Nations Unies

CAT/C/SR.943

Convention contrela torture et autres peinesou traitements cruels,inhumains ou dégradants

Distr. générale

12 mai 2010

Original: français

Comité contre la torture

Quarante‑quatrième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 943e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 6 mai 2010, à 15 heures

Président:M. Grossman

puis:M. Wang

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Deuxième rapport périodique du Yémen (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique du Yémen (CAT/C/YEM/2; CAT/C/YEM/CO/2/Add.1)

Sur l’invitation du Président, la délégation yéménite reprend place à la table du Comité.

2.Mme Alban (Yémen) dit que son pays est résolu à collaborer pleinement avec le Comité dans ses efforts pour s’acquitter de ses obligations au titre de la Convention contre la torture. Les mesures requises ont été adoptées pour incorporer dans le droit interne les différents instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels le Yémen a souscrit, ce qui témoigne de la volonté des autorités de les appliquer dans la pratique. La Constitution et les lois yéménites interdisent toute forme de torture physique ou psychologique. Le Yémen a, à ce propos, récemment adopté une définition de la torture conforme à l’article premier de la Convention. La torture est au regard de la loi un crime grave imprescriptible, le crime est sévèrement puni par les tribunaux auxquels les victimes peuvent s’adresser pour obtenir réparation. Les autorités yéménites veillent scrupuleusement au respect des principes susmentionnés dont la violation reste un phénomène rare associé à des comportements individuels indépendants de la volonté des pouvoirs publics et plutôt qu’à des orientations du Gouvernement. Des fonctionnaires ou militaires ayant commis des actes de torture ou des mauvais traitements ont été traduits en justice et condamnés à des peines d’emprisonnement et démis de leurs fonctions. Il n’y a pas de pratique systématique de la torture au Yémen, où aucun agent de l’État ne peut invoquer l’ordre d’un supérieur pour justifier le recours à la torture physique et psychologique ou à des traitements cruels, dégradants ou inhumains.

3.Le législateur yéménite a érigé en infraction pénale toutes les formes de violation des droits et libertés reconnus par la Constitution, qu’elles surviennent entre particuliers ou dans le cadre des relations entre les représentants de l’État et les citoyens. La violence sexuelle, considérée comme une forme de torture physique et psychologique, est partant comme un crime grave passible de sanctions sévères et dont les victimes ont droit à une indemnisation. Le viol est à cet égard systématiquement réprimé par les tribunaux. Pour s’acquitter de ses obligations internationales, le Yémen a adopté un plan national fondé sur les recommandations formulées par les États membres du Conseil des droits de l’homme à l’issue de l’Examen périodique universel le concernant (A/HRC/12/13). Dans cette optique, une stratégie nationale pour les droits de l’homme sera élaborée avec le concours actif d’organisations non gouvernementales et des mesures ont été prises pour que les principes relatifs aux droits de l’homme soient inscrits dans les programmes d’enseignement à tous les niveaux. Un projet de décision actuellement à l’examen vise à réformer la Commission nationale des réfugiés en vue d’en faire un organe opérant conformément à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et un projet de règlement définissant les droits et les devoirs des réfugiés a été présenté. En outre, le Ministère des droits de l’homme et les ONG nationales et internationales ont été autorisés à effectuer des visites inopinées dans les prisons. Les autorités yéménites ont, d’autre part, donné des instructions aux directeurs des prisons pour qu’ils ne recourent à la mise à l’isolement de détenus que lorsqu’ils constituent une menace pour les autres. Il y a lieu enfin de signaler la mise en place d’une commission chargée d’étudier la possibilité de créer une institution nationale des droits de l’homme opérant selon les Principes de Paris.

