NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.545

24 mars 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*

DE LA 545e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,

le jeudi 21 novembre 2002, à 15 heures

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Conclusions et recommandations concernant le rapport initial de l’Estonie

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Conclusions et recommandations concernant le rapport initial de l’Estonie (CAT/C/16/Add.9) (CAT/C/XXIX/Misc.5/Rev.2) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation estonienne reprend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT (Rapporteur pour l’Estonie) donne lecture en anglais des conclusions et recommandations du Comité concernant le rapport initial de l’Estonie, dont le texte est le suivant:

«A. Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’Estonie, quoiqu’il regrette que ce rapport, attendu pour le 19 novembre 1992, ait été présenté avec plus de huit ans de retard. Le Comité reconnaît, à cet égard, les difficultés rencontrées par l’Estonie dans sa transition politique et économique et exprime l’espoir qu’à l’avenir, l’État partie se conformera pleinement aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 19 de la Convention.

Ce rapport, qui traite principalement de dispositions juridiques et manque d’informations détaillées sur la mise en œuvre concrète de la Convention ainsi que sur les difficultés rencontrées à cet égard, n’est pas pleinement conforme aux Directives du Comité concernant l’établissement des rapports. Cependant, le Comité prend acte des réponses approfondies que la délégation a bien voulu donner à ses questions.

B. Aspects positifs

Le Comité note les faits nouveaux positifs suivants:

a)La création du poste de chancelier de justice, qui exerce aussi les fonctions de médiateur;

b)L’abolition de la peine capitale en 1998;

c)Le statut donné à la Convention en droit interne et la possibilité d’appliquer directement la définition de la torture énoncée en son article premier;

d)L’entrée en vigueur, le 1er septembre 2002, du nouveau Code pénal, qui érige la torture en infraction et vise à élaborer un système pénal souple et individualisé, ce qui accroîtra les possibilités de resocialisation des détenus en leur donnant la possibilité de travailler ou d’étudier;

e)L’amélioration des conditions carcérales grâce, en particulier, à la suppression des cellules disciplinaires, à la rénovation des établissements pénitentiaires et à l’ouverture de la nouvelle prison de Tartu, qui sera conforme aux normes internationales reconnues. Le Comité se félicite aussi de l’entrée en vigueur, le 1er décembre 2000, de la loi sur l’emprisonnement, fondée sur les “Règles pénitentiaires européennes”, et de ce que l’on ait donné compétence au Chancelier de justice et aux membres du Bureau de protection sanitaire, conformément au règlement intérieur des prisons de 2000, d’accéder librement à tous les locaux des maisons d’arrêt;

f)La publication des rapports du Comité européen pour la prévention de la torture ainsi que les réponses de l’État partie, qui permettront un débat général des parties intéressées;

g)L’engagement pris par l’État partie de continuer, comme il en a l’habitude, à publier les observations finales des organes conventionnels de l’ONU ainsi que les rapports présentés par l’Estonie à ces organes sur le site Web du Ministère des affaires étrangères;

h)La ratification, le 30 janvier 2002, du Statut de la Cour pénale internationale;

i)L’assurance donnée par l’État partie qu’il sera dûment envisagé de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture.

C. Sujets de préoccupation

Le Comité est préoccupé par les éléments suivants:

a)L’article premier de la Convention n’a pas encore été directement appliqué par les magistrats et, d’une manière générale, l’applicabilité directe des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, quoique possible en théorie, n’est pas d’usage courant;

b)La définition de la torture figurant à l’article 122 du Code pénal, à savoir “des sévices physiques continuels ou des sévices causant une grande douleur”, ne semble pas entièrement conforme à l’article premier de la Convention. Le Comité note que, selon la délégation, l’article 122 protège la santé physique comme la santé mentale, mais il est d’avis que cette formulation risque de conduire à des interprétations restrictives ou d’être source de confusion;

c)Des cas isolés de mauvais traitements à détenus par des agents se produisent encore dans les commissariats de police et les prisons. Bien que la violence, y compris la violence sexuelle, entre les détenus dans les établissements pénitentiaires et entre patients dans les établissements psychiatriques ait diminué, il semble qu’on en recense encore quelques cas. Les conditions de détention dans les maisons d’arrêt anciennes suscitent toujours des préoccupations;

d)La question de savoir si le suspect ou le détenu peut consulter le médecin de son choix, à supposer que la possibilité existe, n’est pas claire. Quoi qu’il en soit, il existe des exceptions légales dont les autorités de police pourraient abuser. D’une manière générale, aucun calendrier précis n’est fixé s’agissant de l’exercice de leurs droits par les personnes placées en garde à vue;

e)En droit estonien, les migrants illégaux et les demandeurs d’asile déboutés peuvent être détenus dans des centres de rétention jusqu’à ce que la décision d’expulsion soit exécutée, et peuvent donc être soumis à de longues périodes de détention lorsque l’expulsion n’est pas exécutoire;

f)Les personnes de nationalité russe ainsi que les personnes apatrides, deux catégories qui se chevauchent, sont surreprésentées dans la population des détenus condamnés;

g)Aucun organe spécifique ne semble être chargé de collecter des données sur les établissements de détention, qu’il s’agisse des maisons d’arrêt, des prisons ou des établissements psychiatriques.

