NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.633/Add.126 janvier 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑troisième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA DEUXIÈME PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 633e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le mardi 23 novembre 2004, à 15 heures

Président: M. MARIÑO MENÉNDEZ

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Quatrième rapport périodique de la Grèce (suite)

La deuxième partie (publique) de la séance commence à 16 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Quatrième rapport périodique de la Grèce (suite) (CAT/C/61/Add.1; HRI/CORE/1/Add.121)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation grecque reprend place à la table du Comité.

2.M. KOURAKIS (Grèce), répondant aux questions posées par le Corapporteur, M. Yu Mengjia, en particulier à l’allégation selon laquelle les Albanais seraient victimes de xénophobie en Grèce, reconnaît que, des milliers d’immigrants albanais ayant afflué en Grèce après le changement de régime en 1991, un sentiment d’hostilité à leur égard était né dans la population, car certains d’entre eux s’étaient mis à collaborer avec la pègre et à organiser divers trafics, notamment d’armes et de drogue, et d’autres, qui ne trouvaient pas de moyens de subsistance, commettaient des vols. Cependant, la situation a totalement changé depuis lors, notamment grâce à la promulgation de la loi de 2001 sur les étrangers, qui permet aux non‑ressortissants de régulariser leur situation. Les Albanais représentent environ 60 % des étrangers en Grèce. La plupart d’entre eux sont intégrés et travaillent, principalement dans l’agriculture et le bâtiment, en sorte qu’il n’y a aujourd’hui en Grèce aucun problème de xénophobie à l’égard des Albanais.

3.S’agissant des Roms, l’objectif des autorités grecques est d’améliorer les conditions de vie de cette communauté tout en respectant son mode de vie et ses coutumes particulières. À cette fin, un plan septennal (2002-2008) auquel est alloué un montant de 308 millions d’euros a été adopté. En outre, il convient de relever que le conseil d’administration de la Commission nationale des droits de l’homme compte un représentant de la communauté rom et que le Ministère de la culture a un conseiller rom. S’agissant de la démolition en juillet 2000 de logements qui avaient été occupés sans autorisation par des Roms, M. Kourakis précise que cette mesure a été prise en application d’une décision judiciaire et dans le but de reloger les intéressés dans des bâtiments salubres.

4.D’autre part, les autorités publiques, qui ne sont pas toujours au courant des faits dénoncés par les organisations non gouvernementales, jugent précieuses les informations émanant de celles‑ci pour autant qu’elles leur soient communiquées et que la possibilité leur soit offerte de vérifier les faits et de réagir, ce qui n’a pas été le cas pour les incidents décrits dans le rapport d’Amnesty International. Par ailleurs, même si ces incidents sont réels, on ne saurait en tirer des conclusions générales sur la situation dans le pays.

5.Pour ce qui est de la disparition d’enfants des rues albanais, la question a été examinée par le Médiateur dans un rapport spécial publié en mars 2004 et toute la lumière sera faite sur cette affaire, puisque le Procureur général en a été saisi. Il convient de préciser que ces enfants, exploités par la mafia albanaise, qui les faisait travailler comme laveurs de pare-brise, avaient été placés en 1998 dans des foyers où leur liberté de mouvement n’était pas restreinte, étant donné qu’ils n’avaient commis aucune infraction. Malheureusement, ces enfants ont disparu de ces foyers, soit parce qu’ils ont été retrouvés par la mafia et contraints de travailler de nouveau, soit parce qu’ils sont rentrés en Albanie.

6.En ce qui concerne la traite des personnes, le droit interne prévoit divers moyens de lutter contre ce fléau, notamment la loi no 3064 adoptée en 2002, qui réprime sévèrement cette pratique. En outre, l’article 349 du Code pénal punit le proxénétisme et l’exploitation sexuelle de 10 ans d’emprisonnement et de 50 000 euros de dommages-intérêts au minimum. Des peines similaires sont prévues à l’article 351 dudit Code lorsqu’une personne est introduite en Grèce ou transférée hors du pays par la force ou par abus de pouvoir (ce qui vise la police) à des fins d’exploitation sexuelle. Des dispositions spéciales sont également prévues pour réprimer l’exploitation des mineurs. Enfin, l’article 8 du Code pénal établit la responsabilité des auteurs de toutes ces infractions quel que soit le pays où elles ont été commises.

