Nations Unies

CAT/C/SR.1025

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

11 novembre 2011

Original: français

Comité contre la torture

Quarante -s ept ième session

Co mpte rendu analytique de la 1025 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 2 novembre 2011, à 15 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention (suite)

Quatrième rapport périodique du Maroc (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention (suite)

Quatrième rapport périodique du Maroc (CAT/C/MAR/4; CAT/C/MAR/Q/4 et Add.1; HRI/CORE/1/Add.23/Rev.1 et Corr.1) (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation marocaine reprend place à la table du Comité.

2.M. El Haiba (Maroc), revenant sur la question de la justice transitionnelle, indique que l’Instance Équité et Réconciliation, dont le mandat a pris fin en novembre 2005, était un mécanisme quasi judiciaire. Elle avait pour mission de faire la lumière sur les violations des droits de l’homme commises dans le passé et de déterminer la responsabilité de l’État et de ses organes, mais n’avait pas compétence pour établir les responsabilités individuelles. Dans les affaires qui n’étaient pas de son ressort, les victimes, leurs proches ou leurs ayants droit avaient la possibilité de se tourner vers les tribunaux. Le mandat de l’Instance englobait toute une série de violations graves, systématiques et massives (disparitions forcées, détention arbitraire, tortures et viols) et portait sur une quarantaine d’années, soit la plus longue période jamais couverte par un mécanisme de justice transitionnelle. L’application de ses recommandations a été confiée au Conseil consultatif des droits de l’homme.

3.Les éléments invoqués dans les décisions de l’Instance Équité et Réconciliation relatives à l’indemnisation des victimes étaient les suivants: la privation de liberté, la spécificité de la disparition forcée en tant que violation portant atteinte à tous les droits de l’homme, les conditions de détention ou de séquestration, les actes de torture et les mauvais traitements, les séquelles physiques et psychiques, et la perte de moyens de subsistance. Dans toutes ses décisions, l’Instance s’est attachée à tenir compte du sexe de la victime et de la particularité des souffrances vécues par les femmes. Au total, 17 461 personnes ont obtenu une indemnisation entre 2006 et 2011. Tous les bénéficiaires ont touché la somme qui leur revenait, à l’exception de quelques personnes qui ne disposaient pas des documents nécessaires ou qui vivaient à l’étranger. Étant donné que les mesures financières ne suffisent pas à elles seules à réparer le dommage causé, l’Instance Équité et Réconciliation a mis au point d’autres formes de réparation, à savoir la couverture des soins médicaux par l’État (12 217 bénéficiaires), l’aide à la réinsertion (1 205 bénéficiaires), la régularisation de la situation administrative (540 bénéficiaires) et la réparation collective. Cette dernière a pour objectifs le rétablissement de la confiance entre les populations locales et les autorités publiques, la reconversion des lieux de détention secrets en centres de détention officiels, l’entretien de la mémoire collective, le renforcement des capacités des organisations non gouvernementales locales et leur participation à la réalisation de l’objectif de la bonne gouvernance locale. Des projets de réparation collective ont été lancés dans 12 régions du pays.

4.Concernant l’établissement de la vérité dans les affaires relatives à des violations des droits de l’homme commises dans le passé, il convient de souligner que l’Instance Équité et Réconciliation est parvenue à faire la lumière sur 929 affaires, notamment en organisant des auditions publiques et en consultant des archives. Neuf affaires n’ont pas pu être élucidées. Les recommandations de l’Instance ont été prises en compte dans la Constitution et intégrées dans le plan d’action pour la promotion de la démocratie et des droits de l’homme. Un débat public a été organisé et une réforme du système judiciaire engagée. En outre, une stratégie nationale de lutte contre l’impunité a été élaborée et une plate-forme citoyenne pour la promotion de la culture des droits de l’homme a été mise en place. En mars 2011, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a adopté un projet de résolution soumis à l’initiative du Maroc, qui prévoit la création du mandat de rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition (A/HRC/RES/18/7).

5.Pour ce qui est de la place du droit international des droits de l’homme dans l’ordre juridique interne, M. El Haiba indique que, dans son préambule et sa Charte des libertés et des droits fondamentaux, la nouvelle Constitution réaffirme l’attachement du Royaume du Maroc aux droits fondamentaux universellement reconnus. Les instruments internationaux ratifiés par le Maroc sont directement applicables par les tribunaux nationaux. En outre, des activités ont été menées afin de préparer l’adhésion du Maroc au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. En 2008, un séminaire international sur la prévention de la torture a été organisé par le Conseil consultatif des droits de l’homme, en collaboration avec l’Association pour la prévention de la torture (APT) et avec la participation du Président du Sous-Comité pour la prévention de la torture. En septembre 2011, plusieurs institutions nationales des droits de l’homme du continent africain se sont réunies à Rabat et ont notamment débattu de la question de l’adhésion des États de la région au Protocole facultatif et de la mise en place du mécanisme national de prévention. Le 1er mars 2011, le dahir portant création du Conseil national des droits de l’homme a été adopté. Conformément aux articles 10 et 11 de ce texte, qui lui confèrent des compétences directement liées à l’application du Protocole facultatif, le Conseil national des droits de l’homme a entamé des travaux en vue de créer le mécanisme national de prévention, qui sera mis en place en étroite collaboration avec des organisations non gouvernementales, des organes publics et d’autres entités nationales.

