ils avaient fomenté un coup d’État.

11.M. Kovalev souhaiterait en outre des précisions sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. En particulier, il voudrait savoir quelle est la superficie des cellules dans les établissements pénitentiaires et les maisons d’arrêt et quelles mesures ont été prises pour régler le problème de la surpopulation carcérale, sachant que la promiscuité favorise la propagation des maladies, et pour rendre les établissements pénitentiaires conformes aux normes internationales.

12.D’après une organisation non gouvernementale, plusieurs mineurs délinquants auraient été victimes de traitements cruels durant leur interrogatoire. La délégation voudra bien indiquer si des enquêtes judiciaires ont été ouvertes sur ces incidents et si des mesures sont prises pour améliorer le système de justice pour mineurs.

13.Le taux d’incarcération étant passé de 342 pour 100 000 en 2005 à 378 pour 100 000 en 2008, la délégation devrait fournir des explications sur cette évolution et indiquer si les dispositions de l’article 2 de la Convention selon lesquelles aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier la torture ont été incorporées dans la législation kazakhe. Elle pourrait citer, le cas échéant, des exemples dans lesquels les tribunaux ont appliqué ces dispositions.

14.Le Rapporteur souhaiterait également des précisions sur le cas de trois personnes, MM. Imranov, Ponomarev et Polienko, qui, d’après des informations portées à l’attention du Comité, auraient été frappées par des policiers avec des bouteilles de plastique remplies d’eau − un moyen de ne pas laisser de séquelles visibles − lors de leur interrogatoire. Les auteurs présumés de ces violations ont-ils été poursuivis et, le cas échéant, condamnés?

15.L’article 16 du Code pénal dispose que seules les personnes soupçonnées ou accusées d’une infraction ont accès à un avocat en cas d’arrestation ou de placement en garde à vue; les personnes arrêtées pour d’autres motifs n’ont donc pas droit à un avocat. De plus, en vertu du Code de procédure pénale, l’avocat n’est mis à la disposition des personnes qui peuvent y prétendre que dans les vingt-quatre heures qui suivent leur arrestation. Or, c’est dans cet intervalle que le suspect est soumis au premier interrogatoire au cours duquel il risque de subir des violences physiques ou psychologiques. Par ailleurs, sachant que les suspects qui n’ont pas les moyens de faire appel à un conseil bénéficient des services d’un avocat commis d’office et que, d’après des ONG, les qualifications et l’éthique professionnelles de ces derniers laissent fortement à désirer, M. Kovalev voudrait savoir comment sont formés les avocats, s’il existe un mécanisme chargé de vérifier leurs compétences et quelles mesures l’État partie a prises pour remédier à ces déficiences. D’autre part, d’après certaines informations, le droit de toute personne de voir un médecin dans les vingt-quatre heures en cas de lésions corporelles serait fréquemment violé dans la pratique et il arriverait souvent que le médecin chargé d’établir le constat médical n’y consigne pas toutes ses observations, ce qui serait dû au fait que le personnel médical travaillant dans les lieux de détention ne jouirait d’aucune indépendance à l’égard du système de justice pénale. M. Kovalev souhaiterait savoir si des mesures ont été adoptées par l’État partie afin de garantir l’accès des suspects à un avocat et à un médecin dans les premières heures qui suivent leur arrestation et si des enquêtes ont été ouvertes sur des plaintes mettant en cause la qualité de l’aide juridictionnelle et des examens médicaux. Le cas échéant, la délégation kazakhe voudra bien indiquer combien de médecins ont été condamnés sur la base d’une plainte de ce type, quelles peines ont été prononcées et si les médecins s’appuient sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) pour détecter d’éventuelles séquelles de tortures ou de mauvais traitements. La délégation est invitée à fournir des statistiques récentes sur le nombre de plaintes pour rétention illégale en garde à vue et sur le nombre d’agents de l’État poursuivis à la suite de ces plaintes et, le cas échéant, condamnés.

16.Relevant qu’en juin 2008, la législation interne a été modifiée par l’adjonction d’une disposition instaurant l’obligation de soumettre le placement d’un suspect en détention provisoire à l’approbation d’un juge, M. Kovalev voudrait s’assurer que la loi kazakhe est compatible avec le principe de l’habeas corpus et avec les normes juridiques protégeant les individus contre la torture et la privation illégale de liberté. À cet égard, il demande s’il existe des procédures permettant aux victimes de la torture d’entamer une action en réparation contre l’État devant les juridictions civiles.

