Nations Unies

CAT/C/SR.1148

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

22 mai 2013

Original: français

Comité contre la torture

Cinquantième session

Co mpte rendu analytique de la 1148 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 16 mai 2013, à 10 heures

Président e: Mme Belmir (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention (suite)

Deuxième rapport périodique de l ’ État plurinational de Bolivie

Questions d’organisation et questions diverses

Réunion avec le Président du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

La séance est ouverte à 10 h 1 0.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention (suite)

Deuxième rapport périodique de l’État plurinational de Bolivie (CAT/C/BOL/2; CAT/C/BOL/Q/2/Add.1; CAT/C/BOL/Q/2/Add.2; HRI/CORE/1/Add.54/Rev.2)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation bolivienne prend place à la table du  Comité.

2.M me Navarro  Llanos (Bolivie) dit que la torture plonge ses racines dans l’histoire du pays et que les gouvernements dictatoriaux successifs l’ont utilisée à des fins de répression et d’oppression. Les mouvements de protestation de la société civile ont conduit à d’importants changements, qui ont culminé avec la promulgation d’une nouvelle Constitution politique le 25 janvier 2009 à l’instauration de l’État plurinational de Bolivie. Le Gouvernement a adopté en 2006 un plan national de développement intitulé «Une Bolivie digne, souveraine et productive pour vivre bien», qui met l’accent sur la lutte contre les inégalités sociales et l’exclusion et la mise en place d’un système de justice réparatrice et gratuite. Il a également adopté un plan national d’action en faveur des droits de l’homme «Une Bolivie digne, pour vivre bien» pour la période 2009-2013. L’article 15 de la Constitution dispose que chacun a droit à la vie et au respect de son intégrité physique, psychologique et sexuelle. Il interdit la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants et dispose que la peine de mort n’existe pas. La Constitution dispose aussi que les instruments internationaux − comme la Convention contre la torture et la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture − priment les lois nationales.

3.Sur le plan normatif, l’État plurinational s’est doté d’un avant-projet de loi portant création d’un mécanisme de prévention de la torture. Il a entrepris d’aligner son Code pénal et son Code de procédure pénale sur la Convention et a soumis à l’approbation de l’organe exécutif de l’Assemblée législative plurinationale un avant-projet de loi portant création d’un nouveau Code de l’enfant et de l’adolescent prévoyant une responsabilité pénale atténuée pour les mineurs. D’autres lois encore ont été adoptées, parmi lesquelles la loi no 251/2012 relative à la protection des réfugiés, la loi organique no 260/2012 relative à la protection des victimes et des témoins et à l’assistance à laquelle ils peuvent prétendre, ainsi que la loi no 254/2012 portant création du Code de procédure constitutionnelle.

4.Pour combattre la violence à l’égard des femmes, dont la violence intrafamiliale, la violence sexuelle et le féminicide, le Gouvernement a fait adopter la loi no 243/2012 portant interdiction du harcèlement et de la violence politique à l’égard des femmes, la loi intégrale no 263/2012 contre la traite et le trafic des personnes, la loi intégrale no 348/2013 consacrant le droit des femmes de ne pas être soumises à la violence et la loi no 1053/2011 instituant la Journée nationale de lutte contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes. À cela s’ajoute le décret présidentiel no 1363/2012 portant création du Comité de lutte contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes. De plus, le Ministère de la justice a conçu un programme national visant à réorganiser les services publics et privés chargés de combattre la violence à l’égard des femmes, qui prévoit notamment la sensibilisation des personnels judiciaires et du public en général à ces questions.

5.Depuis le recrutement récent de 83 défenseurs publics, le Service national de la défense publique couvre désormais les zones rurales. Conformément à la Constitution et à la loi relative au suivi de l’exécution des peines, les personnes appréhendées ont, dès leur arrestation, le droit de se faire assister d’un avocat de leur choix, de contacter un proche, d’être examinées par un médecin indépendant et de bénéficier d’une aide juridictionnelle gratuite.

