Nations Unies

CAT/C/SR.962

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

7 novembre 2012

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante-cinquième session

Compte rendu analytique de la 962 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 5 novembre 2010, à 10 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l'article 19 de la Convention (suite)

Deuxième à cinquième rapports périodiques de la Bosnie-Herzégovine (suite)

La séance est ouverte à 10 heures .

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l'article 19 de la Convention (suite)

Deuxième à cinquième rapports périodiques de la Bosnie-Herzégovine (suite) (CAT/C/BIH/2-5; CAT/C/BIH/Q/2)

1. Sur l'invitation du Président, les membres de la délégation de Bosnie-Herzégovine re prennent place à la table du Comité.

2.M me Djuderija (Bosnie-Herzégovine), répondant aux questions posées à la séance précédente au sujet du médiateur, dit que le regroupement des différentes institutions à partir desquelles le Bureau du médiateur sera établi a démarré le 1er mai 2009 et s'est achevé en octobre 2010. Le médiateur jouera un rôle très important dans la surveillance des prisons et des centres de détention; un service nouvellement créé s'intéressera essentiellement aux droits des détenus. Le Bureau du médiateur présentera un rapport sur ses activités en décembre 2010.

3.Le médiateur sera aussi chargé de dresser une liste de spécialistes qui surveilleront les conditions dans les établissements où se trouvent les personnes privées de liberté, y compris ceux qui accueillent des enfants, des personnes âgées et des demandeurs d'asile. Il a créé une nouvelle base de données pour faciliter la gestion des différents cas. Les données, qui peuvent être mises à la disposition des membres du Comité sur demande, peuvent être ventilées selon le type de violation et le service de détention où les violations se sont produites.

4.En 2009 et en 2010, le Gouvernement a élaboré une Stratégie de justice transitionnelle qui sera mise en œuvre en partenariat avec le PNUD. La stratégie a pour objectif de renforcer les capacités et de définir une solution permanente pour toutes les victimes de la guerre en Bosnie-Herzégovine. Elle mettra l'accent sur la réforme institutionnelle et le renforcement des moyens des tribunaux et des institutions qui s'occupent des droits des victimes de guerre. Elle permettra aussi d'assurer l'indemnisation des victimes et de construire des mémoriaux, tels que le mémorial et le cimetière de Srebrenica-Potočari. Il faudra adopter une approche équilibrée pour résoudre les problèmes ethniques qui persistent dans le pays. Il est nécessaire de disposer de mécanismes de recherche de la vérité, comme la Commission de Srebrenica, qui établiront les faits et permettront aux victimes de parler en toute objectivité des événements de la guerre.

5.Les femmes victimes de la guerre ont connu différents problèmes ces dernières années pour pouvoir exercer leurs droits. Elles sont couvertes par les lois de protection des victimes civiles de la guerre dans les deux entités qui composent la Bosnie-Herzégovine (Fédération de Bosnie-Herzégovine et Republika Srpska). Toutes les femmes victimes de la guerre ont droit à des prestations sociales qui représentent en moyenne 70 pour cent de celles qui sont accordées aux anciens combattants. Le Gouvernement envisage d'agir dans les zones où il y a de grand nombre de femmes victimes afin d'améliorer leur situation. Il sera difficile de trouver des solutions répondant de façon satisfaisante aux préoccupations de toutes les femmes victimes et de définir les solutions à appliquer au niveau des entités, car ce sont elles qui sont responsables des services sociaux et de santé.

6.Environ 70 pour cent des personnes portées disparues en Bosnie-Herzégovine ont été retrouvées. Avec le temps, il devient de plus en plus difficile d'exhumer les corps. Cependant, l'Institut des personnes portées disparues parvient encore tous les ans à trouver le corps de personnes disparues qu'il identifie en coopération avec les familles. L'application de la législation relative aux personnes portées disparues, qui prévoit la mise en place d'un fonds à l'intention des familles, a été freinée par le manque de ressources et la lenteur de la coopération politique entre les entités et l'État. En attendant que l'harmonisation de la législation soit achevée, les familles recevront un soutien financier dont l'importance sera fonction du lieu où elles se trouvent. Le Gouvernement partage les frustrations des familles face à la lenteur avec laquelle sont localisées les personnes portées disparues. Néanmoins, d'importants progrès ont été faits au cours des 15 dernières années avec l'aide de la Commission internationale des personnes portées disparues et le CICR.

