NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.73611 janvier 2007

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 736e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 14 novembre 2006, à 10 heures

Président: M. MAVROMMATIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial de l’Afrique du Sud

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de l’Afrique du Sud (CAT/C/52/Add.3; HRI/CORE/1/Add.92)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation sud-africaine prend place à la table du Comité.

2.M. NQAKULA (Afrique du Sud) dit que la présentation du rapport initial de l’Afrique du Sud sur l’application de la Convention contre la torture est un moment historique pour le Gouvernement et le peuple sud-africains, qui ont vécu cette période sombre où le régime de l’apartheid se maintenait grâce à la torture d’État et des violations commises en toute impunité contre la majorité noire de la population.

3.Le rapport initial, qui porte sur la période 1999‑2002, est le fruit de consultations avec différentes parties prenantes que M. Nqakula aurait souhaité plus larges surtout que la démocratie sud-africaine est issue de la lutte des mouvements de libération, d’organisations non gouvernementales et d’autres groupements de la société civile. Son pays est cependant résolu à faire en sorte que ses rapports ultérieurs soient le fruit d’une plus vaste collaboration.

4.L’apartheid reposait non seulement sur des violations des droits fondamentaux, dont le droit de ne pas être soumis à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais aussi sur des atteintes aux droits sociaux, économiques et culturels de la majorité noire de la population et sur une discrimination érigée en système, en particulier en matière d’accès à l’éducation et à l’emploi. Ainsi, le régime de l’apartheid a créé des inégalités qui sont la cause de bon nombre des grands problèmes que connaît actuellement l’Afrique du Sud, qui rendent difficile la lutte contre la torture.

5.Après s’être engagée sur la voie de la réconciliation et de la construction de la démocratie, l’Afrique du Sud a commencé par se doter d’une constitution intérimaire, puis d’une Constitution définitive, en 1996. Les lois, politiques et pratiques contraires à la Constitution de 1996 peuvent faire l’objet de plaintes devant les tribunaux ordinaires et, le cas échéant, devant la Cour constitutionnelle. Conformément aux obligations internationales contractées par l’Afrique du Sud, la Constitution est assortie d’une charte des droits. Dans deux affaires importantes Makwanyane et Williams qui ont fait jurisprudence, les dispositions des articles 10 (respect de la dignité de la personne humaine) et 11 (droit de ne pas être détenu sans jugement et droit de ne pas être soumis à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) de la Constitution ont été invoquées pour déclarer que la peine de mort et les châtiments corporels constituaient des violations de la Constitution.

6.Étant donné que le droit interne ne comporte pas encore de définition de la torture, la Constitution sert de cadre juridique pour réprimer les actes constitutifs de torture, notamment les voies de fait, les coups et blessures avec préméditation, la tentative de meurtre et le meurtre, le préjudice non corporels, en attendant que soit adopté le projet de loi contre la torture élaboré en 2005. Ce projet, qui vise à ériger la torture en infraction, sera largement diffusé afin que toutes les parties concernées, dont les organisations non gouvernementales, puissent formuler des observations. Cela dit une loi portant application du Statut de Rome de la Cour pénale internationale a été adoptée en 2002. La torture y est considérée comme un crime contre l’humanité lorsqu’elle est commise dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque.

7.La Commission Vérité et Réconciliation a accompli un travail remarquable en faisant la lumière sur les violations commises sous le régime de l’apartheid et en facilitant la transition d’une société caractérisée par les violations massives des droits de l’homme perpétrées par les forces de l’ordre vers une société réconciliée avec elle-même et libérée du racisme et du sexisme. Le Gouvernement sud-africain a abrogé plusieurs lois adoptées sous le régime de l’apartheid, en particulier la loi sur la sécurité intérieure de 1982, la loi sur le terrorisme de 1967, ainsi que plusieurs autres lois sur la sécurité intérieure datant d’avant 1994, qui autorisaient la détention sans jugement et diverses mesures administratives contre les personnes, les médias, les manifestants et les associations. Ces lois ont été remplacées par le Safety Matters Rationalisation Act (loi portant rationalisation des questions de sécurité) de 1996.

8.Le Gouvernement sud-africain a entrepris de mettre fin à la culture de l’impunité et, pour ce faire, il veille à ce que les agents chargés de l’application des lois, à savoir les policiers, les gardiens de prison et les membres des forces armées reçoivent une formation sur les droits de l’homme et, en particulier, sur l’interdiction et la prévention de la torture dans les cas où ils ont affaire à des suspects ou des condamnés. Cet objectif est encore loin d’être atteint étant donné que certains de ces personnels n’ont aucune qualification et que, sous l’ancien régime, la torture était une pratique systématique. Actuellement, le comportement des forces de l’ordre est contrôlé de près grâce à un système de surveillance assuré par des organisations de la société civile, dont la Direction indépendante des plaintes − qui a pour tâche d’examiner les plaintes contre des membres de la police − ainsi que par l’inspection judiciaire indépendante des services correctionnels et l’inspection du renseignement.

