Nations Unies

CAT/C/SR.1574

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

17 novembre 2017

Original : français

Comité contre la torture

Soixante-deuxième session

Co mpte rendu analytique de la 1574 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 8 novembre 2017, à 10 heures

Président (e): M. Modwig

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Cinquième rapport périodique du Cameroun

La séance est ouverte à 10 h 20.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de  la Convention (suite)

Cinquième rapport périodique du Cameroun (CAT/C/CMR/5 ; CAT/C/CMR/QPR/5)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation camerou naise prend place à la table du  Comité.

2.M. Nkou (Cameroun) dit que le cinquième rapport périodique du Cameroun a été élaboré en concertation avec les administrations publiques, les partenaires techniques et financiers et les organisations de la société civile, selon la procédure simplifiée de présentation des rapports. Au cours de la période considérée, le Cameroun s’est attaché à promouvoir et à protéger les droits de l’homme, comme en témoignent l’adoption du Plan d’action national de promotion et de protection des droits de l’homme (2015-2019) ainsi que diverses réformes. Sur le plan législatif, il convient de signaler l’adoption de la loi no 2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code pénal, qui incrimine les actes de torture, la traite des personnes, les mutilations génitales féminines, le harcèlement sexuel et les mariages précoces ou forcés et renforce la prévention de la torture et la lutte contre l’impunité, et de la loi no 2017/012 du 12 juillet 2017 portant Code de justice militaire, qui donne compétence aux juridictions militaires pour punir les auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de crimes de génocide. Sur le plan institutionnel, le Cameroun s’est doté en 2016 d’une commission d’indemnisation en cas de garde à vue ou de détention provisoire abusive, qui est rattachée à la Cour suprême. Sur le plan judiciaire, de nombreuses décisions sanctionnant les auteurs d’atteintes à l’intégrité physique ont été rendues par les juridictions nationales, prouvant l’efficacité des activités de formation organisées à l’intention des membres des forces de l’ordre et des magistrats.

3.Tous ces efforts méritoires s’inscrivent toutefois dans un contexte difficile. Le Cameroun doit faire face aux attaques répétées du groupe terroriste Boko Haram depuis 2013, ainsi qu’à une situation humanitaire préoccupante en raison de l’afflux sur son territoire de ressortissants centrafricains et nigérians en quête d’asile. Il traverse en outre une grave crise sociale. En matière de lutte contre le terrorisme, le Cameroun s’est aligné sur la Stratégie antiterroriste mondiale. Les auteurs présumés d’actes de terrorisme ont droit à un procès équitable et les poursuites à leur encontre ne débouchent pas systématiquement sur des condamnations. Il n’en résulte pas moins que, dans ce contexte, la population carcérale a beaucoup augmenté. La prison centrale de Maroua, prévue pour accueillir 300 personnes, abritait en juillet 2017 quelque 1 525 détenus, dont 708 étaient liés à Boko Haram. Un plan de gestion des réfugiés a été adopté en 2016, mais sa mise en œuvre est freinée par le manque de financement. Quant à la crise sociale, née des revendications de certains syndicats d’enseignants et d’avocats dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, elle a pris une tournure politique, allant jusqu’à la réclamation violente de la partition du pays. Les manifestations du 22 novembre et du 8 décembre 2016 se sont accompagnées d’actes de vandalisme et de violence justifiant l’intervention des forces de l’ordre et l’interpellation de plusieurs personnes, qui ont ensuite été déférées devant le tribunal militaire de Yaoundé. Le 1er octobre 2017, les attaques de bandes armées favorables à la sécession ont rendu nécessaire un recours proportionné à la force. Des enquêtes ont été ouvertes en vue de clarifier les faits survenus à cette date et de poursuivre les auteurs d’infractions.