7.Un projet de loi sur les droits des victimes de torture et des victimes civiles de la guerre parfaitement conforme aux dispositions internationales a été élaboré avec l'aide d'ONG. Quand la loi sera promulguée, les demandes d'indemnisation des victimes et de leurs familles seront examinées par une commission d'indemnisation qui sera mise en place par le Parlement, ce qui permettra de rationaliser ce qui a été un processus interminable. Les nouveaux arrangements doivent encore être approuvés par les parlements nouvellement élus de l'État et des entités.

8.Les arrêts de la Cour constitutionnelle concernant les plaintes formées par les familles des personnes disparues seront aussi exécutés. L'Institut des personnes portées disparues envisage de créer un fonds d'indemnisation et d'achever la constitution d'une base de données intégrée qui permettra de vérifier l'identité de toutes les personnes portées disparues.

9.Cinq des six citoyens bosniens d'origine algérienne détenus à Guantánamo ont été libérés. Les autorités bosniennes croient savoir qu'un procès concernant les six intéressés est en instance devant un tribunal. A leur retour en Bosnie, certains des ex-prisonniers, et leurs familles, ont bénéficié d'un soutien social. La délégation sera heureuse de fournir d'autres informations concernant les prisonniers si le Comité en fait la demande.

10.M.  Mujkanović (Bosnie-Herzégovine), répondant aux questions posées sur le système judiciaire, dit que, selon un rapport du Conseil supérieur de la magistrature et du parquet de Bosnie-Herzégovine, en 2009 il y avait quelque 36 000 affaires criminelles en instance ou sous enquête dans l'État partie. Ce chiffre ne paraît pas excessif par rapport au nombre de tribunaux et de procureurs; il ne sera pas porté atteinte au droit à un procès équitable et rapide.

11.En 2002, la Bosnie-Herzégovine a adopté une stratégie de poursuite des crimes de guerre. Dans les cas les plus difficiles, les poursuites seront achevées en 7 ans, et dans les moins complexes, en 15 ans. Une base de données sur toutes les affaires de crimes de guerre doit être constituée et tenue par le Tribunal d'État et le Service du Procureur de Bosnie-Herzégovine. Le nombre exact des crimes de guerre sera connu à la fin de l'année.

12.La Bosnie-Herzégovine n'a pas d'obligation pendante, y compris en matière d'extradition, vis-à-vis du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ("Tribunal de La Haye"). Depuis la suppression de l’unité des Règles de conduite au Tribunal de La Haye, la justice nationale applique ses propres critères pour déterminer où les affaires de crimes de guerre seront entendues.

13.En ce qui concerne les violations des droits des détenus, la législation nationale ne fait aucune distinction entre les prévenus et les condamnés. L'action pénale est obligatoire dans tous les cas où il existe un motif raisonnable de soupçonner qu'une infraction pénale a été commise à l'encontre d'un détenu. Le personnel des prisons a l'obligation de signaler les infractions. Le Service du Procureur peut assurer la protection des témoins, mais la protection physique en est à un stade plus avancé au niveau de l'État qu'à celui des entités. Un nombre limité de tribunaux peuvent protéger l'identité des témoins par brouillage de la voix ou de l'image lorsqu'ils font leur déposition.

14.La Force de police internationale a supervisé la réforme des services de police afin de prévenir toute discrimination à l'égard des plaignants membres de groupes ethniques/minorités. Depuis la réforme menée en 2003, il appartient au Conseil supérieur de la magistrature et du parquet de veiller à ce que, dans tout le pays, l'origine ethnique de tous les juges et procureurs corresponde à la ventilation par ethnie du recensement de 1991 (avant la guerre); en 2009, cet objectif a été atteint dans les deux entités.

15.Les droits des personnes privées de liberté sont pleinement garantis par la législation qui régit la procédure pénale. Elles sont toutes informées rapidement dans une langue qu'elles comprennent du motif de leur détention et de leur droit de garder le silence, de nommer un conseil de leur choix et de prendre contact avec leur famille ou le consulat du pays dont elles sont ressortissantes. Un conseil sera désigné pour quiconque n'a pas les moyens d'assurer sa défense.

16.Il est interdit de soumettre un témoin à la contrainte afin de lui extorquer des renseignements. Les témoignages obtenus dans des conditions contraires à la loi ne peuvent pas être utilisés en justice. Conformément à la législation nationale, une personne privée de liberté ne peut pas être détenue pendant plus de 24 heures avant d'être traduite devant un procureur ou un tribunal.

17.En application de la législation en vigueur, le recours ou la menace de recours à la force est un élément qui est pris en compte pour déterminer l'infraction de viol. Il faudra modifier la loi pour pouvoir fonder la détermination de cette infraction sur l’absence de consentement.

