Nations Unies

CAT/C/SR.1039

Convention contrela torture et autres peinesou traitements cruels,inhumains ou dégradants

Distr. générale

25 novembre 2011

Original: français

Comité contre la torture

Quarante-septième session

Compte rendu analytique de la 1039e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 14 novembre 2011, à 15 heures

Président:M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention (suite)

Quatrième rapport périodique du Bélarus (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention (suite)

Quatrième rapport périodique du Bélarus (CAT/C/BLR/4; CAT/C/BLR/Q/4 et Add.1; HRI/CORE/1/Add.70)( suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation bélarussienne reprend place à la table du Comité.

2.M.Khvostov (Bélarus) dit qu’il entend formuler un certain nombre de remarques préliminaires avant de répondre aux questions posées lors de la première séance consacrée à l’examen du rapport (voir CAT/C/SR.1036). Le Gouvernement bélarussien estime que le Comité n’a pas compétence pour examiner l’application des dispositions d’instruments régionaux ou internationaux autres que la Convention. Il considère donc inopportunes les références faites par la Rapporteuse au rapport du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Le Comité n’a pas pour mandat de juger les États parties. Ses membres devraient donc éviter de formuler des commentaires subjectifs ou politiquement connotés. Le Gouvernement bélarussien rejette catégoriquement les affirmations de la Corapporteuse selon lesquelles une culture de l’impunité régnerait au Bélarus. De même, le Comité n’est pas habilité à déterminer si la détention d’une personne est illégale ni à examiner le traitement réservé aux personnes qui se disent défenseurs des droits de l’homme et qui ont été arrêtées pour avoir violé la loi. La Convention offre une protection à tous, sans exception, et n’établit pas de distinction fondée sur l’activité professionnelle. Il n’y a donc pas de raison que le Comité s’intéresse plus particulièrement à cette catégorie de personnes.

3.En ce qui concerne les troubles de grande ampleur qui ont éclaté le 19 décembre 2010, il convient de préciser que, contrairement à ce que la Rapporteuse semble croire, les manifestations qui ont eu lieu sur la place d’Octobre étaient pacifiques et que ce n’est qu’ensuite, une fois que les manifestants se sont rendus sur la place de l’Indépendance, que la situation a dégénéré. C’est là que l’un des ex-candidats à la présidentielle a induit sciemment les manifestants en erreur en annonçant que le Gouvernement avait été renversé, ce qui a encouragé la foule à donner l’assaut au siège du Gouvernement. Les autorités ayant considéré cette attaque comme une tentative de coup d’État, la police est intervenue et a arrêté 600 personnes.

4.M. Khvostov relève que, de manière générale, la plupart des questions posées par les membres du Comité portent sur des individus ou des événements précis. Il tient à rappeler que l’examen de communications émanant de particuliers relève de l’article 22 de la Convention et que le Bélarus n’a pas fait la déclaration prévue à cet article. Si le Gouvernement bélarussien n’a pas répondu à toutes les questions posées dans la liste de points à traiter, c’est parce qu’il a considéré que le document contenant ses réponses écrites ne devait pas être plus volumineux que son rapport périodique. Une traduction de ces réponses dans une des langues de travail du Comité a d’ailleurs été fournie afin de favoriser un dialogue fructueux avec ce dernier.

5.Les membres du Comité ont cité à maintes reprises les appels urgents adressés au Gouvernement bélarussien par plusieurs titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, en particulier ceux qui ont été lancés au moment des événements de décembre 2010 et pendant la période qui a suivi. Tous ces appels seront examinés de près et il y sera répondu en détail par écrit et oralement, dans le cadre du dialogue interactif avec les titulaires de mandat, à une session future du Conseil des droits de l’homme. À ce sujet, il convient de souligner que les appels urgents ne sont pas l’expression du point de vue des titulaires de mandat sur les faits portés à leur connaissance. Dans son rapport de mars 2011 au Conseil des droits de l’homme (A/HRC/16/52), le Rapporteur spécial sur la question de la torture indique que du 19 décembre 2009 au 30 novembre 2010, il a adressé 64 lettres faisant état d’allégations de torture à 35 États et lancé 137 appels urgents en faveur de personnes menacées de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à 53 États. Or, dans l’additif à ce rapport, seules deux des affaires citées concernent le Bélarus. En ce qui concerne les événements du 19 décembre 2010, le Comité est invité à se reporter aux observations du Gouvernement bélarussien figurant dans deux notes verbales adressées au Conseil des droits de l’homme (A/HRC/17/G/4 et A/HRC/18/G/7).

6.Tous les avocats des personnes arrêtées au cours des troubles qui ont éclaté le 19 décembre 2010 à Minsk ont eu le droit de s’entretenir librement avec leur client dans la mesure où les conditions matérielles le permettaient. Étant donné que le Gouvernement ne s’attendait pas à ce que ces événements aient une telle ampleur, il n’y avait alors pas suffisamment de locaux dans les lieux de détention pour que tous les suspects puissent s’entretenir en tête-à-tête avec leur avocat. Des mesures ont ensuite été prises pour corriger cette situation. En outre, le Bureau du Procureur général a ouvert une enquête sur les informations diffusées par les médias selon lesquelles des avocats n’auraient pas été autorisés à voir leur client. Les résultats de cette enquête n’ont fait apparaître aucune violation des dispositions pertinentes du Code de procédure pénale.

