NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.68223 novembre 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE PARTIEL DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 682e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le jeudi 17 novembre 2005, à 15 heures

Président: M. MARIÑO MENÉNDEZ

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Troisième rapport périodique de l’Autriche (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique de l’Autriche (CAT/C/34/Add.18; CAT/C/35/L/AUT) (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation autrichienne reprend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite la délégation à répondre aux questions supplémentaires qui ont été posées à la séance précédente.

3.M. TRAUTTMANSDORFF (Autriche) dit qu’il sera tenu compte des critiques fondées que le Comité a formulées en ce qui concerne la périodicité des rapports et que l’Autriche s’efforcera de présenter son prochain rapport en temps voulu.

4.M. RUSCHER (Autriche) dit que la sensibilisation aux droits de l’homme est un élément essentiel de la formation des policiers, qui doivent obligatoirement avoir suivi des cours sur le respect des droits de l’homme pour être promus. Le Ministère de l’intérieur a créé un service de formation qui propose aux policiers, sur leur temps de travail, des stages et séminaires obligatoires ou facultatifs axés sur les droits de l’homme. Ces stages et séminaires portent notamment sur les méthodes que les policiers doivent appliquer, les directives réglementant leurs interventions et, depuis le 1er juillet 2005, sur le code de conduite à l’usage des responsables de l’application des lois. De nombreuses ordonnances et directives générales sont étudiées dans le cadre de ces activités, qui mettent l’accent sur le principe de proportionnalité dans l’intervention des forces de police. Dans des exercices pratiques, chaque participant joue le rôle d’une personne qui se fait arrêter, ce qui lui permet de comprendre les sentiments que celle‑ci peut éprouver. L’expérience concrète de chacun est analysée et de précieuses leçons sont tirées. L’enseignement du langage à employer joue également un rôle très important dans la formation des policiers. Outre les modules de formation identiques pour tous les policiers, d’autres plus ciblés destinés aux responsables des centres de détention portent, par exemple, sur le refoulement ou l’expulsion des étrangers; certains agents qui sont souvent en contact avec des migrants doivent également suivre, en prévision d’expulsions difficiles, une formation spéciale dans laquelle les éléments psychologiques occupent une place centrale.

5.En ce qui concerne le personnel administratif, les droits de l’homme sont un des éléments essentiels de la formation initiale et continue, en particulier pour les agents des services chargés d’examiner les demandes d’asile. Le Bureau fédéral des demandes d’asile, qui est la première instance chargée d’examiner ces demandes, programme des séminaires de formation plusieurs fois par an. Le personnel des instances de recours suit également ces séminaires, qui sont organisés en collaboration avec les services de l’immigration suisses et allemands. Ces séminaires de formation continue, qui sont axés sur la situation des droits de l’homme mais aussi sur les sujets de préoccupation dans les pays d’origine, réunissent de nombreux participants.

6.Un Conseil consultatif pour les droits de l’homme est chargé de conseiller le Ministre de l’intérieur sur les questions ayant trait aux droits de l’homme. Ses membres siègent dans différentes commissions qui examinent la légalité de l’action et du comportement des policiers et exercent leurs activités en toute indépendance. Les responsables de l’application des lois sont tenus d’apporter leur coopération à ces activités. Le Président de la Cour constitutionnelle peut proposer pour les postes de président et de vice‑président du Conseil consultatif des candidats qui sont soit des membres de la Cour constitutionnelle soit d’éminents universitaires spécialisés dans le droit constitutionnel. Les commissions établissent des rapports et formulent des recommandations qui sont prises en compte dans le cursus des séminaires de formation.