18.L'enregistrement audio ou vidéo de l'interrogatoire de tous les suspects est obligatoire. Les dépositions des témoins peuvent aussi être enregistrées. L'enregistrement vidéo peut être utilisé comme moyen de preuve dans une procédure pénale.

19.La coopération est sans réserve entre tous les services des procureurs au niveau de l'État et des entités. La législation nationale rend la coopération entre les tribunaux et les services des procureurs obligatoire dans tout le pays.

20.M.  Sain (Bosnie-Herzégovine) répondra aux questions posées sur la capacité des prisons et des centres de détention dans la Republika Srpska. Le nombre des détenus condamnés a augmenté de 20 pour cent ces dernières années. Il y a actuellement 1 050 condamnés et 220 prévenus. En 2007, le Ministère de la justice a décidé d'ouvrir de nouvelles installations afin d'absorber l'augmentation. De ce fait, la capacité globale est passée à 1 330 places pour les condamnés et à 280 pour les prévenus. En ce qui concerne l’isolement cellulaire et les installations médicales, la capacité a augmenté de 130 pour cent. Dans le passé, 5 à 10 détenus partageaient parfois la même cellule, ce qui offrait une certaine protection contre la torture ou les mauvais traitements, mais violait le droit du détenu à l'intimité. Grâce aux travaux de construction et de reconstruction menés au cours des trois dernières années, il y a normalement aujourd'hui deux condamnés par cellule. La nouvelle législation prévoit six prisons de haute sécurité et trois de sécurité moyenne. Un régime spécial est appliqué aussi dans certaines ailes pour les détenus dont le comportement présente un danger pour les autres détenus. Huit nouvelles cellules de deux personnes chacune ont été construites dans l'aile normale de la prison de Foča, ce qui porte sa capacité totale à 57 places. Dix nouvelles cellules, permettant d’accueillir 20 détenus, ont été construites dans l'aile de sécurité maximum. La capacité des prisons de Banja Luka, Doboj et Sarajevo a aussi été augmentée, et in nouvel établissement est en construction à Bijeljina.

21.Le ratio gardiens de prison/détenus est de 1 à 1,5. Au 31 décembre 2009, les effectifs carcéraux dans la Republika Srpska s'élèvent au total à 758, constitués de gardiens (75 pour cent), d’agents de correction (10 pour cent), de personnel médical et autres personnels administratifs (2 pour cent). Le Gouvernement a approuvé une augmentation de 77 personnes. Des cours de formation sont assurés chaque année par une équipe de spécialistes.

22.En ce qui concerne les installations pour mineurs, les prisons de Banja Luka et de Sarajevo ont des ailes spéciales qui peuvent recevoir 20 mineurs chacune.

23.M.  Duranović (Bosnie-Herzégovine) dit que, malgré la crise financière mondiale, en 2009, le Gouvernement fédéral a alloué 15 millions de marks (KM) pour les prisons – 9 millions pour les rémunérations et 6 millions pour les autres dépenses. Ainsi, 160 nouveaux agents carcéraux sont aujourd'hui employés dans la Fédération. La capacité des prisons de toutes catégories a augmenté de 1 077 places. Le Gouvernement a approuvé un crédit de 2,1 millions de KM en 2009 et de 3,1 millions en 2010 pour l'amélioration des conditions matérielles de travail. De nouveaux appareils de vidéosurveillance ont été installés. La prison de Zenica dispose d'une aile de sécurité maximum pour les condamnés à haut risque.

24.Pour donner suite aux rapports du Comité européen pour la prévention de la torture, d'Amnesty International et du Bureau du médiateur de l'État, l'administration carcérale a pris des mesures pour réduire la violence entre les détenus. La prison de Zenica héberge près de 800 condamnés et prévenus, si bien que le risque de violence y est très élevé. Un contrôle efficace ne peut être exercé sur une population carcérale que si le nombre des détenus n’est que d'environ 350. Un plan détaillé, notamment de vidéosurveillance, a été élaboré pour régler le problème. Toutefois, les caméras ne sont utilisées que dans les lieux de regroupement et l'intimité est pleinement respectée. La cour de prison est divisée en dix secteurs, si bien que les périodes de loisirs peuvent être passées en petits groupes et en fonction des différents calendriers quotidiens.