4.M. Hani (Rapporteur pour le Cameroun) rappelle que, à l’issue de l’examen de son quatrième rapport périodique, l’État partie avait pris des engagements concernant la prévention de la torture, la sanction des auteurs d’actes de torture et l’indemnisation des victimes, et note que, depuis lors, il a ratifié un certain nombre d’instruments internationaux et régionaux et adopté de nouvelles lois ainsi que de nouveaux programmes et politiques en faveur des droits de l’homme. Il aimerait savoir quand l’État partie entend déposer les instruments de ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, pour lequel la procédure interne de ratification est achevée depuis près de sept ans. Il relève que le droit national incorpore la définition de la torture énoncée dans la Convention et prévoit de lourdes sanctions contre les auteurs d’actes de torture mais que, dans la pratique, ces derniers sont condamnés à des peines essentiellement administratives, parfois assorties d’un sursis. Le rapport de l’État partie ne donnant aucune information sur la suite donnée à la recommandation du Comité concernant la création d’une instance indépendante extérieure à la police, le Rapporteur demande ce qui est fait pour garantir l’indépendance de l’organe chargé d’enquêter sur les actes de torture, notamment ceux qui sont commis par des policiers, combien de plaintes ont été soumises à cet organe et quels ont été les résultats de ses enquêtes. Il souhaiterait savoir pourquoi le droit d’avoir accès à un avocat, inscrit dans la loi, n’est pas garanti dans la pratique, notamment au tout début de la procédure judiciaire. Il demande ce que l’État partie compte faire pour garantir l’indépendance des médecins chargés de l’examen des personnes placées en garde à vue ou en détention, compte tenu de la grave pénurie de personnel médical. Il relève que, en vertu du Code de procédure pénale, les personnes qui subissent un examen médical à l’issue de leur garde à vue ou les détenus qui sont transférés à l’hôpital doivent s’acquitter des frais de consultation, ce qui risque d’entraver le droit de chacun d’avoir accès à un médecin. Il demande quelle aide financière est apportée aux plus démunis en pareil cas et rappelle les précédentes recommandations du Comité relatives aux garanties juridiques fondamentales.

5.Le Rapporteur invite la délégation à préciser dans quelle mesure le droit pour les personnes détenues d’être informées des charges retenues contre elles est garanti dans la pratique et à fournir des données statistiques à ce sujet. Il demande par quels moyens l’État partie entend mettre fin aux arrestations arbitraires, qui sont notamment effectuées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et de quelles voies de recours disposent les personnes qui ont été arrêtées sans mandat. En outre, le chef de la délégation ayant précisé dans son discours que les poursuites pour actes de terrorisme ne donnaient pas lieu à des condamnations systématiques, M. Hani souhaiterait savoir combien de personnes soupçonnées de terrorisme ont été acquittées et connaître les motifs de ces acquittements. Se référant au rapport 2016-2017 d’Amnesty International, qui fait état du recours systématique à la torture dans le cadre de la lutte contre Boko Haram et de l’existence de centres de détention au secret, notamment à Salak et à Yaoundé, ainsi qu’à d’autres informations concernant des fosses communes et la mort de 25 personnes mises au secret dans le centre de Maroua, il demande si des mesures ont été prises pour enquêter sur ces allégations. Il voudrait savoir si le respect de la durée légale de la garde à vue, compromis par des pratiques de corruption et une mauvaise tenue des registres, s’est amélioré depuis l’examen du quatrième rapport périodique de l’État partie et s’il existe des statistiques sur le nombre de recours en habeas corpus formés. Il invite la délégation à donner des exemples de cas d’agents de la force publique qui ont été sanctionnés pour non-respect de la durée légale de la détention provisoire, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale. Il voudrait aussi savoir si les visites de contrôle dans les prisons ont été systématisées pour éviter le maintien en détention de personnes ayant purgé leur peine. Il demande pourquoi si peu de demandes d’aide juridictionnelle sont déposées et pourquoi moins d’un tiers d’entre elles sont finalement acceptées. Il aimerait savoir ce que l’État partie compte faire pour garantir l’accès des plus démunis à l’aide juridictionnelle et l’invite à réfléchir à d’autres formes de conseil juridique − par exemple, par la voie d’organisations non gouvernementales spécialisées − pour pallier le manque d’avocats.

