NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.81819 mai 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Quarantième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 818e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 5 mai 2008, à 10 heures

Président: M. GROSSMAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Deuxième rapport périodique du Costa Rica

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique du Costa Rica (CAT/C/CRI/2; CAT/C/CRI/Q/2, CAT/C/CRI/Q/2/Add.1 et Add.2; HRI/CORE/CRI/2006).

1.Sur l ’ invitation du Président , M. Guillermet , M me  Thompson, M me  Segura et M me Gutiérrez (Costa Rica) prennent place à la table du Comité.

2.Mme THOMPSON (Costa Rica) formule le vœu que l’examen du rapport périodique du Costa Rica soit l’occasion d’un échange sincère et ouvert avec le Comité. Elle précise que, certains renseignements n’ayant pas pu figurer dans le rapport parce que les institutions concernées ne les avaient pas communiqués à temps, la délégation fera tout son possible pour apporter au Comité tous les compléments d’information voulus.

3.M. GUILLERMET (Costa Rica), présentant le deuxième rapport périodique, dit que l’élaboration de ce document a donné lieu à de vastes consultations avec les institutions et organismes de l’État et avec la société civile. Le rapport contient de nombreuses statistiques et données concrètes et ne se limite pas à décrire les mesures prises sur le plan normatif et législatif et traite en outre avec franchise des différentes faiblesses institutionnelles que le Gouvernement s’emploie actuellement à corriger.

4.La promotion et la protection des droits fondamentaux de tous les citoyens et résidents du Costa Rica est une priorité pour le Gouvernement, qui veille au respect du droit à la vie et du droit à l’intégrité et à la dignité de la personne dans toutes ses politiques. L’article 40 de la Constitution dispose: «Nul ne sera soumis à des traitements cruels ou dégradants ni à une peine perpétuelle ni à la peine de confiscation. Toute déclaration obtenue par la violence est nulle». À cette garantie constitutionnelle s’ajoutent une série de dispositions législatives et de garanties légales, dont certaines ont été adoptées pour donner suite aux recommandations formulées par le Comité à l’issue de l’examen du rapport initial. L’article 123 bis du Code pénal érige la torture en délit, puni d’un emprisonnement de trois à dix ans ou, lorsque les actes sont commis par un agent de l’État, de cinq à douze ans avec privation du droit d’exercer ses fonctions pendant deux à huit ans. De plus, si elle n’est pas qualifiée en tant que telle, la tentative de torture peut néanmoins être sanctionnée en vertu de l’article 73 du Code pénal, qui dispose que toute tentative de délit est punissable au même titre que l’acte lui-même.

5.L’article 7 de la Constitution dispose que les traités publics, les conventions internationales et les concordats dûment approuvés par l’Assemblée législative ont une autorité supérieure aux lois. L’article 48 de la Constitution contient des dispositions particulières concernant les droits de l’homme, sur lesquelles la Chambre constitutionnelle s’est fondée pour statuer à plusieurs reprises que les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme en vigueur dans le pays avaient non seulement une autorité égale à la Constitution mais primaient celle‑ci lorsqu’ils reconnaissaient aux personnes des garanties ou des droits plus étendus. Ce même article prévoit la possibilité d’exercer sans réserve les recours en amparoet en habeas corpus. Ces recours sont facilement accessibles et donnent lieu à des procédures simples et rapides. Un numéro gratuit, le 123, a même été créé à l’intention des détenus voulant former un recours en habeas corpus. Le Gouvernement a en outre mis sur pied un ensemble de dispositifs et d’organes formant un système de contrepoids, de surveillance et de contrôle. Il convient de souligner en particulier le rôle du Service de défense des habitants et de la Chambre constitutionnelle, ainsi que celui des institutions relevant du système interaméricain de promotion et de protection des droits de l’homme.

6.Le Gouvernement costa‑ricien a pris d’importantes mesures en vue d’améliorer les pratiques de la police et la formation de ses membres, en mettant l’accent sur le respect des droits de tous les individus. On trouvera dans le rapport de nombreux détails sur les activités de formation des agents pénitentiaires et des membres des forces de l’ordre. Il convient de préciser à ce sujet que l’École nationale de police procède à des évaluations périodiques des besoins en matière d’enseignement des droits de l’homme.

7.Le Costa Rica a eu l’honneur de présider les travaux qui ont abouti à l’adoption du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, sous la direction de M. Carlos Vargas Pizarro puis de la juriste Elizabeth Odio, aujourd’hui juge à la Cour pénale internationale. Il a ratifié le Protocole facultatif le 25 novembre 2005 et l’instrument de ratification a été déposé le 1er décembre 2005. Le Service de défense des habitants a été désigné comme mécanisme national de prévention et un expert costa-ricien est actuellement membre du Sous‑Comité de la prévention.