6.L’administration pénitentiaire s’assure que toute personne privée de liberté a fait l’objet d’un mandat de dépôt en bonne et due forme et veille à ce que les détenus soient bien traités, qu’ils fassent l’objet d’un suivi médical et d’une prise en charge psychologique et sociale et que des mesures soient prises en cas d’agression physique. La Direction générale de l’administration pénitentiaire collabore avec le Bureau du Défenseur de peuple, qui est conforme aux Principes de Paris, en lui permettant de se rendre dans les différents lieux de détention pour procéder à des inspections et enquêter sur d’éventuels actes de torture et de mauvais traitements.

7.Des mesures ont été prises pour moderniser le système judiciaire et renforcer le régime disciplinaire applicable aux magistrats. Un règlement portant création de la fonction de juge disciplinaire a été adopté et 21 juges disciplinaires ont été désignés en juin 2012. Ceux-ci peuvent prononcer des sanctions allant jusqu’à la suspension à l’encontre des magistrats ayant commis une faute dans l’exercice de leurs fonctions.

8.Un Conseil national de lutte contre la traite a été créé et une stratégie politique et un plan national d’action sont en cours d’élaboration. Une unité spécialisée chargée des poursuites dans les affaires de traite et de trafic d’êtres humains, d’atteintes à la liberté sexuelle et de violences sexistes a été établie. Le ministère public, en collaboration avec le Ministère de la justice, a élaboré un protocole de prise en charge spécialisée des victimes de la traite et du trafic de personnes, et mis en place des mécanismes de prévention, de protection et de soins, ainsi que des mécanismes chargés des poursuites pénales, ouvrant ainsi l’accès à la justice, à la réparation et à la réinsertion des victimes au sein de la famille et de la société. Le Gouvernement bolivien a en outre mené des initiatives conjointes avec l’Argentine, le Brésil et le Pérou et d’autres pays du Marché commun du Sud (MERCOSUR) pour combattre la traite.

9.En application de la loi d’indemnisation exceptionnelle des victimes de la violence politique sous les régimes de gouvernements inconstitutionnels, 488 victimes et proches de victimes ont été indemnisés. En novembre 2012, le Ministère de la justice a communiqué à l’Assemblée législative une liste des victimes de violences politiques à qui l’État bolivien décernera des honneurs publics à titre de réparation.

10.L’État plurinational de Bolivie a ratifié en 2005 le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, et a accueilli en 2010 une mission du Sous-Comité pour la prévention de la torture, qui a souligné les efforts mis en œuvre par la Bolivie pour réprimer la torture et les mauvais traitements et améliorer les conditions de détention. Pour régler le problème de la surpopulation carcérale, diverses structures ont été créées, dont deux prisons dans le département de Santa Cruz d’une capacité de 288 et 450 personnes. Des prisons rurales («carceletas») modèles ont aussi été inaugurées dans cinq communes, et beaucoup d’établissements ont été rénovés ou agrandis. Un décret de grâce présidentielle a été publié en décembre 2012. Plus d’un millier de personnes devraient en bénéficier.

11.Les programmes de formation de la police et des juges et procureurs mettent l’accent sur les droits constitutionnels et sur l’obligation pour les fonctionnaires de rendre des comptes et de dénoncer tout acte de torture ou d’abus de pouvoir. Preuve de la volonté de mettre un terme à des années d’impunité, des membres des forces armées et des policiers, y compris de haut rang, ont déjà été destitués, voire condamnés, pour avoir commis, toléré ou couvert des actes de torture ou des mauvais traitements.

12.Dans une décision datant de 2012, le Tribunal constitutionnel plurinational a conclu que les juridictions militaires n’étaient pas compétentes pour statuer sur les cas de violation des droits de l’homme. La Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Mme Pillay, a d’ailleurs salué la décision historique de la plus haute instance de Bolivie, qui a condamné 2 anciens ministres et 5 militaires de haut rang pour leur implication dans la mort de plus de 60 personnes lors des manifestations antigouvernementales de 2003.

13.M. Mariño  Menéndez (Rapporteur pour la Bolivie) demande si l’État partie entend inscrire dans son nouveau Code pénal une définition de la torture qui soit conforme à celle figurant dans la Convention. Il aimerait savoir quelle est la durée maximale de la détention avant la présentation à un juge, et s’il existe un protocole applicable aux interrogatoires. Il apprécierait un complément d’information sur les garanties dont jouissent les personnes qui se trouvent en détention provisoire ou sont détenues dans des commissariats. Il demande s’il existe des registres consignant les détentions dans tous les lieux de privation de liberté, et si les aveux obtenus par la torture peuvent être utilisés comme éléments de preuve.