6.M. Abdenabaoui (Maroc) dit à propos de l’incorporation dans le droit interne de la définition de la torture figurant à l’article premier de la Convention qu’une réforme globale du Code pénal, qui avait déjà été complété en 2006 par l’adjonction d’une définition de la torture, est en cours. L’article 258 du projet de nouveau code pénal comporte une nouvelle définition en vertu de laquelle le terme «torture» s’entend de tout acte de barbarie ou de violence par lequel des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont infligées à une personne par un agent de la fonction publique ou un simple particulier, à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Il convient de signaler en outre que le Parlement a ratifié le projet de loi 35/11 portant modification du Code de procédure pénale, dont l’article 653-1 dispose que les infractions considérées comme imprescriptibles dans les instruments internationaux auxquels le Maroc est partie ne sont pas soumises à la prescription.

7.Les dispositions de l’article 225 du Code pénal, qui prévoit la possibilité d’exonérer de sa responsabilité pénale le fonctionnaire qui a commis un acte arbitraire ou attentatoire à la liberté individuelle en obéissant à un ordre d’un supérieur hiérarchique, ne sont pas applicables en cas de torture. Le fonctionnaire auquel un supérieur ordonne de commettre des actes de torture doit refuser d’obtempérer étant donné que ces actes constituent une violation des dispositions du Code pénal et de la Convention.

8.Le projet de loi portant modification du Code de procédure pénale, approuvé en octobre 2011, prévoit notamment d’autoriser l’avocat à rendre visite à son client dès la trente-sixième heure de garde à vue quelle que soit l’infraction dont l’intéressé est soupçonné, y compris s’il s’agit d’actes de terrorisme. Cette nouvelle disposition représente un progrès considérable car, auparavant, l’avocat ne pouvait se rendre auprès de son client qu’en cas de prolongation de la garde à vue, c’est-à-dire à partir de la quarante-huitième heure. En outre, ce projet de loi énonce l’obligation pour la police judiciaire d’informer le suspect de son droit de garder le silence, de contacter un avocat et des membres de sa famille et de solliciter une aide juridictionnelle.

9.En ce qui concerne les allégations selon lesquelles les mineurs et les handicapés n’auraient pas accès à un avocat, M. Abdenabaoui dit que la loi consacre le droit de tous les suspects sans exception d’être représentés par un avocat, quel que soit le type d’affaire. Deux cas de figure sont prévus par la loi. Dans le premier cas, qui inclut les affaires touchant des mineurs, la présence de l’avocat au procès est obligatoire et, si le suspect n’a pas pu en obtenir un, le tribunal a l’obligation de faire les démarches nécessaires pour qu’un avocat soit commis d’office. Dans le deuxième cas, qui concerne les affaires délictuelles, la présence de l’avocat au procès est facultative. Toutefois, si le suspect tient à ce que ses intérêts soient défendus par un conseil mais n’a pas les moyens d’en engager un, il peut demander à une commission spéciale présidée par le Procureur général de lui commettre un avocat d’office au titre de l’aide juridictionnelle.

10.La définition du terrorisme énoncée dans la loi de 2003 sur la lutte contre le terrorisme est fondée sur les définitions pertinentes figurant respectivement dans la Convention arabe sur la répression du terrorisme et la législation française en la matière. Elle contient une liste de 13 infractions de droit commun, dont l’atteinte à la vie, le vol et la dégradation ou la détérioration de biens, qui sont définies comme des actes terroristes dès lors qu’elles sont commises intentionnellement et sont en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler la sécurité et l’ordre publics par l’intimidation, la terreur ou la violence. Ainsi, l’intention dans laquelle les actes visés sont commis joue un rôle déterminant dans la qualification de l’infraction.

11.Si les terroristes présumés peuvent être retenus en garde à vue plus longtemps que les personnes soupçonnées d’infractions de droit commun, c’est parce que, dans ces affaires complexes et délicates, les enquêteurs ont besoin de davantage de temps et de moyens pour réunir des éléments de preuve, les réseaux des groupes terroristes ayant souvent des ramifications qui s’étendent hors des frontières nationales. La garde à vue des terroristes présumés se déroule toujours dans des lieux officiels et elle est soumise à une surveillance de la part des organes compétents. Cette catégorie de suspects bénéficie, au même titre que les autres, de toutes les garanties protégeant les droits des personnes privées de liberté.

12.En ce qui concerne le viol conjugal et l’exonération de responsabilité pénale dont bénéficierait l’auteur d’un viol qui épouserait ultérieurement sa victime, M. Abdenabaoui souligne que la législation marocaine réprime le viol indépendamment de l’existence d’un lien conjugal entre l’auteur du viol et sa victime. Toute femme victime de violences sexuelles ou autres infligées par son conjoint peut porter plainte contre celui-ci. La législation marocaine ne prévoit aucune disposition permettant à l’auteur d’un viol qui aurait épousé sa victime d’échapper à des poursuites pénales. En vertu de l’article 475 du Code pénal, qui réprime l’enlèvement et le détournement de mineurs, la jeune fille mineure qui a été enlevée et qui a épousé son ravisseur ne peut pas porter plainte personnellement, mais son représentant légal peut le faire en son nom. Une femme victime d’enlèvement qui souhaiterait épouser son ravisseur n’est pas tenue de recueillir le consentement de ses représentants légaux, même si elle est mineure.