7.Deux autorités différentes – celles chargées de l’asile et la police des étrangers – examinent les questions d’expulsion. Face à une demande d’asile, si les autorités estiment que le requérant ne peut bénéficier du statut de réfugié, elles doivent décider s’il peut ou non être renvoyé dans son pays ou, s’il s’agit d’un apatride, dans le pays où il réside habituellement. Dans l’affirmative, le rejet de la demande d’asile s’accompagne d’une décision d’expulsion. Dans le cas contraire, la décision de rejet doit préciser que l’étranger ne peut être expulsé et doit bénéficier d’un permis de séjour de durée limitée qui ne sera prolongé que si la situation ne change pas dans son pays d’origine ou de résidence. En l’absence d’une demande d’asile, c’est à la police des étrangers qu’il appartient de décider s’il y a lieu de procéder à l’expulsion de l’étranger. Si l’intéressé risque d’être tué, torturé, maltraité ou condamné à mort dans son pays d’origine, son expulsion est différée et un permis de séjour d’une durée limitée lui est délivré. Les statistiques en la matière, qui sont établies exclusivement par les autorités chargées de l’asile, sont à la disposition du Comité, s’il souhaite les consulter.

8.Dans la nouvelle législation, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2006, la liste des motifs justifiant une protection contre l’expulsion a été étendue. Cette protection s’appliquera s’il existe des raisons de croire que l’étranger risque de subir dans son pays d’origine des violences arbitraires du fait d’un conflit international ou interne. Aucune dérogation n’est autorisée au titre de la sécurité nationale, contrairement aux dispositions de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme qui prévoient des exceptions en cas de situation d’urgence. Plusieurs sources d’information – dont les rapports du Comité international de la Croix‑Rouge, du réseau Eurasil, des autorités suisses et allemandes chargées de l’asile, du HCR, des missions diplomatiques autrichiennes, et d’ONG – sont prises en compte lors de l’examen de la situation dans le pays d’origine.

9.En règle générale, nul ne doit être interrogé avant d’avoir pu communiquer avec un avocat, sauf si la période de détention se prolonge de manière excessive dans l’attente de l’arrivée de l’avocat, auquel cas ce fait doit être mentionné dans le procès‑verbal établi par la police, ou si la présence d’un avocat risque de compromettre l’objectif de l’interrogatoire.

10.La loi relative à l’asile et la loi sur les droits des étrangers seront remplacées par une nouvelle législation qui entrera en vigueur le 1er janvier 2006. Le législateur a tenu compte des normes internationales et des pratiques actuelles tout en conservant les aspects positifs des lois actuellement en vigueur. En ce qui concerne la possibilité de faire appel en cas de rejet d’une demande d’asile, il y a lieu de préciser que l’appel peut ne pas avoir d’effet suspensif lorsque les autorités estiment que le demandeur est passé par un pays sûr pour entrer en Autriche, mais ce cas est extrêmement rare. Une personne qui reçoit la notification d’un arrêté d’expulsion des autorités et fait appel dans les délais prévus n’est pas expulsée, de sorte que l’appel a le même effet suspensif qu’un recours juridique. L’effet suspensif peut néanmoins être officiellement refusé à l’issue d’une enquête qui prend toujours en compte toutes les circonstances de la cause. Seuls la Suisse et le Liechtenstein sont actuellement considérés comme des «pays de transit sûrs». La nouvelle législation conservera le principe de «pays tiers sûr» mais aucun pays n’y sera mentionné nommément. Seront en revanche considérés comme des «pays d’origine sûrs» tous les États membres de l’Union européenne, des pays tels que le Canada, la Nouvelle‑Zélande, l’Australie et la Norvège, ainsi que la Roumanie et la Bulgarie, futurs membres de l’Union européenne.

