NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.75217 janvier 2007

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 752e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genèvele vendredi 24 novembre 2006, à 10 heures

Président: M. MAVROMMATIS

SOMMAIRE

QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES

PRÉSENTATION DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

PROJET D’OBSERVATION GÉNÉRALE No 2 CONCERNANT L’APPLICATION DE L’ARTICLE 2 DE LA CONVENTION (suite)

CLÔTURE DE LA SESSION

La séance est ouverte à 10 h 10.

QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (point 4 de l’ordre du jour)

Rapports devant être examinés aux trente‑huitième et trente‑neuvième sessions et confirmation de la désignation des rapporteurs et corapporteurs par pays

1.Le PRÉSIDENT indique que, conformément au tableau soumis aux membres du Comité (document sans cote distribué en séance, en anglais seulement), la liste des pays dont les rapports seront examinés en mai 2007 à la trente-huitième session du Comité a été fixée et les rapporteurs et corapporteurs pour les pays concernés ont été désignés comme suit: pour l’Italie, Mme Sveaass et M. Mariño Menéndez; pour l’Ukraine, Mme Gaer et M. Kovalev; pour le Danemark, M. Grossman et M. Wang Xuexian; pour les Pays-Bas, lui-même et Mme Sveaass; pour le Luxembourg, M. Camara et Mme Belmir; pour la Pologne, M. Grossman et M. Gallegos Chiriboga; et pour le Japon, M. Mariño Menéndez et M. Kovalev.

2.À sa trente‑neuvième session, en novembre 2007, le Comité sera saisi des rapports des pays ci-après, dont les rapporteurs et corapporteurs respectifs seront les membres du Comité dont le nom suit: pour la Norvège, M. Mariño Menéndez et M. Wang Xuexian; pour l’Estonie, Mme Sveaass et M. Kovalev; pour le Portugal, M. Mariño Menéndez et M. Camara; pour l’Australie, M. Mavrommatis et M. Gallegos Chiriboga; pour le Bénin, Mme Belmir et M. Gallegos Chiriboga; pour l’Ouzbékistan, Mme Gaer et M. Kovalev; et pour la Lettonie, M. Grossman et Mme Sveaass.

3. Il en est ainsi décidé.

Projet de propositions adressées au Groupe de travail chargé de l’harmonisation des méthodes de travail des organes conventionnels (document sans cote distribué en salle, en anglais seulement)

4.Le PRÉSIDENT se félicite du document de synthèse établi par Mme Gaer, qui rend bien compte des propositions du Comité concernant l’harmonisation des méthodes de travail des organes conventionnels, en particulier la proposition novatrice concernant la tenue, à titre expérimental, de réunions auxquelles des membres de divers comités pourraient examiner conjointement des communications et effectuer un suivi des mesures provisoires recommandées aux États parties. Étant donné que le projet à l’examen ne porte pas sur des questions nécessitant une discussion approfondie et compte tenu du peu de temps dont le Comité dispose, le Président propose aux membres de l’adopter sans en débattre.

5. Il en est ainsi décidé.

6.M. MARIÑO MENÉNDEZ, rappelant l’importance pour le Comité des activités du Conseil des droits de l’homme et la nécessité d’éviter des chevauchements entre les travaux de cet organe et ceux des organes conventionnels, prie le secrétariat de tenir les membres du Comité informés de toute activité du Conseil susceptible de les intéresser.

7.Mme BELMIR souhaiterait savoir s’il existe une compilation de la jurisprudence des comités en matière de communications individuelles.

8.Mme MORALES (Secrétaire du Comité) indique que l’équipe des requêtes a déjà compilé toutes les constatations du Comité des droits de l’homme sur les communications et, actuellement, elle rassemble celles du Comité contre la torture. Lorsqu’elle aura achevé cette tâche, elle entreprendra de réunir toute la jurisprudence du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, l’objectif étant de publier chaque année un recueil de toutes les décisions prises par ces trois organes. En outre, le secrétariat s’emploie actuellement à compiler les observations finales de tous les organes conventionnels pour l’année 2005, en les regroupant par État partie et non plus par comité.