9.Bien que des cas de mauvais traitements infligés par la police à des suspects et des personnes en état d’arrestation soient signalés ponctuellement, la culture des droits de l’homme et, en particulier, du respect des droits des détenus, gagne du terrain dans le pays. Les membres de la police connaissent les dispositions de la Constitution, de la loi de 1995 sur les services de police et du Code de procédure pénale de 1977 et ils savent qu’ils sont tenus d’informer les suspects de leurs droits à tous les stades de l’enquête, notamment le droit de garder le silence et le droit d’accès à un avocat.

10.Le pouvoir judiciaire, qui est compétent pour connaître d’actes assimilables à la torture tels que les voies de fait, les mauvais traitements et le meurtre, est indépendant et impartial. Le ministère public joue un rôle crucial en matière d’enquête et de poursuites et est chargé de surveiller l’application de la loi de 1998 sur la protection des témoins. Le Département des services correctionnels est tenu de traiter humainement les détenus, conformément à la Constitution et à la loi de 1998 sur les services correctionnels (loi no 111 de 1998). Le système de justice pénale est, cependant, en butte au problème de l’accumulation des affaires en souffrance et de la surpopulation dans les prisons. Afin d’améliorer la situation, des stratégies visant à accélérer le traitement des affaires et des mesures tendant à réduire la population carcérale, notamment par le recours à la libération conditionnelle, ont été adoptées. Il convient de préciser que le système de justice pénale accorde aux non-ressortissants et aux réfugiés le même traitement qu’aux Sud-africains.

11.L’Afrique du Sud a conclu des traités d’extradition et des traités d’entraide judiciaire en matière pénale avec plusieurs pays. La loi sur l’extradition (loi no 67 de 1962) et la loi sur la coopération internationale en matière pénale (loi no 75 de 1996) prévoient que le Gouvernement sud-africain peut coopérer à une enquête relative à des actes de torture commis dans un autre pays, même s’il n’est pas lié à ce pays par un traité d’extradition ou d’entraide judiciaire.

12.Pour ce qui est des faits intervenus récemment, M. Nqakula indique que, le 20 septembre 2006, le Gouvernement sud-africain a signé le Protocole facultatif à la Convention et qu’il examinera bientôt la question de l’incorporation dans le droit interne des dispositions de cet instrument, ce qui ouvrira la voie à sa ratification. En somme, bien que des initiatives encourageantes aient été prises pour lutter contre la torture, l’Afrique du Sud a encore beaucoup à faire afin de surmonter de nombreuses difficultés dues, en particulier, au lourd héritage du système colonial et de l’apartheid.

13.Le PRÉSIDENT (Rapporteur pour l’Afrique du Sud) remercie la délégation sud-africaine de sa présentation. Il note que, d’après un rapport récent adressé au Comité par une organisation non gouvernementale sud-africaine, la situation dans les prisons ne semble pas s’être beaucoup améliorée malgré la sensibilisation du personnel aux principes relatifs aux droits de l’homme. Il souhaiterait savoir si cette remarque pourrait s’appliquer aussi à la police et comment l’État partie réagit lorsqu’il a connaissance d’allégations de ce type.

14.En ce qui concerne l’article premier de la Convention, le Rapporteur constate qu’il est le seul à ne pas être mentionné dans le rapport. Il souligne que des qualifications, telles que les voies de fait et l’agression avec intention d’infliger des blessures graves, utilisées dans le système juridique sud-africain pour poursuivre et punir les auteurs d’actes de torture, ne permettent pas de rendre compte de la spécificité de la torture et, partant, de réprimer comme il convient les tortionnaires. Il engage donc vivement l’État partie à incorporer dans sa législation la définition prévue à l’article premier de la Convention.