17.D’après des renseignements émanant d’ONG, 600 femmes et fillettes seraient décédées des suites de violences conjugales ou familiales entre 1996 et 2007 et 20 000 viols seraient signalés chaque année. La délégation kazakhe voudra bien indiquer quelles mesures sont prises par les pouvoirs publics pour lutter contre ces violences et faire baisser ces chiffres alarmants. Bien que des centres pour femmes battues aient été ouverts par des ONG dans tout le pays, près de 8 000 cas de violences perpétrées contre des femmes ont été enregistrés rien qu’en 2007. Il serait donc intéressant de savoir si l’État partie s’est mis en devoir d’adopter des dispositions légales pour protéger les femmes contre la violence familiale.

18.En ce qui concerne l’article 3 de la Convention, il ressort d’un rapport établi par le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en 2006 (A/HRC/4/33/Add.1) que plusieurs non-ressortissants ont été expulsés du Kazakhstan vers des pays où ils risquaient d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements. Il serait important d’obtenir des renseignements, notamment, sur le sort de Yusuf Kadir Tohti et d’Abdukadir Sidik, deux Ouïgours renvoyés en Chine où ils ont été accusés de séparatisme et mis au secret, et de Temirbaev Gabdurafih, un Ouzbek qui, à l’époque où le rapport a été établi, était en instance de renvoi dans son pays pour avoir pratiqué l’islam en dehors des structures religieuses placées sous le contrôle de l’État.

19.M. Kovalev prie également la délégation de fournir au Comité des statistiques sur le nombre de personnes qui ont demandé l’asile à l’État partie en 2007, en précisant combien d’entre elles l’ont obtenu, combien ont été expulsées et vers quels pays. La délégation pourrait aussi indiquer si les autorités kazakhes ont déjà demandé des assurances diplomatiques à un autre État avant d’y extrader un individu et si un mécanisme de contrôle a été mis en place afin de vérifier que ces garanties étaient respectées. Enfin, il serait utile de savoir combien de demandeurs d’asile sont enregistrés dans le pays et combien de non-ressortissants ont été expulsés vers des pays dans lesquels des violations des droits de l’homme sont commises, en particulier la torture, et si des fonctionnaires de l’asile soupçonnés d’avoir enfreint l’obligation de non-refoulement consacrée à l’article 3 de la Convention ont été poursuivis et condamnés. D’après des informations portées à la connaissance du Comité, plusieurs demandeurs d’asile auraient été renvoyés en Chine et en Ouzbékistan. La délégation est priée d’indiquer si ces allégations sont exactes et, le cas échéant, si les fonctionnaires qui ont ordonné ces expulsions ont fait l’objet de poursuites administratives ou pénales.

20.Concernant l’article 4 de la Convention, M. Kovalev note que malgré l’introduction en 2002 de l’article 347-1 dans le Code pénal, lequel érige la torture en infraction, les juridictions pénales continuent de se fonder sur les articles 308 et 347 dudit Code pour qualifier des actes qui, en fait, relèvent de la torture. Cette confusion entre la notion de torture et celle d’abus d’autorité permet de dissimuler le nombre réel de cas de torture. La délégation devrait donc préciser quels sont les liens entre l’article 347-1 et les autres articles du Code pénal qui répriment des actes apparentés à la torture tels que l’abus d’autorité ou la contrainte exercée sur un suspect en vue d’obtenir de lui qu’il passe aux aveux, fasse de fausses déclarations, se rétracte ou donne un faux témoignage, mais aussi donner de plus amples détails sur la définition des infractions susmentionnées et fournir des statistiques sur le nombre de personnes poursuivies au titre de ces articles du Code pénal. Enfin, il serait intéressant de savoir ce que les autorités kazakhes entendent entreprendre afin que la notion de torture au sens de l’article premier de la Convention ne puisse pas se confondre avec d’autres notions contenues dans le Code pénal.

21.En ce qui concerne l’article 5 de la Convention, le Rapporteur voudrait savoir si le Kazakhstan a pris les mesures voulues pour établir la compétence universelle de ses juridictions pour les affaires portant sur des actes de torture au sens de l’article premier de la Convention. Au cas où les autorités kazakhes refuseraient d’extrader une personne soupçonnée d’avoir commis de tels actes à l’étranger, quel tribunal serait habilité à juger cette personne, quelles dispositions de la loi invoquerait-il − et, le cas échéant, combien d’affaires de ce type ont-elles été examinées par les juridictions nationales et de quels actes le suspect était-il accusé? Enfin, le Rapporteur demande si le Kazakhstan envisage de ratifier le Statut de la Cour pénale internationale.

