NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.8505 mai 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Quarante et unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 850e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 12 novembre 2008, à 10 heures

Président: M. GROSSMAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Deuxième rapport périodique de la Belgique

La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de la Belgique (CAT/C/BEL/2, CAT/C/BEL/Q/2, CAT/C/BEL/Q/2/Add.1)

1. Sur l ’ invitation du Président, M. Mine, M. Brauwers, M. De Vulder, M. Clairbois, M. Dierckx, M. Bourdoux, M. Sempot, M. Verbert et M me De Souter, M me Niedlispacher, M me Goossens et M me Kinoo (Belgique) prennent place à la table du Comité.

2.M. MINE (Belgique), présentant brièvement les principales initiatives entreprises par la Belgique au cours des trois dernières années, souligne que beaucoup d’entre elles apportent une réponse aux préoccupations exprimées par le Comité dans ses conclusions et recommandations de 2003. Un texte novateur intitulé «Loi de principes concernant l’administration des établissements pénitentiaires ainsi que le statut juridique des détenus» a été adopté pour réglementer les principaux aspects de l’exécution des peines privatives de liberté, en particulier les conditions de vie des détenus et les exigences liées à la sécurité. Parallèlement, un organisme indépendant, le Conseil central de surveillance pénitentiaire, a été créé pour exercer une surveillance des prisons par l’intermédiaire de commissions rattachées à chaque établissement.

3.D’autres mesures ont été prises pour mieux protéger les particuliers contre toute forme de mauvais traitement. Par exemple, l’état de nécessité ne peut plus être invoqué pour justifier la torture, et un étranger qui a des attaches durables avec le pays ne peut plus être expulsé que dans certains cas très restreints. Les mineurs sont assistés d’un avocat lorsqu’ils comparaissent devant le juge d’instruction, et leurs parents sont avertis de leur détention. Un nouveau statut de protection subsidiaire peut être accordé aux étrangers qui seraient exposés à de graves atteintes à leur intégrité dans leur pays d’origine, et il est interdit d’extrader une personne qui risquerait de subir un déni de justice ou d’être soumise à la torture dans l’État requérant. Les lieux de détention utilisés par la police doivent satisfaire à des normes minimales et toute garde à vue dans ces lieux doit être détaillée chronologiquement dans un «registre des privations de liberté». Enfin, il est désormais possible de rouvrir toute procédure pénale dont la Cour européenne des droits de l’homme constaterait qu’elle n’a pas respecté les droits du condamné, en particulier dans les affaires de torture et de mauvais traitements.

4.Des difficultés subsistent toutefois malgré ces avancées. Notamment, la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, que la Belgique a signé le 24 octobre 2005, se heurte à des obstacles techniques et juridiques. En effet, toutes les autorités concernées doivent parvenir à un accord sur la structure, la composition, le mandat et le financement du mécanisme national de prévention de la torture qui est requis par le Protocole. Un groupe de travail formé de représentants des entités fédérales et fédérées a été chargé de cette question. Il est également envisagé de confier à un organisme central la mission de veiller au respect de tous les droits individuels fondamentaux, car il existe déjà un grand nombre d’institutions chargées de protéger les droits consacrés par un instrument international donné (droits de l’enfant, droit des handicapés, etc.). La délégation reste à la disposition du Comité pour toute information complémentaire.

5.Le PRÉSIDENT (Rapporteur pour la Belgique) prend note de ce que la définition de la torture figurant à l’article 417 bis du Code pénal est plus large que celle de l’article premier de la Convention, puisqu’elle couvre même les actes de torture qui ne sont pas infligés par un agent de la fonction publique; mais il se demande quelles sont alors les dispositions qui permettent de poursuivre un fonctionnaire qui aurait encouragé un acte de torture ou qui y aurait consenti expressément ou tacitement. Il demande également si les actes de torture revêtent un caractère aggravant lorsqu’ils sont infligés sous l’autorité de l’État. À ce propos, il serait utile de disposer de statistiques ventilées sur les cas de torture, selon qu’ils sont le fait de fonctionnaires ou de particuliers, car le tableau donné dans les réponses écrites de l’État partie ne fait pas cette distinction. En ce qui concerne l’article 2 de la Convention, il serait intéressant de savoir pour quelle raison la torture n’est pas explicitement interdite dans le Code de déontologie des services de police. Ce Code n’est certes pas le seul document de référence et il y a d’autres moyens de faire savoir aux policiers que la torture est illégale, mais l’expérience montre que l’on n’insiste jamais trop sur cette interdiction.