11.Le simple dépôt d’une demande d’asile en Autriche ne peut entraîner un placement en détention ou une expulsion. À l’heure actuelle 99 % des demandeurs d’asile sont pris en charge par les autorités. Ils sont logés, nourris, bénéficient de l’assurance médicale et reçoivent de l’argent de poche. Il y a aujourd’hui 28 765 demandeurs d’asile en Autriche. Certains demandeurs d’asile quittent l’Autriche de leur plein gré avant que l’examen de leur dossier ne soit achevé. Il arrive exceptionnellement qu’une personne soit placée en détention avant que la procédure ne se termine, par exemple si sa demande d’asile vient d’être rejetée et qu’elle en dépose une nouvelle avant l’exécution de l’arrêté d’expulsion. Par ailleurs, il est possible qu’un autre État soit coresponsable du traitement de la demande d’asile, en application de la Convention de Dublin, auquel cas, si les autorités fédérales chargées de l’asile ne reconnaissent pas d’effet suspensif à l’appel, la personne concernée peut être remise à cet État. Cela étant, l’immense majorité des demandeurs d’asile ne sont jamais placés en détention.

12.Mention a été faite des chevauchements qui existent entre la loi sur l’asile et la loi sur les étrangers; le problème est réel, et le législateur a récemment élaboré un ensemble de dispositions concernant les étrangers, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2006. Il comprendra une loi sur l’asile et une loi sur la police des étrangers. La loi sur l’asile actuellement en vigueur comporte des dispositions sur l’expulsion qui ne concernent bien entendu que les demandeurs d’asile déboutés. La nouvelle législation simplifiera la situation et permettra de mieux tenir compte des cas particuliers car c’est la loi sur la police des étrangers qui contiendra toutes les dispositions relatives à tous types d’expulsions, sans qu’il soit besoin de se référer à la loi sur l’asile comme c’est le cas actuellement lorsqu’il s’agit de candidats à l’asile déboutés. Un certain chevauchement est cependant inévitable entre ces deux domaines du droit puisque, par définition, tout demandeur d’asile est un étranger et qu’un étranger ne devient demandeur d’asile que lorsqu’il a présenté sa demande, ce qu’il doit faire dans un certain délai après son entrée en Autriche; une fois ce délai expiré, c’est la loi sur les étrangers qui lui est appliquée.

13.En ce qui concerne les services à fournir aux étrangers pour subvenir à leurs besoins essentiels, il y a lieu de signaler que le 1er mai 2004 un contrat a été conclu avec tous les États de la Fédération, qui se sont engagés à prendre en charge tous les étrangers ayant besoin de protection sur leur territoire: désormais, tous les États de la Fédération autrichienne sont placés sur un pied d’égalité en ce qui concerne la prise en charge de ces étrangers. Le nombre exact de personnes bénéficiant de ces services à l’heure actuelle est de près de 28 800. La Fédération et tous les États qui la composent, y compris la Carinthie, se sont engagés à appliquer ce contrat, depuis mai 2004, chacune des parties devant légiférer à cet effet. C’est chose faite à Vienne, en Styrie, au Tyrol et en Carinthie notamment. Ces textes doivent entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2006. L’amendement apporté à la loi fédérale sur l’assistance était devenu nécessaire non seulement parce que les personnes à protéger devaient être prises en charge par les services de protection sociale, mais aussi parce qu’il devait être donné effet à une directive de l’Union européenne sur cette question avant la fin février 2005. Étant donné que cette directive exigeait qu’un recours judiciaire soit possible, il fallait la transposer au niveau constitutionnel; les États de la Fédération devront en tenir compte dans leur propre législation.

14.Les policiers ayant procédé à l’expulsion de la personne qui a trouvé une mort tragique durant son transfert ont bien entendu fait l’objet non seulement d’une procédure judiciaire, mais également de mesures disciplinaires: ils ont immédiatement été relevés à titre définitif des fonctions qu’ils occupaient et affectés à des tâches où ils n’auront plus rien à voir avec les services chargés des expulsions. Il est à noter à propos de cette affaire que les cours spéciaux organisés à l’intention des fonctionnaires chargés des expulsions ont été revus, notamment en ce qui concerne la prévention des décès par asphyxie.