9.Le PRÉSIDENT signale que, le Protocole facultatif à la Convention étant entré en vigueur, le sous-comité dont la création est prévue par cet instrument devrait se réunir pour la première fois début 2007. Rappelant la teneur des directives concernant le Protocole facultatif adoptées par le Comité (A/58/44, par. 14), le Président dit que le secrétariat devrait prendre contact avec le sous‑comité dès que ses membres auront été élus et l’inviter à tenir des réunions conjointes avec le Comité contre la torture le plus tôt possible, de façon à nouer d’emblée des liens de collaboration étroits et fructueux avec le futur organe.

PRÉSENTATION DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour)

10.Mme MORALES (Secrétaire du Comité) invite les membres du Comité à examiner le tableau qui leur a été soumis (document sans cote distribué en salle, en anglais seulement) et à se prononcer sur les dates proposées par les rapporteurs concernant la présentation des futurs rapports périodiques des États parties dont le rapport a été examiné à la session en cours.

11.Le PRÉSIDENT tient à rappeler que, lors de ses précédentes sessions, le Comité a longuement débattu de la question des retards accumulés par certains États parties dans la présentation de leurs rapports et qu’il a décidé que, lorsqu’un État partie lui avait donné des réponses orales satisfaisantes sur la période non couverte par son rapport, un délai supplémentaire pouvait lui être accordé pour la présentation du rapport suivant, étant entendu que l’intervalle de temps entre l’examen du précédent rapport et la présentation du suivant ne devait en aucun cas dépasser quatre ans.

12.À l’issue d’un échange de vues auquel participent Mme MORALES (Secrétaire du Comité), Mme GAER, M. CAMARA et M. MARIÑO MENÉNDEZ, le PRÉSIDENT dit que la Hongrie, la Fédération de Russie et le Mexique devront présenter leur cinquième rapport périodique avant le 31 décembre 2010 et que le Guyana, le Burundi et le Tadjikistan devront soumettre leur deuxième rapport périodique avant le 31 décembre 2008, tandis que l’Afrique du Sud devra présenter son deuxième rapport périodique avant le 31 décembre 2009.

13. Il en est ainsi décidé.

PROJET D’OBSERVATION GÉNÉRALE No 2 CONCERNANT L’APPLICATION DE L’ARTICLE 2 DE LA CONVENTION (CAT/C/GC/2/CRP.1/Rev.1) (suite)

14.Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à examiner en première lecture le projet d’observation générale concernant l’application de l’article 2 de la Convention contenu dans le document CAT/C/GC/2/CRP.1/Rev.1. Ce projet est une synthèse de deux documents de travail examinés par le Comité à ses précédentes sessions (CAT/C/GC/2/CRP.1 et CAT/C/36/CRP.3).

15.Mme GAER (Rapporteuse pour le projet d’observation générale), présentant le projet dans ses grandes lignes, dit qu’il a pour objet de préciser la portée de l’article 2 de la Convention. En vertu de cet article, les États parties sont tenus de prendre des mesures efficaces pour prévenir la torture. Elle rappelle que lors des travaux préparatoires de la Convention, une proposition de la Suède qui visait à conférer aux États parties l’obligation de garantir l’absence de tout acte de torture sur leurs territoires respectifs avait suscité de vifs débats. Les parties contractantes avaient finalement jugé plus réaliste d’exiger des États parties qu’ils prennent des mesures efficaces pour prévenir la torture. Par conséquent, l’obligation énoncée à l’article 2 n’est que de moyens mais elle n’en demeure pas moins au cœur du dispositif de lutte contre la torture que vise à mettre en place la Convention. Dans ce cadre, le but principal du projet d’observation générale à l’examen est d’étendre l’obligation de prévention de la torture énoncée à l’article 2 aux traitements cruels, inhumains ou dégradants bien que cette catégorie d’actes ne soit pas expressément visée par cet article. À cet effet, les deux premiers paragraphes du projet rappellent que les dispositions de la Convention découlent de normes impératives de droit international coutumier et qu’elles sont, à ce titre, susceptibles d’une interprétation extensive. La pratique milite en faveur d’une telle interprétation car les circonstances à la base de la torture et celles qui sous‑tendent les traitements cruels inhumains ou dégradants sont souvent similaires. En outre, les traitements cruels, inhumains ou dégradants étant en eux‑mêmes susceptibles de déboucher sur des actes de torture, le projet souligne la nécessité de prévenir à la fois les uns et les autres. En conclusion, Mme Gaer souhaite que le Comité examine le projet en première lecture le plus rapidement possible et sollicite les vues des États parties sur la question avant d’adopter le document en seconde lecture à sa prochaine session.