4.M. Al Khazan (Yémen) dit que le Yémen a pris des mesures pour assurer l’indépendance de l’autorité judiciaire, notamment d’un point de vue financier, et pour interdire toute ingérence du pouvoir exécutif dans son fonctionnement. Le système de nomination des juges, qui relève de l’autorité judiciaire, est à cet égard une garantie importante de cette indépendance. Les juges sont tenus de respecter leur propre code de conduite et leur révocation est soumise à des règles précises. Une formation aux droits de l’homme leur est dispensée. Le Yémen a également pris des mesures pour faire en sorte que la lutte contre le terrorisme soit menée dans le respect de ses obligations internationales relatives aux droits de l’homme. Toutes les personnes impliquées dans des affaires de terrorisme ont fait l’objet d’un procès équitable, dans le cadre duquel ils ont bénéficié de l’ensemble des garanties prévues par la Constitution et la législation. Des procès-verbaux sont établis à chaque audience et rendus publics.

5.M. Taissir (Yémen) dit que d’importants progrès ont été accomplis par le Yémen en ce qui concerne le respect des droits des personnes privées de liberté. Conformément à la Constitution, le droit d’assurer sa défense ou de bénéficier des services d’un avocat est garanti à tous les stades de la procédure. Les détenus sans ressources ont droit à l’aide juridictionnelle. Toute personne privée de liberté a le droit d’être examinée par un médecin. De même, tout individu soupçonné d’avoir commis une infraction et placé en garde à vue doit être présenté à un juge dans les vingt‑quatre heures qui suivent son arrestation. Une personne victime d’une arrestation arbitraire a le droit d’être indemnisée. Le droit à la vie et au respect de l’intégrité physique est garanti à tous. Nul ne peut être arrêté sans mandat et toute personne arrêtée doit être immédiatement informée des motifs de son arrestation.

6.Les lieux de détention font l’objet d’inspections régulières. Des visites peuvent y être effectuées tous les mois. Le droit des détenus à l’éducation est un droit fondamental, et plusieurs mesures ont ainsi été prises pour assurer sa mise en œuvre. Afin d’améliorer encore le traitement des détenus, le Ministère des droits de l’homme a organisé de nombreux cours de formation au bénéfice des agents pénitentiaires et des responsables de l’application des lois. Cet organisme est par ailleurs aussi compétent pour recevoir et examiner les plaintes déposées par des particuliers et les traiter en coordination avec les autorités. Tout acte de torture ou mauvais traitement de la part d’agents pénitentiaires donne immédiatement lieu à une enquête et les responsables sont passibles de sanctions.

7.Les mutilations génitales féminines sont assimilées à la torture et sont par conséquent interdites. Des mesures ont été prises pour interdire le mariage précoce des filles et pour relever à 17 ans l’âge minimum du mariage pour les deux sexes. Pour de plus amples renseignements sur les mesures prises par le Yémen pour donner suite aux précédentes recommandations du Comité, les experts sont invités à consulter dans le document CAT/C/YEM/CO/2/Add.1 les réponses du Yémen aux observations finales provisoires du Comité contre la torture.

8.M. Al Namili (Yémen) dit qu’il n’y a eu aucun cas de disparition forcée au Yémen et invite les membres du Comité à consulter les informations communiquées à ce sujet au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. Quant aux cas présumés de détention arbitraire évoqués par le Comité, des informations sur les circonstances dans lesquelles les arrestations ont eu lieu ont été transmises au Groupe de travail sur la détention arbitraire. Dans la plupart des cas évoqués, les personnes concernées avaient été arrêtées pour avoir utilisé la force contre des policiers.

9.Contrairement à ce que des ONG ont prétendu, le bureau du procureur public a enquêté sur toutes les allégations de torture impliquant des agents des forces de sécurité mais n’a trouvé aucune preuve qui les corroborerait. Des visites de prisons sont organisées au moins une fois par semaine et des entretiens sont conduits avec les détenus pour s’assurer de leurs conditions de vie. Des organisations comme Amnesty International ou Reporters sans frontières n’ont jamais rencontré le moindre obstacle pour se rendre dans des lieux de détention. Les avocats ne sont nullement empêchés de rencontrer les détenus et disposent en général d’une salle pour s’entretenir avec leurs clients. Des soins de santé sont prodigués aux détenus qui doivent en outre passer un bilan médical lors de leur incarcération. La délégation yéménite se tient à la disposition des membres du Comité pour faire la lumière sur chaque allégation de disparition forcée ou de torture. En ce qui concerne les atteintes à la liberté de la presse et les menaces proférées à l’encontre de journalistes, la délégation yéménite pourrait aussi citer l’exemple de journalistes satisfaits des conditions dans lesquelles ils exercent leur métier.