D. Recommandations

Le Comité recommande à l’État partie:

a)D’incorporer dans le Code pénal une définition du crime de torture qui réponde pleinement et clairement à l’article premier de la Convention et de donner aux juges et aux avocats une formation approfondie concernant la teneur de la Convention et son statut en droit interne;

b)De veiller à ce que les responsables de l’application des lois, les personnels judiciaires et médicaux et toute personne qui participe à la garde, à l’interrogatoire, au traitement des détenus ou des patients psychiatriques reçoivent une formation concernant l’interdiction de la torture, et de faire en sorte que les examens qu’ils doivent subir pour être confirmés dans leurs qualifications contiennent un élément portant sur la vérification de leur connaissance des prescriptions de la Convention et une évaluation de leurs antécédents en ce qui concerne le traitement de ces détenus ou patients. Cette formation devrait comporter le développement des aptitudes nécessaires pour être à même de reconnaître les séquelles de la torture;

c)D’assurer une surveillance étroite des violences entre détenus ou entre patients, y compris des violences sexuelles, dans les établissements pénitentiaires et psychiatriques, aux fins de prévention de ces violences;

d)De poursuivre la rénovation de tous les établissements pénitentiaires pour veiller à ce qu’ils soient conformes aux normes internationales;

e)De renforcer les garanties données par le Code de procédure pénale contre les mauvais traitements et la torture et de veiller à ce que, en droit comme en fait, les personnes placées en garde à vue et en détention provisoire aient le droit de se faire examiner par le médecin de leur choix, le droit de notifier une personne de leur choix de leur détention et celui d’avoir accès à un défenseur. Les exceptions légales à ces droits doivent être de définition étroite. Les personnes privées de liberté, y compris les suspects, devraient être immédiatement notifiées de leurs droits dans une langue qu’elles comprennent et le droit d’un suspect d’avoir un défenseur devrait être étendu aux témoins et aux personnes non encore déclarées suspectes par le responsable de l’enquête préliminaire. L’État partie devrait fixer un calendrier précis spécifiant à quel moment au plus tard les droits des détenus doivent être exercés;

f)D’élaborer un code de conduite à l’intention des agents de police, des enquêteurs et de toutes les autres personnes participant à la garde à vue d’individus;

g)D’introduire des délais précis en ce qui concerne la détention des migrants illégaux et des demandeurs d’asile déboutés qui sont sous le coup d’une ordonnance d’expulsion;

h)De procéder à un examen complet et de rendre compte des raisons de la surreprésentation des personnes de nationalité russe et des personnes apatrides dans la population des détenus condamnés;

i)D’envisager de ratifier la Convention de 1961 relative à la réduction des cas d’apatridie;

j)De créer un mécanisme de collecte et d’analyse des données dans les établissements pénitentiaires et les locaux psychiatriques, sur des questions relatives à la Convention;

k)D’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie, lorsqu’il présentera son prochain rapport périodique, qui sera considéré comme le quatrième et est attendu pour le 19 novembre 2004:

a)De fournir des informations détaillées concernant, en particulier, le mandat précis et les résultats des activités entreprises par le Chancelier de justice et par les membres du Bureau de protection sanitaire lorsqu’ils se rendent dans les maisons d’arrêt, ainsi que les résultats des activités du Chancelier de justice lorsqu’il est saisi de plaintes faisant état de mauvais traitements ou de torture perpétrés par des agents de l’État;

b)D’expliquer comment, dans la pratique, l’impartialité et l’objectivité des enquêtes sur les plaintes du chef de mauvais traitements déposées par des personnes placées en garde à vue sont assurées à tout moment;

c)De fournir des statistiques ventilées notamment par sexe, âge, nationalité et citoyenneté sur les plaintes des chefs de torture et mauvais traitements perpétrés par des agents de l’État, sur les poursuites engagées sur ces chefs, et sur les condamnations au pénal et sanctions disciplinaires définitivement prononcées.

Le Comité recommande en outre à l’État partie:

De diffuser largement dans le pays les rapports présentés par l’Estonie au Comité, les conclusions et recommandations du Comité ainsi que les comptes rendus analytiques des séances consacrées à l’examen de ces rapports, dans les langues appropriées, notamment l’estonien et le russe, par affichage sur les sites Web officiels et par le biais des médias et des organisations non gouvernementales.».

3.Mme KIRKEKRAAV (Estonie) remercie les rapporteurs ainsi que les membres du Comité et le secrétariat pour le temps qu’ils ont consacré à l’examen du rapport de l’Estonie et à l’élaboration des conclusions et recommandations dont il vient d’être donné lecture.

4. La délégation estonienne se retire.

La première partie (publique) prend fin à 15 h 20.

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