NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.453

4 décembre 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*

DE LA 453ème SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mercredi 22 novembre 2000, à 15 heures

Président : M. GONZÁLEZ POBLETE

puis : M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Conclusions et recommandations concernant le troisième rapport périodique du Canada (suite)

Troisième rapport périodique du Guatemala (suite)

________________

*Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.453/Add.1.

________________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

GE.00-46341 (F)

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Conclusions et recommandations concernant le troisième rapport périodique du Canada (suite) (CAT/C/34/Add.13) (CAT/C/XXV/Concl. 4)

1.Sur l'invitation du Président, la délégation canadienne reprend place à la table du Comité.

2.Mme GAER (Rapporteur pour le Canada) donne lecture des conclusions et recommandations du Comité concernant le troisième rapport périodique du Canada (CAT/C/XXV/Concl. 4), dont le texte est le suivant :

"1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Canada (CAT/C/34/Add.13) à ses 446ème, 449ème et 453ème séances, tenues les 17, 20 et 22 novembre 2000 (CAT/C/SR.446, 449 et 453) et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

I. Introduction

2.Le Comité se félicite du troisième rapport périodique du Canada qui, bien qu'il ait été soumis avec trois ans de retard, est conforme aux directives concernant l'élaboration des rapports périodiques des États parties. Le Comité accueille avec un grand intérêt les statistiques détaillées et les autres renseignements communiqués conformément aux demandes qu'il a formulées durant l'examen du deuxième rapport périodique. Le Comité se félicite du dialogue constructif instauré avec la délégation et des réponses franches et directes faites par la délégation aux questions soulevées par le Comité, y compris des documents écrits qui lui ont été communiqués.

3.Le Comité est également satisfait que l'État partie ait donné l'assurance qu'il accordera tout le sérieux voulu aux demandes faites par le Comité concernant l'adoption de mesures provisoires dans des cas individuels, conformément à l'article 22. Le Comité rappelle que l'État partie lui a demandé de revoir ses méthodes de travail pour éviter toute prorogation des délais pour l'examen des plaintes individuelles. Le Comité souligne une fois de plus que les délais prévus par son règlement intérieur sont établis pour permettre aux États parties de soumettre des réponses complètes aux allégations les mettant en cause et au Comité de procéder à un examen en profondeur.

II. Aspects positifs

4.Le Comité se félicite des mesures ci‑après :

a)La protection juridique très vaste contre la torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui est assurée dans l'État partie et les efforts déployés par les autorités pour garantir la transparence de ses institutions et de ses pratiques;

b)L'entrée en vigueur d'un nouveau texte législatif, la loi relative aux crimes contre l'humanité et aux crimes de guerre, qui tend à surmonter un grand nombre des obstacles à l'engagement de poursuites à l'encontre des personnes accusées de tels crimes, qui se sont présentés dans l'affaire Finta, et la ratification du statut de la Cour pénale internationale;

c)L'examen systématique depuis décembre 1999 de toutes les allégations mettant en cause des personnes impliquées dans un génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité;

d)Le dépôt d'un projet de loi en vertu duquel les critères régissant l'octroi d'une protection au titre du statut de réfugié comprendront les motifs énoncés dans la Convention;

e)La nomination d'un enquêteur correctionnel, indépendant du service correctionnel, agissant en qualité d'ombudsman chargé d'enquêter sur les problèmes des détenus des établissements correctionnels fédéraux, et la création d'une division des droits de l'homme au sein du service correctionnel du Canada pour collaborer à l'analyse et à l'évaluation des politiques et des pratiques et renforcer une culture des droits de l'homme;

f)L'établissement d'une stratégie nationale sur les mesures correctives et autres concernant les aborigènes prises pour remédier aux désavantages sociaux et économiques historiques de la population autochtone;

g)La politique de l'État partie tendant à solliciter l'avis d'organisations non gouvernementales pour établir ses rapports au Comité, et le fait qu'il a donné l'assurance que "les critiques et les préoccupations" manifestées par ces organisations seront expressément prises en compte par l'État partie dans son prochain rapport;

h)L'accroissement de la contribution de l'État partie au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture et la poursuite de l'aide aux centres nationaux de réadaptation pour les victimes de la torture.