7.Conformément à l’article 25 de la loi sur les modalités et les conditions de la détention provisoire, les personnes placées en garde à vue ont la possibilité d’avoir des entretiens en tête-à-tête avec leur défenseur, dans des conditions préservant la confidentialité de ces échanges. Ces entretiens ont lieu dans des locaux prévus à cet effet, où les gardiens peuvent voir le détenu et son avocat sans entendre leur conversation, et leur fréquence et leur durée ne sont pas limitées. À l’époque des troubles, le centre de détention provisoire (SIZO) du Comité de sécurité de l’État (KGB) n’avait pas de locaux pouvant être utilisés pour ce type d’entretiens; c’est pourquoi certaines personnes arrêtées en décembre 2010 n’ont pas pu voir leur avocat dans les meilleurs délais. Il y a lieu de préciser que la loi n’autorise pas les suspects ou les prévenus à s’entretenir avec leur avocat par d’autres moyens de communication, notamment par téléphone.

8.Le Ministère de l’intérieur effectue régulièrement des visites annoncées ou inopinées dans les centres de détention temporaire (IVS) relevant de ses organes régionaux. Un mécanisme chargé de vérifier si la loi est respectée dans ces établissements a été mis en place. En outre, les IVS sont placés sous la surveillance permanente des services du Procureur (Prokuratura). Il n’est jamais arrivé qu’une personne placée dans un IVS se voie refuser l’accès aux avocats du service de surveillance des lieux de détention du Ministère de l’intérieur. Conformément au Code de procédure pénale, l’avocat peut participer à la procédure dès l’arrestation de son client et à partir du moment où des poursuites pénales sont intentées contre lui.

9.Conformément à la loi sur les modalités et les conditions de la détention provisoire, le Procureur général et les procureurs qui lui sont subordonnés veillent à ce que la législation soit scrupuleusement et uniformément appliquée dans les lieux de détention provisoire. Dans le cadre des inspections qu’il effectue en vertu de la loi sur le Bureau du Procureur, le personnel des services du Procureur s’entretient avec les détenus pour recueillir leur avis sur les conditions de détention et pour qu’ils lui fassent part de tout problème éventuel. Au 1er novembre 2011, 7 155 personnes étaient détenues dans les SIZO du Ministère de l’intérieur. De janvier à septembre 2011, les services du Procureur y ont effectué 117 visites, à l’issue desquelles 10 ordonnances contenant des recommandations de mesures à prendre pour remédier aux problèmes constatés ont été rendues. En tout, 16 fonctionnaires du Ministère de l’intérieur ont fait l’objet de poursuites disciplinaires.

10.L’article 21 du Code d’exécution des peines prévoit que les organisations de la société civile peuvent participer aux activités de surveillance du fonctionnement des établissements pénitentiaires. Afin de mettre en œuvre la législation relative à l’inspection des établissements pénitentiaires, le Ministère de l’intérieur a fixé à quatre ans au minimum et deux ans au maximum la fréquence des inspections effectuées dans les établissements relevant du service de l’exécution des peines. L’objectif de ces inspections est notamment de vérifier la conformité des établissements pénitentiaires aux normes définies dans la législation et de surveiller les conditions de détention des personnes placées dans ces établissements.

11.À la suite des troubles du 19 décembre 2010, des représentants des services du Procureur général se sont rendus une fois par mois dans les SIZO du KGB afin de s’assurer de la légalité de la détention des personnes qui y étaient retenues. Au cours de ces visites, ils ont étudié les dossiers des prévenus, notamment leur dossier médical. Ils sont entrés dans toutes les cellules et, à cette occasion, ils ont demandé à tous les prévenus s’ils avaient à se plaindre des conditions de détention et s’ils s’estimaient victimes de violations de leurs droits. Ils ont constaté que tous les prévenus avaient accès à des soins médicaux adéquats et pouvaient recevoir des paquets et de l’argent. Aucune plainte n’a été formulée à l’occasion de ces visites par les ex-candidats à la présidence ou leurs partisans au sujet de leurs conditions de détention, leur état de santé ou leur possibilité de s’entretenir avec un avocat.

12.Conformément à l’article 115 du Code de procédure pénale, l’organe chargé des poursuites pénales est tenu de contacter dans les douze heures un proche de la personne qui a été arrêtée afin de l’informer de son arrestation et du lieu où elle se trouve. L’intéressé peut aussi être autorisé à prévenir lui-même ses proches mais ceci n’est pas obligatoire en vertu de la loi. Les proches des personnes qui ont été appréhendées au cours des événements du 19 décembre 2010 ont été dûment informés du lieu où se trouvaient ces personnes, ce qu’attestent les pièces de leur dossier. Aucune violation des dispositions législatives pertinentes n’a été constatée par les services du Procureur.

13.L’enquêteur est le seul à pouvoir autoriser un prévenu à recevoir la visite de ses proches. L’administration du SIZO n’a pas le droit d’organiser ces visites sans y être autorisée par l’enquêteur. L’article 15 de la loi sur les modalités et les conditions de la détention provisoire prévoit que les suspects sont examinés par le personnel de santé affecté aux locaux de garde à vue dès leur arrivée dans ces locaux et en cas de lésions corporelles. Les résultats de cet examen sont dûment enregistrés et communiqués à l’intéressé et à son avocat. L’examen médical peut aussi être effectué par le personnel des établissements relevant du Ministère de la santé sur ordonnance du directeur du centre de détention provisoire ou du juge chargé de l’affaire ou à la demande du prévenu ou de son avocat. En cas de rejet d’une demande de ce type, le prévenu ou son avocat peut saisir le procureur ou un tribunal d’un recours.