13.Des mesures ont été prises pour protéger les victimes et les témoins de violations commises par des agents de l’État. Ainsi, la loi portant modification du Code de procédure pénale adoptée récemment contient des dispositions visant à protéger les victimes et les témoins de délits ou de crimes, y compris le crime de torture, contre tout acte d’intimidation, de diffamation ou de représailles. Les proches des victimes d’actes de torture ont également droit à une protection spéciale.

14.L’article 446 du Code pénal autorise la levée du secret professionnel en cas de maltraitance à enfant. Les médecins et leurs assistants peuvent donc saisir les autorités quand ils constatent dans l’exercice de leurs fonctions qu’un enfant a été ou risque d’avoir été victime de mauvais traitements. Par ailleurs, des cellules de prise en charge des femmes et des enfants victimes de violence, dont le personnel est spécialement formé, ont été créées dans les tribunaux et les hôpitaux. Leur rôle consiste notamment à aiguiller les intéressés vers d’autres services sociaux susceptibles de leur apporter une assistance matérielle et psychologique. Ces cellules sont gérées en partenariat avec la société civile, qui est étroitement associée à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des enfants.

15.Concernant le cas d’Omar Brad, commandant du groupement de la gendarmerie royale à Settat, qui était accusé d’avoir commis des actes de torture à l’encontre d’un suspect pendant la garde à vue, il est vrai que sa condamnation à quarante jours de résidence forcée peut paraître insuffisante compte tenu de la nature des accusations portées contre lui, mais il ne s’agit là que d’une sanction disciplinaire. Une procédure judiciaire a également été engagée. En vertu de la législation marocaine, toute plainte relative à des actes de torture ou à des mauvais traitements infligés par la police donne lieu à une enquête et à des poursuites et tout auteur d’actes de torture est passible d’une peine d’emprisonnement allant de cinq à dix ans, voire plus dans certains cas. Ainsi, un fonctionnaire de police de Marrakech a récemment été reconnu coupable de mauvais traitements sur un particulier et condamné à une peine d’emprisonnement de dix ans, de même que deux autres policiers à Agadir.

16.Le Gouvernement est résolu à abolir progressivement la peine de mort et applique les recommandations formulées en ce sens par l’Instance Équité et Réconciliation. À l’heure actuelle, la peine de mort n’est plus prévue que dans 10 cas contre 30 auparavant et elle doit être prononcée à l’unanimité des juges. En outre, le mécanisme de la grâce royale, dont 23 condamnés à mort ont bénéficié en 2011, permet de commuer la peine capitale en peine d’emprisonnement à vie. L’adoption en juillet 2011 de la loi sur le respect du droit à la vie a marqué un progrès supplémentaire vers l’abolition complète de la peine de mort dans le pays.

17.En ce qui concerne la détention provisoire, il y a lieu de souligner que celle-ci n’est utilisée qu’en dernier ressort et que la législation encourage la libération sous caution, les amendes pécuniaires et le sursis. Malgré ces mesures, on a constaté que le nombre de prévenus avait augmenté ces dernières années. Sur les 65 000 personnes qui se trouvent actuellement dans les prisons marocaines, 48 % sont des prévenus. Cela s’explique notamment par la durée de la procédure et il faut savoir que 10 à 15 % des prévenus sont relaxés.

18.La législation marocaine comporte de nombreux textes visant à lutter contre la violence à l’égard des femmes, le principal étant une loi de 2003 sur la violence conjugale et le harcèlement sexuel. D’autres textes protègent les femmes contre la violence, y compris contre toute forme d’agression sexuelle. Le Gouvernement étudie actuellement la possibilité de regrouper ces différents textes dans une seule et même loi qui renforcerait plus avant la protection des droits de la femme.

19.M me Sekkate (Maroc) dit que la loi 04/43 se rapportant à la lutte contre la torture est bien appliquée, comme en témoignent les exemples de sanctions prises contre des policiers figurant dans les réponses écrites à la liste des points à traiter. Par ailleurs, il convient de réfuter les allégations émanant notamment d’Amnesty International selon lesquelles des personnes auraient été arrêtées sans mandat par des policiers en civil pour actes de terrorisme et placées en détention dans des endroits tenus secrets pendant une période excédant les douze jours prévus par la loi de 2003. Les règles relatives à l’arrestation et à la garde à vue ont été pleinement respectées dans cette affaire. Ainsi le prolongement de la garde à vue, à deux reprises, a bien été autorisé par le Procureur général du Roi conformément aux dispositions de l’article 66 du Code de procédure pénale. De plus, les suspects ont, comme il se doit, été détenus dans des postes de police judiciaire ou des centres de détention relevant de la gendarmerie royale. Leur droit de communiquer avec un avocat dès la première heure de la période de prolongement de la garde à vue, un droit que certains n’ont d’ailleurs pas fait valoir, ainsi que leur droit de contacter leurs proches, ont également été respectés. Le fait que les intéressés aient été arrêtés par des policiers en civil n’est en rien contraire à la loi. Quant aux allégations selon lesquelles ils auraient subi des actes de torture, elles ne sont pas fondées non plus. Cette question n’a jamais été soulevée par les accusés et le Procureur général du Roi et le juge d’instruction n’ont constaté aucune lésion justifiant l’examen médical des suspects.