III. Sujets de préoccupation

5.Le Comité se déclare préoccupé par ce qui suit :

a)Les allégations faisant état d'actes contraires à la Convention, y compris l'utilisation inappropriée d'aérosols au gaz poivré et de la force par la police pour disperser les manifestations et rétablir l'ordre, notamment lors des manifestations contre l'APEC en 1997;

b)Les allégations selon lesquelles les femmes détenues ont été traitées durement et abusivement par les autorités de l'État partie, et le fait que de nombreuses recommandations du rapport Arbour ne sont pas encore appliquées;

c)Les allégations concernant le recours à une force excessive et l'administration de substances sédatives pour expulser les déboutés du droit d'asile;

d)La surreprésentation des membres de la population aborigène dans les prisons au sein de l'ensemble du système de justice pénale de l'État partie;

e)Le fait que l'État partie dans les moyens avancés devant les tribunaux, dans ses politiques et ses pratiques considère que toute personne réputée être un criminel endurci ou dangereuse pour la sécurité peut être renvoyée dans un autre État même s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture, ce qui va à l'encontre du caractère absolu des dispositions du paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention;

f)L'évaluation du risque pour la société, sans entretien ni transparence, est entreprise avant la procédure de détermination du statut de réfugié, et, si une personne est considérée comme faisant peser un risque sur la sécurité, elle ne peut prétendre à ce que son cas soit examiné en profondeur dans le cadre de la procédure normale de détermination du statut de réfugié. En outre, le Comité note qu'actuellement l'appréciation du risque pour la sécurité et de l'existence de motifs d'ordre humanitaire relève du même organisme gouvernemental; le Comité se déclare aussi préoccupé par l'absence présumée d'indépendance des décideurs, ainsi que par la possibilité qu'une personne puisse être expulsée même lorsqu'une demande de révision de son cas pour des motifs d'ordre humanitaire est en cours d'examen, ce qui peut constituer des obstacles à l'effet utile des recours visant à protéger les droits énoncés au paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention;

g)Le fait que des mesures adéquates n'ont pas été prises en ce qui concerne les violations des normes de la Convention prescrites par le paragraphe 1 de l'article 7;

h)Nonobstant le nouveau projet de loi relative aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité et les assurances données par l'État partie, la possibilité qu'une personne accusée de torture puisse encore invoquer un certain nombre de moyens de défense qui lui permettraient de bénéficier de l'immunité, notamment qu'il fait l'objet de poursuites à l'étranger aux fins de le dégager de toute responsabilité pénale; que l'infraction a été commise conformément à la loi en vigueur à l'époque ou que l'accusé avait une motivation autre qu'une intention inhumaine.

IV. Recommandations

6.Le Comité recommande à l'État partie :

a)De respecter pleinement les dispositions du paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention interdisant de renvoyer une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture, que la personne mise en cause soit ou non un criminel dangereux ou fasse ou non peser un risque sur la sécurité;

b)D'accroître l'effet utile des recours pour protéger les droits prévus par le paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention. Prenant note des assurances selon lesquelles le nouveau projet de loi sur l'immigration et les réfugiés prévoit une évaluation des risques avant toute expulsion "dont peuvent bénéficier toutes les personnes faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion", le Comité encourage l'État partie à veiller à ce que le nouveau projet de loi permette un examen en profondeur par un organe indépendant des recours, y compris ceux émanant de personnes déjà considérées comme faisant peser des risques sur la sécurité. Le Comité demande instamment à l'État partie de veiller à ce que les obstacles à la pleine application de l'article 3 soient levés, afin que la possibilité soit donnée à toute personne mise en cause de faire valoir ses arguments avant qu'une décision concernant le risque qu'elle ferait peser sur la sécurité ne soit prise, et que des évaluations fondées sur des motifs d'ordre humanitaire soient faites sans exiger le paiement de droits par une personne qui demande une protection;

