Nations Unies

CAT/C/SR.1034

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

14 décembre 2012

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante-septième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 1034 e  séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 10 novembre 2011, à 10 heures

Présidente: Mme Gaer (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Rapport initial de Madagascar

En l ’ absence de M.  Grossman, M me Gaer ( Vice- Présidente ) prend la pré s idence .

La séance est ouverte à 10 h 5 .

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Rapport initial de Madagascar (CAT/C/MDG/1)

1.Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation malgache prend place à la table du Comité.

2.La Présidente souhaite la bienvenue à la délégation et la félicite des efforts accomplis pour assister à la session du Comité, compte tenu de la situation gouvernementale complexe dans l’État partie.

3.M.  Razafinjatovo (Madagascar), soulignant la volonté de son pays de s’engager dans un dialogue avec le Comité en vue de mieux appliquer la Convention, dit que son rapport initial a été élaboré, conformément aux directives du Comité, par un comité interministériel, avec la participation d’organisations de la société civile tant nationales que régionales. Malgré la crise politique qui a commencé en janvier 2009, Madagascar a rempli ses obligations en matière d’établissement de rapports en vertu des traités relatifs aux droits de l’homme qu’elle a ratifiés, mais a également soumis plusieurs rapports en retard. Une série de réformes – politiques, constitutionnelles, législatives, institutionnelles – a été entreprise pour prévenir la torture et les mauvais traitements, parallèlement à l’élaboration du Plan national visant à exécuter les recommandations de l’Examen périodique universel, notamment une recommandation sur la torture.

4.La pleine application de la feuille de route du 16 septembre 2011 constituera un tournant décisif pour résoudre la crise. C’est dans ce cadre que, le 28 octobre 2011, M. Omer Beriziky a été nommé premier ministre. Ses principales fonctions consisteront à exécuter la feuille de route afin de surmonter la crise et d’organiser des élections démocratiques. En novembre 2010, une nouvelle constitution a été adoptée qui, contrairement à la précédente, interdit expressément la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. Elle dispose également que la détention provisoire doit être exceptionnelle. Ces deux mesures contribueront à éviter le surpeuplement carcéral et à réduire le risque de mauvais traitements dans les prisons. La loi no 2008-008, adoptée le 25 juin 2008, a érigé la torture en infraction pénale dans l’État partie et consacré l’irrecevabilité des aveux obtenus par la torture, le principe de non-refoulement, la protection des témoins, des victimes et des enquêteurs, ainsi que le droit des victimes à réparation. Au titre de l’Examen périodique universel, Madagascar est convenue de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

5.L’application de la Convention a donné lieu à des poursuites intentées contre les auteurs présumés d’actes de torture; toutefois, l’obligation d’obtenir une autorisation préalable du ministère compétent avant d’engager des poursuites à l’encontre d’un agent de la force publique freine l’application effective de la Convention. Pour y remédier, il a été précisé, qu’y compris dans les cours de formation dispensés aux responsables de l’application des lois, aucune disposition de la législation interne ne peut être opposée à une convention dûment ratifiée en conformité avec la Constitution qui reconnaît aux traités internationaux la primauté sur le droit interne. Des poursuites contre des auteurs présumés d’actes de torture ayant, dans certains cas, entraîné la mort de la victime, ont par conséquent été engagées sans attendre d’autorisation. Il est procédé à des enquêtes préliminaires pour identifier les responsables présumés et reconnaître les infractions; des poursuites pénales peuvent alors être engagées et les familles des victimes indemnisées.

6.Afin de garantir une application réelle de la Convention, des séances de formation ont été organisées à l’intention des magistrats, des fonctionnaires de police, des avocats et autres responsables de l’application des lois. Les participants sont censés transmettre à leurs collègues les enseignements reçus. Il a été recommandé de prendre des mesures pour évaluer l’incidence de la formation sur les comportements; des activités ont été organisées pour sensibiliser la société civile à la nécessité de protéger les droits des groupes vulnérables. L’initiative est soutenue par le Programme des Nations Unies pour le développement.