14.Au cours de sa détention provisoire, Andreï Sannikov a présenté 18 demandes de soins médicaux. Il a été soumis à 10 examens médicaux préventifs et chaque fois qu’il l’a demandé, il a bénéficié de soins. Il a notamment été examiné par des spécialistes. Des informations sur ses demandes de soins et les examens qu’il a subis ont été versées à son dossier médical. Actuellement, M. Sannikov n’a soumis aucune plainte au sujet de son état de santé.

15.Pendant sa détention, Vladimir Neklyayev a souffert d’un traumatisme crânien mineur et a été transporté aux urgences de l’hôpital de Minsk, où on lui a prodigué les soins nécessaires. Ensuite, dans le cadre de l’action pénale intentée contre lui en raison de sa participation aux troubles du 19 décembre 2010, il a été transféré au SIZO du KGB, où il a bénéficié gratuitement de soins médicaux spécialisés. Les médecins qui se sont occupés de M. Neklyayev n’ont fait état d’aucune plainte émanant de lui ou d’autres personnes.

16.En ce qui concerne la procédure d’habeas corpus, M. Khovstov indique que l’article 43 du Code de procédure pénale prévoit la possibilité pour toute personne soupçonnée ou inculpée d’une infraction pénale de contester la légalité de sa détention. Pour ce qui est de l’identification des policiers qui auraient torturé A. Sannikov et V. Neklyayev, il précise que, conformément à l’article 193 du Code de procédure pénale, le procès-verbal d’enquête, qui inclut le procès-verbal d’interrogatoire, doit être signé par toutes les personnes qui y ont participé, ce qui inclut les enquêteurs. Dans le cadre de l’interrogatoire, l’enquêteur doit communiquer des données personnelles le concernant (fonction, nom, prénom, coordonnées) au suspect ainsi qu’à son défenseur et, si possible, leur présenter un document d’identité. En outre, toute l’équipe chargée de l’enquête est présentée au suspect, qui doit être informé de son droit de demander la révocation d’un ou plusieurs membres de l’équipe. Les enquêteurs ont l’interdiction de dissimuler leur identité, notamment en portant des masques. Tous les interrogatoires qui ont eu lieu à la suite des événements de décembre 2010, dont ceux de MM. Neklyayev et Sannikov, se sont déroulés dans le strict respect des dispositions décrites précédemment, ce qu’atteste le contenu des pièces de leur dossier.

17.En vertu du chapitre 16 du titre V du Code de procédure pénale, le contrôle judiciaire de la légalité de la mesure privative de liberté s’effectue dans les vingt-quatre heures pour la garde à vue, et dans les soixante-douze heures pour le placement en détention provisoire ou l’assignation à résidence, à compter de la réception du recours. Des recours ont été formés par les personnes arrêtées lors des événements du 19 décembre 2010 et placées en détention provisoire qui contestaient la légalité et le bien-fondé de leur détention. Les tribunaux saisis de ces recours les ont dûment examinés mais ils n’ont rendu aucune décision de remise en liberté. Pendant la période considérée, le Bureau du Procureur général n’a reçu aucune information faisant état de violations du droit de former recours garanti par le Code de procédure pénale.

18.Les allégations d’Andreï Sannikov et de Vladimir Neklyayev, qui affirmaient avoir été empêchés de s’entretenir avec leur avocat, ont fait l’objet de vérifications, dont les résultats ont été dûment communiqués aux intéressés. Le Bureau du Procureur général n’a été saisi d’aucune plainte pour ce type de motif de la part de personnes détenues par le KGB dans un SIZO. Pour ce qui est de l’aide juridique qui aurait été refusée à M. Sannikau dans son lieu de détention, les faits n’ont pas été établis.

19.La plainte déposée par Daria Korsak, l’épouse d’Aleksandr Otrochtchenkov, n’a pas donné lieu à une action au pénal. Le bureau du Procureur militaire a procédé à des vérifications à l’issue desquelles aucune poursuite n’a été engagée. D’après les déclarations de Mme Korsak, son mari lui aurait affirmé, lors de sa visite au centre de détention, avoir été torturé. Or, interrogé sur les déclarations de sa femme, ce dernier a refusé de fournir des informations et les personnes détenues avec lui ont nié l’existence de tout acte illégal.

20.En ce qui concerne les 180 personnes qui, selon le rapport de Human Rights Watch, auraient été passées à tabac, la délégation n’est pas en mesure de formuler de commentaire, faute de données concrètes et détaillées à ce sujet. Lors de son intervention au moment de l’assaut mené contre le bâtiment du Gouvernement, la police a bien fait usage de matraques, mais elle a agi de manière modérée et n’a pas utilisé de gaz lacrymogènes, ni de balles en caoutchouc ou de canon à eau.

21.L’enquête sur la disparition de Y. Zakharenko, V. Gonchar et A. Krasovski a été prolongée et doit se terminer à la fin du mois de décembre. L’accès à la base de données relative aux personnes disparues, dans laquelle leurs noms ont été saisis, n’est autorisé qu’aux fonctionnaires des organes compétents, les membres de la famille devant s’adresser aux organes chargés des enquêtes. L’inscription de renseignements dans les bases de données à usage judiciaire obéit à des règles précises et la procédure prévoit que les informations doivent être saisies dans les vingt-quatre heures suivant une décision.