15.Dans l’affaire Williams, la Cour constitutionnelle a estimé que la flagellation des mineurs était contraire à la loi de 1996 portant interdiction de la torture. En outre, la loi no 33 de 1997 a abrogé ou modifié l’ensemble des dispositions prévoyant le recours à des châtiments corporels. Le Rapporteur s’étonne des informations portées à la connaissance du Comité selon lesquelles des enfants continueraient de faire l’objet de cette pratique, notamment dans les établissements scolaires et demande à la délégation d’indiquer quelles sont les mesures concrètes que l’État partie envisage de prendre pour garantir l’application de la loi. Il serait également utile de savoir dans quelle mesure les règles de droit coutumier et les lois des communautés africaines autochtones évoquées au paragraphe 61 du rapport sont compatibles avec la Constitution et la Convention et quelle est la place des instruments internationaux ratifiés par l’Afrique du Sud dans le droit interne. À cet égard, le Rapporteur encourage l’État partie à inclure une définition de la torture dans sa législation. L’article 35 de la Constitution prévoit l’irrecevabilité de toute preuve obtenue en violation d’un droit fondamental. C’est là une mesure tout à fait positive qu’il conviendrait toutefois de compléter en consacrant le principe selon lequel toutes les déclarations obtenues sous la torture sont illégales.

16.À propos de l’article 2, le Rapporteur se félicite des mesures prises par l’État partie pour lutter contre les actes de torture commis par des membres de la police et l’invite à en faire de même dans le système pénitentiaire. Il souhaite, d’autre part, savoir si en cas de menace à la sécurité de l’État, en raison, notamment, d’activités terroristes, il peut être dérogé au principe de l’interdiction absolue de la torture. Notant que la loi interdit aux membres des forces de sécurité d’obéir à un ordre manifestement illégal, il demande si les manuels de formation de la police et des forces armées mentionnent une telle interdiction. Il invite par ailleurs la délégation à commenter les informations selon lesquelles des actes de torture auraient été commis par des gardiens de la prison de Saint Alban à Port Elizabeth en juillet 2005. Se félicitant de la création en 1995 d’une direction indépendante des plaintes chargée d’enquêter sur les infractions commises par des membres de la police, le Rapporteur invite l’État partie à doter cet organe des moyens nécessaires à la réalisation d’enquêtes rapides et efficaces.

17.Dans le contexte de l’article 3 de la Convention, des précisions sur les mesures prises par l’État partie pour garantir le respect du principe de non-refoulement à l’égard des demandeurs d’asile et des personnes en situation irrégulière, qui seraient particulièrement nombreux en Afrique du Sud. Il serait en particulier intéressant d’en savoir plus sur le cas des personnes renvoyées dans leurs pays d’origine avant examen de leur demande d’asile. Sachant que la loi no 130 de 1998 sur le statut des réfugiés prive de ce statut quiconque est suspecté d’atteinte à la paix, le Rapporteur voudrait savoir si l’application de cette disposition ne porte pas atteinte au principe selon lequel nul ne doit être refoulé vers un pays où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être torturé.

18.À propos de l’article 4, le Rapporteur juge préoccupant le fait de continuer d’appliquer les règles générales de la common law aux actes de torture et suggère une nouvelle fois à l’État partie d’ériger la torture en infraction spécifique. Il rappelle à cet égard que si la Constitution intérimaire a amélioré la situation en la matière, jusque dans un passé récent, les éléments de preuve étaient recevables quelle que soit la manière dont ils étaient obtenus.

19.En ce qui concerne l’article 5, l’État partie ne précise pas les mesures qu’il a prises pour donner effet à l’ensemble des dispositions qui y figurent. Le Rapporteur souhaiterait savoir si les tribunaux sud-africains sont compétents pour connaître d’actes de torture commis par des étrangers en dehors du territoire de l’État partie, conformément au principe de la compétence universelle. Contrairement à ce qui est suggéré dans le rapport, la signature du Statut de Rome de la Cour pénale internationale par l’Afrique du Sud ne suffit pas à établir une compétence universelle. De l’avis du Rapporteur, en l’état actuel de sa législation, l’État partie ne remplit pas les obligations énoncées aux articles 5, 6 et 7 de la Convention.

20.À propos de l’article 8, le Rapporteur rappelle à la délégation qu’un État partie qui subordonne l’extradition à l’existence d’un traité peut, lorsqu’il est saisi d’une demande d’extradition par un État partie avec lequel il n’est pas lié par un tel traité, considérer la Convention comme constituant la base juridique d’une telle mesure. L’article 8 est extrêmement important en ce sens qu’il permet d’éviter que les auteurs d’actes de torture échappent à toute sanction.

21.À propos de l’article 9, Le Rapporteur note que l’Afrique du Sud a signé différents traités d’entraide judiciaire en matière pénale (par. 129 du rapport). Il souhaite toutefois des précisions sur la manière dont l’État partie s’acquitte de l’obligation de communiquer tous éléments de preuve nécessaires dans le cadre d’une procédure relative à un acte de torture à un État partie auquel il n’est pas lié par un tel traité.