7.Donnant suite aux observations finales découlant de l’examen par le Comité des droits de l’homme du troisième rapport périodique de Madagascar en application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en 2007, la loi no 2008-012 du 17 juillet 2008 a porté création du Conseil national des droits de l’homme, fondé sur les Principes de Paris. Ses neuf membres comptent des représentants du Parlement, du pouvoir exécutif, de la société civile, du barreau, d’associations de journalistes et de syndicats, mais les récents bouleversements politiques ont empêché la nomination de représentants du Parlement. Toutefois, dans le cas d’un litige avec l’administration, les droits des citoyens sont protégés par un haut fonctionnaire. Le Conseil est habilité à enquêter sur les allégations de torture ou mauvais traitements et à en rendre compte aux autorités compétentes, ainsi qu’à visiter tout lieu de détention. Permettre au Conseil d’assumer ses fonctions sera une priorité dans le projet de plan national visant à exécuter les recommandations de l’Examen périodique universel.

8.Au titre des mesures complémentaires pour mieux promouvoir et protéger les droits de l’homme, Madagascar prévoit d’instaurer un mécanisme de suivi et d’évaluation de ses obligations en la matière fondé sur des critères et des échéances précis. Le projet de plan national prévoira d’inviter tous les responsables de procédures spéciales à effectuer une visite à Madagascar, de ratifier le protocole facultatif se rapportant à la Convention et de mettre en œuvre les recommandations formulées sur une série de questions relatives aux droits de l’homme, notamment la nécessité de prévenir la violence à l’égard des femmes et des enfants, d’améliorer le système judiciaire et les conditions carcérales, de renforcer les institutions des droits de l’homme et de préserver les droits des personnes handicapées et de ceux qui vivent avec le VIH/SIDA.

9.M me Belmir (Rapporteuse pour Madagascar), s’associant aux félicitations exprimées par la Présidente, souligne la situation délicate du cadre institutionnel et juridique de l’État partie pour appliquer la Convention, alors que Madagascar s’apprête à reprendre ses activités normales après une période de troubles. Les moyens d’intégrer la Convention et d’autres instruments internationaux ratifiés par l’État partie dans la législation interne suscitent diverses questions.

10.La torture est expressément interdite par la nouvelle Constitution de l’État partie et une loi qui érige en infraction la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et qui définit les peines applicables à ces actes a été adoptée, mais l’infraction de torture n’est pas inscrite dans le Code pénal, au titre duquel elle peut être seulement considérée comme circonstance aggravante. Il en est de même pour d’autres actes proscrits par la Convention. Les juges ont toute latitude pour décider comment qualifier et punir les actes de torture et les mauvais traitements. Il serait préférable que les dispositions de la Convention soient intégrées dans le Code pénal; Mme Belmir demande si l’État partie entend modifier le Code pénal et le Code de procédure pénale en conséquence. Cela servira à sensibiliser à l’interdiction de la torture et des mauvais traitements, ainsi qu’à garantir l’égalité de traitement de ces cas par le pouvoir judiciaire. En outre, des groupes de la société civile ont affirmé que, si les dispositions de la Convention ne sont pas intégrées dans le Code pénal, la loi érigeant la torture en infraction risque d’être contestée.

11.Passant à l’article 2 de la Convention concernant les mesures législatives, administratives, judiciaires ou autres mesures pour empêcher la commission d’actes de torture, Mme Belmir note que, selon l’État partie, les personnes arrêtées ont le droit d’être informées des motifs de leur arrestation, de demander un examen médical et de consulter un avocat. De plus, leur détention est dûment enregistrée. Toutefois, le Comité a été informé par différentes sources d’actes de torture commis pour des motifs politiques par des fonctionnaires de police et du personnel pénitentiaire. Il a également appris que des militants opposés au Gouvernement estiment que le nombre d’actes de torture a augmenté depuis l’arrivée au pouvoir en 2009 du Président de transition, M. Andry Nirina Rajoelina. Certains manifestants auraient été tués par la police. Des disparitions forcées ont été signalées, ainsi que des arrestations illégales et des cas de traitements inhumains infligés aux manifestants, voire à des avocats et journalistes. Mme Belmir cite en particulier Fetison Rakoto Andrianirina, Zafilahy Stanislas et Pastor Edouard Tsarahame, arrêtés en mars 2011. Leurs avocats et leurs familles n’ont pas été autorisés à leur rendre visite et leurs lieux de détention sont inconnus. De plus, des mandats d’arrestation d’opposants politiques auraient été délivrés dans de nombreux cas par les autorités de transition et non par la police ou la gendarmerie. L’État partie est invité à commenter ces allégations. Les actes illicites qui auraient été perpétrés par des agents de la force publique contre des manifestants ont-ils donné lieu à des enquêtes et des poursuites?