15.Le feuillet d’information relatif aux interrogatoires de mineurs a été traduit dans un grand nombre de langues, et il ne semble pas qu’il y ait eu de cas où les personnes à qui il était destiné l’aient reçu dans une langue qu’elles ne comprenaient pas. Tout est fait pour veiller à ce qu’aucun mineur ne soit interrogé sans que ses parents en soient informés; bien sûr, si ceux‑ci se trouvent en un endroit très éloigné du lieu de l’interrogatoire, il pourrait s’écouler un délai excessif avant leur arrivée, ce qui entraînerait une prolongation inutile de la détention. En pareil cas, si un mineur est interrogé en l’absence de ses parents, cela est mentionné au procès verbal. Il serait trop long d’exposer le contenu des cours de formation consacrés au traitement des mineurs, mais il y a lieu de préciser que les mineurs sont considérés comme un groupe particulier nécessitant une protection spéciale et appelant un comportement sans reproche de la part des fonctionnaires. Au moindre soupçon de mauvais traitements, c’est le Code pénal qui s’applique; en outre, l’affaire fait l’objet d’une enquête menée non pas par les collègues des policiers en cause, mais par un service central spécialisé du Ministère de l’intérieur, qui prend tout incident de ce genre très au sérieux.

16.Avant toute expulsion par la voie aérienne, l’étranger fait désormais l’objet d’un examen médical systématique dans les 24 heures précédant l’exécution de la mesure. Sur la base du bilan médical, le médecin donne le cas échéant des instructions précises aux agents chargés de l’expulsion. Si celle‑ci ne doit pas s’effectuer par la voie aérienne, il est procédé à une visite médicale moins poussée.

17.La loi sur l’asile actuellement en vigueur dispose que les demandeuses d’asile ont le droit, si leur démarche est motivée par le fait qu’elles sont victimes de discrimination en raison de leur sexe, de demander à être interrogées par une femme; la nouvelle loi comportera des dispositions analogues. Par ailleurs, toute demandeuse d’asile peut exprimer le souhait d’être interrogée par une femme; il sera accédé à cette demande dans la mesure du possible, mais ce n’est pas une obligation pour le service concerné. Par ailleurs, on se souviendra que, depuis le 1er mai 2004, l’Union européenne compte davantage de pays membres situés au nord et à l’est de l’Autriche. De ce fait, le nombre et l’origine des étrangers placés en détention par les services autrichiens se sont modifiés: la majeure partie des détenus en attente d’expulsion sont désormais originaires d’Afrique et de l’ex‑Union soviétique.

18.Des directives extrêmement précises existent au sujet de la fouille des personnes. En vertu des paragraphes 31 et 40 de la loi sur les forces de sécurité, la fouille corporelle n’est autorisée qu’en présence de personnel médical et sur des personnes en état d’arrestation − et ce, uniquement pour s’assurer que la sécurité des personnes n’est pas menacée et que l’intéressé ne s’enfuira pas. La fouille corporelle rapprochée, qui doit être effectuée par un médecin, n’est autorisée que si l’on a des raisons de croire que le détenu a dissimulé un objet à l’intérieur de son corps.

19.Le feuillet d’information à l’intention des détenus est publié en 26 langues et, en cas de nécessité, un interprète assiste à l’interrogatoire. Une formation sensibilisant policiers et gardiens aux problèmes linguistiques leur est dispensée en début de carrière mais aussi par la suite. Par ailleurs, le personnel chargé de la surveillance et de la garde des détenues est de sexe féminin. Bien entendu, hommes et femmes en attente d’expulsion sont détenus séparément. Des cas peuvent se présenter où, avec l’assentiment exprès de la personne en instance d’expulsion ou même à sa demande, celle‑ci peut demeurer dans le centre de détention où elle se trouvait précédemment; il ne peut s’agir alors que d’un séjour de quelques jours.