7.Pour ce qui est de la surveillance des prisons, M. Kourakis précise que les représentants du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et du Comité pour la prévention de la torture ont librement accès aux établissements pénitentiaires conformément aux obligations internationales contractées par la Grèce. S’agissant des organes nationaux, seul le procureur chargé de l’inspection des prisons peut effectuer des visites inopinées dans les prisons, et ce, en vertu de la loi no 390 de 2002. La Commission nationale des droits de l’homme et le Médiateur doivent quant à eux demander une autorisation préalable. La raison en est que le Ministère de la justice et le personnel pénitentiaire sont responsables de ce qui pourrait se passer dans la prison et souhaitent éviter tout incident. Il y a lieu de mentionner à ce propos que, dans ses rapports annuels pour 2002 et 2003, le Médiateur n’avait rien signalé sur la situation dans les prisons.

8.D’autre part, la loi no 3226 de 2004 portant abrogation de l’article 96 du Code de procédure pénale prévoit notamment que le procureur chargé de l’inspection des prisons peut fournir une assistance juridique aux détenus et qu’un avocat est mis à la disposition des victimes d’actes de torture et de la traite à des fins d’exploitation sexuelle.

9.Le refoulement arbitraire des demandeurs d’asile est impossible car ils sont autorisés à séjourner trois mois dans le pays à compter de la date de leur arrivée, période qui peut être prolongée si la demande d’asile est rejetée et que son rejet fait l’objet d’un recours. Les victimes de la traite bénéficient d’une protection spéciale conformément à la loi no 3064 de 2002, qui prévoit notamment la fourniture d’un logement, l’accès aux soins médicaux et un soutien psychologique. Pour ce qui est du renvoi des immigrés de nationalité turque dans leur pays, un accord entre la Grèce et la Turquie est encore en vigueur, dont l’application est parfois ralentie du fait que les autorités turques exigent le nom exact des personnes expulsées dans certains cas. Généralement, les personnes détenues dans ce contexte à des fins d’expulsion recouvrent leur liberté dans les trois mois. En cas de conflit entre l’accord susmentionné et les instruments internationaux relatifs aux droits l’homme auxquels la Grèce est partie, ces derniers priment.

10.Répondant à des questions posées par le Rapporteur, M. Rasmussen, M. Kourakis dit que le Code des prisons de 1999 prévoit que tout détenu doit être examiné par un médecin à son arrivée à la prison. S’il y a lieu, le détenu suit un traitement ou est envoyé chez un spécialiste ou à l’hôpital. Il peut également être examiné par un médecin légiste ou un médecin appartenant au réseau des 50 praticiens du Centre pour la réadaptation des victimes de la torture. Suivant le diagnostic, le patient peut avoir droit à des soins et à un suivi psychologique. Il convient de souligner que tous ces services sont gratuits.

11.S’agissant de l’élaboration d’un code de déontologie à l’intention de la police, qui a été recommandée en 2001 par le Conseil de l’Europe, M. Kourakis indique que le Gouvernement s’en occupe actuellement et que ce texte sera probablement adopté début 2005.

12.M. LOURANTOS (Grèce) précise à ce sujet que ce code a été envoyé tout récemment au Président de la République ainsi qu’au Médiateur de la Commission nationale des droits de l’homme, à la section grecque du HCR et à la police nationale à des fins de consultation.

13.M. KOURAKIS (Grèce) dit, à propos de la possibilité de filmer les interrogatoires, que cela n’est pas encore envisageable pour le moment, car il n’existe aucun mécanisme de contrôle permettant d’assurer que les enregistrements ne soient pas manipulés et les scènes compromettantes supprimées. La délégation propose de revenir sur cette questions lorsque lesdits moyens de contrôle auront été mis en place.