25.Pour remédier à la pénurie aiguë de personnel carcéral, 80 nouveaux gardiens et 10 nouveaux agents de développement des prisons ont été recrutés depuis 2008. Le service psychiatrique de la prison de Zenica a déménagé dans un bâtiment rénové à l’extérieur de la prison et il a été équipé d'un matériel qui satisfait aux normes actuelles. Le nouveau bâtiment comporte un réfectoire, un dispensaire et une cour totalement sécurisée. Le Ministère de la justice estime que les détenus qui présentent des problèmes psychiatriques doivent être transférés de la prison, et il a signé récemment un accord visant à déplacer 22 patients à Sokolac dans un nouvel établissement qui sera terminé en 2011.

26.Un établissement pour mineurs a été créé à Tuzla en 2009. Il ne peut à l'heure actuelle accueillir que 15 détenus, mais des fonds ont été obtenus en vue de la constricution d’un nouvel établissement à Orašje.

27.M. Duranović reconnaît que la surpopulation carcérale pose un problème et que la construction de nouveaux établissements devrait être complétée par un recours accru aux peines de substitution à l'emprisonnement. Des dispositions ont été prises pour assurer une surveillance électronique, et l'Assemblée parlementaire examine actuellement la possibilité d'utiliser des bracelets de sécurité. Le service communautaire est aussi devenu une peine de substitution dans plusieurs parties du pays.

28.L'enquête pénale consacrée à l'incident de mai 2007 survenu dans la prison de Zenica a été achevée et le responsable a été condamné à une peine de 16 mois d'emprisonnement avec sursis. Il a été muté définitivement à un poste dans lequel il n'a pas de contact avec les détenus.

29.M.  Mirkonj (Bosnie-Herzégovine) dit que l'isolement cellulaire est une mesure disciplinaire imposée aux détenus qui présentent un risque pour la sécurité ou n'ont pas respecté le règlement de la prison. La procédure disciplinaire, qui est comparable à la procédure pénale, est engagée par les directeurs des prisons, qui chargent une commission de trois membres d'examiner le dossier, de prendre la déclaration du détenu et d'interroger les témoins. Le détenu est autorisé à demander l'assistance d'un avocat. Le détenu peut faire appel d’une sanction disciplinaire. Quand l'isolement cellulaire est imposé à titre de sanction disciplinaire, certaines règles doivent être respectées. La cellule doit avoir une superficie d'au moins 10 mètres carrés et doit être visitée régulièrement par un agent de correction, un médecin et un gardien. Le détenu est séparé des autres, mais est autorisé à passer deux heures à l’air libre et à communiquer par téléphone ou par lettre avec sa famille. Le terme "isolement" n'est pas utilisé pour désigner la peine.

30.Les condamnés et les prévenus passent un examen médical à leur arrivée dans le centre de détention et ont le droit de bénéficier d'une protection et de soins médicaux de toutes sortes. Les médecins des prisons sont employés par le Ministère de la justice. Dans un souci d'impartialité, les condamnés qui ont besoin d'un traitement médical sont autorisés, en application de la loi, à déposer une demande de traitement dans un hôpital local ou une clinique. Aucune demande de ce genre n'a été rejetée par un directeur. Toutefois, le détenu est tenu de prendre à sa charge les frais de l'examen médical, si cet examen n'est pas recommandé par le médecin de la prison.

31.Les prévenus et les condamnés ont le droit de communiquer avec leurs familles, leur conseil et toute organisation nationale ou institution internationale qui peut leur fournir les services d'un avocat. La loi exige que la prison respecte les demandes de communication. Les condamnés peuvent aussi demander à rencontrer le directeur et les inspecteurs nommés par le Ministère de la justice.

32.S'agissant des recommandations du médiateur concernant le recrutement de personnel médical à la prison de Banja Luka, un médecin a été engagé à titre permanent en 2005 et le personnel comprend aussi un directeur adjoint et deux infirmiers.

33.Aucun agent carcéral n'a été reconnu coupable de torture. Toutefois, un employé de prison a été reconnu coupable de corruption. Il a été mis fin à son contrat, et il a été condamné à une peine d'emprisonnement.

34.M me Hodžić (Bosnie-Herzégovine) dit que la garde à vue à la police ne peut pas dépasser 24 heures.

35.Il est interdit aux agents de police d’exécuter un ordre contraire à la législation pénale. Les agents sont tenus de signaler le fait à leur supérieur et, si l'ordre est répété, ils doivent faire rapport au groupe des normes professionnelles, nouveau groupe qui existe dans tous les départements de police. En ce qui concerne la police, un code de conduite harmonisé est applicable au niveau fédéral, dans la Republika Srpska et dans les 10 cantons.