16.M. MARIÑO MENÉNDEZ (Corapporteur pour le projet d’observation générale), tout en souscrivant à la présentation de Mme Gaer, aurait aimé que le projet fasse référence de manière plus explicite aux normes impératives du jus cogens. Il serait en effet utile de rappeler aux États parties que les dispositions de la Convention, notamment le principe de l’interdiction de la torture énoncé à l’article premier, découlent de cette catégorie particulière de règles de droit international et ont donc une portée universelle. La question de l’application de l’article 2 de la Convention dans le cadre de conflits armés aurait également pu être abordée dans le projet. Cela dit, M. Mariño Menéndez appuie le projet d’observation générale dans son ensemble. Notant les grandes attentes qu’il suscite au sein de la communauté internationale et parmi les organisations non gouvernementales, il souhaite qu’il soit adopté le plus rapidement possible.

17.Mme GAER (Rapporteuse pour le projet d’observation générale) dit qu’il ne lui semble pas nécessaire de se référer expressément aux normes du jus cogens et considère que l’évocation des normes impératives de droit coutumier, dans la seconde phrase du paragraphe, suffit amplement.

18.M. CAMARA fait observer que dans son observation générale sur l’article 3, le Comité n’avait pas jugé utile de se référer aux traitements cruels, inhumains ou dégradants, préférant s’en tenir aux actes provoquant des «souffrances aiguës» visés à l’article premier. L’esprit de la Convention et la volonté de ses auteurs auraient pourtant pu conduire à faire le choix inverse. Alors qu’il examine le projet d’observation générale en première lecture, le Comité doit énoncer clairement les motifs pour lesquels il estime que l’obligation de prévention de la torture énoncée à l’article 2 de la Convention s’applique également aux traitements cruels, inhumains ou dégradants. Un premier argument milite d’ailleurs dans ce sens. L’article 16 de la Convention prévoit que les obligations énoncées aux articles 10, 11, 12 et 13 sont applicables moyennant le remplacement de la mention de la «torture» par la mention d’autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Notant que cette énumération n’est pas restrictive, M. Camara considère qu’il n’y a pas, a priori, d’obstacle à y inclure l’article 2.

19.Le PRÉSIDENT dit qu’il souscrit au libellé des deux premiers paragraphes du projet d’observation générale et estime qu’il est utile de rappeler que selon l’article premier de la Convention, les deux critères permettant de distinguer la torture des traitements cruels, inhumains ou dégradants sont l’intention qui anime l’auteur de l’acte et la gravité des souffrances infligées.

20.M. MARIÑO MENÉNDEZ (Corapporteur pour le projet d’observation générale) insiste de nouveau sur la nécessité de replacer le projet dans le contexte plus général des normes impératives du jus cogens. Il juge important de rappeler que les dispositions de la Convention découlent de règles impératives de portée universelle, opposables aux États parties à la Convention contre la torture mais également à l’ensemble des États membres de la communauté internationale.

21.Mme GAER (Rapporteuse pour le projet d’observation générale) considère que la Convention contre la torture, en particulier son article 16, justifie en elle-même que l’obligation de prévention efficace soit étendue aux traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il n’est pas nécessaire d’insister davantage sur les normes du jus cogens dès lors que l’obligation de prévention est un élément fondamental du régime mis en place par la Convention. Les circonstances à l’origine de la torture étant souvent les mêmes que celles qui sous‑tendent les traitements cruels, inhumains ou dégradants, il est tout à fait légitime d’attirer l’attention des États parties sur le fait que les mesures de prévention qu’ils sont tenus d’adopter au titre de l’article 2 doivent viser les deux types d’actes.