14.En ce qui concerne les mesures prises à l’encontre des membres des forces de police accusés d’avoir commis des actes de torture, M. Kourakis indique que les suspects sont suspendus mais, en vertu de la présomption d’innocence, ils ne sont pas démis de leurs fonctions tant qu’une décision judiciaire n’a pas été rendue. Toutes les personnes reconnues coupables sont exclues de la police, indépendamment de la nature de la peine qui leur a été infligée.

15.Concernant la lenteur des procédures dans les affaires de mauvais traitements, M. Kourakis fait observer qu’il est préférable d’attendre que la justice détermine si la personne en cause est coupable ou non, avant de prononcer des mesures disciplinaires. S’agissant des plaintes concernant des actes de torture, qui sont des infractions très graves, la procédure est plus rapide. La durée maximale de la détention provisoire en pareil cas est de 18 mois.

16.Pour ce qui est de l’amélioration des bases de données pénales, M. Kourakis dit qu’il existe un projet ambitieux de collecte de tous les dossiers, qui seront prochainement consultables sur des supports électroniques. En attendant que ce projet soit mené à bien, il est possible de communiquer au Comité des données complètes sur les cas de torture s’il le souhaite. Étant donné que les dossiers sont classés par type d’infraction, les services compétents pourront extraire ceux qui l’intéressent.

17.M. Kourakis rappelle que le centre de réadaptation des victimes d’actes de torture accueille entre 150 et 170 étrangers par an et apporte une aide à environ 500 membres de leurs familles. S’agissant des déclarations arrachées sous la torture, l’article 177.2 du Code de procédure pénale dispose que les aveux obtenus par des actes répréhensibles ne sont, par principe, pas admis par les tribunaux; ils n’ont en conséquence aucune valeur probante.

18.En ce qui concerne l’afflux massif de demandeurs d’asile sur l’île de Mytilène, M. Kourakis estime que la Grèce pourrait éventuellement bénéficier de crédits alloués par la Commission européenne pour pouvoir améliorer leurs conditions d’accueil. Enfin, s’agissant du fonctionnement de la procédure de renvoi de détenus dans leur pays, il précise que la Grèce applique dans tous les cas les dispositions de la Convention européenne de 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées.

19.M. LOURANTOS (Grèce), répondant à un membre du Comité qui a demandé des données statistiques sur les mauvais traitements en Grèce, indique qu’en 2003, 47 plaintes ont fait l’objet d’une enquête; 12 cas concernaient des étrangers, mais aucun n’avait trait à des Roms. Les enquêtes ont donné lieu à des sanctions disciplinaires dans 3 affaires; 12 affaires ont été classées, tandis que 32 autres sont en voie de règlement judiciaire. En matière pénale, 3 affaires ont été classées par le Bureau du Procureur de la République et 13 autres n’ont pas donné lieu à des inculpations. Des inculpations ont été en revanche prononcées dans 12 affaires, qui sont encore en instance, étant donné qu’elles ont fait l’objet d’un appel.

20.M. KOURAKIS (Grèce) explique, au sujet de la situation des Roms en Grèce, qu’ils se voient appliquer sans distinction les mêmes dispositions en matière d’expulsion forcée que les autres citoyens grecs. En aucun cas, les Roms ne font l’objet d’expulsions forcées illégales et, lorsqu’ils doivent quitter certains lieux, ils sont réinstallés ailleurs. Le Ministère de l’intérieur a alloué à une municipalité environ 30 000 euros pour l’aider à améliorer les conditions de vie (approvisionnement en eau, assainissement, fourniture d’électricité) dans des zones habitées par des Roms. Il a en outre accordé à cette municipalité un crédit de 25 000 euros pour lui permettre de remédier aux dégâts causés par un incendie survenu dans des campements roms, en août 2004.