20.En ce qui concerne les actes de torture dont auraient été victimes des étudiants de l’Université Qadi Ayad qui avaient manifesté pour obtenir l’augmentation du montant de leur bourse, il convient tout d’abord de souligner que les intéressés avaient mis le feu aux locaux de la cité universitaire de Marrakech et qu’ils s’étaient violemment attaqués aux forces de l’ordre, blessant quelques policiers. À la suite de ces événements, 11 suspects ont été arrêtés et présentés à un juge d’instruction. Tous ont subi à leur demande un examen médical, qui a montré qu’il n’y avait pas de lien de causalité entre l’intervention des forces de sécurité pour disperser la manifestation et les lésions constatées sur leur personne.

21.En réponse aux allégations selon lesquelles en 2008, 35 personnes reconnues coupables d’activités terroristes se sont vu refuser un examen médical alors qu’elles avaient affirmé que leurs aveux avaient été obtenus sous la torture, il convient de souligner que ces personnes ont bénéficié d’un procès équitable, qu’elles ont eu droit à l’assistance d’un avocat, que la véracité de leurs aveux a été dûment vérifiée et qu’elles ont été condamnées sur la base d’éléments de preuve solides recueillis pendant l’enquête. Il faut ajouter qu’un des intéressés avait été pris en flagrant délit. Enfin, il convient de souligner que les droits de la défense des civils jugés par des tribunaux militaires sont pleinement respectés.

22.M. Halmi (Maroc) dit que l’abrogation en 1994 de la loi sur les manifestations portant atteinte à l’ordre public et au respect dû à l’autorité a eu pour effet de renforcer l’exercice des libertés publiques, y compris la liberté d’expression. De plus, l’action de l’Instance Équité et réconciliation a permis de renforcer la protection et la promotion des droits de l’homme en général. Les manifestations tenues dans ce climat de liberté revêtent généralement un caractère pacifique. Les mouvements protestataires peuvent néanmoins engendrer des tensions, comme cela a été le cas à Sefrou, Sidi Ifni ou Laâyoune où ils ont pris une telle ampleur qu’ils ont perturbé l’exercice de la liberté de circulation et abouti à la commission d’infractions. C’est pourquoi, même si la règle est de ne pas interdire une manifestation tant qu’elle reste pacifique, les autorités chargées du maintien de l’ordre ont dû intervenir dans les meilleurs délais afin d’évacuer l’espace public, tout en s’efforçant de limiter les heurts. Les institutions nationales des droits de l’homme et associations de la société civile jouent un rôle important dans ce contexte. Certaines ont en effet acquis une expérience notable en matière d’enquête sur les violations graves des droits de l’homme susceptibles d’être commises lors de manifestations. La Chambre des représentants a créé des commissions chargées d’enquêter sur les événements cités, donnant ainsi suite à une recommandation par laquelle l’Instance Équité et Réconciliation appelait au renforcement du travail des commissions d’enquête parlementaire.

23.La Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) est un service de renseignements comparable à ceux qu’on trouve dans tous les pays. Elle a pour mission de prévenir les activités inspirées, engagées ou soutenues par des mouvements subversifs ou terroristes. Son siège est un bâtiment administratif auquel le public n’a pas accès. Suite aux allégations selon lesquelles les bureaux de la DGST seraient utilisés comme lieu de détention secret, le Procureur général du Roi près la cour d’appel de Rabat y a effectué une visite d’inspection en 2004. Lors du point de presse qui a suivi, il a déclaré que ces bureaux n’abritaient aucun lieu de détention et qu’il n’avait vu aucun local pouvant être considéré comme lieu de détention secret. Après une deuxième visite le 18 mai 2011, le Procureur général du Roi a réaffirmé ces conclusions. Le Président et le Secrétaire général du Conseil national des droits de l’homme ont également effectué une visite d’environ trois heures au siège de la DGST le même jour, à l’issue de laquelle ils ont déclaré qu’aucun indice ne laissait supposer que les locaux de la DGST étaient utilisés à des fins de détention illégale. Par ailleurs, les représentants de la nation ont salué les efforts considérables déployés par la Direction dans la lutte contre les diverses formes de criminalité, notamment les réseaux d’immigration clandestine, le trafic de stupéfiants et le blanchiment d’argent, ainsi que son action dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, qui a permis de déjouer plusieurs projets terroristes visant à compromettre la stabilité et la sécurité du pays.

24.En ce qui concerne le droit d’asile et les questions relatives à l’immigration, il convient de souligner que le Royaume du Maroc a toujours été une terre d’asile; le premier Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en Afrique a d’ailleurs été créé à Casablanca en 1965. Après les événements tragiques de Ceuta et Melilla en 2005, la nécessité s’est imposée de moderniser le système national d’asile. Une refonte globale de la procédure d’asile a été engagée sur une triple base: respect des engagements internationaux du Royaume du Maroc découlant notamment des Conventions de Genève; respect de la souveraineté nationale; renforcement du partenariat avec le HCR, en particulier son bureau régional de Rabat. Une commission interministérielle a été créée, dont les membres ont entrepris des visites dans plusieurs pays européens et africains, afin de s’inspirer des systèmes en vigueur; l’expertise technique du HCR a également été sollicitée. Cette démarche volontariste s’est traduite par l’inscription dans la Constitution de la règle générale de protection du droit d’asile. L’article 30 de la nouvelle Constitution dispose en effet clairement que les étrangers jouissent des libertés fondamentales reconnues aux citoyennes et citoyens marocains, conformément à la loi, et que les conditions d’octroi du droit d’asile sont définies par celle-ci.