8.Le droit d’asile est garanti par l’article 31 de la Constitution et le Costa Rica a une longue tradition d’accueil des demandeurs d’asile. Les autorités veillent toutefois à faire preuve de la plus grande responsabilité lorsqu’elles appliquent ce droit, pour ne pas dévoyer cette institution précieuse. C’est ainsi que très récemment, le Gouvernement costa-ricien a rejeté la demande d’asile du Sénateur colombien Mario de Jesús Uribe Escobar. Le Ministère des relations extérieures, connaissant les antécédents du demandeur, qu’il avait obtenus auprès du parquet colombien, et se fondant sur les principes et lois régissant le droit d’asile, a décidé de ne pas faire droit à la demande. Il s’est appuyé pour motiver cette décision sur une communication du parquet colombien indiquant que M. Uribe faisait l’objet d’un mandat d’arrêt pour complot criminel avec des groupes armés illégaux et soulignant la nécessité de veiller à ce que M. Uribe ne puisse pas se soustraire à la justice colombienne. Le Gouvernement costa-ricien tient néanmoins à réaffirmer son attachement à l’institution de l’asile, qui demeurera un des piliers de sa politique extérieure. De même, le Gouvernement s’emploie, en collaboration avec le HCR et la société civile, à créer des conditions favorables au développement des milliers de réfugiés qui vivent dans le pays. La politique du Costa Rica en matière de migration vise à la fois à réguler les flux migratoires et à reconnaître et valoriser la contribution des migrants au développement du pays en s’efforçant de favoriser leur intégration et de faciliter leur accès aux soins de santé, au travail et à l’éducation ainsi qu’au logement. Au Costa Rica comme dans tout pays en développement, certaines insuffisances institutionnelles et économiques continuent de faire obstacle à la pleine réalisation des droits des migrants. Cela étant, lorsque des violations de ces droits sont constatées, des voies de recours existent. On trouvera dans le rapport de nombreux exemples de cas dans lesquels les migrants ont saisi les juridictions nationales pour exiger le plein respect de leurs droits.

9.Le Costa Rica, qui est actuellement membre du Conseil de sécurité, s’attache à participer activement à la prise de décisions sur tous les cas de violations flagrantes des droits de l’homme. À chacune de ses interventions devant le Conseil de sécurité, la délégation costa-ricienne aborde la question des droits de l’homme dans le contexte des conflits actuels et appelle les parties en présence au dialogue et au respect de la dignité des personnes.

10.Lors de l’examen du précédent rapport, le Comité contre la torture avait appelé l’attention sur la situation des groupes minoritaires, en particulier des communautés autochtones. Le Gouvernement costa-ricien reconnaît que beaucoup doit encore être fait en faveur de ces dernières, en particulier dans le domaine socioéconomique. En 2001, conformément à l’une des recommandations du Comité, les juges ont reçu pour instruction de tenir des consultations avec les communautés autochtones avant de trancher tout litige les concernant, de s’informer auprès d’elles sur la portée du différend à examiner et de recourir aux services d’interprètes. Le pouvoir judiciaire et la Commission nationale des affaires autochtones ont entrepris de définir les obligations de ces derniers.

11.MmeSVEAASS (Rapporteuse pour le Costa Rica) note que l’État partie est connu pour sa longue tradition de respect des droits de l’homme et sa contribution à la paix. Elle salue en particulier l’action du Président Oscar Arias au service de la démocratie et de la paix en Amérique centrale, qui lui a valu le prix Nobel de la paix en 1987. Elle rappelle que la Cour interaméricaine des droits de l’homme a son siège au Costa Rica et souligne que le Costa Rica a été un des tous premiers pays à se doter de l’institution du médiateur. Elle accueille avec satisfaction les renseignements donnés par la délégation concernant la récente décision des autorités costa-riciennes de rejeter la demande d’asile de M. Uribe, qui lance un signal fort aux auteurs de crimes contre l’humanité en réaffirmant le principe de leur responsabilité.

12.Mme Sveaass relève un certain déséquilibre dans la structure du rapport présenté, qui fait une large place aux activités de formation (sur lesquelles le Comité avait insisté dans ses conclusions et recommandations à l’issue de l’examen du rapport initial) et traite beaucoup plus longuement de l’article 10 que des autres articles de la Convention. Toutefois les renseignements manquants ont été apportés dans les réponses à la liste des points à traiter. Notant que le Gouvernement a entrepris un important travail de refonte de la législation concernant les femmes, les enfants et les migrants, elle demande à la délégation des précisions sur les mesures en cours et leur état d’avancement.