6.L’assistance d’un avocat en garde à vue est une garantie essentielle pour protéger les détenus contre la torture. Or, d’après un rapport publié par Amnesty International en 2003, une personne arrêtée en Belgique ne peut pas consulter un avocat avant un délai de vingt‑quatre heures, ni voir un médecin, prévenir un proche de son arrestation ou être informée de ses droits dans une langue qu’elle comprend. Le Comité avait souligné ces insuffisances dans ses conclusions et recommandations de 2003. La délégation est donc invitée à indiquer quelles mesures ont été prises depuis lors pour inscrire ces garanties dans la législation. Quant aux mineurs, il semble qu’ils ne soient assistés d’un avocat qu’à partir de leur inculpation. Des explications à ce sujet seraient bienvenues.

7.À propos de l’article 3, il serait utile d’avoir des précisions sur le nombre de demandeurs d’asile qui ont obtenu leur régularisation pour motifs médicaux et pour motifs humanitaires, ainsi que sur les critères appliqués à cet égard et les procédures d’appel et de contrôle des décisions, si elles existent. Le recours à la force lors des expulsions est strictement réglementé et doit obéir à des critères précis, mais il serait intéressant de savoir s’il est possible de contester ces critères, et si un étranger qui aurait été brutalisé peut se plaindre à un mécanisme indépendant. Avant de procéder à une expulsion, les autorités s’assurent que la personne concernée est en état de voyager, mais il semble qu’aucun certificat n’est établi à l’issue de l’examen médical, alors que nombre d’ONG ont insisté sur l’utilité d’un tel document. L’État partie envisage-t-il de remédier à cette lacune?

8.Le Comité voudrait savoir si les recours exercés par les demandeurs d’asile déboutés sont toujours suspensifs ou s’ils ne le sont qu’en cas «d’extrême urgence». Il convient de se réjouir que des étrangers inéligibles au statut de réfugié se voient accorder la protection subsidiaire. Toutefois, la forte hausse du nombre de bénéficiaires de ce nouveau statut est source de préoccupation. Il ne faudrait pas en effet que cette protection, qui n’est que provisoire, supplante le statut de réfugié, qui est plus sûr. Dans ses réponses écrites, l’État partie indique que la protection subsidiaire est accordée à l’étranger qui risque la mort en cas de renvoi dans son pays d’origine. Or ce motif justifie l’octroi du statut de réfugié. L’État partie devrait donc être vigilant sur la question et veiller à ce que la protection subsidiaire ne se substitue pas au droit d’asile. Dans ses réponses écrites à la question 10 de la liste des points à traiter (CAT/C/BEL/Q/2/Add.1), il indique que lorsque des indices sérieux donnent à penser qu’un étranger court un risque réel d’être soumis à la torture s’il est renvoyé, l’Office des étrangers effectue un contrôle dans le pays d’accueil via l’ambassade belge. La délégation peut-elle citer des cas dans lesquels une mesure d’éloignement n’a pas été exécutée car il y avait un risque réel de torture? Aux paragraphes 72 à 76 des réponses écrites, l’État partie indique que l’étranger frappé d’une mesure d’éloignement du territoire ne peut pas être détenu pendant plus de deux mois mais qu’il peut être dérogé à cette règle dans certains cas. Le Comité voudrait savoir combien de personnes ont vu leur détention prolongée au-delà de deux mois, si un étranger peut être détenu indéfiniment pour des raisons de sécurité nationale et combien d’étrangers ont été détenus pour de tels motifs. Une telle décision ouvre-t-elle droit à un recours devant les tribunaux judiciaires ou, à défaut, devant un organe administratif d’appel indépendant et impartial?