22.Tout en étant pleinement conscient de l’importance cruciale du travail accompli par la Commission Vérité et Réconciliation dans le traitement des infractions commises par le passé, le Rapporteur estime que d’autres critères devraient s’appliquer aux actes de torture en raison de leur gravité. Pour ces actes, il est important non seulement de faire la lumière sur les faits, mais aussi d’engager des poursuites contre les auteurs. Enfin, trouvant surprenant que le Comité n’ait reçu aucune communication en vertu de l’article 22 de la Convention mettant en cause l’Afrique du Sud, le Rapporteur souhaite que la délégation fournisse des explications à ce sujet. Des mesures ont-elles été adoptées pour tenir la population informée de l’existence de cette voie de recours?

23.M. WANG Xuexian (Corapporteur pour l’Afrique du Sud) remercie la délégation d’avoir présenté son rapport et salue les importants efforts déployés par l’État partie pour tourner une page sombre de son histoire. Tout en se félicitant des mesures prises pour sensibiliser les membres de la police au principe d’interdiction de la torture, il constate un écart entre la volonté politique de lutter contre ce phénomène et la pratique. De nombreuses informations faisant état de violences caractérisées commises par des membres de la police, il souhaite que la délégation indique quelles mesures sont envisagées pour garantir une meilleure efficacité de la formation dispensée aux policiers. M. Wang Xuexian se dit profondément préoccupé par l’augmentation sensible du nombre de décès dans les prisons sud-africaines qui selon certaines organisations non gouvernementales serait passé de 400 en 1995 à 2 624 en 2004. Il semblerait que ces décès soient liés à la surpopulation carcérale et à l’absence de soins médicaux. M. Wang Xuexian aimerait savoir si des mesures sont envisagées par l’État partie pour remédier à cette situation. Il rappelle que, selon l’article 11 de la Convention, tout État partie est tenu d’exercer une surveillance systématique des lieux de détention et souhaite savoir si les visites d’observateurs indépendants, dont il est fait état au paragraphe 159 du rapport, sont véritablement efficaces. Selon des informations émanant d’organisations non gouvernementales, les centres de détention de la police ne feraient l’objet d’aucun contrôle. Des éclaircissements sur ce point seraient les bienvenus. Il semblerait en outre que les plaintes relatives aux mauvais traitements subis par des personnes dans les locaux de garde à vue ne soient pas examinées par la Direction indépendante des plaintes. Des précisions à ce propos seraient aussi appréciées.

24.Tout en prenant acte des efforts déployés par l’État partie afin de faire en sorte que les enfants délinquants soient placés dans des centres de détention pour mineurs, M. Wang Xuexian signale que selon certaines informations ces établissements et les foyers pour mineurs en général ne feraient l’objet d’aucun contrôle. Il souhaiterait que la délégation apporte des précisions à ce sujet. Des renseignements sur le traitement des réfugiés et des demandeurs d’asile dans les différents centres de rétention à travers le pays seraient également utiles, compte tenu des informations selon lesquelles ils seraient victimes de harcèlement, de mauvais traitements et d’extorsions de fonds.

25.À propos de l’article 12 de la Convention, M. Wang Xuexian se félicite de la création d’une direction indépendante des plaintes. Il relève cependant que cette institution est sous la tutelle du Ministère de l’intérieur et demande à la délégation d’indiquer si cela ne nuit pas à l’impartialité de l’examen des plaintes.

26.Un incident survenu en août 2004 aurait donné lieu à l’utilisation abusive d’armes par la police, voire à l’utilisation d’armes illégales, ce qui aurait entraîné mort d’homme. Il a aussi été rapporté que des pulvérisateurs à poivre auraient été utilisés sur des personnes déjà arrêtées et mises hors d’état de nuire. La délégation pourrait‑elle commenter ces allégations, car apparemment l’enquête ouverte n’a pas abouti du fait de la non‑coopération de la police, et indiquer en particulier si l’on prévoit de rouvrir l’enquête?

27.Les lois et mesures promulguées pour protéger les victimes en application de l’article 14 de la Convention sont louables, en particulier la création d’un fonds du Président et l’adoption de la charte des victimes. La décision de mettre en place une loi d’amnistie afin de tourner la page et de regarder vers l’avenir se comprend, car la réconciliation nationale est un objectif essentiel. Cependant, le débat sur les avantages et les inconvénients de l’amnistie n’est pas près de s’éteindre et il faut prendre garde à ne pas perpétuer la culture de l’impunité. En juin 2001, lorsque le Comité de l’amnistie de la Commission Vérité et Réconciliation a conclu ses travaux, il avait accordé une amnistie ou une immunité de poursuites à 1 160 personnes sur les 7 094 qui avaient présenté une demande. Qu’en est‑il de celles qui n’ont pas bénéficié de ces mesures? Et que va‑t‑il être décidé à propos des individus qui n’ont pas pleinement reconnu les faits qui leur sont reprochés − dont, peut‑être, des actes de torture.