13.En ce qui concerne l’incorporation dans le droit interne de l’État partie de la définition de la torture énoncée à l’article premier de la Convention, l’on peut constater à la lecture du rapport périodique (par. 5) que la Constitution de 1949 interdit certes, en son article 40, les mauvais traitements, mais qu’elle ne contient pas de disposition interdisant expressément la torture. À l’issue de l’examen du rapport initial, le Comité avait recommandé à l’État partie dans ses conclusions et recommandations (A/56/44, par. 130 à 136) de prendre des mesures afin d’inclure dans sa législation pénale une définition de la torture conforme à celle figurant à l’article premier de la Convention (par. 136 a)). Cette recommandation a été traduite dans les faits en décembre 2001, soit six mois après l’examen du rapport initial, lorsque l’Assemblée législative a adopté le projet de loi portant modification du Code pénal, qui prévoit l’ajout d’un article 123 bis, intitulé «Torture». La définition contenue dans cet article est presque entièrement conforme à celle énoncée à l’article premier de la Convention, mais elle ne couvre pas les actes de torture commis à l’instigation d’un agent de la fonction publique ou avec son consentement exprès ou tacite. Il serait intéressant de savoir pourquoi ces éléments ne figurent pas dans la définition et si l’État partie envisage de combler cette lacune. À ce propos, il y a lieu de rappeler que l’aspect de l’instigation et du consentement exprès ou tacite revêt une grande importance au regard de l’obligation de prévenir la torture faite à l’article 2 de la Convention. Il serait également intéressant de savoir si les dispositions du Code pénal répriment la tentative de torture commise avec le consentement exprès ou tacite d’un agent de l’État. En outre, d’après les dispositions de l’article 123 bis du Code pénal, les fonctionnaires reconnus coupables de torture sont notamment interdits d’exercer leurs fonctions pendant une période allant de deux à huit ans. Or, vu que la torture constitue une infraction suffisamment grave pour qu’une radiation à vie de l’agent de l’État en cause soit envisageable, le Comité souhaiterait savoir pourquoi une limite supérieure de huit ans a été fixée pour cette sanction.

14.D’après les réponses écrites, aucune condamnation pour tortures n’a été prononcée au Costa Rica depuis l’adoption de l’article 123 bis,en 2001 et, d’après des informations portées à la connaissance du Comité, un certain nombre de personnes ont été jugées pour abus de pouvoir et non pour tortures, après avoir demandé et obtenu une requalification des faits. Le Comité souhaiterait savoir s’il est exact que les tribunaux costa‑riciens n’ont eu à connaître d’aucune affaire de torture depuis 2001 et que des auteurs d’actes de torture ont été jugés comme s’ils n’avaient commis que des abus de pouvoir. Des précisions seraient utiles sur la nature de la peine prononcée et le nombre de personnes condamnées pour abus de pouvoir, au lieu du chef de torture.

15.Se référant à la réponse à la question no 36 de la liste des points à traiter (document CAT/C/CRI/Q/2/Add.1, p. 21 à 23), Mme Sveaass demande quel est l’état d’avancement du projet de loi portant modification de l’article 181 du Code de procédure pénale, dont le libellé laisse entendre que les éléments de preuve obtenus par la torture peuvent être utilisés dans une procédure lorsqu’ils sont favorables à l’accusé ce qui, selon certaines sources, serait susceptible d’encourager le recours à la torture. La délégation est invitée à faire le point sur la situation actuelle: cet article sera‑t‑il modifié et, dans l’affirmative, quand le sera‑t‑il? En ce qui concerne l’article 2 de la Convention, Mme Sveaass rappelle qu’à sa trente‑neuvième session, le Comité a adopté son observation générale no 2 relative à l’application de cet article (CAT/C/GC/2). Elle constate à la lecture de la réponse à la question 1 de la liste des points à traiter (CAT/C/CRI/Q/2/Add.2) qu’il n’existe pas au Costa Rica de registre national distinct pour les affaires de torture et de mauvais traitements, mais que toutes les procédures pénales examinées dans l’année sont réunies dans un seul registre. Le Comité voudrait savoir si les autorités de l’État partie envisagent de créer un registre spécifique pour les affaires de torture et de mauvais traitements.