22.La législation autorise les médias à demander des informations sur les situations de privation de liberté en s’adressant aux organes de l’État. Aucune limite n’est prévue par la loi et des journalistes de médias tant gouvernementaux que privés se sont ainsi rendus dans des centres de détention.

23.Le rapport du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) de l’OSCE a été établi sans consultation préalable de la partie bélarussienne, et donc sans qu’il ne soit tenu compte de l’avis des experts nationaux, alors que cette possibilité avait été offerte à d’autres pays lors de l’établissement de rapports analogues. Les tribunaux civils de Minsk ont confirmé la légalité et la validité des condamnations prononcées à l’encontre des personnes ayant participé aux événements du 19 décembre 2010 et, lors des procès, aucun juge n’a subi de pressions visant à entraver l’examen exhaustif et objectif des affaires. Des pressions ont néanmoins été exercées sur les tribunaux par des institutions de l’Union européenne, qui ont présenté des listes de personnes au sujet desquelles elles souhaitaient obtenir des informations.

24.Les dispositions de la loi relative aux avocats en vertu desquelles l’autorisation d’exercer a été retirée à Pavel Sapelka, Tatsiana Aheyeva, Uladzimir Toustsik, Aleh Aleyeu, Tamara Harayeva et Alyaksandr Pylchanka sont conformes aux normes et principes internationaux en vigueur. Les affirmations selon lesquelles le Ministère de la justice s’immiscerait dans les activités des avocats ayant défendu les auteurs des troubles de décembre 2010 ne sont ni justifiées ni étayées par des faits. La suspension des avocats susnommés fait en réalité suite aux contrôles réguliers effectués par le Ministère de la justice en 2010-2011 auprès de 400 avocats. Au total, 89 avocats ont été sanctionnés pour avoir enfreint les règles régissant leur profession. La décision de retirer sa licence à P. Sapelka a été prise après son exclusion décidée par le barreau de Minsk pour refus injustifié d’accorder une aide juridique. Des infractions antérieures, de nature financière, avaient également été constatées.

25.Le contrôle du respect de la législation par les avocats relève des prérogatives légales du Ministère de la justice, conformément à la législation nationale et aux Principes de base relatifs au rôle du barreau, adoptés par le huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants en 1990. Ce contrôle ne peut être considéré comme une forme d’immixtion ou d’intimidation, le retrait d’une autorisation d’exercer ne pouvant être motivé que par des violations flagrantes et systématiques de la législation. En outre, le refus d’octroyer une licence ou d’autoriser un candidat à passer l’examen du barreau peut faire l’objet d’une plainte en justice.

26.En réponse aux allégations d’intimidation des défenseurs des droits de l’homme, il convient d’indiquer que le Ministère de la justice a adressé un avertissement au Comité d’Helsinki au Bélarus parce qu’il avait de manière répétée utilisé des tampons ou des documents portant une dénomination fausse. La décision de justice imposant la destruction des tampons prouve que cette infraction a été reconnue. M. Ales Bialiatski, quant à lui, a fait l’objet de poursuites pénales pour évasion fiscale. Cette infraction grave emporte des peines pouvant aller jusqu’à sept ans de privation de liberté avec ou sans confiscation des biens. M. Bialiatski n’est donc pas détenu pour des activités de défense des droits de l’homme, mais au motif qu’il a omis de déclarer ses revenus, d’un montant élevé, et de payer l’impôt y relatif. Il a été condamné le 23 septembre 2011 sous ce chef et la procédure judiciaire se poursuit. L’enregistrement de l’association de protection des droits de l’homme «Nacha Viasna» a été refusé car les documents soumis à l’appui de la demande ne satisfaisaient pas aux prescriptions légales. La décision du Ministère de la justice a fait l’objet d’un recours, mais la Cour suprême en a confirmé le bien-fondé.

27.Le processus de nomination des juges est conforme aux normes internationales et l’indépendance du pouvoir judiciaire est garantie par la Constitution, qui consacre le principe de la séparation des pouvoirs, et par l’article 99 du Code sur le système judiciaire et le statut des juges. Les juges de la Cour suprême et de la Cour suprême économique sont nommés par le Président avec l’approbation du Parlement. Conformément à ce code, les juges jouissent de l’immunité dans l’exercice de leurs fonctions.

28.Comme il l’a lui-même confirmé par écrit, Vladimir Russkin a été recruté en 2001 sur le territoire de la Pologne par les services spéciaux polonais. De 2001 à 2007, il a ainsi transmis des informations à caractère militaire relevant du secret d’État dont il avait eu connaissance lorsqu’il était officier dans la défense antiaérienne du Bélarus. Il a été inculpé de trahison par espionnage et d’organisation d’activités d’espionnage et placé en détention dans les locaux du KGB. Le 14 septembre 2007, il a été condamné à dix ans d’emprisonnement et déchu de son grade militaire.