20.Les expulsions sont effectuées vers tel ou tel pays en application des dispositions de la Convention de Dublin; bien souvent, quand rien n’y fait obstacle, les intéressés sont renvoyés dans leur pays d’origine. La délégation n’est pas à même de fournir de chiffres quant au nombre d’expulsions vers tel ou tel pays. Les autorités de police établissent des statistiques sur le nombre total d’expulsions, mais elles ne sont pas ventilées par pays.

21.M. MIKLAU (Autriche), signalant qu’il faisait partie de la délégation autrichienne lors de l’examen du rapport initial et du deuxième rapport périodique, se félicite de poursuivre le dialogue avec le Comité à l’occasion de l’examen du troisième rapport périodique également.

22.En ce qui concerne l’incorporation dans la législation autrichienne de la définition de la torture telle qu’elle figure à l’article premier de la Convention, point sur lequel le Gouvernement autrichien maintient son interprétation divergente de celle du Comité, M. Miklau fait valoir que le Code pénal contient toute une série de dispositions réprimant les actes énumérés à l’article premier de la Convention et que certaines d’entre elles surpassent même les exigences fixées dans cet instrument. Par exemple, le paragraphe 13 de l’article 3 prévoit que la peine est doublée lorsque l’infraction a été commise par un agent de l’État ayant abusé du pouvoir que lui confère sa fonction. Le droit interne contient des dispositions qui, tout en n’étant pas formulées dans les termes exacts de l’article premier de la Convention, permettent toutefois d’atteindre les mêmes objectifs.

23.Par ailleurs, en vertu du paragraphe 5 de l’article 33 du Code pénal, le fait qu’une infraction soit motivée par des considérations racistes ou xénophobes constitue une circonstance aggravante. Toutefois, il n’existe pas encore en Autriche de statistiques détaillées permettant de connaître le nombre de décisions judiciaires dans lesquelles l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes a été prise en compte, raison pour laquelle le Bureau du Procureur a été prié en 2004 de présenter un rapport annuel comportant des données précises à ce sujet. De plus amples renseignements pourront donc être fournis au Comité lors de la présentation du quatrième rapport périodique.

24.Après les événements du 11 septembre 2001, contrairement à d’autres pays, l’Autriche n’a adopté aucune législation spéciale tendant à modifier la procédure pénale des poursuites contre des terroristes présumés. En revanche, elle a mis en application la Décision-cadre du Conseil de l’Europe relative à la lutte contre le terrorisme en prenant les mesures voulues pour que l’appartenance à une organisation terroriste et le financement du terrorisme soient érigés en infraction et que les actes terroristes soient punis plus sévèrement.

25.Aucune demande d’extradition de membres présumés d’organisations terroristes n’a encore été présentée au Gouvernement autrichien à ce jour mais, le cas échéant, toute requête en ce sens serait examinée par les tribunaux à la lumière de la législation relative à l’extradition, en vertu de laquelle une personne ne peut être extradée si elle est poursuivie pour des motifs politiques et si l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme risque d’être violé. En 2004, les tribunaux autrichiens se sont fondés sur cet article pour rejeter deux demandes d’extradition présentées respectivement par le Brésil et l’Ouzbékistan. Au cas où les tribunaux acceptent une demande d’extradition, le Ministre de la justice a la possibilité d’empêcher qu’il y soit donné suite en se fondant sur le droit international. Conformément au principe aut dedere, aut judicare, une fois prise la décision de ne pas extrader, la justice autrichienne ouvre une enquête pénale afin de faire toute la lumière sur les faits imputés à l’intéressé, que ces actes aient été commis sur le territoire autrichien ou à l’étranger. En effet, le Code pénal dispose que si le droit international prévoit une obligation de poursuivre, les tribunaux nationaux sont tenus d’engager une procédure, quelles que soient les dispositions de la législation du pays où l’infraction a été commise.