22.Concernant l’article 6 de la Convention, M. Kovalev souhaiterait savoir si une personne soupçonnée d’avoir commis des actes de torture à l’étranger pourrait être arrêtée sans mandat d’arrêt international et quelle serait la réaction des autorités kazakhes si l’État dans lequel les violations ont été commises leur demandait d’extrader cette personne afin de la traduire en justice. Il serait également utile de savoir si une personne arrêtée et privée de liberté sans que les charges pesant sur elle lui aient été notifiées pourrait se prévaloir du principe de l’habeas corpus et réclamer qu’un tribunal examine la légalité de sa détention. Au cas où le tribunal conclurait à l’illégalité de la détention, quelles mesures ordonnerait-il? À cet égard, relevant que le Kazakhstan ne s’est pas encore doté d’une loi sur l’habeas corpus mettant en œuvre les dispositions du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Rapporteur souligne que l’institution de cette procédure constituerait une avancée cruciale dans le domaine de la lutte contre la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants. Enfin, il souhaiterait savoir si la loi offre la possibilité aux personnes privées illégalement de liberté de demander réparation et combien de membres des forces de l’ordre ont été condamnés ces dernières années pour détention illégale.

23.Il est indiqué au paragraphe 79 du rapport de l’État partie que les fonctionnaires consulaires «ont le droit de se rendre auprès d’un ressortissant de l’État d’envoi» incarcéré: M. Kovalev fait observer que ce type de visite n’est pas un droit mais une obligation incombant aux fonctionnaires consulaires, qui doivent faire tout leur possible pour assurer la protection de leurs ressortissants à l’étranger, en particulier ceux qui se trouvent en détention.

24.D’après des informations dont dispose le Comité, les enquêteurs de la police chargés des affaires de torture recourraient à des moyens de pression physique et psychologique assimilables à de la torture lors de l’interrogatoire des suspects. En outre, les personnes torturées ou maltraitées par un enquêteur ne parviendraient pas à faire constater médicalement les séquelles de ces violences car les médecins qui travaillent dans les locaux de garde à vue ou les centres de détention provisoire ne veulent pas avoir d’ennuis avec l’administration pénitentiaire. Le Rapporteur demande ce que fait l’État partie pour garantir que les victimes de torture puissent faire constater de manière complète et objective les séquelles des sévices qui leur ont été infligés et pour faire en sorte que les médecins établissant ces certificats se fondent sur le Protocole d’Istanbul.

25.Enfin, d’après des renseignements portés à l’attention du Comité, il arriverait fréquemment que des suspects soient internés contre leur volonté dans un établissement psychiatrique sous le prétexte qu’ils auraient des problèmes de santé mentale. La délégation est priée de fournir des statistiques sur le nombre de fonctionnaires de police et de médecins traduits en justice pour avoir interné illégalement un suspect dans un établissement psychiatrique.

26.Concernant les articles 8 et 9 de la Convention, il serait intéressant de savoir si le Kazakhstan a conclu avec d’autres États que les États-Unis d’Amérique des accords d’entraide judiciaire régissant l’extradition d’auteurs présumés d’actes de torture et, dans l’affirmative, lesquels. Il serait également souhaitable que l’État partie indique s’il envisage de se doter d’une loi en vertu de laquelle il pourrait extrader quiconque est soupçonné d’un tel crime vers un État avec lequel il n’est pas lié par un traité d’extradition, combien de suspects ont déjà fait l’objet d’une procédure d’extradition, vers quels États ils ont été extradés, et sur le territoire de quel État les actes incriminés avaient eu lieu.

27.M. WANG (Corapporteur pour le Kazakhstan) salue le fait que l’État partie a, depuis l’examen de son rapport initial (CAT/C/47/Add.1), pris toute une série de mesures et adopté de nombreuses dispositions législatives visant à prévenir la torture. Pour ce faire, l’État partie a d’ailleurs suivi les recommandations contenues dans les observations finales que le Comité a formulées à l’issue de cet examen initial (A/56/44, par. 121 à 129), ce qui prouve qu’il prend très au sérieux les recommandations du Comité. Faisant observer qu’une bonne législation n’a de valeur que si elle est appliquée, M. Wang voudrait savoir si l’État partie a mis en place des programmes de formation destinés à tous les personnels visés à l’article 10 de la Convention, ainsi qu’un mécanisme destiné à en évaluer les résultats.