9.Il serait important de savoir si la construction du nouveau centre de détention pour étrangers est achevée et combien de personnes sont encore détenues dans les locaux du centre INAD (centre de détention de personnes à qui l’accès au territoire est refusé et qui seront refoulées). Le Comité souhaiterait également savoir si les étrangers détenus dans ce centre sont informés de leur droit de présenter une demande d’asile. Quant aux enfants de demandeurs d’asile déboutés, bénéficient‑ils de mesures spéciales de protection? Par exemple, l’État partie prend-il toutes les mesures nécessaires pour faciliter l’accès des organisations de la société civile à ces enfants? Des précisions sur les modalités de saisine du Comité permanent de contrôle des services de police (Comité P) seraient également utiles. Les étrangers frappés d’une mesure d’éloignement du territoire sont-ils tenus informés de leur droit de porter plainte devant cet organe pour torture ou traitement cruel ou inhumain, et l’État partie considère-t-il que ledit Comité P répond au critère d’impartialité énoncé à l’article 13 de la Convention? On peut en effet émettre des doutes à ce sujet dans la mesure où cet organe est composé au moins pour moitié de fonctionnaires de police. Il serait également utile de savoir combien de recours ont été exercés par des détenus, s’ils ont donné lieu à enquête et le cas échéant à l’application de sanctions disciplinaires ou à l’engagement de poursuites. Le Comité aimerait enfin que lui soit précisé si de manière générale, l’arrêté d’expulsion est notifié suffisamment tôt pour que les intéressés puissent le contester dans le délai prévu par la loi. En 2006, l’inspection générale de la Police fédérale n’aurait contrôlé le bon déroulement de l’exécution de mesures d’éloignement qu’à 24 reprises, ce qui est dérisoire en regard des 11 219 éloignements planifiés pendant la même période. Le Comité P, pour sa part, se contente semble-t-il de contrôler indirectement les procédures d’éloignement. En outre, il est dit dans le rapport parallèle des ONG qu’il serait «particulièrement difficile d’assurer un contrôle externe efficace et que le contrôle des procédures d’éloignement par les ONG serait tout simplement impossible». Dans ces conditions, l’État envisage‑t‑il de multiplier les contrôles des expulsions forcées et éventuellement de mettre en place des enregistrements vidéo systématiques?

10.À propos de l’application de l’article 4 de la Convention, la délégation pourrait préciser à quoi renvoie la rubrique «autres» dans le tableau 4 (CAT/C/BEL/Q/2/Add.1, p. 29) sur les jugements prononcés à l’encontre de personnes prévenues dans des affaires relatives à la torture et aux traitements inhumains ou dégradants; des explications sur les raisons pour lesquelles certains jugements ont été suspendus seraient également utiles. En ce qui concerne l’application de l’article 5 de la Convention, le Comité note que la loi de 1993 sur les violations graves du droit international humanitaire a été modifiée par une loi du 5 août 2003 et voudrait savoir dans quelle mesure les changements introduits sont compatibles avec les articles 5 et 6 de la Convention. Le Comité accueillerait par ailleurs avec intérêt toute information sur les agissements de soldats belges en Somalie. Pour ce qui est de la loi sur l’extradition, le Comité croit comprendre que la torture peut être qualifiée d’infraction politique et justifier le refus d’extrader. Il ne faut pas oublier que dans ce cas, il revient à l’État partie d’engager des poursuites contre l’auteur présumé de l’acte de torture.

11.Le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme fait état d’une augmentation des actes de discrimination fondés sur la religion, l’orientation sexuelle ou l’appartenance ethnique; des messages d’incitation à la haine seraient aussi diffusés via l’Internet. Il serait important d’apprendre quelles mesures ont été prises par l’État partie pour remédier à ce problème. Par ailleurs, le Comité voudrait savoir ce qu’il en est de l’application effective de la loi du 25 avril 2007 portant modification des règles relatives à la tenue de registres de détenus: les commissariats sont-ils équipés de tels registres et dans l’affirmative, sont-ils utilisés? Enfin, le Comité est préoccupé par le fait que des étrangers privés de liberté n’aient pas rapidement accès à un avocat. Toute personne détenue, que ce soit en application d’une décision administrative ou judiciaire, a droit à l’assistance d’un avocat.