29.En ce qui concerne les instances auprès desquelles il est possible de déposer un recours, conformément à la loi sur la procédure et les conditions de détention, les requêtes, déclarations et plaintes des détenus sont transmises par l’administration du lieu de détention aux organes judiciaires. Elles ne sont pas soumises à la censure et doivent être transmises dans un délai de vingt-quatre heures. Les réponses sont communiquées par écrit au détenu et jointes à son dossier. Les allégations selon lesquelles les services du Procureur sont les seuls habilités à engager des poursuites contre les agents de l’État pour actes de torture ne sont pas fondées. Toute information faisant état de ce type d’actes donne lieu à l’ouverture d’une procédure pénale. De nombreuses instances, notamment dans les organes relevant du Ministère de l’intérieur, sont autorisées à ouvrir des enquêtes.

30.Les pouvoirs de la Commission nationale publique de surveillance et de ses membres, ainsi que ses méthodes de travail, ont été approuvés par décret gouvernemental. La Commission définit elle-même ses activités conformément à son mandat. Le Ministère de la justice, qui n’exerce aucun contrôle sur la Commission, n’est chargé que des aspects organisationnels. Aucune limitation n’est prévue par la loi pour ce qui est de la couverture médiatique des activités de la Commission.

31.Le Procureur de la ville de Minsk a été saisi de l’affaire concernant Maya Abromtchik, qui aurait subi de graves lésions corporelles dans le contexte des événements du 19 décembre 2010. À ce sujet, il convient de préciser que toutes les personnes présentes sur la place de l’Indépendance ce jour-là ont été mises en garde et ont eu la possibilité de quitter les lieux avant l’intervention de la police. Arrêtée vers 23 heures, Maya Abromtchik a été amenée à l’hôpital le lendemain, à sa demande. Aucun document officiel sur son état de santé n’a été établi. La procédure engagée en vertu de l’article 155 du Code pénal se poursuit.

32.Les vérifications effectuées au sujet des allégations selon lesquelles M. Mikhalevich aurait été victime d’actes de torture et de mauvais traitements pendant sa détention n’ont révélé aucun élément susceptible d’étayer ces affirmations. L’intéressé a été dûment informé de ses droits; il a été interrogé en présence de son avocat et ne s’est à cette occasion jamais plaint d’un quelconque mauvais traitement; il a à plusieurs reprises été examiné par un médecin, à sa demande, et a reçu les soins dont il avait besoin. Aucune violation n’ayant été constatée, le Bureau du Procureur a renoncé à engager des poursuites. La procédure pénale engagée contre M. Mikhalevich a par ailleurs été suspendue étant donné que celui-ci est actuellement introuvable et que la législation bélarussienne ne prévoit pas de procédure par défaut.

33.Le Procureur militaire a procédé à des vérifications concernant les plaintes déposées par M. Hulak, Président du Comité Helsinki pour le Bélarus, et Mme Korsak au sujet des mauvais traitements qu’auraient subis M. Sannikov et M. Atrochtchenkov en détention, et a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’engager des poursuites. M. Sannikov exécutait sa peine à la colonie pénitentiaire no 2 de Moguilev; il a adressé une demande de protection au directeur de l’établissement, qui l’a transféré dans un lieu sûr. Mme Radina n’a déposé aucune plainte indiquant qu’elle aurait fait l’objet de pressions psychologiques pendant sa détention. En ce qui concerne le cas de Vladimir Neklyayev, la délégation a déjà expliqué que le Bureau du Procureur de Minsk avait refusé d’engager des poursuites et ne voit rien à ajouter à ce sujet.

34.Le projet de loi prévoyant l’interdiction de la torture est encore en cours d’élaboration; il n’est à ce stade pas possible d’indiquer dans quel délai il pourra être adopté. En attendant, les dispositions existantes du Code pénal permettent de réprimer les actes constitutifs de torture au sens de la Convention. Ces dernières années, le Bureau du Procureur n’a eu connaissance d’aucune plainte de détenues disant avoir été victimes de menaces, de harcèlement ou de violences sexuelles en détention. Les mineurs sont détenus séparément des adultes dans tous les centres de détention, conformément à la loi. Des précisions sur ce que le Comité entend par surveillance systématique des règles, instructions, méthodes et pratiques d’interrogatoire seraient nécessaires pour que la délégation puisse répondre à la question relative aux procédures envisagées ou établies pour exercer une telle surveillance (question 21 de la liste de points à traiter).

35.Le Président rappelle que le dialogue avec l’État partie au titre de l’article 19 de la Convention fait partie intégrante du mandat plus large du Comité consistant à s’assurer que la Convention est dûment respectée. À cette fin, il importe que le Comité dispose, en plus des renseignements concernant le cadre juridique de l’application de la Convention, de renseignements concernant des cas ou situations dans lesquels la Convention a été violée, les causes de ces violations et les mesures prises pour y remédier, afin de pouvoir se faire une idée précise non seulement de la situation juridique mais aussi de la situation de fait. C’est dans ce but que les membres du Comité ont posé de nombreuses questions à la délégation, non pour l’accabler. Le Président espère par conséquent que les renseignements voulus seront communiqués au Comité.

36.MmeGaer (Rapporteuse pour le Bélarus) dit que c’est le rôle du Comité de poser des questions pour s’assurer que les États parties s’acquittent de leurs obligations au titre de la Convention. Si le Comité a adressé beaucoup de questions à la délégation bélarussienne, c’est qu’il a reçu de différentes sources un grand nombre d’allégations qui soulèvent de graves préoccupations au regard de la Convention. Mme Gaer a cru comprendre d’après les réponses de la délégation que celle-ci désapprouvait la désignation en tant que «défenseurs des droits de l’homme» de certaines catégories de personnes victimes de violations de la Convention, dont le Comité a évoqué le cas. L’article premier de la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus (Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme) dispose que chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international. C’est conformément à ce principe que le Comité interprète la notion de défenseurs des droits de l’homme.