22.M. GALLEGOS CHIRIBOGA note que les points de vue exprimés par Mme Gaer et M. Mariño Menéndez traduisent deux approches différentes. La première insiste sur la spécificité des dispositions de la Convention et de l’obligation de prévention qui y est énoncée, la seconde, sur l’appartenance de ces dispositions à la catégorie particulière des normes du jus cogens. Ces deux approches semblent toutefois aisément conciliables et M. Gallegos Chiriboga relève d’ailleurs qu’elles mènent à la même conclusion. Aussi, quel que soit le fondement de l’interprétation de l’article 2 de la Convention, c’est la nécessité de prévenir avec une égale vigueur la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants qui doit être soulignée.

23.M. CAMARA souhaite verser au débat un exemple concret: quand le Comité a demandé des précisions à la délégation israélienne, à l’occasion de l’examen de son rapport spécial, au sujet des directives données par les autorités pour les interrogatoires et de l’arrêt rendu à ce propos par la Cour suprême israélienne, la délégation a expliqué que l’article premier de la Convention faisait état de douleurs «aiguës», mais que le guide pour les interrogatoires autorisait les agents de l’État à imposer des douleurs «modérées» pour obtenir des renseignements sur de présumés terroristes. Il s’agit là d’une question de droit pénal général que le Comité ne peut éviter de traiter ici, à savoir les conditions d’exonération de la responsabilité pénale. Ces conditions sont énoncées à l’article 2 de la Convention. Il faudrait que dans ses observations générales, le Comité précise clairement aux États qu’il ne saurait y avoir de causes d’exonération ni pour la torture, ni pour les actes visés à l’article 16.

24.M. MARIÑO MENÉNDEZ (Corapporteur pour le projet d’observation générale) fait observer que, selon l’interprétation de M. Camara, l’article 2 de la Convention dispose qu’aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier des traitements inhumains; rien ne paraît s’opposer à cette affirmation, mais il faut creuser la question. Quelles que soient les circonstances, les États doivent empêcher les traitements inhumains, qui ne peuvent être justifiés ni couverts par l’ordre d’un supérieur.

25.Le PRÉSIDENT dit qu’il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit là de paragraphes d’introduction et que certains des points qui y sont évoqués sont traités plus loin dans le texte. Trois éléments qui se sont dégagés de la discussion méritent d’être repris dans la version future de ce chapitre. Tout d’abord, une référence au droit international général renforcerait cette partie du texte; en second lieu, il faut être prudent et s’en tenir au libellé de la Convention en ce qui concerne la référence croisée à l’article 16; enfin, il faut s’assurer que l’on dispose de suffisamment d’éléments au sujet de l’obligation d’empêcher la torture et les mauvais traitements.

26.Mme GAER (Rapporteuse pour le projet d’observation générale), abordant la section II du projet à l’examen intitulée «Interdiction absolue», déclare que cette section reprend la déclaration adoptée par le Comité en novembre 2001 et adressée dans une lettre à tous les États parties et à laquelle ceux‑ci n’ont fait aucune objection. Au paragraphe 3, il est rappelé que les obligations découlant des articles 2, 15 et 16 sont intangibles: c’est dans la déclaration susmentionnée que le Comité a affirmé pour la première et seule fois qu’il ne peut être dérogé à l’article 16. Le paragraphe 4 du texte à l’examen renforce ce principe en précisant qu’aucune circonstance exceptionnelle, pas même l’état de guerre, ne permet de dérogation; la déclaration susmentionnée précisait déjà que le besoin d’obtenir des informations utiles pour la sécurité publique n’était pas une excuse. Le paragraphe 4 consacre par ailleurs une interprétation très large de la notion de compétence territoriale, que le Comité a déjà donnée lors de l’examen, par exemple, des rapports du Royaume-Uni, des États-Unis ou de la Géorgie. Quant au paragraphe 5, il reprend presque mot pour mot la déclaration adressée par lettre aux États parties en 2001. Il étend en des termes non équivoques le principe de l’intangibilité des obligations aux actes de terrorisme et aux crimes violents.

27.M. MARIÑO MENÉNDEZ (Corapporteur pour le projet d’observation générale) souligne qu’il est très important d’établir d’entrée de jeu le principe de l’interdiction absolue de la torture, en raison même des attaques auxquelles ce principe a été en butte. Une fois établi ce principe fondamental découlant de la pratique, on aborde la question de la compétence territoriale, qui sera traitée en détail au paragraphe 15 à propos de l’applicabilité de la Convention; elle pourrait donc être évoquée plus brièvement au paragraphe 4.