14.Il serait intéressant de savoir si la profession de médecin légiste est réglementée et si ces médecins exercent leur activité en toute indépendance ou sont liés au pouvoir exécutif. La délégation est en outre invitée à donner des précisions sur les mécanismes de plaintes en cas de mauvais traitements en détention et sur les possibilités d’habeas corpus. Notant la coexistence en Bolivie de deux systèmes de justice, à savoir la justice ordinaire et la justice autochtone paysanne originelle (justicia indigena campesina originaria), il aimerait savoir de quel système relèvent les cas de torture.

15.Relevant la lenteur de l’administration de la justice, M. Mariño Menéndez demande si l’État partie entend prendre des mesures pour accélérer les procédures, notamment dans les affaires ayant trait à des actes de torture commis contre des autochtones lors de manifestations passées. Il invite par ailleurs la délégation à indiquer si la Bolivie s’est inspirée de la Déclaration de Cartagena de Indias pour formuler sa loi relative à la protection des réfugiés, et s’il est déjà arrivé que des tribunaux rendent des décisions consacrant le principe de non-refoulement.

16.La délégation pourrait également indiquer si les membres des groupes les plus vulnérables, notamment les femmes autochtones rurales, sont protégés contre la torture et les mauvais traitements, s’il est déjà arrivé que l’auteur d’un féminicide soit condamné, et ce que l’État partie entend faire pour combattre les violences sexuelles que subissent les petites filles à l’école. Compte tenu du grand nombre de décès maternels dus à des avortements clandestins, la question se pose de savoir si l’État partie pourrait envisager de supprimer l’obligation, pour les femmes enceintes qui ont été victimes d’un viol et celles dont la vie est menacée en cas de poursuite de la grossesse, d’obtenir l’autorisation d’avorter auprès des autorités compétentes. Enfin, la délégation voudra bien indiquer si l’État partie entend se conformer à l’obligation de créer un mécanisme de prévention de la torture conformément aux dispositions du Protocole facultatif,qu’il a ratifié en 2005, et s’il envisage d’accorder davantage d’importance aux recommandations du Défenseur du peuple.

17.M me Sveaass (Corapporteuse pour la Bolivie) demande comment l’État partie entend concrètement donner effet à l’article 15 de la nouvelle Constitution. Elle voudrait savoir quand l’État partie fera le nécessaire pour tenir l’engagement qu’il a pris en février 2010, lors de l’Examen périodique universel, de déclassifier les informations confidentielles relatives aux disparitions forcées qui ont eu lieu entre 1980 et 1982 sous la dictature de Luiz Garcia Meza Tejada, et si les auteurs présumés de ces actes pourraient être présentés à des tribunaux ordinaires, et non militaires. L’État partie envisage-t-il en outre d’accélérer les procédures relatives aux violations des droits de l’homme commises par le passé par des membres de l’armée?

18.Notant que, d’après certaines sources concordantes, les actes de violence à l’égard des femmes restent largement impunis (51 condamnations définitives prononcées pour 247 000 plaintes déposées entre 2007 et 2011), Mme Sveaass demande si l’État partie entend créer un tribunal spécialisé dans ce type d’affaires et, dans l’affirmative, à quelle échéance. Elle demande également quelles mesures sont prises pour garantir la sécurité des filles à l’école et les protéger du harcèlement sexuel et pour sanctionner les relations sexuelles entre le personnel enseignant, notamment, et les mineures. Elle invite la délégation à donner des précisions sur certaines dispositions de la loi sur les enlèvements, qui permettent au coupable de l’infraction visée d’obtenir une réduction de peine s’il s’engage à épouser une victime mineure, même s’il lui a fait subir des violences sexuelles.