37.Le Comité attend des explications concernant les raisons pour lesquelles les autorités du centre de détention où ont été conduites les personnes arrêtées lors de la manifestation du 19 décembre 2010 n’ont pas pris des dispositions pour permettre aux intéressés de s’entretenir en privé avec leur conseil sachant que les deux salles de l’établissement prévues à cette fin ne pourraient y suffire. La délégation a indiqué que 16 fonctionnaires du Ministère de l’intérieur avaient fait l’objet de mesures disciplinaires. Mme Gaer voudrait savoir de quels manquements les intéressés ont été reconnus coupables et en quoi consistaient les sanctions appliquées. À propos de M. Sannikov, la délégation voudra bien commenter les allégations indiquant que l’intéressé n’a pu s’entretenir en privé avec un conseil qu’au bout de trois mois de détention, qu’il a demandé à être examiné par un médecin indépendant mais que sa requête a été rejetée, qu’il a fait une déclaration écrite, restée sans effet, dénonçant les mauvais traitements dont il avait été victime lors de l’arrestation et pendant sa détention, et qu’il a réitéré sa plainte devant le tribunal mais que celui-ci n’a pas non plus donné suite.

38.En l’absence de réponse de la délégation, Mme Gaer réitère sa demande d’informations concernant le nombre de recours en habeas corpus introduits pendant la période considérée, le nombre de ceux qui ont abouti, et, le cas échéant, les violations constatées et les suites données à ces constatations. À propos des événements du 19 décembre 2010, la délégation a démenti les allégations selon lesquelles la police avait utilisé des balles en caoutchouc, des gaz lacrymogènes et un canon à eau pour disperser les manifestants mais elle a reconnu que les agents avaient fait usage de matraques. D’après les témoignages recueillis par Amnesty International et d’autres organisations, les agents de la police antiémeute s’en sont pris violemment et sans discernement aux manifestants. Le rapport médical de Maya Abromtchik, arrêtée lors de la manifestation, fait état de plusieurs fractures qui pourraient avoir été causées par des coups de matraque. Mme Gaer voudrait entendre la délégation au sujet de cette affaire. Elle souhaiterait également savoir combien de plaintes ont été déposées contre des agents de la police antiémeute et si elles ont donné lieu à des enquêtes. La police antiémeute étant connue pour ses méthodes brutales, il serait utile de savoir si, indépendamment des événements du 19 décembre 2010, une étude de fond a été menée sur l’utilisation excessive de la force par les agents de ce corps d’intervention en vue de remédier à ce problème.

39.De nombreuses allégations indiquent qu’en plus des violences subies au moment de la dispersion de la manifestation, les personnes qui ont été arrêtées ont été soumises à des mauvais traitements en détention et privées des garanties juridiques fondamentales. La délégation pourra peut-être indiquer ce que l’État partie a fait ou compte faire pour qu’une enquête impartiale soit menée sur ces allégations, et s’il envisagerait dans ce contexte d’autoriser la visite de l’équipe de pays du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et du Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, qui lui ont adressé une demande dans ce sens.

40.Les informations dont dispose le Comité tendent à indiquer que l’arrestation et la mise en détention du Président du Comité Helsinki pour le Bélarus, Aleh Hulak, ainsi que la perquisition effectuée à son domicile et au bureau du Comité étaient des mesures de représailles directement liées à l’envoi d’une lettre au Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats. Mme Gaer souhaiterait entendre la délégation à ce sujet. Elle attend également des commentaires sur le cas de M. Russkin, condamné à dix ans de prison pour trahison et espionnage, qui affirme que toutes les requêtes qu’il a présentées aux tribunaux sont restées sans suite, qu’il n’a pas été autorisé à citer ses témoins ou à interroger les témoins de l’accusation, ni à faire appel de sa condamnation. La délégation a indiqué que l’action pénale engagée contre M. Mikhalevich avait été suspendue au motif qu’il était introuvable et que la législation bélarussienne ne prévoyait pas de procédure par défaut. La question se pose de savoir si, dans des circonstances similaires, des poursuites contre l’auteur présumé d’actes de torture pourraient être suspendues, voire abandonnées, ce qui serait contraire aux obligations incombant à l’État partie en vertu de la Convention.

41.Le fonctionnement du système judiciaire de l’État partie tel qu’il est décrit dans le rapport de l’OSCE révèle une influence omniprésente du pouvoir exécutif et un degré de vulnérabilité des juges incompatible avec les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature. Les procédures de nomination et de révocation, les modalités d’application de sanctions disciplinaires et les critères d’évaluation des juges, fondés non pas sur la validité juridique de leurs décisions mais sur le nombre de décisions qui ont été contestées et modifiées ou annulées en appel, sont particulièrement préoccupants et appellent des commentaires. Il faudrait notamment savoir quelles mesures l’État partie envisage de prendre pour remédier aux problèmes structurels qui compromettent l’indépendance du système judiciaire.