25.Les autorités marocaines font une distinction claire entre les personnes ayant besoin d’une protection internationale et les migrants en situation irrégulière. La question de l’asile et des réfugiés fait désormais partie de la formation de base dispensée à l’ensemble des personnels des forces de l’ordre et de sécurité et des services de l’administration territoriale. Les autorités marocaines coopèrent activement avec le HCR, avec lequel un accord de siège a été signé en juillet 2007. Cette collaboration a notamment permis d’organiser plusieurs ateliers de formation consacrés à l’asile et aux droits des réfugiés.

26.Le cadre juridique de la protection des migrants et des victimes de la traite est établi par la loi 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers. Celle-ci prévoit notamment des mesures de protection spéciale pour les catégories de migrants particulièrement vulnérables, comme les femmes enceintes et les mineurs, ainsi que la surveillance par une autorité judiciaire des conditions de rétention des étrangers en attente d’expulsion. Les peines prévues pour la participation à des activités de traite vont de cinq ans d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité en cas de décès de la victime. Le Maroc a renforcé ses engagements internationaux dans le domaine de la lutte contre la traite en ratifiant le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Sur le terrain, un important dispositif a été mis en place pour venir en aide aux victimes, et celles d’entre elles qui collaborent avec les autorités dans le cadre d’enquêtes contre des réseaux de trafiquants bénéficient de mesures spéciales de protection. Plus de 2 500 réseaux ont été démantelés depuis 2004. Le Gouvernement associe activement la société civile à ses efforts pour lutter contre la traite, notamment à travers des conventions de partenariat.

27.Les mesures d’éloignement des migrants en situation irrégulière sont régies par la loi 02-03. La reconduite à la frontière vise toute personne qui s’introduit clandestinement sur le territoire marocain sans passer par les postes frontières. Elle est susceptible de recours, dans les quarante-huit heures suivant la décision. Le juge doit se prononcer sur le recours, qui a un effet suspensif, dans un délai maximum de quatre jours.

28.Le Gouvernement marocain regrette profondément les événements tragiques survenus à Ceuta et Melilla en 2005. Les centaines de migrants subsahariens qui ont tenté de forcer le double grillage métallique séparant le Nord du Royaume des deux présides ont manifestement été l’instrument d’une opération préméditée, orchestrée par des réseaux de trafiquants. Les autorités marocaines n’ont ménagé aucun effort pour venir en aide aux victimes et faciliter leur retour dans leur pays d’origine, dans le respect de leurs droits et de leur dignité. Plus de 3 675 migrants ont été rapatriés avec le concours des autorités diplomatiques de leur pays ainsi que de l’Organisation internationale des migrations (OIM) et du HCR. Ces événements ont fait prendre conscience aux pays de la région des véritables enjeux de la problématique migratoire.C’est dans ce contexte qu’a été organisée en juillet 2006 la première Conférence euro-africaine sur la migration et le développement.

29.M.  Hilale (Maroc) dit que le Gouvernement marocain a décidé de surseoir à l’extradition de M. Djamel Ktiti vers l’Algérie comme suite à la décision adoptée par le Comité en mai 2011 (CAT/C/46/D/419/2010). En ce qui concerne M. Kalinichenko, les autorités marocaines ont conclu qu’il n’existait pas de motifs valables de croire que l’intéressé risquerait d’être torturé à son retour en Fédération de Russie. Elles ont dûment motivé leur décision et l’ont notifiée au Comité. Avant de procéder à l’extradition, le Maroc a obtenu des autorités russes l’assurance que l’intéressé bénéficierait de l’assistance d’un avocat et qu’il ne serait pas soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants. Il a également demandé que le Comité contre la torture soit autorisé à rendre visite à M. Kalinichenko sur son lieu de détention et à s’entretenir avec lui en privé, ce que la Fédération de Russie a accepté. Les autorités russes ont également consenti à nommer un représentant de l’ambassade du Royaume du Maroc à Moscou, qui ferait la liaison avec le Comité et se rendrait régulièrement auprès de M. Kalinichenko pour s’assurer de son état et du respect des garanties données. La Fédération de Russie avait accordé des garanties similaires lors de l’extradition par un pays européen d’un autre de ses ressortissants et les avait respectées. Il n’y avait donc pas de raison de douter des engagements pris dans le cas de M. Kalinichenko.

30.M.  Sghir (Maroc) dit que les allégations de viol émanant de quatre détenus de la prison de Toula ont été examinées par le Procureur du Roi, qui a ordonné que les intéressés fassent l’objet d’un examen médical complet. Les examens médicaux pratiqués à des fins d’enquête sur des détenus affirmant avoir été victimes de torture ou de mauvais traitements sont toujours effectués par des médecins extérieurs à l’administration pénitentiaire. Les condamnés à mort jouissent des mêmes droits que les autres détenus, notamment celui de recevoir des visites. Ils bénéficient en outre d’un suivi médical et psychologique renforcé.

31.Le placement en régime cellulaire est utilisé à des fins disciplinaires. Il est strictement encadré par la loi. Tout détenu placé à l’isolement doit être vu par un médecin deux fois par semaine, et la mesure doit être immédiatement levée si une détérioration de son état de santé est constatée. Le détenu peut contester la décision de mise à l’isolement auprès du directeur de l’établissement, qui doit statuer sur le recours dans un délai de cinq jours.