21.En réponse à une question sur le nombre de demandeurs d’asile en Grèce, M. Kourakis signale que pratiquement tous les immigrants qui arrivent dans le pays demandent l’asile, même si seuls quelques-uns d’entre eux sont réellement des réfugiés au sens de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Certains poursuivent leur route vers d’autres pays et ont déjà quitté la Grèce lorsque leur demande est examinée. De ce fait, le nombre de personnes reconnues en définitive comme réfugiés en Grèce est très restreint.

22.M. LOURANTOS (Grèce) donne des précisions à propos de trois affaires mettant en cause des personnes qui devaient être expulsées de Grèce − deux ressortissants nigérians, MM. Okeke et Ntuku, et un ressortissant bangladais, M. Jahangir − et qui avaient opposé une très forte résistance à la procédure d’expulsion, ce qui avait eu pour effet de reporter leur expulsion à maintes reprises. Aucune mesure n’a été prise à leur encontre au niveau disciplinaire ou judiciaire et, s’agissant de M. Jahangir, l’intéressé a finalement disparu sans laisser d’adresse.

23.M. KOURAKIS (Grèce), en réponse à une question sur la proportion d’étrangers détenus dans les prisons grecques, indique que plusieurs facteurs peuvent expliquer le fait qu’ils représentent 40 % de la population carcérale. D’après une étude portant sur les années 1986‑1995, environ un tiers des auteurs de crimes graves, tels que l’homicide volontaire, commis en Grèce au cours de la période considérée étaient des étrangers, alors que les étrangers se trouvant en Grèce ne représentaient qu’environ 10 % de la population. Souvent, les étrangers n’ont pas les moyens d’obtenir les services d’un avocat qui les aiderait à défendre leur cause, méconnaissent le fonctionnement du système d’aide juridictionnelle, et ne sont en outre pas toujours en mesure de payer la caution qu’ils doivent acquitter ou l’amende qui leur est infligée, ce qui explique que bon nombre de ceux d’entre eux qui ont des démêlés avec la justice finissent en prison. Par ailleurs, en vertu de l’article 282.3 du Code de procédure pénale, une personne impliquée dans un délit peut faire l’objet d’une détention provisoire lorsque son adresse n’est pas connue − situation dans laquelle se trouvent souvent des étrangers. Tous ces facteurs doivent être pris en considération si l’on vent comprendre pourquoi la Grèce compte 40 % d’étrangers dans ses prisons.

24.Mme PAPAMITROPOULOU (Grèce), répondant à une question sur les moyens de remédier au problème de la surpopulation carcérale, explique qu’en attendant l’aménagement, déjà évoqué, de nouvelles prisons dont la construction est en cours, le Ministère de la justice examine la possibilité de transférer des détenus dans des «prisons agricoles». Cette mesure s’appliquerait aux prisonniers qui ont commis des délits mineurs liés à la consommation de stupéfiants, qui verraient par la même occasion la durée de leur peine abrégée.

25.M. KOURAKIS (Grèce) explique, à propos d’une question sur le pourcentage de femmes dans les forces de police, que les femmes peuvent s’inscrire librement dans les écoles de police.

26.M. LOURANTOS (Grèce) ajoute que, pour l’année écoulée, le nombre d’agents de police diplômés est de 90 pour les hommes et de 37 pour les femmes.

27.M. KOURAKIS (Grèce) rappelle, en ce qui concerne la protection des victimes de la traite des êtres humains, qu’en vertu de la loi no 3064 de 2002, ces dernières peuvent bénéficier d’une assistance en termes de logement, d’alimentation, de soins médicaux, de soutien psychologique et de soins psychiatriques.

28.M. LOURANTOS (Grèce) ajoute à ce sujet que deux notices d’information sont remises à tous les détenus: la première renseigne sur la protection des victimes de la traite prévue dans la nouvelle loi sur la traite des êtres humains, et la seconde porte sur les droits des détenus.