6.En ce qui concerne l’asile, M. Hani salue l’adoption d’une loi consacrant le principe de non-refoulement et la création du Comité interministériel ad hoc chargé de la gestion des urgences concernant les réfugiés. Il souhaiterait que l’État partie communique des statistiques sur le nombre de demandes d’asile enregistrées, acceptées et rejetées et sur le nombre de personnes renvoyées, et qu’il apporte des précisions quant aux près de 100 000 Nigérians qui auraient été reconduits à la frontière sans avoir pu déposer de demande d’asile. D’autres allégations font état de détentions arbitraires et de mauvais traitements − notamment de violences sexuelles − commis par le personnel militaire à l’égard de demandeurs d’asile dans le nord du pays. La délégation est invitée à commenter ces allégations et à préciser comment l’État partie s’assure qu’une distinction est établie entre les terroristes liés à Boko Haram et les civils qui fuient les zones de conflit. Il serait en outre intéressant de savoir si des plaintes contre des tortionnaires venus d’autres pays ont été déposées au titre des articles 5 à 9 de la Convention et, le cas échéant, si elles ont donné lieu à une enquête, et de disposer de statistiques concernant le nombre de personnes extradées depuis ou vers les pays avec lesquels le Cameroun a signé un traité d’extradition, accompagnées d’informations sur les motifs de ces extraditions.

7.En ce qui concerne la crise sociale évoquée par la délégation, M. Hani s’inquiète du fait que des manifestants interpellés aient été traduits devant un tribunal militaire et demande le détail des mesures qui seront prises pour respecter le droit des civils d’être jugés par un tribunal à caractère civil. En raison des dérives de la lutte antiterroriste, de nombreux journalistes ont été poursuivis devant des juridictions militaires pour ne pas avoir dénoncé des actes de terrorisme prévisibles. Certains auraient même subi des actes de torture et des mauvais traitements pendant leur détention, comme le journaliste Ahmed Abba. De plus, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes auraient été intimidés après avoir dénoncé des faits mettant en cause les autorités, comme cela a été le cas pour Maximilienne Ngo Mbe. Le Rapporteur aimerait savoir quelles mesures l’État partie entend prendre pour mettre fin à l’usage abusif de la loi antiterroriste à des fins d’intimidation et veiller à la régularité des procédures engagées au titre de cette loi. Par ailleurs, il relève que l’arrêt de certaines poursuites sur ordre du chef de l’État, s’il peut constituer une mesure d’apaisement, pose cependant la question de la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire, et s’interroge sur les mesures envisagées pour garantir cette séparation. Enfin, le Rapporteur souhaiterait des informations sur le processus de sélection et de nomination des membres de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés, dont l’indépendance se serait apparemment dégradée, sur les ressources dont dispose la Commission et sur les obstacles qu’elle rencontre, notamment pour ce qui est de visiter les lieux de détention au secret cités dans les rapports des organisations de la société civile.

8.M me Belmir (Corapporteuse pour le Cameroun) s’interroge sur les rapports assez flous entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. Elle souhaiterait en particulier des précisions concernant les modalités de nomination et de révocation des juges, compte tenu de l’impératif d’indépendance du pouvoir judiciaire. En ce qui concerne le cas de Paul Ayah Abine, avocat général près la Cour suprême, détenu au secret du 21 janvier au 30 mai 2017 en violation de l’article 629 du Code de procédure pénale, la Corapporteuse aimerait connaître les détails de la procédure qui a débouché sur cette mise en détention. Notant qu’il existe une concurrence en matière de justice pénale entre le Ministère de l’intérieur, dont relèvent les gardes à vue et les détentions provisoires, et le Ministère de la justice, la Corapporteuse demande les raisons de cette situation qui divise la responsabilité de la procédure judiciaire entre deux ministères aux structures et aux objectifs différents. Par ailleurs, elle observe que les dispositions de la loi du 12 juillet 2017 portant Code de justice militaire donnant compétence aux juridictions militaires pour sanctionner des crimes graves tels que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité ou les actes de terrorisme ou de génocide vont à l’encontre du principe consacré par les instruments internationaux relatifs droits de l’homme selon lequel la justice militaire n’est compétente que pour connaître des infractions commises par des militaires ou des civils entièrement impliqués dans une action militaire. Des explications sur ce point seraient les bienvenues.