28.M. Wang souhaiterait aussi savoir si l’État partie a mis en place une procédure de surveillance systématique des règles, instructions, méthodes et pratiques d’interrogatoire conformément à l’article 11 de la Convention, et connaître la nature des méthodes visées par le décret n° 146 promulgué le 11 décembre 2001 par le Ministre de la justice, dont il est question à l’alinéa c du paragraphe 90 du rapport à l’examen.

29.Pour ce qui est de l’article 12 de la Convention, M. Wang s’inquiète de ce que d’après des sources dignes de foi, les autorités compétentes saisies d’une plainte pour torture mettraient parfois deux mois à ouvrir une enquête préliminaire, ce qui les empêcherait de constater à temps les éventuelles séquelles visibles d’actes de torture et aurait pour effet de laisser la victime à la merci de ses tortionnaires. Autre sujet de préoccupation, si le crime de torture est commis par un membre de la police et l’enquête menée par des personnels du Département du Comité de la sécurité nationale qui dépendent de la même structure hiérarchique, la procédure risque d’être entachée de partialité. Enfin, M. Wang se demande pourquoi ce sont en général les dispositions du Code de procédure pénale citées au paragraphe 101 du rapport qui sont violées, et quelles mesures l’État partie a prises pour pallier cette situation.

30.À propos de la mise en œuvre de l’article 13 de la Convention, la délégation kazakhe devrait préciser quelles sont les «autorités compétentes», mentionnées au paragraphe 129 du rapport, qui sont chargées d’examiner les plaintes de victimes présumées des droits de l’homme. M. Wang voudrait d’autre part savoir s’il existe en matière civile une procédure prévoyant le versement d’indemnités et la mise en œuvre de mesures de réadaptation en faveur des victimes, conformément à l’article 14 de la Convention.

31.Pour ce qui est de l’article 15 de la Convention, le Corapporteur salue la modification de l’article 116 du Code de procédure pénale en vertu de laquelle les données extorquées par la torture font partie des données factuelles irrecevables en qualité de preuve (par. 138 du rapport à l’examen), et demande si cette nouvelle disposition a déjà été appliquée. Enfin, se référant à l’article 16 de la Convention, il voudrait savoir si l’État partie a enquêté sur le phénomène de l’automutilation dans les prisons, dont l’incidence aurait beaucoup augmenté au cours des dernières années, à la fois pour en comprendre les raisons et pour y mettre un terme.

32MmeBELMIR déplore que l’infraction de torture ne fasse pas l’objet d’une qualification spéciale dans le droit interne de l’État partie et les souffrances physiques ou mentales causées par un agent public agissant dans le cadre de la loi ne sont pas considérées comme une torture (par. 14 du rapport). La période comprise entre l’arrestation du prévenu et sa comparution devant une juridiction de jugement est très sombre et doit être assortie de garanties visant à préserver la vie, l’intégrité physique et la santé de l’intéressé et à lui éviter des souffrances. Or d’après des informations qui ont été portées à la connaissance du Comité, les opposants au régime placés en détention seraient encore parfois passés à tabac par les fonctionnaires chargés de l’application de la loi. Il est donc impératif que le Code pénal soit revu afin de protéger les prévenus contre les abus de ce genre. Par ailleurs, le fait que les juges soient nommés par le Président de la République va à l’encontre du principe de l’indépendance de la justice et fragilise la notion de procès équitable.

33.Se référant aux observations finales (CRC/C/OPSC/KAZ/CO/1) adoptées par le Comité des droits de l’enfant à l’issue de l’examen du rapport initial du Kazakhstan présenté en application de l’article 12 du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/KAZ/1), Mme Belmir rappelle que la crédibilité de la police est entamée par le fait que des agents de l’État se seraient rendus coupables de complicité de traite, et que la corruption est de nature à entraver l’efficacité des mesures de prévention prises dans ce domaine.