16.D’après les réponses écrites, il semble que la question 2 a) de la liste des points à traiter n’a pas été bien comprise. Le Comité souhaiterait savoir notamment qui a accès au registre annuel des affaires pénales examinées par les juridictions de l’État partie et combien de temps s’écoule entre l’arrestation d’un suspect et sa présentation à un juge. Étant donné qu’en vertu de la législation costa‑ricienne, la durée maximale de la détention au secret est de dix jours et que, d’après des informations dont dispose le Comité, plus de 100 000 suspects seraient en détention provisoire sans inculpation, la délégation costa‑ricienne pourra peut‑être préciser quelle est la durée maximale de la détention avant jugement, en donnant des statistiques sur le nombre de personnes en détention provisoire sans inculpation, si les autorités de l’État partie ont l’intention de réduire la durée légale de la détention au secret et si cette mesure a déjà été imposée pendant plus de dix jours.

17.Concernant la question du traitement réservé aux migrants dans les centres de rétention, qui fait l’objet de la réponse à la question 4 de la liste des points à traiter (CAT/C/CRI/Q/2/Add.1, p. 2), un complément d’information serait nécessaire au sujet des mesures prises par l’État partie afin de détecter ceux de ces migrants qui ont des besoins spécifiques, dont les victimes de trafic, et de garantir que ces personnes soient dûment prises en charge et que leurs besoins, notamment dans le domaine juridique, soient pris en compte. Comme des allégations faisant état de brutalités commises par les gardes frontière ont été portées à la connaissance du Comité, celui‑ci voudrait savoir quelles mesures le Gouvernement costa‑ricien prévoit de prendre pour sanctionner les auteurs et prévenir d’autres incidents de ce type. Le Comité a également reçu des informations préoccupantes selon lesquelles le niveau général de la violence aurait augmenté dans l’État partie au point qu’il arrive que des particuliers fassent justice eux‑mêmes, exerçant des représailles contre de très jeunes gens. Des renseignements seraient souhaitables sur la situation actuelle et sur les mesures prises par le Gouvernement afin de remédier à ce problème.

18.La délégation costa‑ricienne pourrait indiquer si le Défenseur du peuple a mis en place un mécanisme permettant aux mineurs victimes de tortures ou de mauvais traitements de porter plainte et s’il a donné suite aux allégations concernant la situation de migrants mineurs retenus à la Quinta C omisaría, le principal centre de rétention de migrants du pays. La délégation pourrait également préciser si les autorités s’efforcent de repérer parmi les mineurs qui demandent l’asile ceux qui ont été touchés d’une manière ou d’une autre par un conflit armé ou qui ont été victimes d’exploitation ou de trafic. Enfin, il est à signaler que des préoccupations ont été portées à la connaissance du Comité concernant le fait que les minorités sexuelles sont parfois en butte à des accusations dénuées de fondement et que certaines personnalités ont établi dans des déclarations publiques un lien de cause à effet entre l’augmentation de la criminalité et la présence d’immigrés colombiens dans le pays.

19.Concernant la prévention des violations des droits des femmes, il ressort des réponses écrites à la question no 36 de la liste des points à traiter (CAT/C/CRI/Q/2/Add.1) que des lois sur la violence familiale et la violence contre les femmes ont été adoptées en 1996 et 2007. Toutefois, des éclaircissements seraient souhaitables sur la question de l’incrimination pénale de la violence familiale, dont le viol conjugal. Il serait intéressant d’avoir des détails au sujet de l’application par les tribunaux des dispositions pertinentes et des mesures concrètes prises pour mettre fin à ce type de violences. Il serait également intéressant de savoir si une évaluation de l’exécution du Plan national pour le suivi et la prévention de la violence familiale a été réalisée. En outre, la délégation costa‑ricienne pourrait indiquer si les dispositions légales réprimant le trafic de femmes et d’enfants sont conformes au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Elle pourrait préciser aussi si des campagnes de sensibilisation de la population ont été lancées sur ce thème, si les victimes de ces violations bénéficient de mesures de protection et d’accompagnement psychologique, comment ces mesures ont été appliquées et quels résultats ont été enregistrés à ce jour.