9.Mme Belmir demande quelles sont les sanctions légitimes définies par l’État partie, conformément à l’article premier de la Convention et dans la perspective du droit international, et si cette notion a été intégrée dans la législation pénale. Pour ce qui est des garanties fondamentales, elle souhaiterait savoir de quelle façon l’État partie veille au respect de l’article 41 du Décret no 2012/546 du 19 novembre 2012 portant Code de déontologie des fonctionnaires de la Sûreté Nationale, qui interdit le recours à la torture et à la violence physique ou morale, notamment dans les lieux de détention placés sous l’autorité de la police. Constatant que les décisions rendues contre les auteurs d’actes de torture ont plutôt un caractère disciplinaire ou administratif, elle demande pourquoi des peines de prison ferme sont si rarement prononcées. Il apparaît que l’État partie a mené diverses activités de formation initiale et continue concernant la prévention et la détection de la torture, notamment auprès des membres des forces de l’ordre, des médecins et des diplomates. Cependant, en l’absence d’évaluation des effets de ces formations, la Corapporteuse s’interroge sur leur efficacité, au vu du nombre d’allégations relatives à des cas de torture ou de mauvais traitement. Elle s’interroge également sur les mécanismes de surveillance des lieux de détention, sachant que la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés ne dispose que de très peu de ressources et que les ONG rencontrent des difficultés pour visiter les lieux de détention, qui sont souvent gérés par la police et font l’objet de nombreuses allégations de maltraitance et de torture.

10.La Corapporteuse relève que, dans le cadre des opérations de lutte contre le terrorisme, tout individu ayant eu le moindre contact avec un groupe terroriste est considéré comme suspect et peut être arrêté. Selon des informations portées à la connaissance du Comité, des personnes dont l’unique tort était d’avoir donné de la nourriture à des combattants de Boko Haram ont été arrêtées et des habitants d’un village qui avaient fui à la suite d’une attaque de ce groupe ont vu leurs habitations détruites et brûlées par les forces armées et ont été arrêtés et jugés. De plus, la situation des mineurs, qui seraient détenus avec des adultes dans des établissements pénitentiaires surpeuplés et qui seraient victimes de mauvais traitements, est particulièrement préoccupante. La délégation voudra bien commenter ces informations et préciser si l’État partie a pris des mesures pour protéger les personnes privées de liberté, y compris les mineurs, contre la torture et les mauvais traitements en détention et garantir l’exercice par ces personnes de leur droit d’accéder à la justice. Il serait aussi intéressant de connaître l’efficacité des mesures prises par les autorités camerounaises afin de remédier au problème de la durée excessive des détentions provisoires et de savoir si des progrès ont été accomplis en vue de l’adoption d’un programme de protection des témoins et des victimes de la torture.

11.En ce qui concerne l’indemnisation, Mme Belmir aimerait savoir si, dans les affaires de détention abusive citées dans le rapport, les victimes ont été indemnisées. Elle souhaiterait un complément d’information sur le programme interdisciplinaire de services en faveur des victimes de la torture assurés par les organisations de la société civile, notamment sur le type d’activités menées et le nombre de bénéficiaires, et demande si les mesures prévues dans ce programme couvrent tous les aspects de la réparation visés à l’article 14 de la Convention. Sachant que nombreuses sources font état d’affaires dans lesquelles des aveux ont été considérés comme recevables par le tribunal alors que la victime ou son avocat avait fait valoir qu’ils avaient été arrachés par la torture, Mme Belmir s’étonne de lire dans le rapport que l’État partie n’est pas parvenu à trouver de décisions de justice annulées en raison de la production de preuves ou de témoignages obtenus par la torture ou par des mauvais traitements. Des explications seraient bienvenues sur ce point. Enfin, la délégation est invitée à commenter les allégations selon lesquelles la directrice exécutive du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (REDHAC), Mme Maximilienne Ngo Mbe, a fait l’objet de représailles en raison de ses activités au sein de cette organisation.

12.M.  Touzé dit que d’après des informations concordantes, les forces de sécurité ont fait un usage excessif de la force pour contenir les manifestations organisées entre novembre 2016 et février 2017 dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du pays lors de la crise anglophone. Elles auraient passé plusieurs personnes à tabac, abattu au moins sept personnes et arrêté des centaines de manifestants, dont certains ont ultérieurement été remis en liberté sur décision du Président de la République. La délégation voudra bien indiquer combien de manifestants sont encore détenus et si des enquêtes et des procédures pour usage excessif de la force ont été ouvertes contre des membres des forces armées.