12.Le Conseil national des droits de l’homme est légalement autorisé à enquêter sur les affaires de torture ou mauvais traitements. Toutefois, il ne peut apparemment pas exercer ses pouvoirs depuis 2002. Mme Belmir s’enquiert de la situation actuelle. Les pouvoirs d’enquête du Conseil ont-ils été rétablis?

13.Le Comité a été informé que les conditions carcérales à Madagascar laissent grandement à désirer. De nombreux détenus décèdent en prison; l’alimentation est insuffisante et les soins médicaux sont inadaptés. Toutes données statistiques sur les conditions matérielles et les taux d’occupation carcéraux que l’État partie peut fournir seront les bienvenues. Les prisonniers seraient traités d’une manière humiliante, voire violés, et le personnel pénitentiaire pratiquerait l’échange de nourriture contre actes sexuels. Il a été également signalé que des détenus ont des difficultés à voir leurs avocats et leurs familles et que les avocats qui représentent des personnes impliquées dans des manifestations sont soumis à de mauvais traitements. Mme Belmir invite la délégation à s’expliquer sur ces allégations.

14.Selon l’État partie, la loi nationale contre la torture qualifie certains actes de torture de crimes et d’autres de délits. Les délits sont passibles de peines de deux à cinq ans d’emprisonnement et les crimes de cinq à dix ans d’emprisonnement. Il ressort de la jurisprudence du Comité que cette distinction ne s’applique pas aux actes de torture. La torture est une infraction grave et mérite une peine correspondante. Mme Belmir exhorte l’État partie à examiner les dispositions en question aux fins d’interdiction absolue de la torture en toutes circonstances.

15.Les autorités de transition ont déclaré l’état d’exception en mars 2009. Cette déclaration est admissible au sens de l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques sous réserve qu’elle ne soit pas incompatible avec d’autres obligations relevant du droit international et que certaines protections soient mises en place. Toutes dérogations aux principes fondamentaux des droits de l’homme – droit à la vie, interdiction de la torture et de la discrimination, non-rétroactivité de la législation pénale – ne sont pas autorisées. Mme Belmir s’enquiert des motifs qui ont provoqué la déclaration de l’état d’exception et des décisions administratives, judiciaires et législatives qui se sont imposées. Des dispositions ont-elles été prises pour garantir les droits fondamentaux et prévenir les actes de torture? Mme Belmir souhaite également savoir combien de temps l’état d’exception a duré et s’il a fait valoir la nécessité de modifications législatives.

16.L’article 19 de la loi nationale contre la torture dispose que nul ne peut être extradé par les autorités malgaches vers un État où il risque d’être exposé à la torture. Le Ministère de la justice est l’autorité habilitée à faire droit aux demandes d’extradition sur la base d’un accord d’extradition bilatéral. L’absence de décision judiciaire peut entacher la validité d’une décision d’extradition. L’État partie a ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, mais il n’a pas adhéré à son Protocole de 1967 ni à la Convention régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique. Mme Belmir demande s’il prévoit de ratifier ces deux instruments. Il convient également de préciser dans quelle mesure les demandeurs d’asile sont protégés contre le refoulement, l’article 19 de la loi nationale contre la torture ne mentionnant pas le principe du refoulement. La décision est prise par le Ministre de l’intérieur; il peut en être appelé devant une commission spéciale et, en cas d’échec, devant le Conseil d’État. Mme Belmir recommande de modifier l’article 19 par rapport à l’article 3 de la Convention, qui souligne expressément l’interdiction absolue du refoulement quand il existe un risque de torture.

17.Passant à l’article 4 de la Convention, Mme Belmir dit que les peines applicables aux actes de torture doivent figurer dans le Code pénal. Selon l’article 11 de la loi nationale contre la torture, les délinquants détenus pour actes de torture peuvent également être condamnés aux travaux forcés. Cette peine est-elle compatible avec l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus? Mme Belmir se félicite de la confirmation par la délégation que l’autorisation ministérielle préalable n’est plus requise pour engager des poursuites contres des agents de la force publique.