c)D'engager des poursuites à l'encontre de toute personne accusée d'avoir commis des actes de torture dans un territoire sous sa juridiction lorsqu'il n'extrade cette personne et lorsque des éléments de preuve les justifient, et avant toute expulsion;

d)De supprimer dans la législation en vigueur les moyens de défense permettant à une personne accusée d'actes de tortures de bénéficier d'une immunité;

e)D'envisager la création d'un nouvel organe d'enquête chargé de recevoir et d'examiner les plaintes concernant la Convention, telles que celles portant sur les sujets de préoccupation cités ci‑dessus, y compris les allégations relatives à des membres de la population autochtone;

f)De poursuivre et d'améliorer les cours de formation destinés au personnel militaire concernant les normes prescrites par la Convention et les questions portant sur les droits de l'homme, y compris celles relatives à tout traitement discriminatoire;

g)De soumettre son quatrième rapport périodique, qui devait être présenté en juillet 2000, dans les meilleurs délais possibles."

3.M. JEWETT (Canada) dit que le Canada présentera très prochainement le quatrième rapport périodique, dans lequel seront traitées les questions des membres du Comité auxquelles il n'a pas encore été répondu. La délégation canadienne souhaiterait des détails concernant la recommandation e) visant à ce que soit créé un nouvel organe d'enquête sur des plaintes relatives à des violations de la Convention car ce point n'a pas été discuté lors de l'examen du troisième rapport périodique. Elle remercie le Comité de la diligence avec laquelle il a rédigé ses conclusions et recommandations.

4.Le PRÉSIDENT remercie la délégation canadienne des réponses qu'elle a fournies au Comité.

5.La délégation canadienne se retire.

La séance est suspendue à 15 h 15; elle est reprise à 15 h 30.

6.M. BURNS prend la présidence.

Troisième rapport périodique du Guatemala (suite) (CAT/C/49/Add.2)

7.Sur l'invitation du Président, la délégation guatémaltèque reprend place à la table du Comité.

8.Le PRÉSIDENT invite la délégation guatémaltèque à répondre aux questions du Comité.

9.M. GODOY MORALES (Guatemala) dit que la délégation a pris bonne note des questions posées par le Comité et qu'elle s'efforcera d'y répondre de son mieux. Le Comité s'est montré préoccupé par la décision prise par le Congrès de la République visant à ce que la peine de mort puisse être désormais appliquée dans les cas d'enlèvement suivi de la mort de la victime, qui constitue pour lui une violation du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention américaine relative aux droits de l'homme. Ayant rappelé que, en vertu de l'article 46 de la Constitution, les traités internationaux auxquels le Guatemala est partie l'emportent sur le droit interne, M. Godoy Morales annonce que, le 31 octobre 2000, la Cour constitutionnelle a annulé cette décision pour incompatibilité avec le paragraphe 2 de l'article 4 de la Convention américaine relative aux droits de l'homme. Cette décision devrait être conforme aux attentes du Comité.

10.Les réserves formulées par le précédent gouvernement à la Convention interaméricaine sur les disparitions forcées des personnes en se fondant sur l'article 27 de la Constitution ne revêtent pas un caractère définitif et le gouvernement actuel est disposé à envisager leur retrait, d'autant plus qu'il estime, contrairement au gouvernement précédent, que l'article 27 de la Constitution ne peut être utilisé comme justification à la formulation de ces réserves.

11.Certains membres du Comité ont relevé qu'il existait une divergence entre l'article 425 du Code pénal ("Actes illégitimes contre des particuliers") et l'article 201 bis du même Code, qui qualifie le délit de torture. Le législateur guatémaltèque étant soucieux de définir, dans le droit interne, le délit de torture comme il l'est à l'article premier de la Convention, les autorités réfléchiront à la possibilité de supprimer le terme "torture" dans l'article 425 et d'améliorer l'article 201 bis pour y inclure tous les éléments contenus à l'article premier de la Convention.

12.La Commission présidentielle des droits de l'homme ayant jugé souhaitable que le Gouvernement fasse les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention, celui‑ci a engagé un processus de consultations, par l'intermédiaire du Ministère des affaires étrangères; une décision définitive sur la question n'a cependant pas encore été prise. Une telle décision serait de toute façon conforme à l'Accord général relatif aux droits de l'homme et aux accords de paix.