20.En ce qui concerne la situation des migrants et des demandeurs d’asile, d’après certaines sources, la nouvelle loi sur l’immigration ne serait pas compatible avec la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés car elle prévoirait des clauses d’exclusion et de cessation, lesquelles seraient susceptibles d’entraîner des violations du principe du non‑refoulement consacré à l’article 3 de la Convention. Étant donné qu’un projet de loi prévoyant des modifications de ce texte a été élaboré, le Comité souhaiterait savoir si ce projet a été adopté et si les clauses contestées ont été abrogées ou maintenues. Lorsque des migrants entrent illégalement sur le territoire costa‑ricien et sont interceptés à plusieurs dizaines de kilomètres des frontières, il faudrait que ceux qui risqueraient d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements s’ils sont renvoyés dans leur pays ne puissent pas être expulsés du territoire sans que leur situation ne soit examinée par les autorités compétentes. Le Comité souhaite savoir s’il existe des garanties à cette fin. D’après certaines informations, la procédure d’examen des demandes de statut de réfugié aurait été modifiée, entraînant des retards dans le traitement des demandes et une réduction des effectifs du personnel chargé de leur examen et, par conséquence une détérioration du sérieux de cet examen, évolution préoccupante qui appelle un commentaire de la délégation. Enfin, la délégation costa‑ricienne pourrait indiquer si les demandeurs d’asile ont le droit de travailler en attendant la décision des autorités compétentes.

21.M. GALLEGOS CHIRIBOGA (Corapporteur pour le Costa Rica) rappelle que le Costa Rica fait figure d’exemple dans le domaine de la promotion des droits de l’homme, tant sur le continent latino-américain qu’au niveau mondial, et que ses prises de position courageuses dans le domaine des droits de l’homme, notamment à la Cour pénale internationale, ont marqué les esprits.

22.Les réponses écrites montrent le soin apporté par l’État partie à la formation dispensée aux membres des forces de l’ordre dans le domaine des droits de l’homme, ce dont le Comité le félicite. Cependant, récemment le nombre d’heures de la formation de base des policiers qui comprenait un cours sur l’interdiction de la torture a été réduit, ce qui conduit à se demander si l’efficacité de la formation ne risque pas d’en pâtir. Il serait utile de connaître l’incidence réelle de la formation sur le comportement professionnel des policiers. La délégation pourra peut-être indiquer s’il existe une procédure d’évaluation permettant de quantifier les résultats de la formation. Dans un rapport, l’International Gay and Lesbian Human Rights Commission insiste sur la nécessité d’incorporer dans la formation des forces de l’ordre ainsi que dans celle du personnel judiciaire et des enseignants la question de l’identité et de l’orientation sexuelles, pour lutter contre la discrimination. La délégation voudra peut-être réagir sur ce sujet. L’État partie n’a pas répondu à la question de savoir si le Protocole d’Istanbul était étudié dans le cadre de la formation du personnel médical. L’application de ce Protocole relève directement de la mise en œuvre de l’article 10 de la Convention. Par conséquent, le Comité attendra une réponse précise de la part de l’État partie.

23.L’État partie a fait mention d’un nouveau projet de code pénal qui prévoit l’application de peines de substitution. Des précisions concernant l’état d’avancement du projet et la date d’entrée en vigueur prévue seraient les bienvenues. Le Comité a pris note des statistiques qui lui ont été fournies au sujet des personnes privées de liberté mais souhaiterait des données complémentaires indiquant le sexe, l’âge et le statut juridique de ces personnes.

24.Le Comité a accueilli avec satisfaction les améliorations notables apportées aux services médicaux des centres pénitentiaires de Pococí et de Limón, mais reste préoccupé par la persistance de certaines lacunes dans le centre de La Reforma, notamment par le fait qu’il n’existe toujours pas de permanence médicale 24 heures sur 24. L’accès à un médecin est l’un des droits fondamentaux qui doivent être garantis à toute personne privée de liberté. Il incombe donc à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’acquitter de cette obligation.

25.L’État partie indique dans son rapport (par. 277 à 284) que les ressources allouées à la Direction générale de la réinsertion sociale sont insuffisantes pour permettre la mise en œuvre des programmes relatifs à la prise en charge technique et à la garde des détenus. Le Comité voudrait savoir quand les fonds nécessaires seront affectés au système pénitentiaire de manière à répondre adéquatement aux besoins des détenus.

26.L’État partie n’ayant pas répondu à la question relative à l’état de délabrement du quartier F du centre pénitentiaire de La Reforma et à la pratique selon laquelle les détenus n’ont droit qu’à une heure de promenade par jour, le Comité renouvelle sa demande de précisions à ce sujet. Il souhaiterait également savoir si des moyens de contrainte peuvent être utilisés sur des enfants et, dans l’affirmative, dans quelles circonstances, et quelles sont les sanctions disciplinaires applicables aux enfants privés de liberté.