13.M. Touzé appelle l’attention de la délégation sur le rapport du Haut-Commissaire aux droits de l’homme intitulé « Atrocités commises par le groupe terroriste Boko Haram dans les États touchés par de tels actes » (A/HRC/30/67), dans lequel on peut lire qu’à la suite d’attaques de Boko Haram ou de dénonciations de membres des groupes d’autodéfense, l’armée camerounaise a lancé des raids contre les villages de Bia, Doublé et Magdémé, dans la région de l’Extrême-Nord, faisant plus de 70 morts, dont la dépouille a été jetée dans une fosse commune à Mindif. La délégation voudra bien indiquer si des enquêtes ont été ouvertes sur ces allégations et si des exhumations ont été ordonnées dans cette région. En outre, selon plusieurs sources, le 27 décembre 2014, près de 260 personnes ont été arrêtées par les forces de défense camerounaises dans les villages de Magdémé et Doublé. D’après un communiqué officiel, au moins 25 d’entre elles sont mortes le soir même à la gendarmerie de Maroua et 192 sont encore portées disparues. La délégation voudra bien donner des renseignements sur les enquêtes ouvertes sur ces disparitions et ces décès en détention, en précisant si des autopsies ont été réalisées. D’après un rapport d’Amnesty International, sept personnes ont été tuées par le Bataillon d’intervention rapide lors d’une opération menée à Bornori en novembre 2014, au moins 30 personnes ont été tuées par l’armée à Achigachiya en janvier 2015 et 17 nouveaux cas de disparition forcéeont été recensés entre avril 2015 et février 2016. Des informations sur les enquêtes et les poursuites auxquelles ont donné lieu ces décès et ces disparitions seraient bienvenues.

14.M. Touzé souhaiterait connaître l’état d’avancement des travaux menés dans le cadre de la révision en cours du Code pénal en vue d’abroger l’articlequi permet à l’auteur d’un viol d’échapper à des sanctions pénales si sa victime accepte de l’épouser. Enfin, il fait observer que les difficultés économiques considérables invoquées par l’État partie ne le dispensent pas de l’obligation de chercher des solutions pour améliorer la situation dans les lieux de détention, qui est extrêmement préoccupante. Il aimerait donc savoir quelles mesures les autorités camerounaises pourraient prendre, compte tenu des ressources limitées dont elles disposent, pour améliorer progressivement les conditions de détention et réduire le surpeuplement carcéral.

15.M.  Bruni relève que les affaires de présentation tardive de suspects à un juge et de prolongation injustifiée de la détention provisoire citées dans le rapport ne semblent avoir abouti qu’à la remise en liberté des intéressés. Il aimerait donc savoir si les responsables de ces détentions abusives ont été jugés et sanctionnés. Notant qu’aucune modification n’a encore été apportée à la législation interne afin d’y incorporer des dispositions garantissant aux personnes démunies l’accès à l’aide juridictionnelle, il demande si les autorités camerounaises ont l’intention de combler cette lacune afin que toutes les personnes, y compris les plus pauvres, puissent être représentées en justice. Il aimerait en outre savoir si les populations des pays voisins qui fuient les exactions de Boko Haram bénéficient d’une protection particulière lorsqu’elles arrivent dans l’État partie. Enfin, compte tenu des problèmes aigus de surpeuplement carcéral que connaît encore le pays et sachant qu’en 2016, la question des peines de substitution était à l’étude, M. Bruni aimerait savoir si des mesures concrètes de ce type ont été prises ou sont envisagées afin de désengorger les prisons.

16.M me  Racu relève que la pratique des mutilations génitales féminines n’a pas encore été complètement éradiquée dans le pays, en particulier dans certaines zones reculées où, dans certaines communautés, le nombre de femmes et de filles ayant subi ces mutilations atteint 20 %, alors que la moyenne nationale s’établit à 1,4 %. La délégation voudra bien décrire en détail le nouveau plan de lutte contre les mutilations génitales féminines évoqué dans sa déclaration liminaire ainsi que les autres mesures prises pour combattre cette pratique, et donner des statistiques sur les enquêtes ouvertes et les poursuites pénales engagées en application des dispositions du Code pénal réprimant les mutilations génitales féminines qui ont été adoptées en 2016.

17.Compte tenu des informations nombreuses montrant que 84 % des mineurs en conflit avec la loi sont placés en détention provisoire, où ils sont généralement maintenus pendant huit à douze mois, et ce dans des conditions particulièrement difficiles du fait du manque de nourriture, de l’absence d’eau courante et des possibilités quasiment inexistantes de formation et d’apprentissage, Mme Racu souhaiterait des informations récentes sur les initiatives prises pour améliorer les conditions de détention des mineurs et pour instaurer des peines de substitution à la privation de liberté.