NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.5865 janvier 2004

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente et unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 586e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le mardi 18 novembre 2003, à 15 heures

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial du Yémen (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Yémen (CAT/C/16/Add.10; HRI/CORE/1/Add.115) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation yéménite reprend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite la délégation yéménite à répondre aux questions qui lui ont été posées à une séance précédente.

3.M. AL FISAIL (Yémen), répondant tout d’abord aux questions posées au sujet des magistrats, rappelle que le pouvoir judiciaire est totalement indépendant, y compris sur les plans administratif et financier. C’est la plus haute instance, à savoir le Conseil supérieur de la magistrature, qui préside à la nomination, à l’avancement, à la révocation, à la mutation et à la cessation de service des juges. Il existe un service d’inspection judiciaire qui fait office de conseil de discipline de la magistrature. L’appareil judiciaire yéménite comporte trois degrés: les tribunaux de première instance, les tribunaux d’appel et la Cour suprême qui est le degré le plus élevé. Il n’existe ni cour de sûreté de l’État, ni juridiction d’exception au Yémen, où les tribunaux ordinaires connaissent de toutes les affaires, au civil comme au pénal. Il existe en revanche des juridictions spécialisées dans les affaires relatives au bien public, aux litiges commerciaux, etc. Il est possible de contester la décision d’un juge en s’adressant à la Cour suprême. Le Code de procédure pénale expose les motifs pour lesquels un tel recours peut être envisagé, ainsi que les procédures à suivre à cet égard. Un recours peut être intenté lorsqu’une décision de justice est entachée d’un vice de forme ou autre, ou si une erreur de procédure a infléchi la décision du juge. Pour ce qui est de la procédure à suivre, le Code dispose que la personne doit former le recours en présentant un mémoire au tribunal qui a rendu la décision dans les 40 jours suivant celle‑ci. Il est à noter que cette procédure n’entraîne aucun frais pour le justiciable.

4.C’est au Procureur général, en tant que représentant de la société, qu’il appartient d’instruire toute affaire pénale et d’engager des poursuites, qu’il s’agisse d’infractions portant atteinte aux droits et libertés ou de toute autre infraction. Dès lors, il lui incombe d’enquêter sur tout acte répréhensible, y compris les actes de torture, commis par les agents de la force publique et cela sans qu’il y ait nécessairement plainte de la victime: si certains faits ou éléments de preuve viennent à son attention, le Procureur général peut immédiatement engager la procédure. En cas de simples voies de fait ou de menaces, la victime peut adresser une plainte au Procureur général qui, si la véracité de ses dires est établie ouvre une enquête.

5.L’adhésion au Tribunal pénal international ne posera en principe aucun problème au pays démocratique qu’est le Yémen. Des démarches ont récemment été faites en vue de cette adhésion. Un comité ministériel créé à cette fin en 2002 a étudié la question, s’est assuré de la compatibilité du Statut de Rome avec la Constitution et a fait une recommandation en ce sens au Conseil des ministres. Celui‑ci a approuvé cette recommandation et l’a transmise au Parlement où elle est en cours d’examen. La procédure d’adhésion pourrait fort bien aboutir très rapidement.

6.Il a été demandé si la Convention pouvait être invoquée directement devant les tribunaux. Toutes les dispositions de la Convention sont reprises dans la législation yéménite car, dès lors qu’il a ratifié la Convention, le Yémen s’est engagé à en respecter les obligations et elle les a intégrées dans son droit interne; les juges doivent donc les prendre en considération au même titre que d’autres textes de loi. Pour ce qui est de la définition de la torture, si elle ne figure pas en tant que telle dans la législation, c’est que la Constitution et les lois utilisent une terminologie beaucoup plus vaste que le simple terme de torture, englobant aussi les voies de fait, les souffrances psychologiques et morales, les humiliations et menaces et l’intimidation: tous ces éléments sont pris en considération au même titre que la torture et dans ces conditions, l’absence d’une définition de la torture ne signifie nullement que la loi la méconnaît, bien au contraire.