36.A tous les niveaux, les citoyens ont à leur disposition des bureaux de plaintes. Les membres des trois bureaux au niveau fédéral et des cinq bureaux de la Republika Srpska sont nommés par des commissions parlementaires, qui tiennent compte de la dimension de genre. Les procédures sont transparentes et reposent sur un concours public. Les candidats doivent avoir l'expérience requise et un cahier judiciaire vierge. Dans un souci d'impartialité, les membres des partis politiques en sont exclus.

37.M.  Krajišnik (Bosnie-Herzégovine), répondant à une question sur les allégations d'actes de violence imputés à la police, tels que l'utilisation de battes de baseball ou d'objets similaires dans les postes de police, dit que la législation et la réglementation du pays, y compris celle qui concerne les agents de police, ont été harmonisées à tous les niveaux. Les agents de police sont tenus de signaler tout comportement fautif ou irrégulier de leurs collègues, ainsi que les plaintes des détenus et des membres du public. Les plaintes sont enregistrées et transmises dans un délai de 24 heures au groupe des normes professionnelles compétent, au bureau des plaintes des citoyens ou au procureur compétent en matière disciplinaire. Si une plainte est justifiée, une procédure disciplinaire est ouverte et, s’il est établi qu'une infraction pénale a été commise, une mise en accusation est prononcée contre le suspect.

38.Depuis la soumission du rapport périodique, neuf infractions impliquant des traitements cruels, inhumains ou dégradants ont fait l'objet de poursuites – trois en 2009 et six en 2010. Dans un cas, il s'agissait d'une atteinte à la dignité humaine due à un abus par le délinquant de sa position officielle. Cette atteinte constitue une violation de l'article 359 du Code pénal. Dans un autre cas, il s'agissait d'un crime contre l'humanité, tel que défini dans l'article 172 (1) du Code pénal. Les délinquants ont tous été démis de leurs fonctions au Ministère de l'intérieur.

39.Des mesures de surveillance régulière et exceptionnelle ont été prises. La surveillance régulière intervient tous les deux ans. Des mesures exceptionnelles sont prises quand un officier de police décide qu'une enquête doit être ouverte dans un poste de police déterminé. Des perquisitions sont aussi menées dans les locaux de la police à la recherche d'objets tels que des matraques susceptibles d’être utilisées pour infliger des traitements cruels ou dégradants.

40.M me Smajević (Bosnie-Herzégovine) dit que, pour donner effet à une recommandation du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), deux commissions indépendantes ont été chargées de surveiller les lieux de détention. Une surveille les prisons, les cellules des postes de police et les établissements psychiatriques, et l'autre les établissements qui hébergent les victimes de traite, les demandeurs d'asile, les migrants illégaux, les personnes âgées, les enfants victimes de violence et les autres groupes. Les deux commissions, mises en place en janvier 2010, sont totalement indépendantes et pluridisciplinaires.

41.Le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine rassemble des données et les analyse pour déterminer la meilleure structure à donner au mécanisme national de prévention qui sera bientôt créé. Dès que l'analyse sera terminée, une proposition finale sera soumise au Conseil des Ministres. Conformément à l'article 24 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Gouvernement ne tardera pas plus de trois ans avant de créer un mécanisme national de prévention.

42.Les personnes atteintes de déficiences mentales dans les établissements spécialisés ont le droit à une protection contre toute forme d'abus ou de traitements inhumains ou dégradants. La première des deux commissions de surveillance mentionnées plus haut s'est déjà rendue dans la plupart de ces établissements pour y inspecter les conditions de vie et la protection sociale assurée aux patients. Des conclusions et recommandations de la commission, qui seront achevées en décembre 2010, seront examinées et adoptées par le Conseil des Ministres. Y seront prévus des activités de formation du personnel des établissements, des évaluations annuelles des services fournis, le recrutement de personnel plus spécialisé, le financement du développement des carrières et des équipements de vidéosurveillance.

43.M me Bašić (Bosnie-Herzégovine) dit que les législations des entités érigent en infraction pénale l'extorsion d'aveux, qui, dans 90 pour cent des cas, relève de la définition de la torture énoncée dans la Convention et le Code pénal de Bosnie-Herzégovine, mais le Gouvernement du pays reconnaît avoir encore l'obligation d'harmoniser ces législations afin d'y incorporer la définition de la Convention. L'harmonisation des législations et des instruments internationaux relatifs droits de l'homme est une priorité majeure du Gouvernement. Tous les accords passés par l'ex-République fédérale socialiste de Yougoslavie, y compris la Convention contre la torture, sont appliqués dans tout le pays.