28.La Convention parle de l’état de guerre ou de la menace de guerre: cette terminologie paraît un peu dépassée; il faudrait parler ici de conflits armés, ainsi qu’il a déjà été fait à propos de l’examen des rapports des États-Unis et du Royaume-Uni. Par ailleurs, il est à noter que la présente section revêt une double dimension, à savoir celle des obligations des États parties d’une part et celle des droits de l’homme protégés par ces obligations d’autre part. Ces droits sont évoqués au paragraphe 5, où l’accent est mis sur la personne humaine en tant que telle, sans distinction d’aucune sorte: ces droits intangibles doivent être respectés à l’égard de tous. Et on peut se demander pourquoi l’article 3 de la Convention n’est pas cité au paragraphe 3 du texte proposé, car les droits consacrés par les articles 2, 15 et 16 de la Convention ne revêtent pas le caractère d’intangibilité de l’article 3.

29.Pour M. KOVALEV, cette section de l’observation générale et en particulier le paragraphe 5 sont fort bien rédigés et particulièrement opportuns. Les rapporteurs ont à juste titre abordé la question de la lutte antiterroriste, qui revêt une importance particulière dans le monde actuel.

30.Mme BELMIR loue également la façon dont le paragraphe 5 est rédigé. Elle souhaiterait éventuellement y ajouter un autre élément. En effet, il ressort des rapports de certains États parties que lorsque des actes de torture ont été commis sur ordre et que leurs auteurs n’étaient pas conscients du fait qu’il s’agissait de torture, ceux‑ci sont exonérés de toute responsabilité au motif qu’en droit pénal, la connaissance est très importante dans la détermination de la responsabilité. Serait‑il possible de préciser à la fin du paragraphe 5 que toute exonération fondée sur le fait que l’agent de l’État aurait ignoré qu’il s’agissait de torture est à exclure?

31.M. CAMARA souhaite appeler l’attention sur la question des amnisties intervenant après des violations graves et massives des droits de l’homme, qui aboutissent à exonérer les auteurs de ces actes. Peut‑être faudrait‑il évoquer ici cette pratique, qui tend à se généraliser?

32.Mme SVEAASS estime également que le paragraphe 5 est extrêmement important et rédigé de manière remarquable. Cette section sera certainement lue avec la plus grande attention et c’est pourquoi elle voudrait savoir pour quelle raison il est question de torture et de mauvais traitements partout dans ces paragraphes, sauf en trois endroits où seule la torture est mentionnée: est‑ce parce que le libellé de l’article pertinent de la Convention a été repris?

33.Le PRÉSIDENT souligne que l’article 2 revêt une importance de premier ordre, car il détermine ce qui fait la nature même de la Convention. Il observe aussi que le texte proposé a l’assentiment général, sous réserve de quelques améliorations. Il serait en effet probablement nécessaire de parler des conflits armés; d’autre part, la remarque de Mme Belmir est importante, certains États parties ayant même indiqué que la torture n’était incriminée que si l’auteur savait que ses actes constituaient une infraction, ce qui est contraire au principe selon lequel nul n’est censé ignorer la loi. Enfin, la question de l’amnistie devrait également être évoquée, car c’est l’efficacité de la Convention qui est en jeu.

34.Mme GAER (Rapporteuse pour le projet d’observation générale) remercie les membres du Comité pour leurs utiles suggestions. Parler de conflits armés réglerait en effet la question de la déclaration de guerre ou de la proclamation de l’état d’urgence. En réponse à la question de Mme Sveaass, la Rapporteuse confirme que lorsque seule la torture est mentionnée, c’est que le libellé de la Convention a été repris. À propos des observations de M. Camara au sujet des «douleurs modérées» et de l’amnistie, elle souligne que la jurisprudence du Comité est assez limitée en ces matières. La question de l’amnistie pourrait être amenée dans le paragraphe relatif à la lutte contre l’impunité.