18.Le Comité souhaite disposer de statistiques complémentaires concernant les prisons et centres de détention, ayant été informé que les familles et les avocats des détenus ne savent souvent pas où ils se trouvent. Mme Belmir ne doute pas que la police et la gendarmerie aient été informées des dispositions du décret no 2006-015 concernant la prévention de la détention secrète et qu’elles seront dûment appliquées dans les locaux de détention. Elle demande dans quelle mesure le droit tribal (Dina) s’applique à Madagascar. Le Comité a été informé que la population recourt parfois au droit tribal, par manque de confiance dans le système juridique. Est-il nécessaire de remédier à un vide juridique?

19.Le Comité a également été informé que les agents de la force publique qui ne parviennent pas à arrêter un délinquant ou un suspect, arrêtent parfois à la place l’un des proches du suspect. Mme Belmir demande qui porte la responsabilité en l’occurrence et si des mesures correctives ont été prises. La garde à vue et la détention provisoire tendent à se prolonger indûment. La période initiale de quarante-huit heures de garde à vue peut être prolongée de douze jours et la période initiale de huit mois de détention provisoire peut être prolongée de six mois, puis de nouveau de quatre mois. Le surpeuplement carcéral est sans nul doute dû en partie à ces décisions.

20.Concernant la question de la compétence universelle, Mme Belmir dit qu’en vue de rendre sa législation conforme à l’article 5 de la Convention, Madagascar doit modifier l’article 18 de la loi nationale contre la torture. À cet égard, elle demande à l’État partie de fournir au Comité des renseignements supplémentaires sur les accords conclus avec d’autres États en matière d’extradition de personnes. En outre, l’État partie a cité dans son rapport des cas d’extradition, mais n’a mentionné aucune extradition dans des affaires de commission d’actes de torture. Le Comité souhaite savoir si des personnes qui ont commis des actes de torture peuvent effectivement être extradées.

21.L’État partie est invité à fournir des détails sur tous accords bilatéraux et multilatéraux qu’il a conclus en matière d’entraide judiciaire. Madagascar mérite d’être louée pour les mesures prises concernant l’enseignement et l’information relatifs à l’interdiction de la torture; elle est invitée à poursuivre en ce sens.

22.M.  Gaye dit que les efforts déployés par Madagascar pour appliquer la Convention durant une période difficile de transition politique suscitent son admiration.

23.L’État partie a été invité à fournir des renseignements complémentaires sur les mesures qu’il prend pour former des médecins et du personnel médical à reconnaître les signes physiques et psychologiques de torture et à procéder à des examens médico-légaux. Cette formation est particulièrement indispensable dès lors qu’il existe un certain nombre de cas où des agents des forces de sécurité ont ouvert le feu sur des manifestants. Le Comité est préoccupé par le fait qu’il continue de recevoir des informations faisant état de manifestations dispersées par les forces de sécurité, ainsi que de morts et lésions qui en résultent.

24.En ce qui concerne la question de l’aide juridictionnelle, M. Gaye demande à l’État partie si un détenu qui ne peut payer les services d’un avocat bénéficie de cette aide. Il demande également si les fonctionnaires de police peuvent refuser à un détenu qui le demande d’être examiné par un médecin. L’État partie a informé le Comité que des détenus peuvent être libérés sous caution. Toutefois, le Comité souhaite savoir si, au sens de la législation malgache, des détenus ont le droit de contester la légalité de leur détention, dès lors que le fait de demander une libération sous caution suppose qu’ils considèrent légitime leur arrestation et leur détention. Cet élément revêt une importance particulière au motif que nombre d’ONG, membres du Parlement malgache et autres parties prenantes ont signalé de nombreuses arrestations illégales.

25.Notant que Madagascar traverse une période de transition politique, M. Gaye demande si des membres du Parlement malgache, tant précédent qu’actuel, ont été arrêtés et s’ils bénéficient de l’immunité de poursuites. Le Comité a appris qu’il a été reproché à la Commission de surveillance de ne pas effectuer d’inspections détaillées des lieux de détention et de ne pas associer d’ONG et d’autres parties prenantes à ses activités. Madagascar est priée instamment de fournir des informations complémentaires sur cette commission, ainsi que sur les ressources dont elle dispose.