44.Le Gouvernement a conclu un accord avec la Serbie et la Croatie aux termes duquel si une personne qui a la nationalité de deux des pays parties à l'accord est punie pour une infraction pénale dans l’un des pays puis transférée dans l'autre pays dont elle a la nationalité, la peine est transférée à ce pays. Des projets de lois visant à régir l'aide juridictionnelle ont été soumis au Parlement à deux reprises, mais le Parlement les a rejetés si bien que les entités ont rédigé leurs propres lois. Le district de Brčko a adopté en 2001 une loi établissant des services d'aide juridictionnelle et la Republika Srpska a fait de même en 2009. Dans la Fédération, cinq cantons ont adopté des lois similaires et les autres cantons en feront autant sous peu.

45.M.  Rizvo (Bosnie-Herzégovine) dit que l’application du principe de non-refoulement, établi par la Loi de 2008 sur le mouvement et le séjour des étrangers et des demandeurs d'asile, n'a fait l'objet d'aucune plainte majeure de la part du HCR ou d'un autre mécanisme de surveillance. En cas de suppression de la protection dont un étranger bénéficie contre le non-refoulement, ce dernier dispose d'un recours au titre d'une procédure administrative à deux instances et, s'il demeure insatisfait, il peut saisir un tribunal ou la Cour constitutionnelle pour obtenir protection. Ces dernières années, l'attention a été appelée sur un petit nombre d'affaires dans lesquelles le Gouvernement a essayé d'expulser des personnes auxquelles la citoyenneté avait été accordée irrégulièrement et qui faisaient peser une menace sur la sécurité nationale. Aucune de ces personnes n'a été expulsée jusqu'à présent parce que leur cas est en instance devant la Cour européenne des droits de l'homme.

46.Les migrants irréguliers sont détenus, mais les demandeurs d'asile ne le sont pas. Les seconds peuvent choisir librement leur lieu de résidence et, s'ils souhaitent être hébergés par l’Etat, ils le sont dans le centre des demandeurs d'asile, qui est une institution ouverte. La détention des migrants irréguliers ne se prolonge que de mois en mois, et le cas de l'intéressé est revu à la fin de chaque mois; chaque fois, il a recours à une procédure administrative à deux instances.

47.La législation pénale relative à la traite des êtres humains vient d'être harmonisée avec la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. Les procédures d'indemnisation des victimes de traite sont certes longues et complexes, et rares sont les victimes qui ont réussi à obtenir réparation en justice. L'aide juridictionnelle, gratuite pour les victimes, est financée par le Gouvernement mais est assurée par le biais de Vaša Prava, une ONG dotée d'une vaste expérience qui fournit une aide de la meilleure qualité. À la suite de la recommandation du Rapporteur spécial sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, tendant à ce qu'une attention particulière soit accordée aux causes profondes de ce phénomène dans l'État partie, le Gouvernement a adopté un plan quinquennal d'action axé sur des mesures visant à réduire la pauvreté et le chômage et à régler les problèmes des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur du pays. Des directives distinctes sont en place pour identifier les citoyens et les étrangers victimes de traite, et des directives plus complètes sont en cours d'élaboration pour faire comprendre aux spécialistes proches des victimes comment ces dernières doivent être traitées.

48.M.  Gallegos Chiriboga (Rapporteur pour la Bosnie-Herzégovine), aimerait avoir les données ventilées de la base informatique constituée par le Bureau du médiateur et de celle qui sera établie pour les victimes des crimes de guerre, comme l'a mentionné la délégation. Selon certaines ONG, les familles des personnes portées disparues se sentent abandonnées par le Gouvernement, et il serait bon que la délégation fasse part de ses commentaires sur les procédures à suivre pour obtenir la déclaration de décès d'une personne portée disparue. M. Gallegos Chiriboga insiste sur la nécessité d’incorporer une définition complète de la torture dans les lois de la Fédération et des entités. Le consensus politique entre le Gouvernement fédéral et les entités est une préoccupation majeure.

49.Tout en faisant l'éloge du vaste cadre juridique mis en place pour faire face aux séquelles des crimes de guerre, M. Gallegos Chiriboga insiste sur la nécessité d’adopter des mesures concrètes pour juger les criminels de guerre, réadapter les délinquants dans des prisons adéquates, et protéger et indemniser les victimes, en particulier les victimes de viol. Il est nécessaire de modifier la définition du viol dans la législation de l'État partie. L'impunité des crimes de guerre est une préoccupation majeure, et M. Gallegos Chiriboga demande combien de coupables condamnés vivent toujours librement à côté de leurs victimes. Il serait bon de savoir combien de victimes de crimes de guerre bénéficient des programmes destinés à leur venir en aide.