29.M. KOURAKIS (Grèce) indique, au sujet de l’assistance juridique, qu’au titre de la loi no 3226 de 2004 adoptée récemment, le Procureur chargé de l’inspection des prisons fournit des conseils aux détenus, et des avocats sont désignés pour traiter les plaintes des victimes d’actes de torture et de la traite à des fins d’exploitation sexuelle.

30.M. LOURANTOS (Grèce) fournit, pour illustrer l’application du principe de non‑refoulement, des données statistiques concernant la nationalité des personnes appréhendées et expulsées en 2003, expliquant que tous ceux qui ont besoin d’une protection particulière en raison de la situation qui règne dans leur pays, tels que les ressortissants soudanais, érythréens ou somaliens, n’ont en aucun cas fait l’objet d’expulsion. D’autre part, 5 % seulement des expulsions concernaient des Iraniens ou des Afghans entrés illégalement sur le territoire grec; ces personnes n’ont toutefois pas été renvoyées dans leur pays d’origine, mais vers la Turquie, où elles avaient séjourné avant d’arriver en Grèce.

31.M. KOURAKIS (Grèce) précise qu’en toutes circonstances la Grèce se fonde sur les dispositions de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

32.M. YU Mengjia (Corapporteur pour la Grèce) félicite l’État partie pour les efforts déployés afin de donner effet à la Convention contre la torture, tout en estimant souhaitable que les autorités soient davantage attentives à différentes sources d’informations, telles que la société civile ou les ONG.

33.M. Yu Mengjia souhaiterait obtenir des précisions quant au sort des 500 enfants qui ont disparu des centres d’accueil où ils séjournaient, et se demande comment un tel fait a pu se produire sans que les autorités en aient été informées ni qu’elles aient pris promptement des mesures pour y faire face. Cette situation témoigne manifestement de l’existence d’un problème très grave au niveau de l’administration.

34.M. KOURAKIS (Grèce) précise que les 500 enfants «portés manquants» n’ont pas été placés dans l’établissement en question en une seule fois, mais qu’ils y sont arrivés petit à petit entre 1998 et 2003; ils n’ont pas non plus disparu d’un seul coup, mais les uns après les autres. Il aurait sans doute été possible de mieux gérer la situation et, ainsi que le Médiateur l’a dit lui‑même, l’ensemble de la structure était sans doute loin d’être parfaite. Mais il faut savoir que, si le délit de vagabondage existe bien en Grèce, il n’est nullement interdit à quiconque de nettoyer des pare‑brise par exemple. Ces enfants ne pouvant donc pas être placés en détention mais seulement dans un établissement ouvert, les autorités n’ont pas été en mesure d’en faire plus, et ce, d’autant moins que ces enfants étaient attendus au‑dehors par leurs «parrains».

35.M. RASMUSSEN (Rapporteur pour la Grèce) remercie la délégation de s’être efforcée d’apporter des réponses aux questions posées dans le court délai qui lui était imparti. Quelques‑unes demeurent en suspens, par exemple celle concernant la formation du personnel médical attaché aux prisons: la délégation a certes indiqué que les détenus recevaient des soins médicaux, mais elle n’a pas précisé si les médecins apprenaient à déceler des signes de torture ou de mauvais traitements et s’il existait un système de prise en charge des prisonniers présentant des traumatismes résultant selon leurs dires de mauvais traitements aux mains de la police.

36.Au sujet de l’enregistrement audio ou vidéo des interrogatoires, la délégation a répondu, de façon un peu surprenante, que celui‑ci n’était pas souhaitable parce qu’il pouvait être manipulé. N’importe quel élément de preuve peut en effet être falsifié et c’est précisément pour l’éviter que les interrogatoires devraient être enregistrés, l’heure du début et de la fin de l’interrogatoire et l’identité de ceux qui le conduisent étant indiqués avec exactitude. À propos de l’ouverture immédiate d’enquêtes impartiales, la délégation a précisé que la procédure engagée contre des policiers accusés de torture pouvait durer six mois, ce délai étant susceptible d’être prorogé à deux reprises. Sachant que les policiers mis en cause sont suspendus de leurs fonctions pendant la durée de la procédure, un délai de 18 mois paraît très long, d’autant plus que les statistiques fournies pour 2003 montrent que, sur 47 enquêtes ouvertes, 32 étaient encore pendantes; il est vrai qu’il n’est pas précisé si ces chiffres concernent aussi les procédures en appel.