13.Si les autorités ont lancé un programme de construction de 12 établissements pénitentiaires, c'est pour remédier à la vétusté des prisons actuelles et pour mieux donner effet aux dispositions internationales en matière de traitement des détenus, et non pas parce qu'elles redoutent une augmentation de la criminalité ou font de la répression une priorité. Les droits des détenus sont garantis par la Constitution et par la législation. La construction de quartiers de haute sécurité est un fait nouveau au Guatemala, qui s'explique par l'ampleur inquiétante que revêt le crime organisé (trafic de stupéfiants et contrebande notamment) et par les lourdes conséquences sociales qu'il entraîne. Dans ces quartiers, les détenus peuvent toutefois pratiquer une activité physique, recevoir des visites et suivre des cours. Un registre est tenu dans chaque établissement pénitentiaire, où sont consignées les entrées des détenus. Cependant, aucun médecin n'est présent lors des admissions pour constater d'éventuelles marques de torture ou de mauvais traitements. Depuis 1999, conformément à un accord conclu entre la Mission des Nations Unies pour la vérification des droits de l'homme au Guatemala (MINUGUA) et la Direction générale du système pénitentiaire, il a été décidé de moderniser le système de tenue des registres pour y faire figurer des détails plus complets sur chaque détenu (âge, origine géographique, etc., à l'exclusion d'informations concernant l'origine ethnique qui pourraient être utilisées à des fins de discrimination). Les détenus séropositifs sont incarcérés dans des pavillons séparés. Les seules données chiffrées dont dispose la délégation concernent le nombre des femmes détenues qui, au 1er août 2000, étaient de 355 (163 condamnées et 192 prévenues) réparties dans 17 centres pénitentiaires. Les prisons pour femmes et quartiers réservés aux femmes dans les centres de détention provisoire sont surveillés par des gardiennes. Il n'existe pas actuellement de système de surveillance des actes de violences sexuelles commis en prison. Par contre, le Procureur aux droits de l'homme a créé, en 1998, un Service du défenseur des prisonniers et des droits de la défense dont la tâche principale consiste à examiner les violations des droits fondamentaux des détenus. Ce service est également chargé de veiller à ce que les autorités judiciaires et pénitentiaires respectent les lois et les règlements et de surveiller les conditions de détention, en organisant des visites régulières ou ponctuelles lorsqu'une plainte est déposée par un détenu. Les détenus peuvent aussi déposer une plainte auprès du Procureur aux droits de l'homme ou charger un parent de cette démarche s'ils craignent de la faire eux‑mêmes. L'école des études pénitentiaires, qui a ouvert ses portes en 1999, a pour objectif de professionnaliser le personnel pénitentiaire; son cours inaugural intitulé "La santé dans les prisons" a porté sur les soins de santé aux détenus. La question de la santé en prison est abordée dans sa globalité et non pas sous l'angle de la torture ou des mauvais traitements. S'il est arrivé que des fonctionnaires soient sanctionnés pour avoir infligé des lésions corporelles ou abusé de leur autorité, aucun membre du personnel pénitentiaire n'a jamais été condamné pour acte de torture sur un détenu.

14.Les seules statistiques disponibles du nombre de cas de torture n'ont pas été fournies par des sources officielles, mais par la MINUGUA, dont les 16 bureaux répartis dans les 22 départements reçoivent des plaintes de particuliers. La MINUGUA constitue des dossiers qu’elle envoie à la Commission présidentielle de coordination de la politique du pouvoir exécutif en matière de droits de l'homme (COPREDEH). Puis, cette dernière organise des réunions avec des fonctionnaires de la police, du ministère public, des organes judiciaires et du département de médecine légale, à qui sont distribuées des copies des dossiers. Par la suite, c'est à la COPREDEH qu'il incombe de vérifier si des sanctions et des mesures disciplinaires sont prononcées contre les responsables dans les cas où il est établi qu'il y a eu torture. Les rapports les plus récents de la MINUGUA font état d'une augmentation du nombre de plaintes pour torture mais très peu d'affaires sont actuellement pendantes devant le ministère public.