32.M me  Fihri (Maroc) dit que lorsqu’un détenu décède, le directeur de l’établissement en informe immédiatement le Procureur du Roi et la famille du défunt. Une enquête est ouverte sans délai par le parquet et une autopsie est automatiquement pratiquée. Dans la majorité des cas, les causes constatées sont des causes naturelles, le plus souvent des maladies cancéreuses, cardiaques ou pulmonaires. Les détenus malades sont entièrement pris en charge par l’administration pénitentiaire, qui veille à ce qu’ils reçoivent les soins appropriés. Ceux dont l’état nécessite une hospitalisation sont transférés dans l’hôpital public le plus proche. Les statistiques relatives aux suicides de détenus ne révèlent aucune tendance marquée dans ce domaine: 6 cas ont été enregistrés en 2006, 8 en 2007, 7 en 2008, 3 en 2009 et en 2010 et 7 en 2011. C’est un phénomène relativement marginal, par rapport à la fréquence moyenne d’un suicide tous les trois jours observée dans les prisons de certains pays européens. Les victimes sont le plus souvent des personnes diagnostiquées comme dépressives; on a en outre constaté que 50% des cas concernaient des détenus qui avaient été condamnés pour des violences graves contre un ou plusieurs membres de leur famille. Les informations selon lesquelles 13 détenus de la prison de Salé seraient décédés en 2007 à la suite d’une grève de la faim sont totalement fausses: aucun décès lié à une grève de la faim n’a été enregistré.

33.Les ONG locales et internationales sont autorisées à effectuer des visites dans les lieux de détention dans les conditions prévues par l’article 84 de la loi 23/98 régissant l’organisation et le fonctionnement des établissements pénitentiaires, qui dispose que ces visites doivent avoir pour but d’apporter un soutien éducatif, spirituel ou moral aux détenus. En 2010, 1 077 visites de ce type ont été effectuées. En revanche, les visites d’inspection des établissements pénitentiaires relèvent de la compétence des commissions provinciales de contrôle des prisons, composées de représentants des autorités judiciaires et d’élus locaux. Des membres d’ONG peuvent toutefois être admis à y participer.

34.M. Gaye (Rapporteur pour le Maroc) note avec satisfaction que la délégation reconnaît la nécessité de revoir le libellé de l’article 258 du projet de code pénal pour qu’il soit véritablement conforme à la définition de la torture énoncée dans la Convention. Le fait que les instruments internationaux soient désormais directement applicables par les juridictions nationales et que des travaux législatifs aient été entrepris en vue d’établir l’imprescriptibilité de la torture sont également des éléments positifs.

35.M. Gaye n’a pas obtenu les précisions souhaitées concernant la disposition qui prévoit expressément que ni des circonstances exceptionnelles ni l’ordre d’un supérieur ne peuvent être invoqués pour justifier la torture. Il souhaiterait une copie du texte en question. La délégation a indiqué qu’il était envisagé de supprimer la disposition obligeant l’avocat à obtenir l’autorisation du Procureur général pour pouvoir prendre contact avec son client placé en garde à vue; cette mesure serait effectivement bienvenue. Il semble que l’accès à l’aide juridictionnelle varie en fonction de la nature de l’infraction. Il serait intéressant de savoir quelles infractions sont exclues du champ d’application de l’aide juridictionnelle et pour quelles raisons. La délégation a donné des explications rassurantes au sujet de l’interprétation de la définition du terrorisme énoncée dans la législation nationale et de son application; il faut espérer qu’elles seront confirmées par la pratique.

36.Il serait préférable que les enquêtes sur les actes de torture imputés à des membres des forces de l’ordre soient confiées à une autorité indépendante plutôt qu’aux services d’inspection de la police. En vertu de l’article 12 de la Convention, les autorités compétentes des États parties ont l’obligation d’ouvrir une enquête chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis, or d’après les informations que le Comité a reçues, les autorités marocaines ne feraient pas toujours preuve de la diligence voulue dans ce domaine et auraient tendance à n’ouvrir une enquête qu’en cas de plainte. L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour s’acquitter pleinement de ses obligations au titre de l’article 12 de la Convention.

37.Le viol d’une mineure devrait entraîner des poursuites d’office, sans que le dépôt d’une plainte soit requis. Il serait souhaitable que l’État partie modifie sa législation dans ce sens. L’absence de loi spécifique sur les réfugiés et les demandeurs d’asile favorise l’indifférenciation entre les immigrés en situation irrégulière et les personnes qui ont besoin d’une protection internationale et entrave l’accès de ces dernières à une prise en charge appropriée. L’État partie aurait donc intérêt à se doter d’une loi qui définisse clairement leur statut.

38.Des précisions s’imposent au sujet de l’attribution de la charge de la preuve dans les procédures relevant de l’article 3 de la Convention. En effet, il ressort des informations figurant dans le rapport (par. 36) que l’État partie fait peser sur le requérant la charge de prouver qu’il risque d’être soumis à la torture dans le pays de renvoi alors que c’est à lui qu’incombe la responsabilité d’évaluer ce risque, et ce, indépendamment des éléments susceptibles d’être apportés par l’intéressé. M. Gaye accueille avec satisfaction la décision prise par l’État partie de surseoir à l’extradition de M. Djamel Ktiti vers l’Algérie. Il regrette en revanche qu’il ait passé outre la décision du Comité dans l’affaire Kalinichenko c. Maroc et renvoyé l’intéressé vers la Fédération de Russie.