42.Mme Sveaass, notant que le personnel du Bureau du Procureur assure une surveillance des lieux de détention et y effectue des visites régulières, demande à la délégation de préciser comment ces activités s’articulent avec celles des commissions de surveillance. Elle souhaiterait également avoir des renseignements supplémentaires sur la manière dont ces commissions sont constituées et sur les critères de nomination de leurs membres, leur degré d’indépendance, les modalités d’organisation des entretiens privés qu’elles ont avec les détenus et la diffusion de leurs rapports.

43.Il est étonnant que l’État partie ait indiqué n’avoir reçu aucune plainte pour violence sexuelle dans les prisons alors même que des femmes ont déclaré avoir été victimes de telles violences ou en avoir été menacées. Des éclaircissements sur ce point seraient souhaitables. La délégation est en outre invitée à donner des renseignements sur les conditions de détention des condamnés à mort et sur la surveillance exercée dans les hôpitaux psychiatriques et les garanties juridiques dont bénéficient les personnes qui y sont traitées.

44.Il a été recommandé à l’État partie, dans le cadre de l’Examen périodique universel dont il a fait l’objet, d’adhérer au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il serait intéressant de savoir si cette recommandation a été examinée. Il a également été recommandé à l’État partie de faire figurer une définition de la torture dans sa législation. Mme Sveaass demande à cet égard si l’absence d’une telle définition pourrait expliquer le fait que l’État partie n’est pas en mesure de préciser le nombre d’enquêtes menées par le Bureau du Procureur portant sur des cas de torture. Elle invite en outre la délégation à donner des renseignements sur les dispositions législatives relatives aux réparations auxquelles ont droit les victimes d’infractions visées par la Convention, et sur sa pratique en la matière, ainsi que sur les dispositions garantissant que toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme élément de preuve.

45.Faisant référence au statut des défenseurs des droits de l’homme, et notamment aux accusations de fraude fiscale dont M. Bialiatski fait l’objet, Mme Sveaass demande à la délégation d’expliquer pourquoi une si grande importance est attachée à l’enregistrement des organisations de défense des droits de l’homme et sur quelles bases une personne appartenant à une organisation non enregistrée est considérée comme étant en infraction avec la loi.

46.M. Mariño Menéndez demande si, outre le russe, il est possible d’utiliser le bélarusse dans le cadre des procédures pénales, en particulier dans les affaires touchant aux droits de l’homme. En ce qui concerne l’application de l’article 3 de la Convention, il voudrait savoir si toute demande d’asile ou de statut de réfugié émanant d’une personne originaire d’un pays considéré comme sûr est automatiquement rejetée, et, dans l’affirmative, comment est établie la liste des pays considérés comme tels. Enfin, la délégation voudra bien indiquer si l’étude de la Convention et des autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme figure au programme des facultés de droit des universités bélarussiennes.

47.M. Bruni demande si les autorités bélarussiennes étudient toujours la possibilité de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention. Par ailleurs, il est indiqué dans le rapport que la Commission nationale publique de surveillance a effectué 38 visites dans des lieux de détention aux cours des deux dernières années et qu’elle a porté certaines questions à l’attention du Ministère de l’intérieur. La délégation pourra peut-être préciser quelles étaient ces questions et quelles mesures ont été prises. Elle est également invitée à donner des renseignements sur les mesures prises pour donner suite à l’engagement pris en mai 2010 par le Bélarus devant le Conseil des droits de l’homme de consacrer des ressources importantes à l’amélioration des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. Enfin, il serait utile de savoir si les autorités étudient la possibilité d’instaurer un moratoire sur la peine de mort.

48.Mme Belmir demande à la délégation d’apporter des précisions sur l’étendue des pouvoirs du ministère public et des enquêteurs en matière de placement en détention et de prolongation de la détention provisoire. Elle relève que le huis clos est fréquemment ordonné dans le cadre des procédures pénales et que la Cour suprême statue souvent en tant que juridiction de premier degré, ce qui ne laisse aucune possibilité de former un recours contre la décision rendue. Des éclaircissements sur ces points seraient les bienvenus. La délégation pourra peut-être également formuler des remarques sur la question de savoir si les procédures administratives et les mesures de détention administratives prévues ne font pas double emploi avec les procédures et mesures prévues par la législation pénale.

49.M. Khvostov (Bélarus) dit que c’est au terme d’une réflexion approfondie que le Bélarus est devenu partie à la Convention et qu’il a, par la suite, levé les réserves qu’il avait formulées la concernant. Le Bélarus s’interroge constamment sur la voie qu’il convient de suivre et s’efforce de mettre en œuvre les dispositions de la Convention en tant que membre responsable de la communauté internationale. Cependant, il n’a que vingt années d’existence comme État indépendant et n’a pas encore accumulé suffisamment d’expérience pour pouvoir répondre à toutes les questions qui peuvent se poser à lui, notamment à celles qui touchent à l’application des dispositions de la Convention. À cet égard, la délégation tient à remercier les membres du Comité de leurs questions et observations.

50.S’il est vrai que la législation bélarussienne ne comporte pas de définition de la torture, il importe de garder à l’esprit que les instruments internationaux auxquels est partie le Bélarus font partie du droit interne et sont directement applicables, y compris la Convention. Comme le montre l’exemple d’autres pays, le simple fait d’inscrire la notion de torture dans sa législation interne ne suffit pas en soi à changer la situation sur le terrain. L’élément déterminant en la matière est la sincérité des efforts déployés pour éliminer la torture et les mauvais traitements.