19.Mme Sveaass trouve trop vagues les réponses de la Bolivie concernant l’opération policière menée en 2009 à l’hôtel Las Américas de Santa Cruz, pendant laquelle trois personnes manifestement non armées ont été tuées. Elle souhaiterait un complément d’information à ce sujet. Elle souhaiterait également savoir quelles mesures ont été prises pour mettre fin aux violences à l’égard des défendeurs des droits de l’homme, aux exécutions extrajudiciaires et à l’usage excessif de la force. Elle rappelle qu’en vertu de l’article 10 de la Convention, les États parties sont tenus de veiller à ce que l’enseignement et l’information concernant l’interdiction de la torture fassent partie intégrante de la formation du personnel civil ou militaire chargé de l’application des lois, du personnel médical et des agents de la fonction publique.

20.Mme Sveaass invite la délégation à indiquer le nombre exact des personnes qui se trouvent en détention en Bolivie et à préciser dans quelles proportions les prisons sont surpeuplées. Elle souhaiterait en outre savoir quels obstacles ont été rencontrés dans le cadre de l’établissement de registres de détention et de registres des plaintes pour torture ou mauvais traitements et quelles mesures sont prévues dans le Plan d’action national pour les droits de l’homme pour y remédier. En ce qui concerne la loi sur l’indemnisation exceptionnelle des victimes de la violence politique des régimes inconstitutionnels (loi no 2640), elle demande quelles dispositions ont été modifiées par la loi no 422 et quelles sont les éventuelles incidences de ces modifications sur les demandes de réparation en cours.

21.M. Gaye demande pourquoi l’information figurant au paragraphe 58 du rapport, selon laquelle «ces cinq dernières années, 85 personnes seraient mortes dans les locaux de la police», est donnée au conditionnel. Il invite la délégation bolivienne à préciser les causes de ces nombreux décès et à indiquer quelle suite a été donnée à la vingtaine de plaintes que la Direction nationale de la sécurité pénitentiaire aurait reçues entre 2009 et 2010 pour des cas présumés de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, dont il est question au paragraphe 59 du rapport.

22.Il serait intéressant de savoir quelles sont «les formalités encore d’usage au sein de la magistrature» qui expliquent les retards excessifs observés dans le déroulement des procédures judiciaires et s’il existe au sein de la magistrature une instance disciplinaire composée de membres élus dotés d’un mandat d’une durée déterminée. En ce qui concerne la situation carcérale, M. Gaye demande si les peines de substitution à l’emprisonnement sont utilisées en Bolivie. Notant que la Constitution bolivienne dispose en son article 117 que «nulle peine privative de liberté ne peut être imposée pour dettes ou obligations patrimoniales, si ce n’est dans les cas prévus par la loi», il invite la délégation bolivienne à préciser quels sont ces cas.

23.M. Bruni demande si une date a été arrêtée pour l’établissement du mécanisme national de prévention, qui aurait dû avoir lieu en 2006 compte tenu des dispositions du Protocole facultatif. Il demande si le transfert de la responsabilité du système pénitentiaire du Ministère de l’intérieur au Ministère de la justice est effectif et si ce changement a permis des améliorations concrètes de la situation carcérale. Il invite la délégation à donner des précisions sur les dispositions relatives à l’accès aux soins médicaux en prison, qui semble très insuffisant, et sur les résultats obtenus grâce aux mesures de lutte contre la surpopulation carcérale. Il souhaiterait savoir quelle est la situation actuelle dans les prisons et si des mesures complémentaires sont envisagées. Notant que la circulaire 10/2009 renforce l’interdiction du recours à des châtiments ou sanctions impliquant une atteinte aux droits des personnes privées de liberté, il demande quels châtiments ou sanctions sont autorisés dans les lieux de détention et lesquels sont interdits. Il invite la délégation bolivienne à commenter le régime pénitentiaire particulier qui caractérise la plus grande prison de La Paz (El Penal de San Pedro).

24.M. Tugushi invite la délégation à commenter les dispositions de la loi de 2012 relative aux réparations destinées aux victimes de violences politiques, en vertu desquelles les plaignants doivent notamment fournir des éléments prouvant qu’ils ont subi de tels actes. Notant que les arrêts des juridictions militaires ne sont pas toujours compatibles avec ceux de la Cour interaméricaine des droits de l’homme et que les activités des juridictions militaires empiètent sur les procédures civiles, M. Tugushi demande si la Bolivie a prévu de prendre des mesures pour remédier à ces graves lacunes. Il souhaiterait par ailleurs savoir ce qui est fait pour éviter les atteintes à la liberté d’expression que pourrait entraîner l’application de la loi no 045/2010, qui prévoit des sanctions à l’encontre des médias qui diffuseraient des idées à caractère raciste ou discriminatoire.