7.Pour ce qui est des poursuites engagées à l’encontre d’agents de la force publique accusés d’infractions, M. Al Fisail tient à souligner que le Yémen est un État soucieux des droits et libertés fondamentales de chacun et que de multiples organes de la société civile veillent à leur respect, et ne manqueraient pas, le cas échéant, de dénoncer des cas de torture. Toute atteinte aux droits ou tout acte répréhensible commis par des agents de la puissance publique est porté à l’attention des instances responsables qui en vérifient alors la véracité et prennent les mesures qui s’imposent. Dans le cadre de ce processus éminemment démocratique, tout agent de la force publique convaincu d’une infraction est poursuivi. La délégation yéménite ne dispose pas de statistiques sur le nombre de cas ainsi instruits et déférés à la justice, mais il en existe sans doute un nombre appréciable. En dépit de ce que d’aucuns prétendent, il n’existe pas d’impunité au Yémen, sinon involontaire; il ne peut s’agir que de cas isolés qui n’ont pas été portés à la connaissance des autorités compétentes.

8.Il a été demandé si les aveux obtenus sous la torture sont consignés dans le dossier du juge: celui‑ci en prend effectivement connaissance, mais la première question qu’il pose à l’accusé au début du procès est celle de savoir si ses aveux ont été obtenus sous la contrainte. Le Code de procédure pénale interdit absolument aux tribunaux de tenir compte de renseignements et éléments de preuve arrachés à l’accusé par la force. C’est là une garantie importante, au point qu’elle peut être parfois utilisée à mauvais escient par des délinquants qui cherchent, en l’invoquant, à se soustraire à leurs responsabilités; en pareil cas, en effet, la procédure est annulée et recommence depuis le début. Il est arrivé qu’un criminel endurci passe aux aveux au cours de l’enquête puis se rétracte devant le juge en affirmant que sa confession lui a été extorquée par la force, car il sait bien que le juge doit ordonner que l’enquête soit reprise depuis le début. Cette disposition est néanmoins considérée comme essentielle, car elle constitue une importante protection contre les mauvais traitements aux détenus. Ici encore, la presse a la possibilité de publier des informations sur tout manquement de fonctionnaires, y compris des actes de torture, et de les porter à l’attention des instances compétentes, ainsi que d’informer le public des solutions apportées.

9.La réparation est une exigence constitutionnelle au Yémen. La Constitution stipule que toute personne lésée, et notamment tout détenu qui serait victime de tortures, a droit à une indemnisation. C’est aux tribunaux qu’il incombe de veiller à cette indemnisation et d’accueillir les plaintes que leur adressent les victimes de violations des droits de l’homme. Ils statuent sur la base des éléments de preuve qui leur ont été fournis. La délégation yéménite ne dispose d’aucune statistique concernant les indemnisations, dont il faut savoir qu’elles sont versées non seulement aux victimes de violations des droits de l’homme, mais aussi à diverses autres catégories de victimes. C’est ainsi que l’État est amené à verser des sommes très importantes aux familles de victimes d’accidents de la circulation si le responsable de l’accident n’est pas retrouvé. Dans cette procédure, il n’est fait aucune distinction entre actions civiles et actions pénales, toutes relevant des juridictions pénales. C’est le Procureur général qui demande l’indemnisation, et le tribunal statue. Il a en outre été demandé si une personne peut obtenir réparation pour avoir été incarcérée de façon injustifiée. En pareil cas, la personne lésée doit invoquer la loi générale en vertu de laquelle toute victime de préjudice ou d’erreur, y compris d’une erreur de l’administration, peut demander à être indemnisée.

10.La durée normale de la garde à vue est de 24 heures; elle peut aller jusqu’à une semaine afin de laisser au ministère public le temps de vérifier la véracité des accusations. La détention provisoire peut se prolonger jusqu’à 45 jours avec l’autorisation du juge; la loi stipule qu’il est possible de prolonger la détention provisoire jusqu’à six mois, s’il existe des motifs valables pour ce faire. Cette prolongation, qui ne peut être indéfinie, doit être autorisée par l’instance supérieure, c’est‑à‑dire la cour d’appel.