27.L’État partie n’a pas indiqué quelles étaient les ressources allouées au Service de défense des habitants, désigné comme mécanisme national de prévention de la torture en application du Protocole facultatif se rapportant à la Convention (question n° 28), information pourtant fort utile.

28.Le Service de défense des habitants a demandé qu’une analyse soit effectuée pour déterminer l’opportunité de maintenir un quartier de haute sécurité dans une prison pour femmes. Il a en outre souligné la nécessité d’aménager des espaces séparés pour accueillir les détenues toxicomanes. Il a recommandé à l’Institut national de criminologie de mettre au point une stratégie pénitentiaire visant à répondre aux besoins spécifiques des femmes privées de liberté, Entre autres mesures, il préconise la construction de crèches et l’adoption de mesures d’urgence pour améliorer les conditions sanitaires et l’accès des détenues aux soins de santé. Il a également appelé à une réflexion globale sur une prise en charge autre que par des mesures privatives de liberté des personnes atteintes de troubles mentaux qui sont en conflit avec la loi. Il serait intéressant de savoir quelle suite a été donnée à ces recommandations.

29.En réponse à la question de savoir si une plainte de la part de la victime présumée était nécessaire pour l’ouverture d’une enquête pénale ou administrative en cas de torture ou de traitements cruels (question n° 30), l’État partie a répondu par la négative et indiqué que le Département disciplinaire devait prendre des mesures d’office s’il avait connaissance d’un manquement de la part d’un fonctionnaire du Ministère de la sécurité publique. Cela signifie-t-il que l’initiative doit obligatoirement venir du Département disciplinaire, ou est-ce qu’un médecin peut lui-même informer le procureur?

30.Des informations complémentaires sur le projet de loi relatif à la protection des victimes et des témoins, notamment sur son intégration dans le dispositif de lutte contre la traite des personnes, seraient appréciées. Les informations apportées par l’État partie ne permettent pas d’établir avec certitude que la traite des personnes est définie dans le droit interne conformément au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Des précisions à ce sujet seraient bienvenues. Il serait également intéressant de savoir si des poursuites pour traite de personnes ont déjà été engagées et s’il y a eu des condamnations à la suite de plaintes de victimes.

31.L’État partie affirme qu’aucun cas de torture ne s’est produit sur le territoire mais le Service de défense des habitants fait état du cas d’un habitant d’Upala qui a saisi la justice en 2000 pour dénoncer les actes de torture que lui avaient infligés des policiers. Ceux-ci ont été inculpés d’abus d’autorité et non de torture, malgré la gravité des faits qui leur étaient reprochés, et ont été condamnés à une peine avec sursis, clémence motivée par leur reconnaissance des faits. La victime n’a obtenu aucune réparation. Le Comité attire l’attention de l’État partie sur l’obligation qui lui incombe en vertu de la Convention de garantir une réparation à la victime d’un acte de torture ou d’un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Des statistiques sur les mesures de réparation ordonnées par les tribunaux nationaux et les indemnisations effectivement allouées aux victimes seraient utiles. Le Comité souhaiterait également entendre la délégation au sujet de l’absence de programmes publics de réadaptation pour les victimes.

32.Dans ses réponses écrites, l’État partie reconnaît qu’il ne s’est pas doté d’un texte législatif visant à interdire la production et le commerce de matériel spécialement conçu pour infliger des actes de torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants mais avance qu’il n’a pas à le faire en raison des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il est partie. Le Comité estime au contraire que l’État partie doit remédier à ce vide juridique et l’encourage par conséquent à revoir sa position sur ce sujet.

33.Une tendance préoccupante des autorités costa‑riciennes à associer les problèmes de délinquance et d’insécurité à l’immigration en provenance de Colombie a été observée. Il est essentiel de ne pas laisser ce type de logique xénophobe s’installer, sous peine de provoquer des violences. Il faudrait également clarifier le statut des migrants en établissant un cadre juridique précis et en faisant en sorte que tous les agents de l’État – policiers, juges, etc. – concernés par la question reçoivent une formation appropriée sur ces nouvelles dispositions.

34.MmeBELMIR demande des éclaircissements au sujet de l’apparente contradiction entre l’article 40 de la Constitution, qui dispose que toute déclaration obtenue par la violence est irrecevable, et l’article 181 du Code de procédure pénale, qui laisse entendre que les déclarations obtenues par la violence peuvent être utilisées comme éléments de preuve dans une procédure judiciaire.

35.L’état de droit ne peut exister que si l’accès à la justice est garanti. Pourtant, il semblerait que certaines minorités ethniques du Costa Rica ne puissent pas exercer ce droit fondamental. Les explications que pourra donner la délégation à ce sujet seront les bienvenues.