25.M me Ga e r demande si des poursuites ont été engagées et des réparations accordées dans les affaires relatives à des actes de torture et des mauvais traitements commis dans le cadre de la formation des soldats et si les auteurs des films montrant de tels actes, qui ont été diffusés à la télévision bolivienne, ont été identifiés. Elle invite la délégation à décrire les sanctions prises contre les coupables de féminicide et d’actes de violence à l’égard des femmes autochtones et d’ascendance africaine et à commenter l’information selon laquelle les juges privilégient la conciliation dans les affaires de violence intrafamiliale ou de violences sexuelles.

26.En ce qui concerne la violence en prison et l’absence de contrôle interne dans les prisons, Mme Gaer demande quelles mesures sont prises pour enrayer la violence entre détenus et contrôler les activités des gangs dans les prisons. Elle souhaiterait savoir si des responsables pénitentiaires ont déjà été condamnés pour corruption et si des mesures de surveillance sont prises dans les prisons où les femmes et les hommes sont détenus ensemble pendant la journée, notamment pour protéger les femmes et les enfants des actes de violence. L’Ombudsman ayant constaté que, dans certaines prisons, les détenus devaient souscrire une «assurance‑vie» pour éviter d’être passés à tabac et soumis à des tortures, elle demande si les autorités ont pris note de ces constatations et adopté des mesures en conséquence. Enfin, elle invite la délégation à donner des exemples précis d’affaires dans lesquelles des éléments de preuve obtenus par la torture ont été jugés irrecevables par un tribunal.

27.La Présidente, s’exprimant en tant que membre du Comité, demande des précisions sur les «carceletas», qu’elle considère comme une forme inquiétante d’incarcération. Elle note avec préoccupation que le règlement des litiges par la procédure de conciliation a force de chose jugée, conformément à la loi no 25/2010 relative à l’appareil judiciaire, et que les institutions judiciaires, notamment les services du Procureur public et la Cour constitutionnelle, restent vulnérables. Elle apprécierait des commentaires sur ces points, et sur la récusation de juges dans des affaires de violences à l’égard de filles en bas âge dans le système scolaire, qui constitue à ses yeux un déni de justice.

28.M. Mariño Menéndez (Rapporteur pour la Bolivie) souhaite savoir si la Bolivie demande des assurances diplomatiques avant d’expulser des étrangers et si les travailleurs migrants et les membres de leur famille soumis à des mesures d’expulsion peuvent faire appel de la décision d’expulsion. Il demande par ailleurs quelles mesures sont prises pour lutter contre la corruption dans la police et pourquoi les violences policières qui se sont produites notamment à Sucre et à Caranavi n’ont pas donné lieu à des mesures judiciaires, malgré les recommandations du Défenseur du peuple.

29.M me Sveaass demande des précisions sur la suite donnée par le Gouvernement aux recommandations de l’Ombudsman et sur les procédures auxquelles ont donné lieu les plaintes reçues par l’Ombudsman.

La séance est suspendue à midi; elle est reprise à 12 h 15.

Questions d’organisation et questions diverses

Réunion avec le Président du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

30. Sur l’invitation de la Présidente, le Président du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (SPT) prend place à la table du Comité.

31.La Présidente, souhaitant la bienvenue au Président du SPT, regrette qu’aucun membre du Sous-Comité n’ait assisté à la cérémonie du vingt-cinquième anniversaire du Comité. Elle rappelle qu’à sa 1143e séance, le Comité s’est entretenu avec la délégation roumaine de la création de son mécanisme national de prévention et lui a demandé de fournir un calendrier de mise en œuvre, qui sera communiqué au SPT dès sa réception. Elle invite le Président du SPT à présenter son sixième rapport annuel (CAT/C/50/2).