28.Au 30 septembre 2006, 15 520 des 21 769 victimes identifiées par la Commission Vérité et Réconciliation avaient été indemnisées. Les autres, et éventuellement leur famille si elles sont décédées, vont-elles aussi être indemnisées? En outre, il serait utile de connaître les mesures qui ont été prises ces dernières années en matière de réadaptation des victimes de la torture.

29.L’article 35 de la Constitution sud‑africaine dispose que les tribunaux doivent exclure les preuves obtenues de façon attentatoire à un droit fondamental si leur admission peut rendre le procès inéquitable. C’est là incontestablement un progrès par rapport au principe de common law précédemment applicable; mais cet article ne risque‑t‑il pas de donner lieu à des interprétations diverses en raison de la condition qui y est posée? Dans la pratique, les tribunaux sud‑africains semblent avoir des approches divergentes et l’un deux a par exemple jugé recevables des preuves obtenues sous la torture, dans un soi‑disant souci d’équilibre entre exclusion et acceptation des preuves.

30.La violence semble extrêmement répandue dans le pays et les sévices commis à l’encontre des femmes et des enfants sont particulièrement préoccupants. Entre avril 2003 et mars 2004, pas moins de 52 733 viols ou tentatives de viol ont été signalés à la police. Plus effrayant encore est le nombre de sévices sexuels sur enfants: entre février 2002 et juin 2003, 21 494 cas de viols d’enfants ont été signalés. Une telle situation ne paraît pas tolérable et il serait important de savoir quelles mesures ont été prises ou sont envisagées pour y remédier de toute urgence. D’autre part, la loi sud‑africaine autorise les châtiments corporels au foyer mais non à l’extérieur; or, selon certaines allégations, ces châtiments sont largement appliqués dans les écoles: il serait utile de savoir si c’est effectivement le cas et si des mesures sont envisagées à ce sujet.

31.La modération de la politique suivie en matière de détention semble s’appliquer aussi aux immigrants en situation irrégulière et demandeurs d’asile; toutefois, des cas de harcèlement et mauvais traitement de ces personnes vulnérables semblent s’être produits et M. Wang Xuexian espère que des mesures supplémentaires vont être prises pour les protéger.

32.M. MARIÑO MENÉNDEZ rend hommage à un pays qui a été le théâtre d’un crime contre l’humanité et a surmonté bien des épreuves, et auquel la communauté internationale se doit de manifester sa solidarité. Le travail de mise en place d’un État de droit a été admirable et le Comité se félicite d’engager le dialogue à l’occasion de la présentation de ce premier rapport. Plusieurs membres du Comité ont déjà fait allusion, à propos des articles 3 et 16 de la Convention, au traitement réservé aux demandeurs d’asile et immigrants en situation irrégulière. Il serait utile d’apprendre pendant combien de temps ces personnes peuvent être internées en attendant qu’il soit statué sur leur sort, car il semble que leur détention peut se prolonger de longs mois. Quiconque entre irrégulièrement en Afrique du Sud contrevient à la loi et peut donc être placé en détention; en pareil cas, l’intéressé peut‑il demander l’asile ou bien l’expulsion est‑elle la seule mesure envisagée? Les autorités sud‑africaines tiennent‑elles compte de la Convention relative au statut des réfugiés, qui interdit aux États de traiter comme une infraction l’entrée irrégulière de demandeurs d’asile sur leur territoire?

33.Le système juridique sud‑africain offre apparemment aux victimes de la torture la possibilité d’intenter une action si aucun autre recours ne s’offre à elles. Existe‑t‑il des statistiques sur les plaintes déposées directement auprès des tribunaux par des particuliers? Et ces plaintes doivent‑elles être d’abord examinées par le procureur, ainsi qu’il ressort du paragraphe 165 du rapport? Au cas où le procureur décide de ne pas poursuivre, la victime a‑t‑elle la possibilité de faire appel de cette décision et y a‑t‑il eu des cas de recours de ce genre, et quelle en a été l’issue? D’autre part, une victime démunie peut‑elle bénéficier d’une aide pour intenter une action? Il existe bien un service d’aide juridictionnelle dont la création remonte à 1969, mais il serait utile de savoir comment il fonctionne. Il serait également intéressant de connaître la façon dont opèrent les officines privées qui viennent en aide aux particuliers souhaitant porter plainte. Compte tenu du fait qu’il existe 11 langues officielles en Afrique du Sud, on peut supposer que les groupes ethniques les plus démunis ne peuvent pas, sans une assistance juridique, intenter la moindre action: une telle assistance est‑elle organisée en faveur des groupes marginalisés?