12.Mme BELMIR (Corapporteuse pour la Belgique) regrette que la Convention ne soit pas évoquée dans le cadre de la formation dispensée aux personnels chargés de l’encadrement des détenus et de l’éloignement des étrangers ainsi qu’aux fonctionnaires de police. La plupart des formations ne sont pas multidisciplinaires et ne sont pas suffisamment approfondies. Il est également à regretter que certains personnels prennent leurs fonctions sans avoir été formés. Le Comité a pris note de la proposition de résolution présentée par la Chambre des représentants en octobre 2004 concernant la mise en place d’une formation initiale et continue des agents pénitentiaires et souhaiterait savoir si cette proposition a été suivie d’effet et si d’autres mesures sont envisagées par l’État partie dans ce domaine. Les programmes de formation à l’intention du personnel médical laissent également à désirer en ce qu’ils ne prévoient aucun enseignement axé sur la torture. Quelles sont les mesures envisagées par l’État partie pour remédier à ce problème et, par ailleurs, la délégation pourrait-elle indiquer si des mesures sont envisagées pour faire face à la pénurie de personnel infirmier dans le pays?

13.Lors de l’examen de son précédent rapport (CAT/C/52/Add.2), des questions avaient été posées à l’État partie concernant la persistance de la surpopulation carcérale. Il a depuis lors pris un certain nombre de dispositions législatives qui témoignent de sa volonté de réduire le nombre de détenus dans les prisons et d’avoir recours à d’autres mesures que l’emprisonnement, notamment le sursis et la probation, la liberté sous condition, la peine de travail et la surveillance électronique. L’État partie a en outre créé un tribunal d’application des peines et une Direction générale des maisons de justice, laquelle assure l’accompagnement judiciaire et la surveillance d’auteurs d’infractions en vue de prévenir la récidive. La Belgique indique dans ses réponses que l’application graduelle de ces mesures a permis d’améliorer la situation dans les prisons et fournit diverses données pour illustrer son propos. Mme Belmir, souhaitant axer le débat sur la situation de fait qui règne dans les prisons, évoque le rapport parallèle présenté par des ONG. Il y est rapporté que les prisons sont surpeuplées et que cette situation résulte principalement de l’allongement de la durée moyenne de la privation de liberté, de l’augmentation des longues peines prononcées par les tribunaux, de la difficulté d’obtenir une libération conditionnelle et de l’allongement de la durée de la détention préventive.

14.S’agissant de la circulaire administrative réglementant la procédure disciplinaire à l’encontre d’un détenu (question 20 de la liste des points à traiter), la délégation indique, au paragraphe 183 de ses réponses (CAT/C/BEL/Q/2/Add.1), que le régime disciplinaire des détenus sera réformé lors de l’entrée en vigueur de la loi de principes du 12 janvier 2005, que la circulaire ministérielle susmentionnée rend déjà applicable les solutions qui seront apportées par la loi en ce qui concerne la procédure sans qu’il soit nécessaire d’attendre son entrée en vigueur, et qu’une circulaire ministérielle est en cours d’élaboration concernant l’application des règles de prise de décision, les infractions et les sanctions disciplinaires. Mme Belmir se demande, compte tenu du fait que la Belgique précise également qu’un arrêté sera nécessaire pour faire entrer en vigueur le titre pertinent de la loi, comment il est possible d’appliquer une loi dont toutes les dispositions ne sont pas encore entrées en vigueur et d’adopter un texte d’application relatif à ces dispositions.

15.Il est indiqué au paragraphe 185 des réponses de la Belgique que les détenus peuvent s’adresser au Conseil d’État, qui est compétent pour annuler ou suspendre tout acte administratif irrégulier; mais il est également précisé par ailleurs que la Belgique a engagé une réforme du Conseil d’État et créé une nouvelle juridiction, le Conseil du contentieux des étrangers. Mme Belmir se demande s’il ne pourrait pas y avoir, dans certains cas, un conflit de compétences entre ces deux instances et, dans cette éventualité, comment serait tranchée la question. Par ailleurs, il est indiqué au paragraphe 186 du même document que les détenus peuvent dans l’urgence s’adresser au Président du tribunal de première instance statuant en référé en cas d’atteinte à un de leurs droits subjectifs. Mme Belmir, compte tenu du fait qu’en principe les juridictions administratives disposent d’un recours en référé, s’étonne qu’il soit prévu que les détenus s’adressent aux tribunaux de droit commun et souhaiterait savoir si la justice administrative de l’État partie présente une particularité à cet égard.