26.Il ressort du rapport de l’État partie et d’informations reçues d’ONG qu’environ 20 000 personnes sont détenues dans des établissements conçus pour en héberger 13 000. La plupart d’entre elles sont placées en détention provisoire, en violation de la Constitution malgache qui dispose que la détention provisoire est une mesure strictement exceptionnelle. À cet égard, quelles sont les peines de substitution à l’emprisonnement applicables en vue d’atténuer le surpeuplement?

27.Quant à la question des enquêtes sur des actes de torture, M. Gaye dit que le Comité est préoccupé par le fait qu’il ne reçoit aucune information concernant des enquêtes sur des allégations d’actes de torture par des membres des forces de sécurité. Si tel est le cas, le Comité souhaite savoir pour quelles raisons aucune enquête n’est menée et rappelle à la délégation que le défaut d’enquête sur des actes de torture commis par des agents des forces de sécurité créera un climat d’impunité. Bien que l’autorisation ministérielle ne soit plus requise avant d’engager des poursuites à l’égard d’officiers de police judiciaire accusés d’infractions pénales, le Code pénal doit être modifié pour prendre en compte ce changement.

28.Le Comité craint que la Commission conjointe nationale d’enquête ait assumé des fonctions qui d’ordinaire sont exercées par d’autres autorités de police. Au lieu d’élargir le rôle de cette commission, Madagascar devrait s’attacher à s’assurer que lesdites autorités en place fonctionnent efficacement. Le Comité demande un complément d’information sur les mesures que Madagascar prend pour protéger les témoins et les plaignants de tous mauvais traitements et d’intimidation du fait de leurs plaintes ou de toute preuve fournie et note avec préoccupation qu’il n’existe aucun service spécialisé dans ce type de protection.

29.Des informations complémentaires sont demandées sur les services de réadaptation offerts aux victimes de torture. D’après le rapport de Madagascar, l’État assume la responsabilité des infractions commises par des fonctionnaires: quelles sont les peines qui leur sont imposées en vue de lutter contre l’impunité? M. Gaye demande également à la délégation d’indiquer des cas où des avocats ont déclaré des éléments de preuve irrecevables au motif qu’ils ont été obtenus par la torture.

30.Madagascar indique dans son rapport que, dans les affaires portant sur des actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, les juges peuvent fonder leurs décisions, notamment, sur les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Notant que Madagascar n’est pas un pays européen, M. Gaye demande à la délégation comment les arrêts de la Cour sont applicables à l’État partie.

31.Aucune peine pour traitements cruels, inhumains ou dégradants n’est fixée dans la législation malgache. Les peines doivent être prescrites par la loi et ne peuvent être laissées à la discrétion des juges. M. Gaye exhorte l’État partie à modifier sa législation pour qu’elle dispose clairement en matière de sanctions imposées pour ces infractions. La traite des personnes demeure un sujet particulier de préoccupation dans l’État partie qui, toutefois, dans son rapport, ne mentionne pas ce problème. De même, aucun renseignement n’a été fourni sur l’exploitation d’enfants, en particulier d’enfants des rues. Le Comité est vivement préoccupé par le fait que des formes traditionnelles de justice sont toujours plus utilisées à Madagascar et que ces mécanismes peuvent connaître d’affaires tant pénales que civiles. Ce phénomène semble totalement en contradiction avec les principes du droit. Le Comité s’enquiert de la manière dont ce mécanisme fonctionne.

32.M.  Bruni demande combien de fois la loi nationale contre la torture, qui définit les actes de torture, a été invoquée en justice et quelles peines ont été appliquées aux délinquants. Il note que les officiers de police judiciaire peuvent dans certaines circonstances détenir un suspect pendant douze jours aux fins d’enquête préliminaire: le Comité estime que cette période est trop longue et devrait être réduite. La législation malgache prévoit un délai très court de prescription de l’action publique pour les infractions de torture ou traitements cruels, inhumains et dégradants. Le Comité exhorte l’État partie à modifier sa législation en vue de prolonger ce délai de prescription et faciliter ainsi l’application de la Convention.