32.M. Evans (Président du Sous-Comité pour la prévention de la torture) présente ses excuses pour l’absence de membres du SPT à la cérémonie du vingt-cinquième anniversaire du Comité. Plusieurs membres étaient en mission en Nouvelle-Zélande cette semaine-là et les autres étaient également indisponibles. Il remercie d’avance le Comité pour les informations qui seront transmises au SPT concernant la Roumanie. Présentant le rapport, il souligne que celui-ci marque la fin de la période «fondatrice» du Sous-Comité. Un nouveau Bureau, composé du Président et quatre vice-présidents, a été élu en février 2013. Soixante-huit États de toutes les régions du monde sont actuellement parties au Protocole facultatif, ce qui représente près de la moitié des États parties à la Convention contre la torture. L’année 2012 marque aussi la première fois que des subventions ont été versées au titre du Fonds spécial établi conformément aux dispositions de l’article 26 du Protocole facultatif. Un deuxième appel à candidatures est en cours et le Fonds a reçu de nouvelles contributions volontaires.

33.Le SPT a adopté de nouvelles méthodes de travail, avec notamment l’instauration des visites de conseil aux mécanismes nationaux de prévention. Il a également révisé son règlement intérieur pour le mettre en conformité avec les directives sur l’indépendance et l’impartialité des membres des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (directives d’Addis-Abeba). Les équipes régionales ont été renforcées, ce qui a permis, entre autres, d’éclairer les discussions relatives au programme des visites. De nouveaux groupes de travail ad hoc ont été créés sur les thèmes suivants: les questions systémiques; l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus; la formation initiale et la formation continue des membres du SPT; la question des représailles; les questions de procédure. Par ailleurs, dans son rapport annuel, le SPT expose son point de vue sur deux questions de fond, à savoir le rôle du contrôle judiciaire et celui des normes garantissant une procédure régulière dans la prévention de la torture dans les prisons, et la notion de justice autochtone.

34.Le nombre de visites prévues chaque année est passé de trois à six. Cinq visites ont eu lieu en 2012: deux visites au titre de l’alinéa a de l’article 11 du Protocole facultatif (Argentine et Kirghizistan) et trois visites de conseil aux mécanismes nationaux de prévention (Honduras, République de Moldova et Sénégal). La visite prévue au Gabon a dû être reportée pour des raisons opérationnelles. Sur les six visites prévues pour 2013, deux ont déjà été réalisées: une visite de conseil au mécanisme national de prévention en Allemagne et une visite ordinaire en Nouvelle-Zélande. Le SPT déplore que son accès aux lieux de privation de liberté soit parfois retardé et que certains États parties interprètent le terme «lieux de détention» de manière trop restrictive.

35.Conformément à la pratique établie, les États parties sont priés d’adresser au SPT une réponse au rapport de visite les concernant dans un délai de six mois. À ce jour, quatre États parties sont en retard: le Cambodge, le Honduras, le Libéria et les Maldives. Les réponses écrites des États parties sont de plus en plus nombreuses et forment la base d’un dialogue constructif avec le SPT. Celui-ci estime que la fréquence de ses visites devrait être alignée sur la fréquence de soumission de rapports des États parties aux autres organes conventionnels, mais fait face à un manque criant de ressources.

36.À ce jour, 43 États Parties se sont dotés d’un mécanisme national de prévention en vertu de l’article 17 du Protocole facultatif tandis que 18 États ne se sont pas encore acquittés de cette obligation. Le SPT poursuit son dialogue avec ces derniers. Un nombre croissant de mécanismes nationaux de prévention envoient leur rapport annuel au SPT. Le SPT entretient également des contacts avec les mécanismes en dehors des visites de conseil, notamment à l’occasion de ses sessions.

37.Le SPT entretient des relations étroites avec le Comité contre la torture ainsi qu’avec d’autres organes régionaux et internationaux et avec des organisations de la société civile. La collaboration et la coordination entre le SPT et le Comité pourraient être encore renforcées en améliorant l’échange d’informations, par exemple au sujet des observations finales adoptées par le Comité, et en veillant à ce que les visites des deux organes soient complémentaires. Les membres du SPT sont disposés à explorer toutes les pistes de réflexion.