34.Pour ce qui est de la justice pour mineurs, des informations émanant de diverses sources indiquent que les jeunes délinquants n’auraient pas accès à un avocat dès le début de leur détention et seraient par la suite mal défendus, leur avocat n’ayant pu les assister durant l’intégralité de leur détention et ne sachant donc pas comment ils ont été traités. Les conditions de détention semblent s’être améliorées puisque l’espace imparti à chaque détenu est désormais supérieur à 2 mètres carrés; Mme Belmir souhaiterait néanmoins savoir si la loi prévoit l’imposition de peines de substitution et le placement dans des centres de détention semi-ouverts pour les détenus mineurs; elle aimerait aussi connaître la raison pour laquelle le nombre de femmes détenues est en augmentation.

35.Étant donné que le droit d’asile n’est régi par aucun texte dans l’État partie, la délégation pourrait indiquer s’il est vrai, comme l’affirment plusieurs organisations non gouvernementales, que les ressortissants de certains pays font plus souvent l’objet de mesures d’expulsion que ceux d’autres pays, et que les habitations des membres de certaines communautés et de certaines catégories de réfugiés sont régulièrement détruites.

36.M. GALLEGOS CHIRIBOGA demande si l’État partie entend se doter d’un mécanisme impartial chargé d’enquêter rapidement et de manière approfondie sur les actes de torture et les mauvais traitements et, partant, de combattre l’impunité. Il voudrait savoir comment le Gouvernement kazakh protège les droits des victimes de torture, y compris celles qui n’ont pas porté plainte, et notamment si leurs avocats, ou encore leurs représentants légaux ou les membres de leur famille sont admis à participer à la procédure en toute transparence.

37.M. MARIÑO MENÉNDEZ voudrait savoir si c’est bien le Procureur et non le pouvoir judiciaire qui est habilité à demander l’ouverture d’une enquête pénale et à en examiner les résultats, ou encore à décider du placement en détention d’un suspect et de son transfert dans une structure de sécurité, un commissariat de police ou autre. Par ailleurs, il s’inquiète de ce que les détenus ne sont pas toujours dûment enregistrés comme tels dès leur placement en détention − certains d’entre eux attendant parfois près de soixante-huit heures avant de l’être, et d’autres ne l’étant jamais, ce qui peut avoir des conséquences dramatiques puisque ce n’est qu’une fois enregistrés que les détenus peuvent faire valoir les droits qui sont les leurs en vertu du Code de procédure pénale et être protégés contre certains actes graves comme les disparitions.

38.Il serait intéressant que la délégation indique quelles les garanties existent dans les centres de détention relevant non pas du système judiciaire mais des services de sécurité du Ministère de l’intérieur, dont on imagine qu’ils sont destinés à accueillir des terroristes présumés et autres criminels particulièrement dangereux. La délégation pourrait en outre préciser si un suspect peut être détenu au secret avant d’être inculpé dans lesdits centres de détention du Ministère de l’intérieur et si les conditions de détention y font l’objet d’un contrôle.

39.M. Mariño Menéndez demande si les États membres de la Communauté des États indépendants (CEI) appliquent une procédure de renvoi automatique dans le pays d’origine lorsque des ressortissants d’un État membre de la CEI demandent l’asile ou le statut de réfugié dans un autre État membre, ou si au contraire ces demandes sont dûment examinées préalablement à toute décision de renvoi. L’asile politique peut être accordé dans certains cas prévus par la loi, mais la décision finale appartient au Président de la République et échappe par conséquent à tout contrôle juridictionnel. Il serait utile de savoir s’il existe des mécanismes de protection suffisants pour les demandeurs d’asile ou les personnes cherchant à obtenir le statut de réfugié.

40.Le Kazakhstan a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ce dont le Comité le félicite. Conformément au Protocole, le Kazakhstan doit mettre en place un mécanisme national de prévention chargé d’effectuer des visites dans tous les lieux de détention. M. Mariño Menéndez voudrait savoir si c’est le Médiateur qui assumera ces fonctions, auquel cas il faudra assurer pleinement son indépendance, étendre son mandat et renforcer ses moyens d’action, notamment en le dotant des ressources nécessaires.