26.Lorsque se pose la question de savoir si des assurances diplomatiques doivent être demandées à l’État requérant, c’est aux tribunaux et au Ministre de la justice qu’il appartient de déterminer au cas par cas l’opportunité d’une telle démarche en se fondant sur la loi. Dans l’affaire Ahmed A., évoquée la veille par le Comité, la procédure d’extradition a été longue parce que cette personne a fait plusieurs déclarations contradictoires, notamment au sujet de son origine ethnique. La justice autrichienne a estimé que son extradition vers l’État requérant, en l’espèce la Fédération de Russie, ne violait pas les articles 3 et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et, en application de la Convention européenne d’extradition, à laquelle l’Autriche et la Fédération de Russie sont parties, l’extradition a été accordée et n’a pas été assortie de garanties diplomatiques. Étant donné que, selon Amnesty International, Ahmed A. a subi de mauvais traitements en détention provisoire après avoir été remis aux autorités russes, le Ministre des affaires étrangères a été prié de demander des explications à ces dernières. M. Miklau assure le Comité que les autorités autrichiennes continueront de suivre cette affaire de près. Il signale à ce propos que des discussions sont en cours au sein du Conseil de l’Europe sur la façon dont doit être appliquée la Convention européenne des droits de l’homme lorsque les États membres de l’Union européenne sont saisis d’une demande d’extradition de la Fédération de Russie.

27.En vertu d’un décret adopté par le Ministre de la justice après la ratification de la Convention contre la torture par l’Autriche, selon lequel les dispositions de l’article 15 de ladite Convention sont directement applicables, les déclarations obtenues par la torture ne peuvent pas être utilisées dans le cadre d’une procédure. Dans la pratique, cela signifie que toute plainte pour mauvais traitements ou tortures − qu’elle émane de la victime ou d’une personne ayant constaté des lésions corporelles suspectes − peut être soumise aux services du procureur. Une enquête est alors ouverte afin d’établir les faits puis, au besoin, l’affaire est portée devant les tribunaux. La loi sur la réforme de la procédure pénale, qui a été adoptée par le Parlement en 2004 et entrera en vigueur en 2008, contient une disposition dont la portée est plus large que l’article 15 de la Convention, qui prévoit expressément que toute déclaration obtenue par des moyens de pression ou en mettant le suspect sous influence est sans valeur juridique.

28.En ce qui concerne l’imposition d’un traitement psychiatrique sans le consentement de la personne concernée, des dispositions distinctes sont prévues dans la législation pénale et dans le Code civil. Au pénal, le Code d’exécution des peines prévoit qu’un traitement psychiatrique ne peut être imposé à un détenu qu’avec l’autorisation du Ministre de la justice, quel que soit le cas. Ce type de mesure n’est appliqué qu’aux détenus dangereux ou malades mentaux qui ont été jugés pénalement irresponsables par une juridiction pénale et condamnés à ce titre à l’internement en institution psychiatrique pour une période d’une durée indéterminée. Près de la moitié des personnes jugées pénalement irresponsables sont internées dans des hôpitaux psychiatriques. Selon le Code civil, lorsqu’une personne placée en institution psychiatrique est capable de discernement, un traitement psychiatrique ne peut lui être imposé mais, si elle n’en est pas capable, un traitement peut lui être dispensé avec le consentement de son tuteur légal ou d’un tribunal. Enfin, la décision d’imposer un traitement psychiatrique sans le consentement de l’intéressé est toujours prise par un médecin.

29.Revenant sur l’affaire citée par des membres du Comité dans laquelle un membre autrichien de la police civile des Nations Unies au Kosovo aurait infligé des mauvais traitements à un détenu et l’aurait menacé, M. Miklau précise que l’accusé se trouve actuellement en Autriche où il fait l’objet de poursuites. La procédure est encore pendante pour deux raisons: d’une part, des informations demandées au tribunal local au Kosovo n’ont pas encore été reçues et, d’autre part, le Gouvernement autrichien est encore en pourparlers avec la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), qui ne partage pas son avis selon lequel les accords d’entraide judiciaire en matière pénale que l’Autriche avait conclus avec l’ex-Yougoslavie sont encore applicables. Toutefois, un entretien avec un représentant de la MINUK a eu lieu à Vienne en octobre 2005 et M. Miklau a bon espoir que la procédure pourra être menée à terme dans un avenir proche.