35.M. MARIÑO MENÉNDEZ(Corapporteur pour le projet d’observation générale) souligne, à propos de l’amnistie, que dans la mesure où le Comité élabore une observation qui concerne un instrument universel, il peut aussi tenir compte des évolutions régionales pour interpréter la Convention. La question de l’amnistie a notamment déjà été traitée par des instances américaines de protection des droits de l’homme, qui ont rejeté le principe d’une amnistie à caractère général. Le Comité peut s’appuyer sur ce fait pour évoquer le problème de l’amnistie.

36.Le PRÉSIDENT dit qu’il pourrait par exemple être précisé qu’il ne saurait être porté atteinte aux dispositions relatives à la prévention de la torture par des mesures telles que l’amnistie.

37.Mme GAER (Rapporteuse pour le projet d’observation générale), au sujet de la section III intitulée «Teneur de l’obligation de prendre des mesures efficaces», souligne que le paragraphe 8 du titre A répond sans doute au souci de Mme Belmir en ce sens qu’il appelle l’attention de chacun sur la gravité du crime de torture; on pourrait d’ailleurs y mentionner, outre «les auteurs, les victimes et le public», les agents de l’État et les forces armées. On notera que cette section met fermement l’accent sur le fait que la définition de la torture qui figure dans la Convention donne aux États les moyens d’agir efficacement. Quant au paragraphe 12 du titre B, il est très important car il met en exergue le fait que la prévention est une tâche particulièrement complexe et en constante évolution.

38.M. MARIÑO MENÉNDEZ (Corapporteur pour le projet d’observation générale) dit qu’il pourrait être utile, au paragraphe 7, d’ajouter une remarque sur la difficulté supplémentaire qui se pose en matière d’incorporation de la définition de la torture dans le cas des États fédéraux. Il estime par ailleurs que l’intitulé actuel de l’alinéa b – «Obligation de prévenir les actes de torture commis par des individus» − ne correspond pas au contenu des paragraphes qui s’y rattachent et devrait être reformulé comme suit: «Teneur de l’obligation de prévenir les actes de torture».

39.Le PRÉSIDENT approuve la modification de l’intitulé du titre B proposée par M. Mariño Menéndez.

40.M. KOVALEV, en référence à la dernière phrase du paragraphe 7, dit que de nombreux pays invoquent le fait que leur législation comporte une définition de portée plus large que la définition de la torture telle qu’elle est énoncée à l’article premier de la Convention pour ne pas incorporer cette dernière dans leur ordre juridique interne. Il faudrait par conséquent que le Comité précise que la législation des États parties doit au minimum comporter une définition de la torture conforme à celle énoncée à l’article premier de la Convention, mais que les États parties qui le souhaitent peuvent élargir la portée de cette définition.

41.Mme BELMIR dit que l’incorporation de la définition de la torture est un élément fondamental de l’obligation de prendre des mesures efficaces pour prévenir la torture. Or on constate que, selon les pays, la Constitution et la législation nationale sont plus ou moins explicites quant à l’incorporation des normes internationales dans l’ordre juridique interne et aux modalités d’application de ces dernières. Il conviendrait par conséquent d’ajouter, à la première phrase du paragraphe 6, les mots «autant que possible» après le membre de phrase «veillent à inscrire» pour tenir compte des différences de cadre juridique entre les États parties. Par ailleurs, dans les États parties où la torture n’est pas définie comme une infraction spécifique dans la législation nationale mais comme une circonstance aggravante, l’incorporation de la définition de la torture telle qu’elle est énoncée à l’article premier de la Convention peut poser un problème de dualité de la définition de la torture auquel le Comité devrait être attentif.

42.M. CAMARA est d’avis que la dernière phrase du paragraphe 7 devrait être supprimée car les définitions de portée plus large que la définition de l’article premier de la Convention contribuent dans bien des cas à assurer l’impunité aux auteurs d’actes de torture. Par ailleurs, afin d’établir une jonction juridiquement valable entre l’article premier et l’article 16 de la Convention, le Comité pourrait demander aux États parties de veiller à ce que leur législation prévoie l’application de sanctions à l’encontre des auteurs d’actes visés à l’article 16 et d’instaurer une présomption de culpabilité dans tous les cas où une personne s’étant trouvée entre les mains d’agents de l’État alléguerait des mauvais traitements, sans que le critère de gravité utilisé pour distinguer la torture des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants entre en ligne de compte. Les auteurs présumés devraient en conséquence démontrer que les mauvais traitements allégués par la victime ne sont liés à aucun des motifs visés à l’article premier.