41.Mme SVEAASS dit que la protection des droits de l’enfant mérite une attention prioritaire. Elle note avec satisfaction que le Kazakhstan a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant ainsi que les deux protocoles facultatifs s’y rapportant, mais constate que dans la pratique, les droits des enfants ne sont pas aussi bien protégés qu’ils le devraient. Le système de la justice pour mineurs en particulier laisse beaucoup à désirer. Des mineurs de 14 ans sont placés dans des institutions de type carcéral alors qu’ils ont besoin d’un suivi psychologique et d’une éducation. Il semblerait en outre que les mineurs délinquants ne bénéficient pas toujours des garanties nécessaires à une procédure régulière. Des précisions concernant le cadre juridique de la justice pour mineurs seraient utiles, ainsi que des informations sur les mesures envisagées par l’État partie pour garantir aux mineurs en conflit avec la loi une assistance et une prise en charge adaptées à leurs besoins.

42.La violence familiale est un problème qui requiert également toute l’attention de l’État partie. Il semblerait qu’un projet de loi sur la protection des femmes contre la violence ait été élaboré mais que son examen ait été reporté. Si tel est le cas, il serait bon de savoir pourquoi et quand ce projet pourra être examiné. La lutte contre la violence familiale passe également par des campagnes d’information. La délégation pourra peut-être indiquer si des campagnes de ce type ont déjà été menées. Les foyers pour les femmes victimes de violence sont trop peu nombreux et souffrent d’un manque de moyens. L’accueil de ces femmes est pourtant un élément essentiel de leur protection et l’État partie devrait prendre des mesures pour renforcer ces structures d’accueil.

43.Le Comité a été informé que plusieurs personnes auraient été soumises à des mauvais traitements et à des actes de torture par des policiers pendant leur garde à vue. Certaines d’entre elles auraient d’ailleurs été retenues dans les locaux de la police au-delà du délai légal alors qu’aucune charge n’avait été retenue contre elles. Les plaintes que certaines de ces personnes ont déposées auraient été classées sans suite. Il serait utile d’entendre la délégation à ce sujet. Concernant le traitement des demandeurs d’asile, Mme Sveaass voudrait savoir si des organismes indépendants de protection des droits de l’homme peuvent se rendre dans les centres de rétention et si l’État partie prend toutes les mesures nécessaires pour garantir le respect du principe du non-refoulement.

44.Mme GAER indique qu’à l’issue de sa visite au Kazakhstan en 2004, le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats a relevé avec préoccupation que le rôle du ministère public demeurait prépondérant et a recommandé à l’État partie de modifier radicalement son code pénal et son code de procédure pénale de manière à limiter les pouvoirs du ministère public et à garantir un meilleur équilibre entre les attributions des procureurs, des avocats et des juges (E/CN.4/2005/60/Add.2, par. 70 et 79). Il serait intéressant de savoir si des mesures ont été prises pour donner suite à cette recommandation. Dans ses observations finales concernant le rapport initial du Kazakhstan (A/56/44, par. 121 à 129), le Comité avait recommandé à l’État partie de garantir aux personnes détenues la possibilité de consulter un médecin dès le début de la détention, d’assurer un contrôle judiciaire indépendant de la durée et des conditions de la détention provisoire, d’examiner les affaires où une condamnation avait été prononcée sur la base d’aveux qui avaient pu être obtenus par la torture et d’indemniser les victimes. Mme Gaer souhaiterait savoir quelles mesures spécifiques ont été prises pour mettre en œuvre ces recommandations.

45.Le Comité avait également recommandé à l’État partie de transférer la responsabilité du système pénitentiaire du Ministère de l’intérieur au Ministère de la justice, ce qui a été fait sauf en ce qui concerne les centres de détention provisoire (SIZO). La délégation pourra peut-être expliquer pourquoi et indiquer si des mesures sont prévues pour modifier l’administration de ces établissements et renforcer la protection des personnes qui y sont détenues, car à en juger par le nombre d’allégations faisant état d’actes de torture commis pendant la détention provisoire, ces personnes seraient particulièrement exposées au risque de torture.

46.D’après certaines informations, plusieurs proches de Rakhat Aliev, ancien gendre du Président Nazarbaev, accusé et reconnu coupable de tentative de coup d’État, ont été arrêtés et détenus au secret. Ils auraient été torturés, jugés par un tribunal secret sans avoir bénéficié des droits de la défense, et seraient portés disparus depuis. Les deux filles d’un membre d’une mission kazakhe de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe auraient connu le même sort. Mme Gaer souhaiterait entendre la délégation au sujet de ces allégations et savoir si des enquêtes ont été menées pour faire la lumière sur ces disparitions.