50.M. Wang Xuexian (Co-Rapporteur pour la Bosnie-Herzégovine), prend acte du fait qu'environ 70 pour cent des personnes portées disparues ont été retrouvées, mais relève que celles qui ne l’ont pas été sont encore nombreuses et il encourage le Gouvernement à poursuivre ses efforts à cet égard. Il demande à être tenu au courant des progrès de la commission qui sera créée pour apporter réparation aux victimes. Les efforts doivent être poursuivis en ce qui concerne l'affaire du Bosnien d'origine algérienne encore détenu à Guantánamo. En ce qui concerne la période de 7 à 15 ans fixé pour conclure les affaires de crimes de guerre, M. Wang Xuexian aimerait connaître la date du début de cette période.

51.Il se demande si une protection physique est offerte à tous les témoins ou seulement à ceux qui ont des besoins spéciaux, et si les allégations faisant état de menaces et de harcèlement à l’encontre des témoins ont donné lieu à enquête. Il félicite l'État partie pour ses efforts d’amélioration des conditions carcérales et de réduction de la surpopulation. Il se demande si le Gouvernement envisage d'harmoniser les lois nationales et celles des entités relatives à la durée admissible de l'isolement cellulaire. Il encourage l'État partie à poursuivre ses efforts pour accorder réparation aux victimes de traite.

52.M me Belmir demande si les victimes reçoivent une indemnité complète qui dépasse les simples prestations sociales. Elle se demande si la coopération du Gouvernement avec le CICR se situe au même niveau que sa coopération avec le Groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires et dans quelle mesure cette coopération a été fructueuse. L'accès à la justice est source de préoccupation car elle croit comprendre que les victimes de crimes de guerre doivent s’adresser au tribunal de leur lieu d'origine pour demander réparation.

53.M.  Mariño Menéndez croit comprendre que le dernier recensement des Bosniens a été mené en 1991, avant le conflit, et demande si la Bosnie-Herzégovine envisage d'organiser un nouveau recensement pour déterminer qui sont ses ressortissants; ce serait important pour établir la juridiction sur les personnes responsables d'actes de torture.

54.Il serait bon de savoir si les membres des groupes minoritaires qui ne sont ni Bosniens, ni Croates, ni Serbes sont considérés comme des citoyens de l'État partie et s'ils ont une représentation politique. Il serait bon de savoir aussi si l'État partie envisage de ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie.

55.M me Sveaass demande si la commission parlementaire que l'État partie prévoit de mettre en place pour apporter réparation et harmoniser les droits des victimes de guerre et de torture sera aussi chargée de recevoir les plaintes ou si ce sera un mécanisme de surveillance. Elle se demande également si des commissions locales seront créées pour permettre le dépôt des plaintes sans que les intéressés aient à se déplacer. Le Comité aimerait avoir, quand ils seront disponibles, les renseignements actualisés sur l’état d’avancement de la création de la commission parlementaire,.

56.Mme Sveaass aimerait savoir si l'État partie s'efforcera de renforcer les activités mises en œuvre par les ONG pour soutenir les victimes de guerre, d'autant plus que ce sont des organisations indépendantes et que nombre d'entre elles sont dotées de personnel très spécialisé. Les ONG peuvent apporter un soutien psychologique essentiel aux familles pendant l’acte douloureux qu’est l'exhumation.

57.Il serait intéressant de savoir si l'État partie dispose de statistiques ventilées par ethnie dans tous les domaines, y compris des données sur les crimes.

58.Mme Sveaass se félicite tout particulièrement des renseignements que la délégation a fournis sur les efforts mis en œuvre pour surveiller les droits des personnes présentant des déficiences mentales. Elle demande si des mesures particulières ont été prises pour résoudre les problèmes qui se sont posés dans les services de soins psychiatriques actifs de la clinique de Sokolac.