11.Le droit pénal dispose qu’un enfant de moins de 7 ans qui a commis une infraction n’est pas responsable pénalement. Entre 7 et 15 ans, la loi le considère comme mineur, c’est‑à‑dire que s’il commet une infraction, le juge ordonne qu’il fasse l’objet des mesures définies dans la loi sur les mineurs délinquants, c’est‑à‑dire qu’il pourra être remis à ses parents sous réserve de certaines dispositions à prendre, ou bien il sera placé sous surveillance judiciaire et soumis à une période de probation ne pouvant dépasser trois ans ou encore, il sera placé pour une durée déterminée dans un établissement de réadaptation sociale ou un hôpital spécialisé. Enfin, entre 15 et 18 ans, le jeune qui a commis une infraction peut être condamné à une peine qui ne doit pas dépasser la moitié de la peine maximum prévue par la loi pour un délinquant adulte. À 18 ans, il est considéré comme majeur et entièrement responsable devant la loi.

12.La proclamation et la prorogation de l’état d’urgence sont soumises à des garanties constitutionnelles, mais il n’existe pas à ce jour de loi spécifique réglementant l’état d’urgence. Par ailleurs, en ce qui concerne les questions posées au sujet de la peine capitale, de la lapidation, de l’amputation et de la flagellation, M. Al Fisail précise que ces peines sont prévues par la charia, qui est la source de toutes les lois. Mais il faut savoir que le Gouvernement yéménite n’a recours à ces peines que dans les limites les plus étroites. La législation yéménite est interprétée de façon à offrir toutes garanties en ce qui concerne l’application de ces peines, le droit énonçant un certain nombre de conditions qui doivent être réunies avant qu’elles puissent être infligées. M. Al Fisail invite le Comité à se pencher à ce sujet sur les textes de loi yéménites, qu’il serait trop long de passer en revue.

13.M. TABRIZI (Yémen) dit que la délégation a pris contact avec les autorités compétentes à Sanaa pour leur demander des renseignements concernant la mort de Sabah Saif Salem en prison. Celles-ci ont formellement démenti que cette détenue soit morte des suites de tortures, faisant savoir que la cause de son décès était un accouchement difficile, ce que confirment les rapports médicaux.

14.Il existe au Yémen deux types de prisons: les centres de détention provisoire et les prisons dites «centrales». Ces dernières, réservées aux condamnés, sont au nombre de 20. Dans chaque prison, un service d’accueil prend en charge les prisonniers à leur arrivée et les classe selon un certain nombre de critères. Sont incarcérés à part les récidivistes, les détenus présentant un danger social réel et les prisonnier étrangers. Les auteurs de simples délits sont séparés des criminels. En outre, les mineurs (normalement âgés d’au moins 15 ans et condamnés pénalement) sont séparés des adultes. Les femmes sont quant à elles détenues dans des établissements distincts, également dotés de quartiers séparés pour les mineures. L’encadrement y est assuré par des femmes. Pour les mineurs délinquants condamnés à des peines autres que l’emprisonnement, il existe cinq centres de protection sociale pour les garçons (à Sanaa, Aden, Al Houdaïda, Ta’izz et Ibb) et un centre d’orientation sociale pour les filles (à Sanaa).

15.Dans chaque prison est tenu un registre où sont consignés les renseignements suivants: nom du détenu, numéro de matricule, infraction commise, date du jugement, durée de la peine, durée de la détention provisoire (qui sera déduite de la durée de l’emprisonnement). D’autres registres concernent la conduite des détenus en prison et leur état de santé, physique et psychique. La délégation tient à préciser qu’il n’y a actuellement aucun détenu politique au Yémen, ce qui a été largement reconnu et salué par les organisations internationales. On constate même le retour de personnes qui avaient fui le pays lors de la guerre civile de 1994. Soucieux d’appuyer cette tendance, le Président de la République a récemment décidé d’amnistier 16 des responsables du mouvement sécessionniste de l’époque en vue de les encourager à rentrer au Yémen pour prendre part à la reconstruction du pays.