15.La plupart des cas d'enfants de la rue victimes d'exactions de la part de la police dénoncés par l'organisation non gouvernementale Casa Alianza dans son rapport sont examinés par la Commission interaméricaine des droits de l'homme. Le Gouvernement guatémaltèque a reconnu sa responsabilité dans six affaires et le 13 octobre 2000 des représentants de la COPREDEH se sont rendus au Costa Rica, siège de cette organisation régionale pour régler ces affaires à l'amiable et établir le montant des indemnités que l'État guatémaltèque devra verser aux six plaignants. À cette occasion, un accord de règlement amiable a été conclu avec Casa Alianza, qui a pour objectif de relancer les enquêtes qui n'ont pas abouti, afin de rendre leur dignité aux victimes et d'assurer la réparation voulue.

16.En ce qui concerne la question de l'impunité, il est vrai que pendant les 36 années de guerre civile qu'a connues le Guatemala, un assez grand nombre de lois d'amnistie ont été promulguées, de sorte que presque toute cette période est couverte par des amnisties. Il existe aussi une forme d'amnistie découlant des accords de paix. La loi sur la réconciliation nationale, qui a été approuvée par le Gouvernement et l'armée et supervisée par des organisations non gouvernementales, prévoit l'extinction de la responsabilité pénale concernant les infractions commises pendant la guerre par les deux parties au conflit, à l'exception des crimes imprescriptibles comme les crimes contre l'humanité. C'est cette loi qui est en vigueur actuellement, et elle est bien différente des lois d'"auto-amnistie" qui ont été promulguées après chaque régime de facto.

17.Il a été demandé si le Gouvernement guatémaltèque était disposé à accepter que le délit de torture couvre aussi la disparition forcée, selon l'interprétation d'Amnesty International. La disparition forcée est particulièrement cruelle pour la victime et sa famille. Il n'y a guère de famille au Guatemala qui ait été épargnée et M. Godoy Morales lui-même a été touché, l'un de ses frères est porté disparu depuis 1979 et un autre a été enlevé et tué en 1982. Cela étant, la définition élargie d'Amnesty International ne peut être acceptée pour la qualification du délit de torture, car l'intention qui sous-tendait les disparitions forcées à l'époque des conflits n'était pas de faire souffrir la famille du disparu. En outre, dans le cadre des accords de paix, le Gouvernement a qualifié la disparition forcée de délit en droit pénal et s'est engagé à promouvoir le projet de convention internationale relative à la prévention et à la répression des disparitions forcées. La disparition forcée est donc une question à part qui relève essentiellement des instruments qui y sont spécifiquement consacrés. Pour ce qui est du nombre de disparus, la Commission andine de juristes indiquait il y a quelques années que les disparitions forcées ont commencé au Guatemala à partir de 1966, ce qui est vrai. Il y a donc un nombre incalculable de disparus depuis cette époque et les estimations sont en deçà de la réalité. Cette incertitude pourra cependant bientôt commencer à être dissipée car, tout récemment, le Congrès a accepté l'un des projets de la Commission de la vérité (Comisión para el esclarecimiento histórico), à savoir la création de la Commission pour la paix et la concorde (Comisión por la paz y la concordia). Grâce à cette création, le programme national d'indemnisation et le programme national de recherche de disparus vont pouvoir être lancés.

18.Afin de répondre aux préoccupations du Comité concernant l'usage de la force par les agents de l'État, la Commission présidentielle de coordination de la politique du pouvoir exécutif en matière de droits de l'homme proposera au Gouvernement de modifier l'article 201 bis du Code pénal de manière à reprendre la définition de la torture donnée dans la Convention et à éliminer ainsi toute ambiguïté. En ce qui concerne la protection des témoins, il existe un plan établi par le ministère public. Ce plan a été appliqué dans une affaire de massacre, auquel ont pu venir témoigner sans risque pour leur vie deux personnes qui avaient participé à ces crimes. À la suite de leurs dépositions des mandats d'arrêt ont été décernés contre des militaires, mais ces mandats n'ont malheureusement pas encore été exécutés. Toutefois le plan de protection des témoins ne bénéficie pas de ressources suffisantes ou bien les procureurs eux‑mêmes ne voient pas la nécessité de le mettre en œuvre. Il reste en effet encore beaucoup à faire dans le domaine de la sensibilisation et de la formation des procureurs, afin qu'ils prennent conscience de la nécessité de protéger les témoins dans bon nombre d'affaires.