51.En ce qui concerne le comportement de la police lors des manifestations du 19 décembre 2010, il importe de souligner que, de manière générale, la situation sur le terrain est complexe et que les policiers, face à une personne qui commet une infraction, ne cherchent pas à savoir qui elle est et n’établissent pas de distinction entre les défenseurs des droits de l’homme et les autres. Tout État a l’obligation de protéger le système choisi par le peuple. Or les autorités ont la preuve que les événements du 19 décembre visaient à renverser l’État. On ne saurait considérer que lorsque des défenseurs des droits de l’homme utilisent la force contre l’État, leur action est légitime, de la même manière que l’on ne saurait leur donner systématiquement raison en vertu du simple fait qu’ils défendent la cause des droits de l’homme. Les policiers, en l’espèce, n’ont fait qu’arrêter les personnes qui commettaient une infraction, et il appartient aux juges de déterminer le degré d’implication de ces personnes dans ces événements.

52.La délégation rejette l’affirmation selon laquelle les autorités auraient délibérément refusé à un avocat l’autorisation de rencontrer M. Sannikov. Au demeurant, l’État ne dispose d’aucune déclaration de M. Sannikov en affirmant qu’il aurait été empêché de s’entretenir avec son conseil. Les audiences tenues dans le cadre de cette affaire étaient ouvertes, et de nombreux observateurs internationaux, notamment des représentants de l’OSCE, y ont assisté. La délégation exclut également la possibilité que la femme ou l’enfant de M. Sannikov aient pu faire l’objet de menaces.

53.Pour ce qui est de M. Mikhalevich, la loi prévoit qu’une procédure pénale ne peut pas être menée en l’absence de l’inculpé. Si l’intéressé revient au Bélarus, la procédure reprendra, mais dans l’intervalle la loi n’autorise pas les autorités à le poursuivre. L’affaire concernant M. Bialiatski, quant à elle, est une simple affaire de fraude fiscale. L’État n’a jamais établi de lien entre les activités de M. Bialatski en tant que membre d’une organisation non enregistrée (Viasna) et le fait qu’il a négligé de payer ses impôts. Nul n’est condamné au Bélarus pour appartenance à une organisation non enregistrée.

54.M. Russkin a été accusé d’espionnage et condamné par le tribunal à la peine prévue pour ces faits, comme il l’aurait été dans n’importe quel autre pays. Il n’appartient pas à la délégation de donner un avis sur la question, et ses membres ignorent si M. Russkin a formé un recours ou pas. Pour ce qui est de l’arrestation du Président du Comité Helsinki pour le Bélarus, celle-ci ne constituait en rien une mesure de représailles contre cette organisation. Certes, pendant longtemps cette organisation a eu une attitude inacceptable, mais en tout état de cause, l’ensemble des questions soulevées au sujet de cette affaire ont été éclaircies.

55.Le Bélarus s’explique mal l’intérêt soudain manifesté pour le rapport de l’OSCE le concernant. Il rappelle qu’en qualité de membre de plein droit de cette organisation, il a le droit d’exiger que tout document le concernant soit transmis, ce qui n’a pas été fait dans le cas de ce rapport.

56.Les victimes de mauvais traitements ont droit à des mesures de réparation en vertu de la législation bélarussienne, qui prévoit en outre des sanctions à l’encontre des auteurs de tels actes. De plus amples renseignements sur les dispositions pertinentes seront envoyés au Comité. Pour ce qui est des menaces de violences sexuelles dont des détenues auraient fait l’objet, il est vrai que de telles menaces peuvent être proférées ou mises à exécution entre détenus mais il est inconcevable qu’elles émanent des enquêteurs ou des personnes chargées des enquêtes. Tout fonctionnaire qui se comporterait de cette façon serait immédiatement condamné.

57.Le système de justice bélarussien n’étant pas un système de droit anglo-saxon, il ne prévoit pas de procédure d’habeas corpus. Cependant, l’article 143 du Code pénal prévoit la possibilité pour les détenus de porter plainte devant les tribunaux, soit au stade de l’examen préalable, soit à celui de l’enquête. Les procédures et institutions visées dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme sont souvent héritées ou inspirées du droit anglo-saxon, et il faut laisser le temps au système national de justice d’évoluer et de s’adapter.

58.Les procédures judiciaires se déroulent dans la langue officielle − bélarusse ou russe − choisie par l’inculpé. Pour ce qui est de l’étude des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, elle est inscrite dans beaucoup de programmes universitaires. Les autorités étudient la possibilité de faire les déclarations prévues par les articles 21 et 22 de la Convention. En ce qui concerne l’adhésion au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la question sera soumise aux autorités législatives. Enfin, la délégation convient que les conditions carcérales doivent être améliorées. Les autorités s’y emploient, mais la situation ne pourra être changée que progressivement.

59.M. Khvostov regrette que la délégation n’ait pas pu répondre de façon plus exhaustive aux questions du Comité, faute de temps. Des réponses complémentaires détaillées − concernant notamment l’indépendance des magistrats et le moratoire sur la peine de mort − seront transmises par écrit au Comité.

60.LePrésident remercie la délégation bélarussienne de ses réponses et annonce que le Comité a ainsi achevé l’examen du quatrième rapport périodique du Bélarus.

La séance est levée à 18 h 5.