16.En ce qui concerne la création de prisons par les chefs de tribus, il convient de signaler que cette pratique, répandue lorsque la coutume prévalait, est aujourd’hui interdite par la loi. En vertu de l’article 13 du Code de procédure pénale, toute détention sans justification légale dans un endroit autre qu’une prison doit être signalée au parquet général, qui prend les dispositions voulues pour remettre l’intéressé en liberté. S’il apparaît qu’il existait un motif légal d’emprisonner la personne, celle-ci est placée dans un centre de détention et un procès verbal est dressé à cet effet. L’article 247 de la loi sur les crimes et sanctions prévoit une peine maximale de trois ans d’emprisonnement, assortie d’une amende, à l’encontre de toute personne ayant constitué une prison illégale ou fourni un local à cet effet.

17.Les sanctions applicables aux prisonniers qui ont enfreint le règlement pénitentiaire sont définies par la loi. La privation de sport ou d’activités récréatives, par exemple, ne peut pas durer plus d’un mois. Le Gouvernement s’emploie à améliorer la situation dans les prisons, notamment sur le plan de l’hygiène et de l’alimentation. Malheureusement, les moyens dont il dispose sont limités et la capacité d’accueil des prisons demeure insuffisante. Des visites surprises sont effectuées dans les prisons par des représentants du parquet, des fonctionnaires du Ministère des droits de l’homme et des membres de comités s’occupant des droits de l’homme, ainsi que par des représentants des organisations internationales. Une commission spéciale a été chargée d’enquêter sur les conditions de vie dans les prisons pendant le mois du ramadan. Lorsqu’une plainte est déposée contre le personnel pénitentiaire, une enquête est ouverte pour vérifier les faits et prendre les sanctions disciplinaires qui s’imposent. L’État vient par ailleurs en aide aux personnes sans ressources détenues pour une infraction administrative en versant l’amende due.

18.L’usage des armes par les forces de l’ordre pendant les manifestations est strictement réglementé. Les agents de la force publique ont pour mission de maintenir la sécurité et l’ordre public et de protéger les biens matériels et les vies humaines en évitant tout affrontement direct. Ils peuvent néanmoins recourir à la force, au titre de la légitime défense, lorsqu’une manifestation s’accompagne d’actes de violence et de déprédations ou que les manifestants eux‑mêmes sont armés. S’ils utilisent une arme à feu, ils ont pour instruction de faire les sommations d’usage et de tirer en l’air. Lorsque, dans les cas extrêmes, ils sont amenés à viser des personnes, ils doivent s’efforcer de ne pas toucher les parties vitales et apporter les premiers secours aux blessés.

19.Diverses activités de formation et de sensibilisation ont été entreprises dans le domaine des droits de l’homme. Le texte de la Convention contre la torture a été publié et largement diffusé, de même que les rapports du Gouvernement aux organes conventionnels. En outre, plusieurs brochures ont été établies sur différentes questions spécifiques, notamment les droits du prisonnier et de l’accusé. Des articles sur la torture sont par ailleurs parus dans un magazine dont le titre veut dire «Message humanitaire», publié avec l’appui de donateurs. Dans toutes les facultés de droit du pays, les étudiants reçoivent une formation aux droits de l’homme. Le Gouvernement s’est fixé pour objectif de généraliser ce type d’enseignement à tous les niveaux d’études. Dans le cadre de sa coopération avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, plusieurs séminaires et ateliers sur le traitement des délinquants juvéniles et des mineurs détenus ont été organisés à l’intention du personnel pénitentiaire, des agents de la force publique, des magistrats, des travailleurs sociaux, des députés et des représentants de la société civile.