30.Quant aux condamnations avec sursis prononcées dans les affaires Marcus Omofuma et Cheibani Wague, M. Miklau explique que la pratique habituelle des tribunaux autrichiens est, dans le cas d’une première condamnation, d’infliger au coupable une amende ou une peine de prison avec sursis. S’agissant de l’affaire Cheibani Wague, la durée considérable de la procédure n’est pas due à un manque de diligence de la justice, mais à des dysfonctionnements au sein du département de médecine légale de l’Université de Vienne qui ont retardé les résultats de leur expertise. Dans cette affaire, le tribunal a prononcé une peine contre l’un des policiers et le médecin qui étaient présents au moment des faits.

31.Enfin, M. Miklau signale que l’Autriche a ratifié le Protocole additionnel se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et que cet instrument est déjà en vigueur dans son pays.

32.Mme Köck (Autriche) dit que la situation des mineurs détenus, qui ne représentent à l’heure actuelle pas plus de 3 % de la population carcérale, s’est considérablement améliorée depuis la visite du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CPT) en avril 2004. Les détenus mineurs de 13 à 18 ans sont toujours séparés des adultes, seuls les «jeunes adultes» âgés de 18 à 21 ans peuvent être détenus dans un établissement pénitentiaire pour adultes à condition qu’ils soient placés dans des cellules distinctes. Pour donner suite à une recommandation du CPT, la prison de Vienne a embauché un médecin spécialiste de la psychologie des adolescents qui est présent 20 heures par semaine.

33.Tout détenu a le droit d’être examiné par un médecin en privé, à moins que sa dangerosité ne justifie la présence d’un membre du personnel pénitentiaire.

34.Un membre du Comité ayant demandé s’il existe des statistiques sur les actes de violence sexuelle commis par des détenus, Mme Köck indique que de tels actes sont très rares et que leurs auteurs font systématiquement l’objet de poursuites pénales ou de sanctions disciplinaires. Mme Köck précise d’autre part que le personnel pénitentiaire n’est pas habilité à détenir des armes à feu, seuls les agents de sécurité dûment formés en portent et ne peuvent en faire usage que dans des cas exceptionnels.

35.M. EL MASRY (Rapporteur pour l’Autriche) remercie les membres de la délégation autrichienne de leurs réponses détaillées. Il exprime toutefois sa préoccupation en ce qui concerne la clémence des peines prononcées à l’encontre de six policiers, de trois auxiliaires médicaux et d’un médecin inculpés d’homicide involontaire en relation avec la mort d’un ressortissant mauritanien, M. Cheibani Wague. Il rappelle que l’enregistrement vidéo réalisé par un particulier qui assistait à la scène montrait les trois auxiliaires médicaux se tenant sur un pied ou pesant de tout leur poids, sur les jambes de Cheibani Wague qui se trouvait menotté et face contre terre, tandis que six policiers faisaient de même sur le haut de son corps, y compris les épaules et le dos. M. El Masry souligne que la clémence de la peine est d’autant plus préoccupante qu’il se pourrait que le racisme, généralement constitutif d’une circonstance aggravante, ne soit pas étranger à cette affaire. Aussi, souhaiterait-il savoir si le ministère public entend faire appel des décisions prononcées.

36.Soulignant l’importance de la définition de la torture figurant dans la Convention, M. El Masry rappelle que c’est seulement une fois que les éléments constitutifs de la torture énumérés au paragraphe 1 de l’article premier ont été incorporés en droit interne dans leur totalité que les États parties peuvent adopter des dispositions de plus large portée pour combattre ce fléau.