43.Le PRÉSIDENT invite M. Camara à rédiger une proposition dans ce sens et à la transmettre au secrétariat.

44.Mme SVEAASS demande si l’expression «mécanismes judiciaires impartiaux chargés d’inspecter … les lieux de détention» figurant au paragraphe 13 ne devrait pas être étoffée afin que soient également inclus les services des médiateurs.

45.Mme GAER (Rapporteuse pour le projet d’observation générale), abordant la section IV intitulée «Ampleur des obligations de l’État et responsabilité de l’État en vertu de la Convention», dit après avoir donné lecture des paragraphes 15 et 16 que, comme indiqué précédemment par M. Mariño Menéndez, ceux‑ci recoupent partiellement certains paragraphes de la section II et seront remaniés en conséquence. Elle insiste néanmoins sur l’importance de conserver dans le texte final la référence faite au paragraphe 16 à tous les exemples de lieux (prisons, hôpitaux, écoles, etc.) dans lesquels les États parties doivent interdire et prévenir les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en application de l’article 16 de la Convention. Elle donne ensuite lecture des paragraphes 17 et 18, relatifs à l’interdiction de la complicité, et des paragraphes 19 à 23, relatifs à la protection des individus et des groupes rendus vulnérables par la discrimination ou la marginalisation.

46.M. MARIÑO MENÉNDEZ (Corapporteur pour le projet d’observation générale), revenant sur l’interdiction de la complicité, dit que le libellé actuel donne à penser que l’État est complice de ses fonctionnaires lorsque ceux‑ci agissent en violation de la Convention alors qu’il est lui‑même responsable des actes commis par ses fonctionnaires. Des modifications rédactionnelles seront apportées pour clarifier le texte.

47.Le PRÉSIDENT dit qu’il ne reste pas suffisamment de temps pour poursuivre la discussion et invite la Rapporteuse à achever la lecture du projet.

48.Mme GAER (Rapporteuse pour le projet d’observation générale) donne lecture de la section V, relative aux autres mesures de prévention imposées par la Convention et de la section VI, relative aux ordres d’un supérieur.

49.Le PRÉSIDENT dit qu’en vue de la poursuite de l’examen du projet d’observation générale à la trente‑huitième session du Comité, les membres du Comité sont invités à envoyer au secrétariat leurs observations écrites concernant le projet avant la fin du mois de décembre. Les rapporteurs disposeront d’un mois à compter de la réception de ces observations pour les incorporer à leur projet. Le texte ainsi modifié sera alors transmis par le secrétariat aux services de traduction de manière à ce qu’il soit disponible dans les langues de travail du Comité lorsque celui‑ci ouvrira sa trente‑huitième session.

50.Mme GAER (Rapporteuse pour le projet d’observation générale) demande s’il serait possible de soumettre le texte modifié en fonction des observations des membres du Comité aux organisations non gouvernementales et aux États parties afin de recueillir également leurs commentaires.

51.Mme MORALES (Secrétaire du Comité) propose de rendre le projet public après incorporation des observations des membres du Comité et de l’envoyer aux services de traduction sans attendre les commentaires des organisations non gouvernementales et des États parties de façon à garantir que le texte soit disponible dans les différentes langues à l’ouverture de la trente‑huitième session.

52. Il en est ainsi décidé.

CLÔTURE DE LA SESSION

53.Le PRÉSIDENT, dressant un bref bilan de la session, note que le Comité a respecté son programme de travail et mené à bien toutes les principales tâches qu’il s’était fixées, et ce, au prix d’efforts considérables et, toutefois, au détriment d’activités moins prioritaires que l’examen des rapports et des communications et l’élaboration des conclusions et recommandations. Le problème principal étant le manque de temps, le Comité devrait s’efforcer à l’avenir de trouver des moyens de mieux exploiter le temps de réunion dont il dispose.

54. Après un échange de félicitations et de remerciements, le Président prononce la clôture de la trente ‑septième session du Comité contre la torture.

La séance est levée à 12 h 55.

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