19.M. GONZÁLEZ POBLETE (Rapporteur pour le Guatemala) se félicite de l'accueil favorable réservé aux propositions du Comité concernant la mise en conformité de la législation de l'État partie avec la définition de la torture telle qu'elle figure à l'article premier de la Convention. Il tient à préciser que quand la MINUGUA signale des violations avérées, c'est après avoir vérifié des actes de torture dénoncés. Ainsi dans son onzième rapport (A/55/174), elle indique avoir vérifié après investigations, 13 cas et a pu déterminer que 12 étaient fondés.

20.M. RASMUSSEN (Corapporteur pour le Guatemala) se félicite de la création d'un groupe de travail spécial sur les menaces et les intimidations, phénomène grave qui fait partie de la réalité guatémaltèque. Par exemple, après le meurtre de l'évêque Gerardi, plusieurs personnes qui travaillaient pour le bureau de l'évêché ont dû quitter le pays à la suite de menaces de mort. Il est d'avis que la loi de réconciliation nationale qui, selon M. Godoy Morales, se rapproche d'une loi d'amnistie, est incompatible avec la Convention. En effet, l'État partie a l'obligation de faire poursuivre les auteurs d'actes de torture, lesquels ne peuvent en aucun cas faire l'objet d'une amnistie.

21.Se référant au meurtre de l'anthropologue Myrna Mack, dont les auteurs ont été jugés en 1993 (voir par. 145 du rapport), M. Rasmussen voudrait savoir si les trois officiers de l'armée accusés d'être les auteurs intellectuels de cet assassinat mais non encore jugés sont libres, ou s'ils sont en détention provisoire, sept ans après la condamnation de l'auteur matériel.

22.M. GODOY MORALES (Guatemala) répond que le Gouvernement ne conteste pas la validité des enquêtes réalisées par la MINUGUA, même si les chiffres de la MINUGUA ne sont pas officiels. La loi sur la réconciliation nationale est conforme à la Convention car elle fait de la torture un crime imprescriptible. Les auteurs de ce type de crime ne pourront donc jamais échapper à des poursuites.

23.Pour ce qui est de l'affaire Mack, la COPREDEH a conclu un "accord d'unification des volontés" avec les plaignants et leur représentant, dans le cadre du système interaméricain, en application duquel notamment une nouvelle demande de renseignements a été présentée au Ministère de la défense, qui avait refusé de les communiquer lors de la première instruction en invoquant la raison d'État, et une commission de vérification de la régularité de la procédure a été créée. La COPREDEH s'est engagée à rendre la Cour Suprême et la Cour constitutionnelle attentives à l'incidence qu'auraient sur le plan international de nouveaux atermoiements dans le traitement de cette affaire, qui a déjà accumulé un retard excessif. Ces démarches se sont soldées par un nouveau refus de la part du Ministère de la défense; quant à la Cour suprême, elle a décidé d'accorder un amparo tandis que la Cour constitutionnelle a rejeté des recours des militaires inculpés. C'est pourquoi, lors de la récente audition des plaignants et de leur représentant par la Commission interaméricaine des droits de l'homme, la COPREDEH a dit qu'elle ne s'opposerait pas à ce que l'affaire soit portée devant la Cour interaméricaine des droits

de l'homme car la fin de non‑recevoir du Ministère de la défense aurait des conséquences sur la décision finale des juges. Les trois militaires soupçonnés d'être les auteurs intellectuels de l'assassinat sont toujours en liberté mais ils ne sont plus en service dans l'armée depuis quelques années.

24.La délégation guatémaltèque se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 16 h 25.

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