36.L’État partie affirme dans son rapport qu’aucun cas de torture n’a été enregistré en relation avec l’exécution d’une mesure d’extradition et que les plaintes faisant état d’actes de torture se sont révélées dénuées de fondement après enquête. Pourtant, certains rapports, notamment un rapport de 2004 de la Rapporteuse spéciale sur les droits de l’homme des migrants, font état de certains problèmes. La délégation voudra peut-être apporter des précisions.

37.Les raisons qui ont conduit à réduire le nombre d’heures consacrées aux droits de l’homme dans le cadre de la formation des forces de police et à réserver cet enseignement aux fonctionnaires de rang supérieur ne sont pas claires et devraient être exposées en détail. De même, les arguments avancés pour justifier la pratique de la détention au secret sur simple décision judiciaire ne sont pas satisfaisants et appellent un complément d’information, notamment sur les moyens de recours à la disposition des détenus.

38.L’absence de contrôle juridictionnel des décisions de refoulement ou d’expulsion des migrants est très préoccupante, tout comme le sont leurs conditions de rétention. Le Comité espère que l’État partie le tiendra informé des discussions en cours entre le Service de défense des habitants et les autorités à ce sujet.

39.Le Comité donne acte à l’État partie des nombreux efforts déployés pour améliorer les conditions de vie dans les prisons mais ne peut que constater la persistance de nombreux dysfonctionnements. Peut-être faudrait-il procéder à une évaluation concrète de la situation dans chaque établissement pour identifier clairement les causes des problèmes et mettre au point des solutions ciblées.

40.En ce qui concerne la justice des mineurs, l’État partie a signalé une baisse du nombre de mineurs privés de liberté. Il serait intéressant de savoir si cette baisse est le signe d’un recul de la délinquance des mineurs ou si elle tient au fait qu’un certain nombre de mineurs en conflit avec la loi sont pris en charge d’une autre manière ou échappent à la justice. L’État partie est encore très démuni pour ce qui est de la lutte contre la traite des enfants. Le sachant conscient de la gravité de ce fléau, le Comité espère qu’il mettra tout en œuvre pour le combattre efficacement.

41.M. MARIÑO MENÉNDEZ, rappelant le caractère absolu de l’article 3 de la Convention qui, contrairement à l’article 33 de la Convention relative au statut des réfugiés, ne prévoit aucune dérogation possible au principe selon lequel l’État partie ne peut expulser, refouler, ni extrader une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture, demande si la loi sur les migrations dont l’adoption est prévue pour juin 2008 fera ou non partie intégrante du droit interne du Costa Rica, et partant, pourra être directement appliquée par les tribunaux nationaux.

42.Il est dit dans la réponse à la question no 7 de la liste des points à traiter que les personnes dont la demande d’asile politique a été rejetée ont toujours la possibilité de solliciter le statut de réfugié. M. Mariño Menéndez voudrait savoir si le recours offert aux demandeurs est un recours en amparo auprès de la Cour constitutionnelle ou un autre type de recours; la procédure d’amparo est généralement très longue et ne convient donc pas à l’urgence qui caractérise les demandes d’asile. Il serait également intéressant de savoir quelle a été l’approche de l’État partie en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, étant donné que le terrorisme ne revêt pas en Amérique latine les mêmes formes qu’en Europe ou aux États‑Unis, et si par exemple il y a eu un débat parlementaire ou des décisions de justice à ce sujet.

43.La délégation pourrait indiquer si l’État partie a établi un système permettant aux organismes internationaux et nationaux indépendants d’effectuer des visites régulières sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté conformément à l’article premier du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et, dans l’affirmative, si l’organisation de telles visites incombe au Service de défense des habitants ou à un autre organisme spécialement conçu à cet effet.

44.Enfin, le Comité voudrait savoir si l’État partie envisage de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

45.MmeGAER demande des renseignements à jour permettant d’avoir une idée de la situation concernant la surpopulation carcérale, et sur les plaintes déposées pour abus d’autorité de la part des agents de la force publique et du personnel pénitentiaire, et voudrait savoir quelle suite a été donnée à ces plaintes, et en particulier si les victimes ont été indemnisées.

46.Mme Gaer regrette que le Département disciplinaire relevant du Ministère de la sécurité publique ne soit pas en mesure de donner des statistiques ventilées par sexe, âge, ethnie ou groupe minoritaire, et aimerait savoir si l’État partie entend remédier à cette lacune, ce qui est d’autant plus nécessaire que c’est le seul moyen pour le Comité de se faire une idée de la situation des groupes les plus vulnérables.