37.M. Rasmussen s’étonne qu’il soit nécessaire de prendre des dispositions à l’avance pour les visites du Médiateur, car les visites inopinées permettent une meilleure surveillance des prisons et postes de police. D’autre part, il demande s’il est vrai que le Médiateur s’est vu refuser l’accès à un centre de détention pour mineurs. Enfin, il se félicite que les autorités grecques prévoient d’améliorer leurs statistiques concernant les cas d’allégation de torture, ce qui sera extrêmement utile pour l’établissement du prochain rapport périodique.

38.Les conditions de détention par les gardes frontière, notamment à la frontière avec l’Albanie, préoccupent le Comité, conscient il est vrai que les problèmes sont graves dans cette région. Il serait utile de savoir si des ONG ont accès aux lieux de détention et à quelles conditions. Le concours de ces organisations peut être précieux lorsque des réfugiés affluent en grand nombre et posent de graves problèmes aux autorités.

39.M. KOURAKIS (Grèce) précise que, lorsqu’il a parlé de manipulation des enregistrements d’interrogatoires, il avait présent à l’esprit le risque de falsification par les accusés plutôt que par les policiers. Mais après avoir entendu les commentaires de M. Rasmussen, et notamment ceux concernant la possibilité de mentionner les heures de l’interrogatoire, il voit les choses différemment et souhaiterait recevoir des informations sur la façon dont cette méthode est appliquée au Royaume-Uni par exemple. Par ailleurs, il y a lieu de préciser que tout détenu arrivant dans un établissement pénitentiaire a la possibilité de demander à être vu par un membre du personnel médical, personnel qui reçoit une formation spéciale. Quant à l’idée d’initier le personnel pénitentiaire lui‑même à la façon de détecter les cas de torture, elle mérite effectivement d’être examinée.

40.Mme PAPAMITROPOULOU (Grèce) indique qu’en vertu d’une décision relative à la réglementation des établissements pénitentiaires parue au Journal officiel en date du 7 avril 2003, les compétences du personnel sanitaire des prisons vont être améliorées dans le cadre d’un programme de formation continue. D’autre part, avant d’entrer en fonctions, l’ensemble du personnel des prisons reçoit une formation de deux ou quatre mois selon le cas, portant notamment sur le Code des prisons, le Code pénal et tous les textes relatifs au fonctionnement des établissements pénitentiaires et à l’exécution des peines.

41.M. KOURAKIS (Grèce), se référant à la durée des enquêtes sur les allégations de torture dont s’est inquiété M. Rasmussen, estime que si beaucoup de ces affaires sont pendantes, c’est sans doute qu’un grand nombre de procédures d’appel sont en cours. En tout état de cause, la Constitution n’autorise pas le Gouvernement à intervenir dans la procédure judiciaire. La seule possibilité à cet égard serait de demander au Procureur près la Cour suprême de publier une circulaire demandant aux autorités judiciaires de traiter avec la plus grande diligence les affaires d’allégation de torture, en raison de la gravité de ces crimes et des obligations internationales de la Grèce.

42.La question posée à propos des visites du Médiateur est délicate, car les règlements en vigueur exigent qu’il annonce à l’avance ses visites. Le but de cette règle est uniquement de faire en sorte qu’il puisse rencontrer directement les prisonniers et se rendre compte par lui‑même de leurs conditions de vie. Le différend survenu entre le Médiateur et le Ministère de la justice semble résulter du non‑respect de cette procédure par le Médiateur et non d’un refus que le Ministère aurait voulu lui opposer. Par ailleurs, certaines ONG, telles Amnesty International, sont représentées à la Commission nationale des droits de l’homme et ont le droit de visiter les établissements pénitentiaires, comme cela a été le cas en juillet 2004. Là où un problème se pose, c’est qu’il n’existe en Grèce aucun mécanisme permettant d’établir que telle ou telle ONG est crédible et sérieuse ou ne l’est pas; n’importe quel groupe peut se baptiser ONG et il paraît indispensable, avant de l’admettre à visiter des prisons, qu’il obtienne l’aval du Ministère de la justice. Dans une société démocratique, l’accréditation des ONG peut difficilement se faire autrement qu’au cas par cas.