38.M. Tugushi demande si les projets financés par le Fonds spécial font l’objet d’un suivi et si des projets relatifs à l’application des recommandations faites aux mécanismes nationaux de prévention peuvent bénéficier d’une subvention. Il aimerait savoir dans quelle mesure les États parties sont disposés à rendre publics les rapports de visite les concernant et s’il existe des statistiques à ce sujet. Il aimerait aussi connaître les impressions du SPT sur l’évolution de la situation en ce qui concerne la création de mécanismes nationaux de prévention.

39.M. Bruni dit que la question du mécanisme national de prévention est désormais soulevée systématiquement lors des séances du Comité avec les délégations des États parties. Il demande si la description des projets subventionnés par le Fonds spécial est rendue publique. Il signale que le Comité a chargé M. Tugushi et lui-même de se pencher sur la question des représailles et se dit prêt à collaborer avec le SPT sur ce sujet.

40.M me Gaer relève avec intérêt que le groupe régional le mieux représenté parmi les États parties au Protocole facultatif est l’Europe orientale, alors qu’il s’agit du plus petit groupe d’États Membres de l’ONU. En ce qui concerne la justice autochtone, elle craint que le point de vue exposé par le SPT puisse conduire à cautionner des pratiques traditionnelles souvent très discriminatoires à l’égard des femmes. Les précautions exprimées aux paragraphes 82 et 83 du rapport ne lui semblent pas suffisantes.

41.M me Sveaass dit que le Comité s’entretiendra prochainement avec la Bolivie de la création de son mécanisme national de prévention et invite le Président du SPT à faire part de ses observations à ce sujet. Il serait utile que le Comité et le SPT coopèrent sur les questions des représailles et de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus.

42.M. Wang dit que le Comité pourrait s’inspirer des nouvelles méthodes de travail du SPT en effectuant des visites spéciales dans les pays qui n’ont pas présenté de rapport.

43.La Présidente souscrit aux propos de Mme Gaer concernant la place des femmes dans la justice autochtone.

44.M. Evans (Président du Sous-Comité pour la prévention de la torture) dit que le suivi des projets financés par le Fonds spécial est effectué par le Comité des subventions du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, qui assure l’administration du Fonds en vertu d’un système provisoire qui est en cours de révision. Les visites de conseil aux mécanismes nationaux de prévention qui ont eu lieu en 2012 étaient les premières du genre. Si, à l’avenir, ces visites font l’objet de rapports publics, les projets visant à appliquer les recommandations qui y figurent pourront demander une subvention. M. Evans ne sait pas où l’on peut trouver une description des projets subventionnés mais convient que cette information serait utile.

45.Le SPT encourage vivement les États parties à rendre publics les rapports de visite de pays, ce qu’ils font de plus en plus souvent, mais respecte pleinement leur décision de les garder confidentiels. Le nombre de mécanismes nationaux de prévention continue d’augmenter mais ceux-ci sont souvent soumis à des pressions budgétaires. Lorsqu’un État partie décide simplement de doter un médiateur ou une autre institution de défense des droits de l’homme de nouvelles attributions, selon le modèle «Ombudsman Plus», il importe que celles-ci soient assorties de moyens financiers adéquats. Le SPT encourage toujours les gouvernements à assurer aux mécanismes de prévention un financement distinct de celui des organes ministériels. Même en l’absence de moyens, le mandat de mécanisme national de prévention ne doit pas être considéré comme secondaire. Il serait souhaitable que le SPT et le Comité puissent discuter de la situation dans un État partie donné avant que la question du mécanisme national de prévention soit évoquée lors du dialogue entre le Comité et la délégation.

46.La question des représailles pourrait faire l’objet d’une discussion de fond lors de la prochaine réunion conjointe du SPT et du Comité en novembre prochain. En ce qui concerne la justice autochtone, le SPT a considéré que les paragraphes 82 et 83 de son rapport annuel fixaient clairement les limites du sujet, notamment en se référant à la Convention no 169 (1989) de l’Organisation internationale du Travail. Il s’agit de reconnaître certaines formes de justice autochtone et non toutes les formes de justice traditionnelle. M. Evans comprend cependant les craintes de Mme Gaer et de la Présidente et propose que la question soit abordée à la réunion conjointe des deux organes en novembre.

47.La Présidente remercie M. Evans et dit que la coordination et la coopération entre le Comité et le SPT doivent se poursuivre.

La séance est levée à 13 h 5.