16.Selon diverses ONG, du fait que la loi de principes du 12 janvier 2005 n’est pas encore en vigueur, la circulaire administrative réglant la procédure disciplinaire à l’encontre des détenus n’est malheureusement pas encore appliquée. Cette circulaire prévoit notamment que le détenu peut solliciter la présence de son avocat, mais les ONG rapportent que les avocats se plaignent de ce que les convocations aux auditions parviennent à des heures fantaisistes, souvent au dernier moment. Ils en prennent donc souvent connaissance trop tard, si bien que des détenus ayant demandé l’assistance de leur conseil comparaissent seuls. Les ONG précisent que ce problème est dû au délai excessivement court − vingt-quatre heures − imposé entre le moment où la décision de poursuivre le détenu est prise et son audition. Mme Belmir souhaiterait que la délégation apporte des éclaircissements à ce sujet.

17.Il est dit dans le rapport de l’État partie qu’il n’y a pas eu, entre 2004 et 2007, d’augmentation significative de l’allocation de fonds pour l’amélioration des infrastructures et des conditions de détention. La délégation est invitée à apporter des précisions à ce sujet. S’agissant de la question de savoir si des mesures ont été prises pour prévenir de graves incidents tels que ceux survenus en 2003 à la prison d’Andenne, où deux détenus sont décédés pendant une grève du personnel, et si un service minimal dans le secteur pénitentiaire a été instauré pour pallier l’absence de personnel lors d’éventuelles grèves, les ONG signalent dans leurs rapports qu’il n’y a pas eu de véritable changement après ces événements. Mme Belmir engage l’État partie à prendre des mesures draconiennes pour éviter qu’un tel drame ne se reproduise. S’agissant du titre VI de la loi de principes créant un cadre légal pour le placement des détenus sous régime de sécurité particulier individuel et de la question de savoir s’il existe un mécanisme de contrôle indépendant et impartial de ces mesures, l’État partie indique qu’outre le contrôle interne assuré au sein de chaque établissement pénitentiaire, un contrôle indépendant des prisons est exercé par les parlementaires, les Bourgmestres, le Médiateur fédéral, les juges d’instruction, les commissions de surveillance et le Centre pour l’égalité des chances, ainsi que par le CPT et plusieurs ONG. Par ailleurs, la délégation vient d’indiquer que la Belgique a signé le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et que la procédure de ratification est en cours, mais que la création d’un mécanisme national de prévention soulève quelques difficultés. Mme Belmir souhaiterait savoir si, dans l’hypothèse où le Protocole facultatif serait ratifié et ce mécanisme national de prévention créé, les mécanismes actuels, et en particulier les commissions de surveillance, continueraient d’exister.

18.Enfin, concernant la question de l’internement des délinquants souffrant de maladies mentales, diverses mesures ont été prises par l’État partie pour améliorer leur situation, notamment la construction de deux établissements de défense sociale en Flandre destinés à accueillir les internés présentant un risque de sécurité élevé. Les ONG, pour leur part, formulent de nombreux griefs et signalent notamment que les détenus dans les annexes psychiatriques des prisons doivent attendre de huit à quinze mois avant d’être transférés vers un établissement de défense sociale, que ces annexes psychiatriques sont surpeuplées, que les internés n’y reçoivent pas de soins adaptés et que les personnes qui y travaillent sont souvent des agents sans formation néanmoins chargés d’assurer des soins infirmiers, situation qui a déjà été condamnée par les juridictions belges comme par le CPT et la Cour européenne des droits de l’homme. La situation serait également désolante dans les établissements de défense sociale, où des détenus atteints de diverses pathologies peu compatibles entre elles cohabitent dans de grandes salles communes et où l’encadrement fait défaut. Mme Belmir demande à la délégation d’indiquer si les affirmations des ONG sont exactes, d’apporter des éclaircissements à ce sujet et d’évoquer les moyens qui permettraient de combler les lacunes constatées.