37.M. El Masry souhaiterait par ailleurs obtenir des précisions en ce qui concerne la possibilité de refuser le droit à l’assistance d’un avocat au cours de la garde à vue au motif que sa présence nuirait à l’enquête, étant donné que la présence d’un conseil vise précisément à en favoriser le bon déroulement. Il reconnaît toutefois qu’une telle mesure peut être justifiée dans des affaires particulièrement graves afin d’empêcher le prévenu d’entrer en contact avec d’autres personnes de l’extérieur. Il faut cependant fixer des critères suffisamment précis pour ne pas laisser une trop grande latitude en la matière aux forces de police.

38.M. RASSMUSSEN (Corapporteur pour l’Autriche) remercie à son tour la délégation d’avoir répondu à la quasi‑totalité des questions posées par les membres du Comité. Il regrette que le Comité ne dispose pas de plus de temps pour poursuivre le dialogue avec l’Autriche. Il souhaiterait toutefois obtenir de plus amples détails sur les raisons de l’abandon de la procédure d’enregistrement vidéo des interrogatoires de police.

39.M. RUSCHER (Autriche) dit que le droit autrichien ne contient pas de dispositions générales permettant aux autorités de refuser l’accès à un avocat au cours des interrogatoires menés par la police. Afin de dissiper tout malentendu à cet égard, il précise que c’est seulement à titre exceptionnel, lorsque les impératifs de l’enquête l’exigent, que la loi autorise la police à entamer un interrogatoire avant l’arrivée de l’avocat. Sur un autre plan, dans le cadre du débat actuel sur la réforme du Code de procédure pénale et plus précisément des règles relatives à l’enquête préliminaire, l’Autriche étudie la possibilité d’étendre le bénéfice de l’aide judiciaire aux personnes détenues par la police. Elle espère que ce nouveau dispositif sera opérationnel avant le 1er janvier 2008.

40.En ce qui concerne l’enregistrement vidéo des interrogatoires de police, M. Ruscher rappelle que les expériences menées à cet égard aux niveaux local et régional ont échoué, principalement parce que les prévenus refusaient d’être filmés. Toutefois, les nouvelles dispositions adoptées dans le cadre de la réforme du Code de procédure pénale prévoient l’enregistrement audio ou vidéo des interrogatoires de façon systématique en tant qu’alternative à la présence d’un avocat, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir le consentement de l’intéressé.

41.Répondant aux préoccupations exprimées par M. El Masry à propos de l’affaire Cheibani Wague, M. Wescher dit qu’il ne dispose malheureusement pas d’informations quant à l’intention du ministère public de faire appel ou non des décisions prises par la Haute Cour de Vienne, le 9 novembre 2005. Il souligne toutefois qu’en marge des poursuites pénales engagées contre les policiers et le personnel médical impliqués dans cette affaire, un tribunal administratif indépendant a jugé que les méthodes employées lors de l’arrestation de M. Wague étaient à certains égards contraires aux directives applicables en la matière. Il a ainsi été statué que le fait d’exercer des pressions sur le corps de la victime, alors qu’elle se trouvait menottée et face contre terre, outrepassait les moyens de contrainte que la police était habilitée à employer. La police autrichienne a tiré tous les enseignements de cette affaire et elle est aujourd’hui pleinement consciente des risques d’asphyxie posturale inhérents à toute pression physique exercée sur le dos de la personne se retrouvant allongée face contre terre au cours d’une opération d’arrestation. De nouveaux programmes de formation aux méthodes de contrainte ont d’ailleurs été lancés, dans lesquels les policiers sont appelés à jouer le rôle de la personne arrêtée, ce qui leur permettra de mieux comprendre les risques encourus par tout suspect lors d’une arrestation.

42.Le PRÉSIDENT remercie la délégation autrichienne de ses réponses et l’invite à revenir prendre connaissance, à une séance ultérieure, des conclusions et recommandations du Comité.

43. La délégation autrichienne se retire.

Le débat qui fait l’objet du compte rendu prend fin à 17 h 10.

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