39.Le Président (Corapporteur pour le Maroc) dit qu’il est contradictoire que la loi reconnaisse à une jeune fille mineure victime d’un viol la capacité de contracter mariage avec le violeur mais pas la capacité de porter plainte elle-même. Le fait que la mise en mouvement de l’action publique soit subordonnée à la présentation d’une plainte est également un problème car la famille ne signale pas nécessairement le viol par peur du qu’en dira-t-on, de sorte que de nombreux viols restent impunis. Il serait intéressant de connaître le nombre d’affaires dans lesquelles le violeur a épousé sa victime et de savoir s’il y a eu des cas dans lesquels la victime a refusé le mariage et, dans l’affirmative, si le violeur a fait l’objet de poursuites.

40.Dans tous les pays, l’opinion publique est généralement hostile à l’idée que le Gouvernement dépense des fonds publics pour construire des établissements pénitentiaires et améliorer les conditions carcérales. Cela fait néanmoins partie des obligations internationales des États, et le Maroc devra faire preuve de détermination et prendre dans ce domaine les mesures nécessaires, notamment pour réduire le fort taux de surpopulation carcérale.

41.La communauté internationale sort progressivement de la conception radicale de la lutte contre le terrorisme qui reposait sur l’idée que la fin justifiait les moyens. De plus en plus d’États prennent également conscience que les méthodes contraires aux normes relatives aux droits de l’homme ne sont pas nécessairement efficaces. Les États ont l’obligation d’assurer la compatibilité des mesures prises pour combattre le terrorisme avec leurs obligations en vertu du droit international. Le Comité insiste sur l’importance, à cet effet, de l’incorporation d’une définition claire et précise de l’infraction de terrorisme dans la législation nationale. L’État partie semble adhérer à ce principe; il lui reste à le refléter pleinement dans sa législation.

42.Des précisions concernant le déroulement des différentes visites d’inspection qui ont été effectuées au siège de la Direction générale de la surveillance du territoire national (DGST) à Témara seraient utiles. Il serait utile notamment de savoir si ces visites étaient inopinées et si des personnes affirmant avoir été détenues et torturées dans ce bâtiment avaient été invitées à y participer. Des aveux ne sont valables que s’ils ont été obtenus par des moyens licites. La délégation pourra peut-être indiquer si la licéité des aveux est systématiquement vérifiée et suivant quels critères.

43.Des données concrètes confirmant que les condamnés à mort ont le droit de recevoir la visite de leurs proches et de leur avocat seraient les bienvenus car le Comité a reçu de nombreuses allégations indiquant le contraire. Il a cru comprendre que la proportion de personnes actuellement détenues sans inculpation était de l’ordre de 50 %. Si ce chiffre est correct, il appelle des commentaires car il est très élevé et pourrait indiquer que le principe de la présomption d’innocence n’est pas respecté. La délégation pourra peut-être également commenter les allégations faisant état de harcèlement à l’encontre des avocats dans plusieurs affaires, et donner des précisions sur les garanties qui ont été assurées aux étudiants arrêtés à l’occasion des manifestations de mai 2008 pendant leur détention, en particulier en ce qui concerne le droit d’être examiné par un médecin indépendant.

44.Dans l’affaire Kalinichenko c. Maroc, le Comité avait demandé que des mesures conservatoires soient prises tant qu’il n’avait pas adopté de décision, ce à quoi le Royaume du Maroc ne s’est pas conformé. Le Président ne comprend pas pourquoi le courrier qui avait été rédigé à l’intention du Comité en juin 2010 ne lui est parvenu qu’un an plus tard, à savoir le 10 juin 2011, alors que l’extradition vers un pays où l’intéressé risque d’être soumis à la torture nécessite parfois d’intervenir dans les plus brefs délais. Il ajoute qu’il n’est pas envisageable pour le Comité de se faire représenter par un État où que ce soit, en l’occurrence en Russie. Enfin, dans l’affaire Ktiti, il ne s’agissait pas de «surseoir» à l’extradition mais bien de mettre un terme à la procédure d’extradition de l’intéressé en application de la décision du Comité datant de mai 2011.

45.M me Sveaass souhaite savoir si le Maroc envisage d’adopter de nouvelles dispositions concernant l’accès des détenus aux soins de santé psychiatriques et si des visites sont effectuées tant dans les hôpitaux psychiatriques que dans les établissements pénitentiaires pour veiller au respect des droits des personnes souffrant de troubles mentaux. Saluant le fait qu’à titre de réparation, l’État offre aux victimes de violations graves une couverture médicale gratuite, elle demande si les personnes ayant subi des mauvais traitements ou des actes de torture ont systématiquement droit à des soins de santé mentale qui s’inscriraient dans le cadre d’un régime de réadaptation global.

46.La délégation marocaine pourrait indiquer au Comité si la commission d’enquête créée à la suite de l’évacuation en novembre 2010 du camp de Gdim Izik installé par les Sahraouis à l’extérieur de la ville de Laayoune a examiné le cas des personnes arrêtées postérieurement à cet événement, qui auraient subi des actes de torture.

47.M. Mariño Menéndez souhaite savoir s’il est prévu que des observateurs internationaux assistent au procès des 140 personnes arrêtées lors de l’évacuation du camp de Gdim Izik, qui sont en liberté conditionnelle depuis avril 2011 après avoir été détenues pendant six mois.