19.Tout en prenant bonne note de la réponse apportée par l’État partie à la question 25 de la liste des points à traiter, Mme Belmir souhaiterait de plus amples précisions sur le contenu des dispositions incorporées dans le droit interne à la suite des événements du 11 septembre 2001 dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Par ailleurs, se référant à la réponse à la question 26 de la liste des points à traiter, la Corapporteuse prie la délégation de citer des cas de jurisprudence dans lesquels l’article 28 quater du Code d’instruction criminelle a été appliqué et d’indiquer si les dispositions dudit article sont compatibles avec le droit à un procès équitable. Enfin, sachant que l’État partie a pris les mesures voulues afin d’établir la compétence universelle de ses tribunaux et rappelant qu’en règle générale, un État n’extrade pas ses propres ressortissants, elle souhaiterait savoir quelle serait la réaction des autorités belges au cas où l’extradition d’un tortionnaire présumé ayant la nationalité belge mais aussi celle d’un autre État serait réclamée par ce dernier.

20.M. GALLEGOS CHIRIBOGA fait observer que la Directive du Parlement européen et du Conseil de l’Europe relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, plus connue sous le nom de «Directive retour», constitue un motif de préoccupation pour le Comité car elle traduit une vision peu humaine, voire répressive du phénomène de l’immigration. La délégation voudra bien donner de plus amples informations sur la politique belge à l’égard des migrants et indiquer dans quelle mesure cette politique est compatible avec les dispositions de l’article 3 de la Convention et prend en considération la teneur de l’Observation générale no 2 du Comité concernant l’application de l’article 2 de la Convention par les États parties.

21.Mme GAER voudrait savoir si le fait que la moitié des personnes retenues dans les centres de détention sont des étrangers, conjugué au problème de la surpopulation dans les prisons, a des incidences sur le nombre de cas de violence entre détenus. Elle souhaiterait également savoir si l’État partie a pris des mesures afin de prévenir et réprimer les violences sexuelles commises dans les centres de détention. À cette fin, la délégation voudra bien préciser si un mécanisme de surveillance de ces violences a été mis en place, par quel biais les victimes peuvent porter plainte, si des enquêtes ont été ouvertes et, le cas échéant, quelle en a été l’issue, et si des agents de l’État ont été poursuivis et condamnés dans des affaires de ce genre.

22.Ayant à l’esprit les dispositions de l’article 14 de la Convention, Mme Gaer demande si les victimes de la torture ont le droit de demander une indemnisation devant les tribunaux civils, même si ces violations leur ont été infligées à l’étranger par les agents d’un autre État.

23.M. GAYE, relevant que l’État partie a déployé des efforts considérables pour régler le problème de la surpopulation carcérale, appelle l’attention de la délégation sur certaines mesures prises par d’autres États, qui se révèlent efficaces pour réduire le nombre de personnes détenues. Il s’agit notamment de dispositions prévoyant qu’au-delà d’une certaine durée, le suspect placé en détention provisoire doit être remis en liberté d’office, et de dispositions offrant la possibilité au suspect de saisir rapidement un juge autre que le juge d’instruction afin de lui demander de déterminer si son maintien en détention provisoire se justifie ou non, auquel cas ce juge peut ordonner sa remise en liberté.

24.Mme SVEAASS voudrait savoir si l’État partie pourrait faire en sorte que les détenus atteints de troubles mentaux soient transférés dans les meilleurs délais dans un établissement de défense sociale et, notant que la Belgique a signé la Convention relative aux droits des personnes handicapées mais ne l’a pas encore ratifiée, elle prie la délégation de donner un aperçu des garanties prévues dans la législation afin de protéger les handicapés mentaux et les personnes atteintes de troubles psychiatriques − qu’il s’agisse de détenus ou non − contre les traitements imposés par la contrainte et l’hospitalisation d’office. Enfin, ayant cru comprendre que tous les étrangers en situation irrégulière en instance d’expulsion sont placés dans des centres de rétention, Mme Sveaass souhaiterait savoir si ces mesures sont effectivement appliquées dans tous les cas sans exception.

25.Mme KLEOPAS prie la délégation d’indiquer si la Belgique s’est dotée d’une loi interdisant les châtiments corporels et d’une loi érigeant en infraction pénale la violence familiale, dont le viol conjugal. La délégation pourrait en outre donner des renseignements sur le nombre et la nature des cas de violence familiale qui ont été signalés en Belgique et sur le type de peines prononcées contre les auteurs de ces violations et si les victimes bénéficient de mesures de soutien.

26.Le PRÉSIDENT invite la délégation à répondre aux questions des membres du Comité à une séance ultérieure.

27. La délégation belge se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 11 h 45.

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