43.M. LOURANTOS (Grèce) indique que, pour ce qui est des postes de police, un règlement rigoureux a été édicté le 4 juillet 2003 en ce qui concerne le traitement et les droits des personnes placées en garde à vue. Les policiers y sont informés de manière détaillée des droits des détenus, et notamment du fait que ceux‑ci sont autorités à communiquer avec des organes internationaux tels que le Comité européen pour la prévention de la torture, le représentant du Haut‑Commissariat pour les réfugiés, etc. Les policiers sont tenus d’informer les détenus de toute visite de représentants d’organisations s’occupant de défense des droits de l’homme, des conditions de détention et de l’assistance aux détenus; ils doivent autoriser ces représentants à rencontrer les détenus si ceux‑ci le souhaitent, eu égard aux règles en matière de confidentialité. Enfin, aucun motif ne peut être invoqué pour interdire aux avocats de communiquer avec les détenus.

44.M. RASMUSSEN (Rapporteur pour la Grèce) espère qu’il pourra être répondu ultérieurement à la question qu’il a posée en ce qui concerne les conditions de détention par les gardes frontière. Par ailleurs, il convient volontiers qu’il n’est pas possible d’admettre n’importe qui à visiter les prisons. Il n’en demeure pas moins qu’il devrait être possible de reconnaître que telle ou telle ONG est digne de confiance et qu’il est possible de travailler avec elle.

45.Mme GAER rappelle qu’elle a posé une question au sujet du Greek Helsinki Monitor, une ONG reconnue.

46.M. LOURANTOS (Grèce) a déjà fait référence aux utiles informations contenues dans le rapport du Greek Helsinki Monitor, qui présente la situation en Grèce sous un jour intéressant. L’impression donnée par cette ONG est à première vue favorable.

47.M. GROSSMAN se réjouit du dialogue engagé avec la délégation grecque. Tout d’abord, il tient à souligner que c’est une réaction assez classique de la part des gens que de s’en prendre aux étrangers, à ceux qui sont différents, lorsque quelque chose ne va pas: cela ne fait que renforcer davantage encore l’importance qu’il faut attacher à la formation. D’autre part, peu importe à son avis qu’une ONG soit ou non sérieuse et crédible: il faut de toute façon vérifier ses dires, car même un individu peu recommandable peut dire la vérité; il ne faut pas écarter ses allégations sans les examiner. Toute autre chose évidemment est de lui donner accès aux lieux de détention.

48.L’indépendance du pouvoir judiciaire n’exclut en rien sa responsabilité. Les actes du pouvoir judiciaire engagent la responsabilité internationale des États, et c’est particulièrement vrai s’agissant de questions telles que l’impunité. Enfin, les lois sont une chose et leur application en est une autre, et il sera très utile de disposer de statistiques, que le Comité examinera avec intérêt.

49.M. KOURAKIS (Grèce) convient que pour l’instant les statistiques de son pays laissent à désirer, surtout lorsqu’elles sont comparées avec celles d’autres pays. Depuis quelques années, le Conseil de l’Europe s’intéresse aux méthodes qui permettront de mieux comparer les données statistiques entre pays et on espère disposer prochainement d’un excellent outil.

50.Le PRÉSIDENT remercie la délégation grecque et l’informe que les conclusions et recommandations du Comité lui seront communiquées avant la fin de la session.

51. La délégation grecque se retire.

La séance est levée à 18 h 00.

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