48.M. Bruni demande en fonction de quels critères les victimes de violations des droits de l’homme commises par le passé ont été indemnisées, et plus précisément s’il a été tenu compte de la gravité des torts subis pour octroyer ou non une indemnisation et, le cas échéant, en fixer le montant. Il aimerait en outre savoir s’il existe un dispositif permettant à un subordonné qui a refusé d’exécuter l’ordre d’un supérieur lui intimant de commettre un acte de torture de se prémunir contre toute sanction pour désobéissance.

49.Rappelant que des bureaux administratifs ou des chambres d’hôpital peuvent très bien servir de lieux de détention secrets, M. Bruni demande des précisions sur les conditions dans lesquelles se sont déroulées les visites d’inspection effectuées au siège de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST).

50.M me Gaer souhaiterait savoir si le projet de loi relatif à la violence contre les femmes aura pour effet de supprimer la possibilité pour un violeur d’échapper à des poursuites pénales s’il épouse sa victime. Elle aimerait en outre savoir si tous les suicides en prison donnent lieu à une enquête et ce qu’il est advenu du lieutenant-colonel Omar Brad. Enfin, notant que près de la moitié des détenus sont des prévenus, elle demande quelles mesures l’État partie entend prendre pour faire en sorte que la libération sous caution soit plus souvent utilisée.

51.M. Wang Xuexian voudrait savoir si des enquêtes ont été ouvertes pour déterminer la cause des 89 décès de détenus rapportés par l’Instance Équité et Réconciliation, et notamment s’il a été établi que ces personnes avaient succombé à des actes de torture ou à des mauvais traitements et, dans l’affirmative, si les auteurs de tels actes ont été poursuivis et les familles dûment indemnisées.

52.M. Hilale (Maroc) dit que dans l’affaire Ktiti, les autorités marocaines ont suspendu l’extradition de l’intéressé pour laisser au Comité le temps de rendre une décision. Par contre, dans l’affaire Kalinichenko, le Comité n’ayant pas notifié les autorités marocaines suffisamment tôt, celles-ci ont procédé à l’extradition de l’intéressé vers la Fédération de Russie, après avoir toutefois obtenu des autorités de ce pays des garanties diplomatiques. M. Hilale comprend les préoccupations du Comité et affirme que le Maroc est disposé à demander aux autorités russes de veiller à ce que les droits de cette personne soient respectés.

53.Comme en témoigne la création d’une commission interministérielle chargée de codifier le droit d’asile, il existe une réelle volonté politique du Gouvernement d’adopter une loi en la matière. Le Maroc bénéficie dans ce domaine d’une assistance technique du HCR ainsi que de l’aide de plusieurs États d’Afrique subsaharienne qui disposent d’une solide expérience dans la gestion des flux de clandestins fuyant le conflit dans cette région ainsi que les mauvaises conditions climatiques.

54.Le Président dit que pour ce qui est de l’affaire Ktiti, le Comité a déjà adopté une décision finale, qui a été communiquée au Royaume du Maroc. Il s’agit donc d’annuler la procédure d’extradition de M. Ktiti, non pas de la suspendre. Extrader cette personne vers l’Algérie constituerait une violation de la Convention.

55.M. Hilale (Maroc) dit qu’il prend bonne note de ces informations, qu’il transmettra aux autorités compétentes. Il précise que s’il a parlé de «suspension» de la procédure d’extradition à plusieurs reprises, c’est justement parce qu’une procédure était en cours et a dû être interrompue.

56.M. Abdenabaoui (Maroc) dit que la loi porte interdiction des actes de torture et des mauvais traitements, et qu’un subordonné peut donc refuser de commettre de tels actes, même sur ordre de son supérieur. En ce qui concerne le viol de mineure, le législateur a prévu la possibilité de ne pas poursuivre l’auteur du viol et d’autoriser son mariage avec la victime afin de préserver l’harmonie familiale. Cela vaut bien entendu si la famille de la victime ne porte pas plainte. Si elle n’est pas pubère, la victime ne peut consentir au mariage et, en tout état de cause, une mineure de 18 ans ne peut contracter mariage qu’avec l’autorisation de la justice. En revanche, si la famille porte plainte pour viol, l’action judiciaire se met en marche.

57.M. Omar Brad a été suspendu de ses fonctions et muté dans un autre service après avoir été détenu et avoir fait l’objet d’une mesure disciplinaire. Cela dit, la procédure judiciaire suit son cours, et il est réputé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, puisqu’aucun jugement n’a encore été prononcé.

58.M. Halmi (Maroc) dit que, en vertu de la loi no 23-98 relative à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires, les condamnés à mort peuvent recevoir la visite de membres de leur famille ainsi que de leur avocat, et s’entretenir avec eux en privé.

59.M. El Haiba (Maroc) se félicite du dialogue franc et constructif engagé avec le Comité. Il assure les membres du Comité que, dans le cadre du plan d’action pour la promotion de la démocratie et des droits de l’homme, le Gouvernement marocain suivra de près la mise en œuvre des recommandations qu’ils formuleront à l’issue de l’examen de son quatrième rapport périodique, et mettra en place les structures voulues pour examiner comme il se doit les plaintes individuelles soumises en vertu de l’article 22 de la Convention. Toutes les instances chargées des droits de l’homme au Maroc participeront à cet élan national, notamment le Conseil national des droits de l’homme ou encore l’Instance Équité et Réconciliation.

60.Le Président remercie la délégation marocaine, dont il salue la compétence, pour sa coopération avec le Comité.

La séance est levée à 18 heures.