47.Le nombre de décès en détention provisoire est préoccupant. En 2006, 32 personnes sont décédées dans des centres de détention provisoire, dont 6 se seraient suicidées. En 2007, il y aurait eu 40 suicides de détenus sur l’ensemble de la population carcérale. Étant donné les mesures de sécurité qui ont été prises dans les centres de détention − surveillance vidéo vingt‑quatre heures sur vingt‑quatre, partage systématique des cellules par deux détenus au moins, confiscation des ceintures, etc. −, on peut se demander comment autant de détenus parviennent à se suicider. Des informations sur la procédure suivie pour enquêter sur les décès en détention seraient utiles, ainsi que des statistiques détaillées sur le nombre de décès enregistrés, les enquêtes réalisées et leurs conclusions.

48.Le rapport des organisations non gouvernementales kazakhes fait état de nombreuses allégations relatives à des violences physiques et psychologiques infligées par des policiers pendant les interrogatoires pour obtenir des aveux. Dans plusieurs cas, les victimes − hommes, femmes ou mineurs − auraient été menacées de violences sexuelles. Mme Gaer voudrait savoir si des enquêtes ont été menées sur des affaires de ce type et si des policiers ont été inculpés et condamnés. L’extorsion d’aveux semble encore être perçue par certains policiers comme le seul moyen d’établir la culpabilité d’un suspect et d’élucider une affaire, bien qu’elle soit incompatible avec l’état de droit et les prescriptions fondamentales de la Convention. En outre, dans un système judiciaire moderne, l’aveu seul ne peut suffire à établir la culpabilité. Le Comité avait déjà appelé l’attention de l’État partie sur ce problème grave à l’occasion de l’examen de son rapport initial, et il serait intéressant de savoir quelles mesures ont été prises pour y remédier et si de nouvelles mesures sont envisagées.

49.Mme KLEOPAS fait observer qu’au cours des dix-huit derniers mois, les ONG kazakhes ont transmis aux autorités compétentes quelque 150 plaintes, étayées par des preuves, au sujet de violations de la Convention par des agents de l’État, dont une seule a donné lieu à une enquête. Le Comité attendra des explications de la part de la délégation car toute allégation de torture, quelle qu’en soit l’origine, nécessite une enquête. Il semblerait que les difficultés auxquelles se heurtent les femmes victimes de violences pour dénoncer les mauvais traitements dont elles font l’objet résident notamment dans la charge de la preuve, souvent excessive, qui leur est imposée, ce qui favorise l’impunité. Des informations sur les mesures prises ou envisagées pour remédier à cette situation seraient les bienvenues. Enfin, à propos de la traite des êtres humains, Mme Kleopas demande quelles sont les mesures prises pour protéger les victimes d’une part, et poursuivre et punir les responsables d’autre part.

50.M. GAYE demande des précisions sur les faits et le cas échéant les catégories de personnes visés par les deux lois d’amnistie mentionnées dans le rapport de l’État partie (CAT/C/KAZ/2, par. 12 c) et k)); il ne faudrait pas que de par leur portée, ces lois permettent à des auteurs de violations de la Convention de rester impunis.

51.Le PRÉSIDENT espère que la délégation sera en mesure de répondre à l’ensemble des sujets de préoccupation soulevés par les membres du Comité, en particulier en ce qui concerne: la définition de la torture; les centres de détention administrés par les services nationaux de sécurité; l’application des garanties de procédure (droit de contacter un médecin et un avocat) au stade de l’inculpation et non dès l’arrestation; l’absence de moyens de contester la légalité de la détention; la conformité des procédures d’extradition et d’expulsion avec le principe du non‑refoulement; l’accès des groupes vulnérables à la justice; et enfin, la formation des personnels chargés de faire appliquer la loi aux dispositions de la Convention. À propos de la définition de la torture, le Comité attendra avec grand intérêt la réponse de la délégation à la question de savoir si un agent de l’État peut voir sa responsabilité pénale engagée au titre de l’article 347-1 du Code pénal si des actes de torture sont commis à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Le nombre de poursuites engagées contre des agents de l’État au titre dudit article étant très faible, il serait intéressant de savoir si des mesures ont été prises en vue de former les procureurs afin qu’ils poursuivent les auteurs de torture sous le chef d’accusation de torture et non sous d’autres chefs moins graves. Quant aux garanties de procédure, elles doivent s’appliquer à toutes les personnes privées de liberté, y compris les personnes soupçonnées d’appartenir à des groupes terroristes.