20.En ce qui concerne la situation de la femme au Yémen, la Constitution garantit l’égalité entre hommes et femmes. En vertu de la charia islamique et de la loi, les femmes ont les mêmes droits et obligations que les hommes. Dans le domaine du travail, la situation de la femme a beaucoup changé. Plusieurs femmes occupent maintenant des postes élevés au Gouvernement et sont présentes au niveau décisionnel. Par exemple, le Yémen compte notamment une femme au poste de vice‑premier ministre, deux femmes à celui de ministre et deux femmes à celui de vice‑ministre. Aux élections de 2003, 3,5 millions de femmes étaient inscrites sur les listes électorales, représentant 42 % des électeurs. Il existe en outre plusieurs organismes gouvernementaux et non gouvernementaux de promotion de la femme, notamment le Haut Conseil aux affaires féminines, le Comité national de la femme et la Fédération nationale des femmes.

21.En réponse aux allégations selon lesquelles les femmes qui ont purgé leur peine ne pourraient pas quitter la prison si une personne de sexe masculin ne les accueille pas à leur sortie, M. Tabrizi indique qu’il n’existe aucune disposition empêchant les femmes de quitter seules le centre de détention. Cependant, comme les anciennes détenues sont souvent rejetées par leur famille et ne savent pas où aller à leur sortie de prison, l’administration pénitentiaire les autorise à y demeurer si elles le souhaitent. Cette solution est évidemment loin d’être satisfaisante et il est prévu de créer des institutions spéciales pour accueillir les femmes qui sont dans cette situation.

22.M. HAJAR (Yémen), revenant sur la question du terrorisme, dit que le Yémen est résolu à lutter énergiquement contre ce fléau tout en respectant les principes du droit international. Les actes de terrorisme commis au Yémen ont porté considérablement atteinte aux intérêts du pays sur les plans national et international, aussi l’État a-t-il pris plusieurs mesures afin de s’attaquer aux sources du terrorisme. Les enquêtes sur les attentats sont difficiles, complexes et donc longues du fait que des acteurs étrangers sont impliqués et que le Yémen doit demander l’entraide judiciaire aux pays d’origine des suspects. C’est pour cette raison qu’après les attentats terroristes qui ont été perpétrés successivement contre le croiseur américain USS Cole, la détention provisoire des prévenus a dû être prolongée. Il a toutefois été décidé que, d’ici la fin du mois de novembre, ceux dont l’implication dans les attentats aura été établie seront traduits en justice et que ceux contre lesquels aucune preuve n’aura été trouvée seront remis en liberté.

23.En ce qui concerne l’extradition, la législation yéménite interdit l’extradition quel que soit le motif, sauf dans le cadre des accords bilatéraux et régionaux que le Yémen a conclu et qui contiennent des dispositions garantissant les droits de la personne extradée. Aussi réfute‑t‑il l’allégation selon laquelle des personnes auraient été extradées pour être incarcérées à Guantanamo. Les ressortissants yéménites qui s’y trouvent ont été arrêtés à l’étranger et le Gouvernement a envoyé une mission sur place afin de connaître le traitement qui leur été réservé. S’agissant de l’expulsion d’étrangers, seuls les non‑ressortissants en situation irrégulière ou représentant une menace pour la sécurité de l’État ou pour la société yéménite sont renvoyés dans leur pays.

24.Enfin, en ce qui concerne les informations selon lesquelles des personnes seraient détenues dans des lieux secrets ou coupés du monde, il arrive que des abus soient commis mais ce sont toutefois des incidents exceptionnels qui ne sauraient être assimilés à une pratique systématique autorisée par l’État.

25.M. BURNS (Rapporteur pour le Yémen) souhaiterait un complément d’information sur la peine capitale et les châtiments corporels. Il voudrait en particulier savoir si le condamné à mort est exécuté en public et s’il est fusillé, ce qui constituerait une violation de l’article 16 de la Convention. Soulignant que la flagellation et l’amputation sont également des pratiques interdites par l’article 16, il souhaiterait connaître la façon dont ces châtiments sont infligés et recevoir des statistiques montrant l’application de ces peines pour les 12 mois écoulés.

26.Par ailleurs, il demande à la délégation de corroborer ou de démentir que la détention provisoire pourrait durer jusqu’à plusieurs années. Ayant appris par des articles parus récemment dans la presse que 91 suspects mêlés à l’affaire du USS Cole ont été remis en liberté au motif qu’ils avaient renoncé à leurs convictions, qualifiées d’erronées, il souhaiterait des précisions sur cette information.