10.M. Qahtan (Yémen) dit que son pays ne dispose pas de ressources importantes mais qu’il n’épargne aucun effort pour protéger les droits de l’homme en renforçant l’État de droit et en favorisant l’établissement de la démocratie. Le Yémen sait gré aux organisations de la société civile de lui signaler les problèmes qui pourraient se poser dans le domaine des droits de l’homme mais force est de constater que les allégations émanant d’ONG sont souvent dénuées de fondement. Il s’agit dans la majorité des cas d’erreurs humaines commises par un petit nombre d’agents des forces de l’ordre, insuffisamment formés et sensibilisés à la problématique des droits de l’homme, plutôt que de violations systématiques. Les ONG, en particulier internationales, ne peuvent raisonnablement attendre du Yémen qu’il prenne des positions ou des mesures contraires à ses valeurs et convictions religieuses. La Convention est directement applicable dans l’ordre juridique interne et l’adoption d’une loi spécifique ne s’impose qu’en cas de contradiction entre la Convention et le droit interne. En revanche, la Constitution yéménite prime les instruments internationaux.

11.Le Yémen accueille de nombreux réfugiés qui sont surtout originaires de la Corne de l’Afrique. Il a adhéré à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et au Protocole de 1967 s’y rapportant. Les droits des réfugiés sont scrupuleusement respectés. Il existe un centre spécial d’accueil pour les réfugiés et les demandeurs d’asile à Sanaa. Le Yémen n’a procédé à aucune expulsion forcée mais a effectivement reconduit à la frontière des étrangers clandestins, parmi lesquels des Éthiopiens et des Somaliens qui n’avaient pas le statut de réfugié.

12.L’application de la peine capitale n’est jamais automatique; elle est soumise à des conditions très strictes. Aucun mineur ne peut être condamné à mort. L’âge de la responsabilité pénale est de 18 ans. Les peines d’amputation, de flagellation ou de lapidation ne sont quasiment jamais appliquées. Les relations sexuelles hors mariage, qu’elles soient le fait d’un homme ou d’une femme, sont interdites. L’adultère est effectivement passible de sanctions, mais dans la pratique les affaires de ce type sont rares et requièrent le témoignage d’au moins quatre personnes. Les tribunaux se montrent généralement indulgents à l’égard de ceux, hommes ou femmes, qui l’ont pratiqué.

13.Le phénomène de la traite d’enfants n’existe pas au Yémen et la notion même de traite, telle qu’on l’utilise en Europe, n’a guère de sens dans le contexte yéménite. Nombre d’enfants se rendent effectivement dans d’autres pays pour y trouver du travail, principalement en Arabie saoudite.

14.Le Yémen a ratifié les principaux instruments internationaux relatifs à la lutte contre le terrorisme et adopté une loi dans le but de pénaliser le financement du terrorisme. Tous les Yéménites soupçonnés de terrorisme ont été traduits en justice.

15.Mme Alban (Yémen) s’étonne des informations transmises au Comité au sujet des défenseurs des droits de l’homme, avec qui le Yémen s’est toujours attaché à collaborer. En outre, des mesures ont été prises pour garantir la liberté de circulation des membres d’organisations comme Amnesty International ou Human Rights Watch. La plupart des femmes sont placées dans des lieux de détention qui leur sont réservés où les responsables de l’administration pénitentiaire sont elles-mêmes de sexe féminin. Aucune détenue n’a subi de viol. Il existe une séparation absolue entre hommes et femmes dans les prisons. Un centre visant à promouvoir la réinsertion des femmes à leur sortie de prison a été créé à Sanaa. Un projet de loi est en cours d’élaboration afin de fixer l’âge minimum légal du mariage et de faire en sorte qu’il soit le même pour les hommes et les femmes.

16.En conclusion, Mme Alban dit que le Yémen est déterminé à promouvoir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à faire en sorte que chacun puisse vivre en toute sécurité dans une société libre de toute forme de torture physique et psychologique.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 16 h 10.