47.Des informations seraient bienvenues sur les mesures prises pour lutter contre les violences sexuelles dans les prisons, et notamment sur les mécanismes qui peuvent être en place pour assurer aux victimes qui souhaiteraient dénoncer de telles violences la discrétion et la protection qu’elles sont en droit d’attendre. La délégation pourrait indiquer les facteurs qui expliquent que le nombre de décès en prison − que ce soit par homicide, par suicide ou par mort naturelle − est nettement supérieur dans l’établissement La Reforma que dans les autres établissements pénitentiaires mentionnés et si l’Institut national de criminologie a l’intention de mener une enquête à ce sujet pour comprendre les raisons d’un tel état de choses.

48.Il serait intéressant de savoir si la législation costa‑ricienne protège les citoyens contre toute discrimination fondée sur l’orientation ou l’identité sexuelles et, dans l’affirmative, si l’État partie envisage de prendre des mesures visant à garantir l’égalité de tous devant la loi. L’ONG International Gay and Lesbian Human Rights Commission signale que l’article 382 du Code pénal punit la sodomie pratiquée «de façon scandaleuse» et Mme Gaer demande s’il y a eu des cas d’arrestation, de poursuites voire de condamnations en application de cet article du Code pénal et si, comme l’affirment les auteurs du rapport, cet article est discriminatoire à l’égard d’un groupe de population bien précis.

49.Pour ce qui est des plaintes dénonçant des violences sexuelles dans les prisons, il serait intéressant de savoir quelle est la procédure suivie par la police pour constater une violation de l’article 382 du Code pénal, et si le Code de procédure pénale ou tout autre texte de loi autorise l’examen des orifices naturels par la police, et par quelles dispositions l’intimité des détenus est protégée.

50.La délégation pourrait confirmer ou infirmer l’allégation de l’ONG International Gay and Lesbian Human Rights Commission selon laquelle les détenus homosexuels, bisexuels, travestis, transsexuels et intersexuels sont davantage la cible d’atteintes sexuelles et de violences physiques dans les prisons, de la part de leurs codétenus et des gardiens, et ce, avec le consentement tacite des autorités. Est-il vrai que la détention provisoire de ces personnes est statistiquement plus longue que celle du reste de la population et que le droit de visite et le droit d’être assisté par un avocat leur sont octroyés plus tardivement qu’aux autres détenus?

51.Enfin, il serait intéressant de savoir si la loi no 7586 relative à la violence familiale s’applique aux relations entre des personnes du même sexe et, si tel n’est pas le cas, quelles mesures spécifiques sont prévues pour que les homosexuels bénéficient de la même protection que les hétérosexuels dans ce domaine.

52.M. GAYE demande si le droit costa‑ricien punit la tentative d’infraction au même titre que l’infraction elle-même, et notamment la tentative de pratiquer des actes de torture. Il croit comprendre que la torture est tolérée si elle aboutit à des aveux tendant à disculper le suspect et rappelle que l’interdiction de la torture doit être absolue, faute de quoi le principe de ne pas avoir recours à la torture pour extorquer des aveux est littéralement vidé de son sens. Un complément d’information à ce sujet serait le bienvenu.

53.MmeKLEOPAS demande comment il est possible que quelqu’un puisse être détenu en l’absence d’une décision de justice et si la formation des membres des forces de l’ordre appelle l’attention de ces derniers sur le fait que l’interdiction de la torture n’est pas susceptible de dérogation.

54.Le PRÉSIDENT, prenant la parole en son nom personnel, voudrait savoir si les autorités compétentes de l’État partie ont invoqué les activités paramilitaires menées par Mario Uribe Escobar – et les violations des droits de l’homme dont il s’est rendu coupable − pour rejeter sa demande d’asile. Étant donné que les instruments internationaux priment le droit interne, il souhaiterait savoir si la Convention a déjà été directement appliquée par les tribunaux. Enfin, il demande à la délégation si elle estime que le budget consacré à la lutte contre le tourisme sexuel dans l’État partie est suffisant compte tenu de l’ampleur du phénomène.

55.M. GUILLERMET (Costa Rica) dit qu’il n’existe pas de centres de détention pour mineurs dans son pays, et qu’aucun mineur n’y est incarcéré car les juges préférèrent prononcer des peines de substitution à ceux qui ont maille à partir avec la justice.

56.Le PRÉSIDENT remercie la délégation costa‑ricienne et l’invite à répondre aux autres questions à une séance ultérieure.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 h 10.

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