34.Les traités et les normes du droit international ont une place importante dans l’ordre juridique sud-africain mais sont subordonnés à la Constitution, dont l’article 233 oblige les autorités à interpréter «dans la mesure du possible» les normes constitutionnelles et le droit national en fonction du droit international en vigueur. Pour prendre un exemple, le paragraphe 120 du rapport indique que les étrangers détenus peuvent demander à bénéficier de l’article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963. Mais cette convention est-elle incorporée au droit interne sud‑africain car, dans le cas contraire, elle n’est pas applicable et nul ne peut s’en prévaloir?

35.Il existe en Afrique du Sud des prisons de haute sécurité: M. Mariño Menéndez souhaiterait avoir des précisions à leur sujet et notamment savoir quelles catégories de prisonniers y sont incarcérés, à quel régime ils sont soumis et s’ils peuvent y être maintenus au secret. Par ailleurs, existe‑t‑il des prisons gérées par des groupes privés mandatés par l’État et, dans l’affirmative, comment fonctionnent‑elles?

36.S’agissant de l’utilisation des preuves dans un procès pénal dans le cas où l’on soupçonne que celles‑ci ont été obtenues par la torture, il est apparemment possible à l’auteur de reconnaître sa culpabilité. Cette admission de culpabilité produit‑elle un effet définitif, est‑ce l’élément qui permet aux juges de prononcer une condamnation dans un cas de torture?

37.Il serait utile au Comité de savoir comment l’État partie lutte contre les groupes paramilitaires et la criminalité organisée. Il semble que des groupes à caractère privé opèrent comme vigiles de sécurité: le Parlement s’en est‑il inquiété et la loi couvre‑t‑elle ce genre d’activité illégale? Il semble par ailleurs que la traite des personnes et notamment des enfants existe en Afrique du Sud aux fins du trafic d’organes. Bien que ce phénomène ait été dénoncé, il ne semble pas visé par la législation et comme il semble prendre de l’ampleur, des mesures sont‑elles prises pour le réprimer? Enfin, étant donné que la violence armée tend à se généraliser dans le pays pour diverses raisons liées notamment à la pauvreté, il serait important de savoir comment la vente d’armes est réglementée, s’il est facile aux particuliers de s’en procurer, si un permis de port d’armes est exigé et s’il existe des statistiques concernant la vente d’armes.

38.M. CAMARA espère que le dialogue qui s’instaure avec l’Afrique du Sud sera bénéfique à son peuple. Il souhaiterait revenir sur la question essentielle de la définition de la torture. L’infraction de la torture telle qu’énoncée à l’article premier de la Convention frappe par son caractère complexe. En effet, ordinairement en droit pénal, une infraction comporte un élément matériel et un élément moral; or l’article premier énonce plusieurs éléments matériels et plusieurs éléments moraux constitutifs d’infraction de torture, puisqu’il y est question de «tout acte» qui provoque des douleurs physiques ou mentales. Cette imprécision est inhabituelle dans le droit pénal, toujours le plus précis possible pour éviter l’arbitraire. C’est volontairement que les auteurs de la Convention ont utilisé des termes qui peuvent couvrir les coups mais aussi, par exemple, des hurlements susceptibles d’être assimilés à la torture lorsqu’ils s’adressent à une personne fragile. Le seul moyen pour un pays tel que l’Afrique du Sud de s’acquitter de ses obligations conventionnelles est de reprendre in extenso la définition de la torture énoncée dans la Convention. À cet égard, un élément qui passe souvent inaperçu est le fait que la torture, au sens du droit international, peut être engendrée par un acte de discrimination: c’est là un facteur important non seulement dans le cas de l’Afrique du Sud mais aussi dans le cas d’autres pays où des violences sont infligées pour des motifs discriminatoires. Compte tenu des éléments dont dispose le Comité, il paraît très important de mettre cet élément en exergue. Tout récemment, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a, dans ses observations finales concernant le rapport de l’Afrique du Sud, estimé qu’il existait dans le pays une ségrégation de facto et que la justice ne semblait pas très active pour la réprimer. En matière de prévention et de répression des actes de torture, l’aspect discriminatoire paraît fondamental.

39.En conclusion, M. Camara se réjouit du dialogue qui vient de s’engager avec l’État partie, important non seulement pour le pays lui‑même mais aussi pour toute la région en raison du rôle éminent qu’y joue l’Afrique du Sud et de l’effet d’entraînement que cela peut avoir pour les autres pays de la zone.