59.Le Président demande à la délégation de répondre aux rapports des ONG selon lesquels des personnes auraient fait l’objet d’un renvoi des motifs tenant à la sécurité nationale et soumises à une détention de durée indéterminée sans inculpation sur la base de preuves secrètes auxquelles ni leurs avocats ni elles-mêmes n'avaient accès. Dans ce contexte, l'État partie aurait aussi fourni des garanties insuffisantes contre le refoulement. Selon certains renseignements aussi, la détention est parfois prolongée au-delà de 180 jours sans que soient apportées les justifications supplémentaires requises, les détenus n'ont pas accès aux services d'un avocat et, dans un cas au moins, un détenu a été renvoyé vers un pays dans lequel il a été torturé. Le Président demande à la délégation de faire part de ses commentaires sur ces rapports et de préciser si l'État partie porte plainte quand des personnes qu'il a envoyées dans un pays sont torturées. Il aimerait savoir quelles mesures l'État partie prend pour éviter que de telles situations se reproduisent à l'avenir, combien de personnes sont détenues du fait de la situation d'urgence et combien ont été détenues pendant plus de 180 jours. Le Comité aimerait avoir des renseignements plus détaillés sur les critères spécifiques retenus pour établir qu’une menace pèse sur la sécurité nationale, sur le rôle joué par les tribunaux pour prendre cette décision et sur la possibilité de faire appel de cette dernière. Le Président demande si l'État partie a pour politique d'accepter les assurances diplomatiques des gouvernements étrangers selon lesquelles les personnes ne seront pas torturées.

60.M me Djuderija (Bosnie-Herzégovine) dit que qu’il n’y a pas de preuves secrètes qui ont été utilisées pour déterminer si des détenus ont bénéficié de la citoyenneté pour de faux motifs; en fait, les détenus en question ont présenté des renseignements inexacts dans leurs formulaires de demande. Une indemnité a été versée à deux personnes qui ont été détenues pendant des périodes indéterminées et se sont vu refuser l'accès à un conseil.

61.Des mesures sont prises pour regrouper les différentes bases de données dans le pays, et les progrès sont satisfaisants en ce qui concerne la base de données sur les personnes portées disparues. Étant donné qu'environ 15 ans se sont écoulés depuis le conflit, il devient de plus en plus difficile d'obtenir des renseignements exacts sur la date et les lieux des disparitions. La frustration des familles des victimes de disparitions se comprend, mais il est difficile de leur fournir des détails. Toutes les informations de la base de données sont communiquées aux familles.

62.Les demandes d'indemnité sont reçues par les tribunaux compétents dans les deux entités et traitées selon une procédure relativement simple. Toutefois, l'affaire est rendue compliquée par le grand nombre de demandes qui ont été déposées et la nécessité d'établir un barème national des indemnités.

63.La majorité des 2 000 victimes de viol dans le pays vivent dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine et ont déjà été considérées comme des victimes civiles de la guerre. Le Gouvernement s'efforce d'appliquer des mesures pour améliorer les soins qui leur sont apportés, en particulier le soutien psychologique, mais les ressources font. Ces mesures font partie des efforts faits pour adapter la législation interne sur la Convention et classer ces personnes comme victimes de torture pendant le conflit.

64.M.  Mujkanović (Bosnie-Herzégovine) dit que la législation pénale nationale ne fait pas de distinction entre les victimes de viol, selon le sexe.

65.La date de départ de la période fixée pour mettre un terme aux affaires de crime de guerre est la fin de 2008.

66.Les membres des groupes minoritaires sont des citoyens à part entière et bénéficient des mêmes droits que les membres des principaux groupes ethniques. Dans le recensement de 1991, les membres des minorités sont classés sous la rubrique "autres".

67.Normalement, la durée de la détention pendant l'enquête dure au maximum six mois. Dans les affaires d'infractions assorties d'une longue peine, cette durée peut être portée à un an. Seul le tribunal peut accorder les prolongations, qui sont sujettes à contrôle judiciaire; toutes les plaines relatives aux prolongations sont examinées par une instance supérieure.

68.M me Djuderija (Bosnie-Herzégovine) dit que, à l'entrée en fonctions du nouveau Gouvernement, des modifications apportées à la Constitution donneront aux groupes minoritaires le droit de représentation politique.

69.Le Ministère des droits de l'homme et des réfugiés envisage de mettre en place un système d'enregistrement des cas de discrimination, y compris des cas relevant de la Convention. La nouvelle base de données du Bureau du médiateur permettra au Comité d'accéder automatiquement aux données ventilées par type d'affaire.

70.M me Hodžić (Bosnie-Herzégovine) dit que tous les citoyens peuvent porter plainte contre les policiers et les autres agents du Ministère de l'intérieur. Les procédures à suivre à tous les niveaux et dans tous les services administratifs sont prévues par la loi.

71.M me Djuderija (Bosnie-Herzégovine) donne au Comité l'assurance que son pays attache une grande importance à la Convention et remercie le Comité pour ses questions et ses conseils constructifs.

La séance est levée à 13 heures .