52.L’amendement apporté en mai 2006 à l’article 16 de la Constitution kazakhe dispose que chacun a droit à la liberté personnelle et que l’arrestation et la détention ne sont autorisées que dans les seuls cas prévus par la loi, et uniquement avec la sanction d’un tribunal. L’expression «sanction du tribunal» est quelque peu obscure et appelle des éclaircissements. Le Président rappelle par ailleurs que la Convention de Vienne sur les relations consulaires dispose que les personnes placées en détention ont le droit de prendre contact avec le poste consulaire du pays dont ils sont ressortissants, et demande à la délégation si cette disposition est applicable au Kazakhstan et s’il existe une procédure officielle permettant à l’agent qui place le ressortissant d’un autre pays en détention d’entrer en contact avec le représentant dudit pays.

53.Selon des informations fournies par des ONG, les plaintes pour actes de torture commis par des policiers sont traitées par le Bureau des affaires internes du Département de police. Or l’expérience montre que lorsqu’un membre d’un corps professionnel est accusé d’avoir commis une violation et que l’enquête y relative est confiée à ce même corps, l’accusation est le plus souvent écartée. Le Kazakhstan doit s’aligner sur les meilleures pratiques et faire en sorte de garantir l’indépendance des enquêtes. À cet égard, il serait d’ailleurs important de savoir si la décision prise par le Bureau des affaires internes du Département de police en pareil cas n’est qu’une première étape de la procédure de plainte pour torture ou si la poursuite de cette procédure dépend d’une décision favorable dudit Bureau.

54.S’agissant de la question du fardeau de la preuve dans les affaires de torture, le Président souligne que la torture n’étant généralement pas pratiquée devant témoin, il est très difficile d’en apporter la preuve et il se demande quel type de preuve une personne ayant déposé plainte pour acte de torture doit fournir pour que l’enquête ne soit pas classée sans suite. S’il devait être établi au-delà de tout doute raisonnable qu’un acte de torture a été commis pour qu’une enquête se poursuive, toute procédure concernant des allégations de torture serait vouée à l’échec. Il est essentiel, dans ce contexte, de garantir l’accès rapide à un médecin. Il serait par ailleurs souhaitable que la délégation précise si un tribunal a déjà, en application de l’article 116 du Code de procédure pénale et de l’article 77 de la Constitution, jugé irrecevables des preuves fondées sur des aveux obtenus par la torture. Dans son rapport, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe affirme que les actes de torture sont beaucoup plus fréquents que ce que les statistiques officielles laissent entendre et qu’ils font rarement l’objet d’une enquête ou d’une sanction. Les ONG affirment quant à elles qu’en 2005 et en 2006, 40 % des plaintes pour acte de torture n’ont nullement été prises en considération par les juges et que la grande majorité d’entre elles ont été rejetées après examen sommaire.

55.Évoquant le cas d’Alexandre Gerasimov, le Président souhaiterait savoir quelle suite a été donnée à l’affaire, si le policier qui a torturé M. Gerasimov a fait l’objet de sanctions disciplinaires et si une indemnisation a été accordée. S’agissant de groupes vulnérables, un cas retient particulièrement l’attention: le 21 mars 2008, le tribunal municipal de Zhezkazgan a ordonné au Ministère des finances de verser la somme de 5 millions de tengues (42 000 dollars) à Amantaj Usenov, qui avait été torturé et gravement traumatisé; or le Ministère des finances a fait appel de la décision, invoquant le fait que le Code pénal kazakh ne précisait pas que la torture était un acte illégal pour lequel l’État pouvait être tenu de verser une indemnisation. On peut s’étonner de ce qu’un organe officiel affirme que la victime d’un acte de torture n’ait pas le droit d’obtenir réparation; l’affaire est encore pendante, mais la délégation est invitée à faire connaître ses vues sur la question car si les victimes d’actes de torture se voient dénier le droit d’être indemnisées, cela constituerait une violation de l’article 14 de la Convention. Enfin, fait positif qui mérite d’être signalé, les ONG consultées par le Comité n’ont formulé aucune critique concernant le traitement des défenseurs des droits de l’homme.

56.M. KUSDAVLETOV (Kazakhstan) remercie les membres du Comité pour leurs questions complémentaires, auxquelles la délégation répondra lors d’une séance ultérieure.

57. La délégation kazakhe se retire .

La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 h 20 .

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