27.M. MAVROMMATIS (Corapporteur pour le Yémen) dit qu’étant donné que la délégation n’a pas pu répondre exhaustivement aux questions fort nombreuses du Comité, il suggère que l’État partie comble ces lacunes en apportant les renseignements manquants dans le prochain rapport. Il souhaiterait notamment des exemples concrets de cas où des victimes d’actes de torture ont reçu un dédommagement, et de plaintes qui ont donné lieu à une enquête et voudrait savoir à qui incombe la charge de la preuve dans les affaires de torture.

28.Concernant les débordements exceptionnels commis dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, dont la délégation a reconnu l’existence, le Corapporteur voudrait savoir si les auteurs ont été poursuivis.

29.M. GROSSMAN demande s’il existe des tribunaux militaires et, dans l’affirmative, quelle est la portée de leur compétence.

30.M. MARIÑO MENÉNDEZ souhaiterait une réponse à sa question sur les expulsions collectives d’étrangers. Existe-t-il une autorité habilitée à ordonner ces expulsions après un examen au cas par cas?

31.Mme GAER, notant que la délégation a affirmé dans ses réponses relatives à la peine capitale, la lapidation, la flagellation et l’amputation que ces peines n’étaient pas appliquées au Yémen, demande si tel est effectivement le cas.

La séance est suspendue à 16 h 55; elle est reprise à 17 h 15.

32.M. AL FISAIL (Yémen) répond que les peines telles que la flagellation, la lapidation ou l’amputation ont pour source principale la charia qui codifie toutes les lois du Yémen. Toutefois, l’application de telles peines ne se fait que dans des limites très étroites; le droit énonce un certain nombre de conditions très restrictives pour l’exécution de telles peines et le Gouvernement cherche à restreindre encore plus leur application. M. Al Fisail s’engage à faire parvenir au Comité des statistiques sur la question.

33.L’exécution d’un condamné à mort a lieu dans l’enceinte de l’établissement pénitentiaire, en présence de représentants du parquet, d’un médecin et de la famille. Les cas de peine capitale sont très limités et l’État cherche dans la mesure du possible à faire prononcer d’autres peines. Toutes les condamnations à mort sont susceptibles de recours devant la Cour suprême ainsi qu’auprès du Président de la République, qui intervient auprès de la famille de la victime afin d’obtenir qu’elle accepte qu’une autre peine soit imposée. Il suffit pour cela de l’accord d’un seul membre de la famille.

34.M. ALDURAIBI (Yémen) explique que la plupart des personnes qui ont été libérées alors qu’elles étaient soupçonnées de terrorisme n’étaient pas directement impliquées ou se sont repenties. Il s’agissait de jeunes embrigadés à qui on avait inculqué une vision déformée de l’islam et de la charia. Il reconnaît que des dépassements et abus peuvent se produire concernant la durée ou les conditions de détention mais insiste sur le fait que ces cas restent exceptionnels. Tout prévenu a le droit de communiquer avec sa famille ou son avocat.

35.Les tribunaux militaires sont composés de juges militaires, mais ce ne sont pas des tribunaux d’exception et il est possible de faire appel de leurs décisions devant des tribunaux civils. S’agissant de la question de l’expulsion des étrangers, il précise qu’il n’existe pas d’expulsion collective, chaque cas étant étudié séparément. Si un étranger se trouve illégalement sur le territoire yéménite, il est renvoyé dans son pays d’origine.

36.M. AL FISAIL (Yémen) remercie les membres du Comité de leur compréhension à l’égard de tous les obstacles auxquels le Yémen doit faire face sur la voie de la démocratie et leur donne l’assurance que le Gouvernement mettra en œuvre les mesures qui s’imposent pour éliminer toutes les formes résiduelles de torture et de mauvais traitements.

37.Le PRÉSIDENT remercie la délégation yéménite de la qualité de son rapport initial et l’invite à revenir à une séance ultérieure pour entendre les conclusions et recommandations du Comité.

38.La délégation yéménite se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 40.

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