40.Mme BELMIR félicite la délégation de son rapport fort instructif et du dialogue fructueux qu’il permet d’engager. Dans ce cadre, il serait utile d’avoir des précisions concernant les instances qui sont chargées de définir la politique pénale; il est indiqué en effet que la police a le pouvoir d’élaborer une politique en matière de prévention de la torture et de traitement des personnes placées en garde à vue et que, avec les forces de défense et les services correctionnels, elle met en œuvre des programmes destinés à assurer la formation du personnel mais aussi des délinquants et des citoyens en général. Or cette police, qui a donc des pouvoirs assez étendus, serait apparemment aussi responsable d’un certain nombre de violences et brutalités graves et ce, en toute impunité. Les responsabilités qui lui sont ainsi confiées relèvent-elles d’un cadre plus général de la politique pénale, ou bien la police est‑elle seule à en décider, alors qu’elle est à la fois juge et partie?

41.En ce qui concerne les attributions de la Direction nationale des poursuites, il ressort du rapport que les procureurs jouissent de pouvoirs discrétionnaires allant de l’inculpation et de l’abandon de cette inculpation jusqu’au refus ou à l’acceptation d’une demande de libération; ils peuvent décider non seulement du chef d’inculpation mais aussi de la juridiction devant laquelle le prévenu sera traduit. Ces larges pouvoirs, peut‑être acceptables en common law, sont considérés dans d’autres systèmes juridiques comme des pouvoirs juridictionnels, relevant des attributions d’un tribunal. Y a‑t‑il donc en l’occurence partage du pouvoir judiciaire entre le procureur et le tribunal?

42.L’État partie reconnaît lui-même que les personnes détenues avant jugement sont exposées à des violations. De plus, en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement, le temps passé en détention avant jugement n’est pas comptabilisé. En ce qui concerne la justice des mineurs, il serait utile de connaître l’âge exact de la responsabilité pénale qui, selon les sources, est établi tantôt à 10 ans, tantôt à 14 ans, ou encore à 16 ans pour les infractions les plus graves.

43.Sur la question de l’extradition, Mme Belmir demande s’il est exact que des ressortissants sud-africains peuvent être extradés vers un État étranger dès lors qu’il existe un traité d’extradition entre l’Afrique du Sud et le pays en question. Dans l’affirmative, en vertu de quels critères un ressortissant sud-africain peut-il être extradé? En ce qui concerne la recevabilité des éléments de preuve, des précisions concernant les circonstances dans lesquelles des preuves peuvent être exclues seraient les bienvenues. Par ailleurs, il ressort du rapport que la torture, en tant qu’infraction pénale, n’est pas spécifiquement mentionnée dans le droit interne mais peut constituer une circonstance aggravante et être, parfois, assimilée à une forme d’agression. Il serait souhaitable que la définition de la torture telle qu’elle est énoncée à l’article premier de la Convention soit reflétée dans la législation nationale.

44.Mme GAER, se référant au rapport établi par le Groupe de travail sur la détention arbitraire à l’issue de sa visite en Afrique du Sud en septembre 2005 (E/CN.4/2006/7/Add.3), dit que les cas de personnes décédées en garde à vue sont nombreux. Elle souhaiterait savoir s’il existe une procédure spécifique applicable dans de tels cas et si des fonctionnaires de police ont déjà été mis en cause et fait l’objet de poursuites. En ce qui concerne l’extradition, il ressort du paragraphe 104 du rapport que l’extradition d’une personne vers un pays où elle risque la peine de mort est subordonnée à l’obtention, auprès des autorités du pays en question, de l’assurance que l’intéressé ne sera pas exécuté. En va-t-il de même pour l’extradition d’une personne qui risque d’être soumise à la torture? Dans l’affirmative, en quoi consistent les garanties requises? Dans son rapport de novembre 2006, Amnesty International signale la fréquence élevée des cas de viols de femmes pendant la garde à vue. Dans l’un de ces cas, une enquête a été ouverte, quoique tardivement, à la suite de laquelle trois fonctionnaires de police ont été arrêtés puis libérés sous caution et maintenus dans leurs fonctions en attendant l’issue du procès. Faut-il comprendre qu’il n’existe pas de règles rendant obligatoire la suspension des fonctionnaires de police contre lesquels des poursuites pour viol ont été engagées et dont le procès est en cours?