33.M. Bruni demande à la délégation si l’État partie prend des mesures pour sensibiliser davantage au Protocole d’Istanbul le personnel médical et le personnel des établissements pénitentiaires. Il exhorte également Madagascar à réexaminer d’urgence le recours à l’isolement cellulaire et souligne le fait que la détention de personnes en cellules exiguës pendant de longues périodes peut intrinsèquement constituer une forme de peine cruelle, inhumaine et dégradante.

34.M me Sveaass dit qu’elle a été informée que 30 % des jeunes filles âgées entre 15 et 19 ans sont mariées, divorcées ou veuves et souhaite savoir quelles sont les mesures prises pour mettre fin à la pratique du mariage précoce, en particulier des mariages forcés et arrangés. Elle souhaite également savoir quelles sont les dispositions légales relatives aux mauvais traitements infligés aux femmes, voire leur assassinat par leur mari. Est-il exact que la participation de la femme à des activités que le mari désapprouve constitue une circonstance atténuante? Mme Sveaass souhaite savoir combien de plaintes de particuliers pour traite des personnes ont été déposées devant le Conseil national des droits de l’homme et quelle a été la réponse. Quand l’État partie compte-t-il ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées et quelles sont les conditions d’existence des personnes mentalement déficientes? Mme Sveaass demande également si la police reçoit une formation particulière qui lui permet de déceler la violence familiale à l’égard des femmes et des enfants et d’intervenir.

35.M.  Mariño Menéndez dit que l’État partie devrait adopter une loi sur les étrangers et l’asile et intégrer dans son droit interne les dispositions de la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala), ainsi que du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux. Une victime de torture peut-elle intenter une action civile en réparation dans le cadre d’une procédure pénale? M. Mariño Menéndez demande des informations complémentaires sur le rôle du médiateur dans des affaires opposant des particuliers à l’administration publique. Les infractions commises par des membres des forces armées relèvent-elles de la loi no 2008‑008 ou d’une loi distincte relative aux infractions de torture et mauvais traitements? Compte tenu du moratoire de facto sur la peine capitale, M. Mariño Menéndez souhaiterait savoir si l’État partie envisage de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant l’abolition de la peine de mort.

36.M me Kleopas demande si les nouvelles autorités de l’État partie s’engageront à mener des enquêtes et à poursuivre les auteurs d’actes de torture et mauvais traitements commis par le passé dans l’État partie et à dissoudre des groupes tels que les forces d’intervention spéciale responsables de ces infractions. Elle souhaite connaître le sort de Rakotompanahy Andry Faly et de trois autres membres du Réseau de radiotélévision malgache (MBS), qui ont été arrêtés le 23 juin 2009 et demeurent détenus sans jugement. Citant un rapport d’Amnesty International établi après sa visite dans l’État partie en septembre 2011, Mme Kleopas est préoccupée par les conditions carcérales à Madagascar. Selon ce rapport, la prison centrale Antanimora à Antananarive, qui a une capacité maximale de 800 personnes, en compte aujourd’hui plus de 2 830 dont la majorité en détention provisoire. Les femmes sont séparées des hommes, mais il apparaît que certaines sont détenues avec leurs bébés et jeunes enfants qui sont ainsi exposés à d’éventuels problèmes de santé. Les femmes enceintes ne reçoivent pas les soins médicaux appropriés et les jeunes filles sont placées avec les femmes adultes.

37.La Présidente demande si l’absence actuellement d’un gouvernement légitime empêche l’application du Plan d’action pour Madagascar (MAP) en vue d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement et la ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En cette période de transition, la délégation a-t-elle éprouvé des difficultés à se présenter devant le Comité? Mme Gaer demande ce qu’il est advenu de deux chefs de l’opposition, Fetison Rakoto Andrianirina et Zafilahy Stanislas, qui ont été portés disparus par certaines ONG et qui sont censés être détenus dans des lieux de détention secrets. Elle souhaite également savoir combien de plaintes pour torture et mauvais traitements ont été déposées et si une action a été engagée?

La première partie ( publique ) de la séance prend fin à 11 h 50.