45.En ce qui concerne la compétence juridictionnelle en matière d’infractions militaires, il est dit au paragraphe 84 du rapport initial que lorsqu’un cas de torture ou de peines ou traitements cruels se produit en dehors des frontières de la République, par exemple si l’accusé est un membre de la Force de défense nationale (SANDF) en mission de maintien de la paix, l’affaire est généralement de la compétence des tribunaux militaires, à moins que l’Accord statutaire sur les forces de défense ne confère à la SANDF la compétence exclusive pour traiter de cette affaire. Comment cela se traduit-il dans la pratique? La SANDF a-t-elle les moyens de procéder elle-même à des enquêtes à l’étranger? Par ailleurs, l’Accord statutaire sur les forces de défense assurant aux membres de la SANDF l’immunité de poursuites dans le pays où ils sont en mission, existe-t-il une procédure garantissant le rapatriement des contrevenants en vue de leur passage en jugement? Mme Gaer cite le cas du lieutenant Koos van Breda, membre du contingent de militaires sud-africains faisant partie de la Mission de maintien de la paix des Nations Unies en République démocratique du Congo. Celui-ci a été accusé d’abus sexuels et a été rapatrié en Afrique du Sud en octobre 2005 pour y être jugé par un tribunal militaire. Il serait intéressant de savoir quelle a été l’issue du procès. D’après un récent rapport de la SANDF, des enquêtes ont été ouvertes dans 36 autres affaires d’abus sexuels impliquant des militaires sud-africains en mission en République démocratique du Congo et au Burundi. Des précisions sur ces enquêtes seraient les bienvenues.

46.M. GALLEGOS CHIRIBOGA dit que, pour véritablement développer une culture de la paix et du respect des droits de l’homme, l’Afrique du Sud ne doit pas seulement garantir l’application des lois; elle doit aussi tout mettre en œuvre pour mettre fin à l’impunité.

47.Mme SVEAASS demande, à propos du nombre élevé de décès liés au sida, quelles mesures sont prises pour assurer aux orphelins un environnement propice à leur développement et éviter ainsi qu’ils ne tombent en grandissant dans la violence et la criminalité. Elle note avec préoccupation que, d’après l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), un grand nombre d’infractions ne sont pas dénoncées à la police et 5,7 % seulement de celles qui le sont donnent lieu à des condamnations. Elle souhaiterait savoir si la délégation confirme ces informations et, dans l’affirmative, si le Gouvernement ne craint pas de voir s’instaurer un climat d’impunité propice à la montée de la violence. En ce qui concerne les crimes commis sous le régime de l’apartheid, Mme Sveaass demande combien de temps encore la disposition de la loi sur la promotion de l’unité et de la réconciliation nationales − en vertu de laquelle une amnistie est accordée aux personnes qui rendent compte de manière complète de tous les faits pertinents relatifs aux actes criminels, y compris les actes de torture, commis sous l’apartheid − va rester en vigueur. Il serait en effet regrettable que les efforts remarquables consentis depuis 1994 pour assurer une transition pacifique et restaurer l’état de droit aboutissent en définitive au développement d’une culture de l’impunité. Dans ce contexte, il serait également intéressant de connaître les mesures de réparation et d’indemnisation qui ont été prises en faveur des victimes de la torture, conformément à l’article 14 de la Convention.

48.M. GROSSMAN, citant des statistiques de l’OMCT, constate que le nombre de décès en prison est passé de 492 en 1995 à 2 624 en 2003. Il serait intéressant de disposer de données analogues pour l’année 2006, ventilées par âge, sexe et surtout par cause de décès afin d’évaluer la proportion de ces décès susceptibles d’être liés à des actes de torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Des précisions concernant l’accès effectif des détenus aux soins médicaux, l’existence éventuelle de cas de brutalités policières et, le cas échéant, d’enquêtes en cours à ce sujet seraient également utiles. Les chiffres reproduits dans le tableau du paragraphe 157 du rapport montrent que les cas de torture ont diminué entre avril 1997 et mars 2002. Des statistiques actualisées sur ce sujet seraient les bienvenues. M. Grossman demande des précisions concernant le cas de Khalid Mehmood Rashid, ressortissant pakistanais remis aux autorités pakistanaises par la police sud-africaine en 2005, qui n’a plus été revu depuis son rapatriement au Pakistan, en particulier sur le point de savoir si cette affaire a été examinée à la lumière de l’article 3 de la Convention et du principe de non‑refoulement. Par ailleurs, il souhaiterait savoir dans quelle mesure les politiques publiques, notamment en matière de sécurité, permettent une participation effective de la société civile à leur mise en œuvre et à la surveillance de leurs effets.

49.Le PRÉSIDENT remercie la délégation, les rapporteurs et les autres membres du Comité de leur participation et les invite à reprendre le dialogue à une séance ultérieure.

La partie publique de la séance prend fin à 12 h 30.

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